François Braun : "Je demande aux médecins de faire un pas vers les Français"

  • l’année dernière
François Braun, ministre de la Santé et de la Prévention, est l'invité de 7h50. Il revient notamment sur la mobilisation des médecins libéraux, qui ont rejeté les propositions de l'Assurance maladie sur la revalorisation sous condition de leurs consultations. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50/l-invite-de-7h50-du-lundi-27-fevrier-2023-4556249
Transcript
00:00 7h47, le premier invité de ce 7 9 30 est le ministre de la Santé et de la Prévention.
00:04 Bonjour François Braune.
00:05 Bonjour Monsieur KDM.
00:06 Merci d'être avec nous ce matin pour réagir à l'échec annoncé des négociations entre
00:11 les syndicats de médecins et l'assurance maladie.
00:14 Hier, les deux principaux syndicats de médecins libéraux, l'un chez les généralistes,
00:18 l'autre chez les spécialistes, ont rejeté les dernières propositions de l'assurance
00:22 maladie sur les revalorisations des consultations.
00:24 Un milliard et demi d'euros de revalorisation, mais à condition d'augmenter leur activité.
00:29 C'est donc non, les autres syndicats ont jusqu'à demain soir pour faire connaître
00:33 leur position, mais il y a très peu de chances qu'ils signent donc un accord.
00:36 Et ce matin, très improbable, comment est-ce que vous réagissez à cet échec François
00:40 Braune ?
00:41 Tout d'abord, ce que je veux dire c'est que dans ce dossier, qui peut être un peu
00:46 compliqué parfois, dans ce dossier, le gouvernement, l'État, est du côté des Français, vous
00:50 l'avez dit, un milliard et demi sur la table, c'est plus que ce qu'on a jamais fait dans
00:54 une convention médicale.
00:55 Nous faisons un pas important vers les Français par cet investissement.
01:00 Ce que j'ai demandé et ce que je demande encore aux médecins, c'est de faire aussi
01:04 un pas vers les Français.
01:05 Alors, bien sûr, pour l'instant, il y a cette volonté de ne pas nous suivre dans ce
01:11 qui est pourtant indispensable pour améliorer la qualité des soins.
01:15 Vous savez, ces Français qui ne trouvent pas de médecin traitant, qui n'arrivent pas
01:17 à avoir de consultation, cette convention, elle est faite pour eux, elle est faite pour
01:21 améliorer la situation.
01:22 Et je n'arrive pas à comprendre pourquoi les médecins libéraux ont une position aussi
01:28 fermée.
01:29 Non mais c'est terminé là, François Braune, les autres syndicats vont dire non aussi,
01:32 il n'y aura pas d'accord d'ici demain soir, parlons clair.
01:34 Il n'y aura pas d'accord d'ici demain soir, c'est à peu près certain, vous avez raison,
01:40 même si je veux toujours croire au bon sens, je veux toujours croire au fait que nous voulons
01:46 collectivement améliorer la situation.
01:48 Et le plus fort, c'est de constater que sur cette convention qui, il faut quand même
01:53 le rappeler, valorise déjà tous les médecins.
01:56 On parle de contraintes, j'entends dire n'importe quoi, il y a d'abord une valorisation de
02:01 l'ensemble des médecins.
02:02 De 25 euros à 26,50 euros la consultation.
02:05 Oui, plus une augmentation de ce qu'on appelle le forfait médecin traitant, plus une consultation
02:10 à 60 euros pour les patients chroniques.
02:12 Bref, cette valorisation de base pour tous les médecins, c'est à peu près, j'ai eu
02:17 l'occasion de le dire, 7000 euros de plus par mois, plus le médecin traitant, 2000
02:21 de plus.
02:22 Donc on a quand même quelque chose de conséquent.
02:23 Ensuite, on reconnaît les médecins qui travaillent déjà beaucoup.
02:27 Ceux-là, il n'y a aucune contrainte supplémentaire.
02:29 Et eux vont atterrir à ces 20 000 euros de plus par an.
02:33 Pour les autres, oui, je demande un effort supplémentaire, parce que les Français ont
02:38 besoin d'avoir plus de médecins disponibles.
02:40 C'est ce contrat d'engagement territoriel que vous proposez pour avoir une consultation
02:44 à 30 euros.
02:45 Il faut que le médecin traitant suive au moins 1200 patients, employé un assistant
02:49 médical, participer aux gardes de nuit, travailler dans un désert médical ou encore le samedi
02:54 matin.
02:55 C'est pas tout ça, excusez-moi Monsieur Cadet.
02:57 C'est pas tout ça.
02:59 C'est où, où, où.
03:00 Il faut qu'il coche deux cases.
03:02 Et quand on dit faire des gardes, c'est faire une garde par mois.
03:06 Une garde par mois.
03:08 Donc arrêtons de dire que c'est une pression intolérable.
03:12 En tout cas, c'est travailler plus et les médecins disent qu'on est déjà à plus
03:16 de 55 heures en moyenne.
03:18 On ne peut pas donner plus.
03:19 C'est ce que…
03:20 C'est pas travailler plus.
03:22 Ceux qui travaillent déjà beaucoup, on leur demande rien de plus.
03:25 Ils rentreront dans le créneau.
03:27 Pour le contrat d'engagement territorial et pour la consultation à 30 euros, si.
03:31 Oui, c'est travailler différemment.
03:33 C'est travailler en exercice coordonné.
03:35 C'est travailler avec d'autres professionnels de santé, parce que ça leur permet d'avoir
03:38 plus de clientèle.
03:39 L'exercice du médecin isolé, il doit devenir une exception.
03:44 D'ailleurs, les jeunes médecins qui veulent s'installer, ils veulent travailler avec
03:46 d'autres professionnels.
03:47 C'est vers ça que va cette convention.
03:49 On passe à côté d'une occasion d'améliorer nos conditions, d'améliorer la prise en
03:55 charge de nos concitoyens.
03:56 Et en ça, je trouve que les syndicats de médecins ne sont pas responsables.
04:02 La présidente du syndicat MG France, qui a dit non hier, c'est le plus important
04:05 syndicat généraliste en France, Agnès Giannotti, explique que tous ces délégués
04:09 régionaux ont voté contre à l'unanimité et elle dit que c'est rarissime.
04:12 Qu'est-ce que vous avez manqué dans ce dialogue, François Braune ?
04:15 Ce qui est rarissime, c'est aussi les 1,5 milliards qu'on met sur la table.
04:19 Donc on est dans une situation où, pour améliorer l'état de santé, pour améliorer la couverture
04:24 médicale de nos concitoyens, nous faisons un effort important.
04:27 Je constate, je suis vraiment désolé de constater, que les syndicats de médecins ne
04:32 font pas le même effort.
04:33 Vous n'irez pas au-delà de ce 1,5 milliard ?
04:35 C'est déjà énorme, je vous l'ai dit.
04:38 C'est à peu près la moitié en plus que ce qu'on a donné à chaque convention.
04:42 Je veux juste rappeler un petit chiffre, parce que c'est des choses où on revient sur
04:45 ce 25 euros, ce 26,50 euros.
04:47 Ce n'est pas du tout la valeur de la consultation.
04:50 Un médecin a plus de 20% de son revenu qui est fait de forfaits, payés par l'assurance
04:54 maladie, je le rappelle, payés par l'argent des Français.
04:56 Ce qui fait une consultation de base aujourd'hui à 36,50 euros.
04:59 Et rajouter 1,50 euros, on pourrait considérer que c'est ridicule, c'est plus que ce
05:04 qu'on a jamais fait dans les conventions précédentes.
05:05 Donc arrêtons de dire que l'État ne fait rien, arrêtons de dire que le gouvernement,
05:10 j'ai entendu dire qu'il méprisait les médecins.
05:13 C'est insupportable d'entendre ça.
05:14 Vous savez, moi je suis petit-fils, fils, neveu de médecin généraliste.
05:18 Oser prétendre que je méprise les médecins généralistes, c'est inacceptable.
05:21 Qu'est-ce qui va se passer maintenant François Brune ?
05:23 Il va se passer un règlement arbitral, en tout cas c'est comme ça que ça s'appelle.
05:27 C'est-à-dire qu'au début des négociations, un arbitre, en l'occurrence c'est une femme,
05:31 a été désigné par toutes les parties prenantes.
05:34 C'est elle maintenant qui a trois mois pour proposer un texte.
05:38 Elle me proposera un texte et je verrai si je valide ou pas ce texte.
05:43 Et ce texte s'imposera à tout le monde pendant au moins deux ans.
05:46 Ce qu'on va surtout, on va perdre du temps.
05:49 On va perdre du temps pour réformer, pour rénover notre organisation du système de santé.
05:54 Et c'est ça qui n'est pas acceptable.
05:56 Il y a une possibilité aujourd'hui François Brune pour les médecins qui souhaitent être
05:59 mieux rémunérés, c'est se déconventionner, sortir de l'accord avec l'assurance maladie,
06:03 pratiquer des consultations sans remboursement, à des tarifs libres que seuls les plus aisés
06:07 des Français pourront se payer.
06:09 Un syndicat de médecins organise même dans quelques jours des assises du déconventionnement.
06:13 Est-ce que vous craignez un tel mouvement ?
06:14 Je ne crains pas un tel mouvement, mais ce que je constate c'est que l'état d'esprit
06:20 qu'il y a dans ces syndicats, c'est sortir du modèle de convention avec la Sécurité
06:23 sociale.
06:24 C'est-à-dire pénaliser encore plus les Français.
06:27 Vous l'avez très bien dit, créer une médecine à deux vitesses.
06:29 Seuls les riches pourront se soigner.
06:31 Ce n'est pas ça l'esprit de la Sécurité sociale, ce n'est pas ça l'esprit de la
06:35 Résistance qui a créé la Sécurité sociale, ce n'est pas ça que le gouvernement peut
06:39 porter, ce n'est sûrement pas ça que je porterai.
06:41 Qu'est-ce que vous dites aux médecins qui seraient tentés de se déconventionner ?
06:44 Parce que c'est pour eux le seul moyen d'avoir cette rémunération qu'ils estiment juste.
06:49 Vous savez, la rémunération moyenne d'un médecin généraliste c'est 90 000 euros
06:55 par an.
06:56 On peut considérer que c'est une rémunération juste quand même.
07:00 Surtout quand avec cette convention on va rajouter 20 000 euros de plus par an.
07:04 Alors je ne sais pas ce que c'est qu'une rémunération juste.
07:07 J'entends là encore des bêtises en permanence sur le sujet.
07:11 On dit que les médecins généralistes sont moins bien payés en France qu'en Suisse
07:14 par exemple.
07:15 Vous savez, il y a une très belle étude de l'OCDE qui montre qu'en France, les médecins
07:19 généralistes sont revenus, c'est trois fois le revenu moyen d'un citoyen français.
07:22 Et bien en Suisse, c'est trois fois le revenu moyen d'un citoyen suisse.
07:26 Donc arrêtons de dire n'importe quoi.
07:28 3,3% au Royaume-Uni et 4,4% en Allemagne.
07:30 Donc les médecins sont mieux payés au Royaume-Uni et en Allemagne qu'en France.
07:34 Oui, un peu.
07:35 Mais réunissons-nous plutôt tous autour de la table pour améliorer la prise en charge
07:39 de nos co-citoyens et l'état de santé des Français.
07:41 Alors cette rupture, François Braun, elle va avoir des conséquences pour les Français.
07:44 6 millions de Français sont médecins traitants dont 600 000 atteints d'une maladie chronique.
07:48 La solution que vous avanciez c'était notamment le contrat d'engagement territorial.
07:51 Il tombe à l'eau.
07:52 Qu'est-ce qui va se passer pour eux ?
07:54 Il y a d'autres solutions que nous avons préparées bien sûr pour ces Français en maladie chronique
08:00 qui n'ont pas de médecin traitant.
08:01 J'aurai l'occasion de les annoncer la semaine prochaine.
08:04 Mais nous avons mis en place un dispositif avec la Caisse d'assurance maladie.
08:08 Et vous savez, j'entends les syndicats, mais j'entends aussi les médecins sur le terrain.
08:11 Parce que je me déplace beaucoup auprès de médecins, auprès de ces fameuses CPTS,
08:16 qui sont des organisations de groupes de professionnels de santé.
08:19 Il y en a qui ont déjà dit qu'ils étaient d'accord pour travailler là-dessus avec nous.
08:23 Donc là aussi, je veux travailler avec les gens qui sont sur le terrain.
08:26 Je veux aider ceux qui travaillent déjà beaucoup.
08:28 Et je veux effectivement demander un petit effort aux autres.
08:31 Mais là, les médecins vous disent qu'on ne peut pas travailler plus.
08:34 Quels médecins allez-vous trouver pour prendre en charge ces 6 millions de Français qui
08:39 n'ont pas de médecin traitant ?
08:40 Il y a des médecins qui acceptent de travailler déjà un petit peu plus.
08:44 Vous savez, dans cette convention, quand on leur demande de prendre plus de patients,
08:50 dans la convention, c'est prendre 40 patients de plus par an.
08:55 40 par an.
08:57 Donc soyons raisonnables, c'est tout à fait faisable.
08:59 L'objectif annoncé par Emmanuel Macron de prendre en charge les 600 000 Français
09:05 atteints d'une maladie chronique, leur proposer une équipe traitante avant la fin de l'année,
09:09 il reste valide cet objectif et cette promesse ?
09:12 Bien sûr.
09:13 Vous savez, ce n'est pas parce que les représentants des médecins libéraux refusent de signer
09:18 cette convention que je vais arrêter de réformer le système de santé.
09:21 Nous allons continuer, je vais suivre ce à quoi je me suis engagé.
09:25 François Braune, rupture entre le gouvernement et les médecins.
09:30 Est-ce que vous le prenez comme un échec personnel ?
09:32 Est-ce que ça remet en cause votre volonté de poursuivre à votre poste ?
09:36 Absolument pas.
09:38 Mais je pense que vous vous en doutiez.
09:40 Vous savez, j'ai la tête dure.
09:42 Comme je vous le disais, je connais bien le système de santé, que ce soit du côté
09:46 de l'hôpital, que ce soit du côté de la médecine libérale.
09:49 Je sais comment l'améliorer, je sais comment mieux répondre aux besoins de santé des
09:53 Français et je vais continuer dans cette voie qui m'a été confiée par le président
09:57 de la République et la Première Ministre.
09:58 Même si le fil, le lien est rompu avec les médecins, manifestement ?
10:01 Le lien n'est pas rompu.
10:02 Nous discutons de façon virile mais correcte pour faire une référence au match de rugby
10:09 d'hier.
10:10 Merci à vous François Braune, invité de France Inter ce matin, ministre de la Santé
10:14 et de la Prévention.
10:15 Bonne journée à vous.

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