Impossible de nier l’influence de certains lieux dans l’inspiration des artistes. Le Terminus bar en est l’un d’entre eux. C’est dans ce petit bistrot de quartier tenu par Annette, à Rennes, que le duo derrière l’étiquette « schlag wave », Gwendoline, nous a donné rendez-vous. Des discussions de comptoir à l’ambiance humide des fins de soirées un peu trop arrosées, Pierre et Micka, dans cette pièce rectangulaire au zinc qui respire bon le houblon et les vieux disques, nous racontent avoir en partie puisé l’inspiration de leur premier album « Après c’est gobelet ». Il y est question de bitures entre amis, de PMU et d’un monde en déroute où le sentiment de ne plus y avoir sa place se fait un peu trop sentir. Impossible donc, de ne pas aborder ces sujets, pinte à la main, accoudé au zinc. Rencontre.
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MusiqueTranscription
00:00 Est-ce qu'il y a un endroit comme ça dans la société
00:02 où tu te retrouves avec des gens qui t'as rien à voir,
00:05 où il peut y avoir des parcours de vie ou des choses inavouables,
00:08 de tous âges, etc.
00:09 Le seul endroit où tu peux venir comme tu es.
00:11 Tout le monde est un peu "schlagoué" quelque part dans sa vie.
00:21 On s'est pas dit "tiens, on va faire de la musique engagée,
00:25 on va revendiquer des choses".
00:27 Le truc qui définirait Gwendoline, c'est ça en fait.
00:29 Salut Jacques, c'est Gwendoline.
00:43 On est devant le Terminus Bar.
00:44 C'est là qu'on avait composé plus ou moins le premier album.
00:47 On y va.
00:48 Eh le manette !
00:50 Quand même.
00:52 C'est pas mal.
00:53 C'est pas mal.
00:54 C'est pas mal.
00:55 C'est quand même...
00:56 Ouais, c'est bien.
00:57 C'est bien.
00:58 C'est bien.
00:59 Et ben Annette, c'est la tenancière du Terminus Bar.
01:04 Moi j'ai passé 3-4 ans à habiter en bas de la rue.
01:09 À la base, on était juste deux potes qui se retrouvions.
01:12 Puis c'est venu tout seul,
01:13 vu qu'on était habitués à faire de la musique ensemble,
01:14 on a refait de la musique.
01:15 Puis au bout de 3 semaines, on a fait "Oh, il y a 9 morceaux, bon...
01:18 Allez, on le met sur un bandcamp pour les copains".
01:20 Il s'est rien passé en fait pendant 2 ans
01:22 parce que le disque, on l'a jamais poussé.
01:24 On n'est pas allé voir des gens pour leur dire "écoutez notre musique".
01:27 Sauf que petit à petit, il y a eu des gens qui,
01:30 de par bouche à oreille, s'y sont intéressés.
01:32 On voulait porter le projet.
01:34 Et puis c'est là que, de fil en huille,
01:38 on a été mis un peu sur le devant de la scène avec les troncs.
01:41 Et puis il s'est passé plein de trucs après.
01:51 Dans la salle du fond, là-bas, on pousse le billard en fait.
01:54 Et il y a des gens qui ramènent une sono.
01:57 Du coup, il y a des concerts là.
01:59 Des super concerts d'ailleurs.
02:00 Il y a un truc à scanner,
02:01 puis tu pousses le billard contre le mur là-bas.
02:03 Et quand on a joué, on était plus là.
02:06 Parce que les gens là, comme ça...
02:07 Ouais, il y a des gens là.
02:08 Et puis c'était hyper bien.
02:10 Ça faisait depuis le début, on s'était dit
02:11 si un jour on fait un concert, on pourra jouer au Terminus.
02:14 On est venus à 12h du matin
02:18 Partir en rosette en bobinette
02:22 Avec tous les copains
02:24 Ce qui change ici, c'est qu'il y a une rencontre...
02:26 Enfin, dans des lieux comme ça,
02:27 t'as une rencontre humaine en fait.
02:29 Puis il y a une histoire de contexte, moi,
02:30 ce que j'aime bien aussi,
02:31 où les gens qui regardent le concert,
02:34 ils sont collés à toi.
02:35 Après, tu sors pas par derrière de la scène,
02:37 sur un espace élevé, etc.
02:39 Là, tu es tout de suite avec les gens,
02:41 et tu bois un coup, et tu débriefes, et tu parles.
02:43 Enfin, il y a une vraie rencontre.
02:44 T'as pas ça quand t'es sur une grosse scène
02:47 et que les gens se montrent plus bas.
02:49 Je pense à ce bar aussi, surtout,
03:01 parce que quand on était assis à cette place même,
03:03 d'ailleurs, je crois,
03:04 il y avait Jean-Louis qui organise des concerts
03:06 dans une asso,
03:07 et c'était la fermeture, et il disait
03:09 "Ouais, bon après, c'est gobelet, quoi."
03:12 Et du coup, c'est comme ça qu'on a donné le nom
03:14 de l'album, en fait, ce soir-là.
03:16 De temps en fait, de la journée, on se marrait,
03:18 on buvait des coups dans l'appart,
03:19 on écrivait des trucs à la comm'
03:21 après, on venait là au bar,
03:22 après, on continuait à boire des coups.
03:24 Il se passait autre chose,
03:25 on voyait d'autres gens ici,
03:27 ça nous inspirait,
03:28 on revenait complètement bourrés,
03:30 on continuait à chanter des trucs, etc.
03:33 Enfin, en fait, je pense,
03:34 tout l'esprit qu'il y a eu ici,
03:35 ça a beaucoup nourri.
03:38 "Embrassez-moi de mes embarras,
03:41 embrassez-moi dans le débarras,
03:44 débranchez-moi de mes postulats..."
03:47 Et on avait passé une soirée là,
03:49 comme ça, avec nos carnets,
03:52 on était bien sous,
03:53 et on écrivait plein de choses,
03:55 de tout ce qu'on entendait,
03:56 et puis on est retournés là-bas,
03:58 donc c'était à 100 mètres en bas,
04:00 l'appart de Mickaël et d'Aloïs,
04:02 et puis directement, on enregistrait
04:05 cette phrase qu'on avait trouvée
04:06 qui nous paraissait incroyable,
04:07 et le lendemain, on se réveillait,
04:08 en mode gueule de bois,
04:09 de "non, c'est nul".
04:10 Ça a été un peu ça,
04:11 tout le truc de l'album, en fait.
04:13 C'est inavouable, c'est pas possible,
04:15 et puis à la fin, on l'a sorti,
04:16 parce que ça nous faisait quand même bien marrer.
04:18 Je crois que c'est "Hamser" aussi qu'on a écrit,
04:20 c'est pas magnifique.
04:21 "Chevalier Ricard" aussi,
04:22 le refrain, parce que c'est du monde de DC.
04:24 "Elle a pas de nom,
04:27 elle m'appelle au comptoir,
04:29 chevalier du soir,
04:30 j'ai pas les questions,
04:33 puis racontez d'ici..."
04:34 Le truc qui définirait "Gwen Dolin",
04:37 c'est ça, en fait,
04:38 c'est genre, t'es dans le bar,
04:39 t'es dans cet espèce de monde
04:40 qu'on vient de citer là,
04:42 et quand tu sors du bar,
04:43 tu reviens dans tout le tas
04:46 de gyropodes, de machins,
04:48 de costards, de start-up.
04:51 Du coup, ça crée vraiment
04:52 un parallèle hyper bizarre.
04:54 "Start-up et open space,
04:58 ouais, c'est super viral."
05:01 Je suis la "Gwave", après,
05:03 je pense que tout le monde
05:04 est un peu "schlag-wave"
05:05 quelque part dans sa vie.
05:06 Je pense que le "schlag" en soi,
05:07 ça veut dire que juste
05:09 si t'arrives des couilles
05:10 et que t'as pas vraiment
05:12 la main dessus,
05:13 et tu fais rien pour que
05:14 ça s'arrange,
05:15 t'es même pas en capacité mentale
05:17 de te dire "ah, il faudrait
05:18 que je fasse ça pour que..."
05:19 Du coup, c'est un peu ça,
05:20 je pense, dans la vie
05:21 de tous les jours,
05:22 le mot "schlag".
05:23 Dans la musique, à ce moment-là,
05:24 on était un peu comme ça
05:25 dans notre attitude,
05:26 on savait pas,
05:27 on avait même pas d'objectif,
05:28 et du coup, ben voilà.
05:29 -T'as raison,
05:30 et puis l'album même,
05:31 c'était aussi ça,
05:32 il y avait pas de lendemain,
05:33 on savait pas que ça allait
05:34 être un album,
05:35 on faisait juste des morceaux
05:36 un par un pour se marrer.
05:37 On venait ici,
05:38 tout notre mode de vie,
05:39 il était sans lendemain,
05:41 c'était vraiment une érange,
05:42 c'était bien.
05:43 -Moi, je me disais ça dans ma tête,
05:45 la Terre entière me déteste,
05:47 et du coup,
05:48 je vais ouvrir ma gueule,
05:49 je vais faire une chanson, quoi.
05:51 Mais en aucun cas,
05:52 c'est pour ça qu'on s'était dit
05:53 "vas-y, on va faire un groupe
05:54 de ce truc-là,
05:55 on va faire des concerts."
05:56 C'était vraiment lâcher notre haine
05:59 quelque part au fond de nous,
06:01 tout un truc de société aussi,
06:04 où il y avait la politique
06:05 à ce moment-là,
06:06 où t'avais l'essor d'En Marche.
06:08 -Regardez la ville aussi,
06:10 ce que devait l'ARN,
06:11 tout ça,
06:12 ce qu'on était, nous,
06:13 dans notre vie,
06:14 il y avait ce truc où ça...
06:15 Je sais pas,
06:16 il y avait tout ça qui arrivait,
06:17 et puis en fait,
06:18 nous, on était encore
06:19 un peu comme ça, bloqués,
06:20 un peu en marge,
06:21 on savait pas où on allait.
06:22 -C'est plus que c'était
06:23 vraiment instinctif,
06:25 sans projet, sans avenir,
06:27 on se plaignait juste
06:29 et on rigolait
06:30 de notre propre situation,
06:31 de se plaindre.
06:32 On s'est pas dit,
06:33 "Tiens, on va faire
06:34 de la musique engagée,
06:35 on va revendiquer des choses."
06:36 -Il y a un effondrement
06:49 du bistrot, en général.
06:51 -Faudrait en parler avec Annette,
06:52 plutôt que sur la rivière.
06:53 -Je sais pas,
06:54 l'autre fois,
06:55 je suis allé dans un bar
06:56 et en fait, le ricard,
06:57 il était à 4 balles.
06:58 Et je me demandais
06:59 pourquoi il est à 4 balles,
07:00 le ricard,
07:01 et on me le fait
07:02 parce que je veux pas
07:03 qu'il y ait de poivreaux
07:04 qui viennent picoler la journée.
07:05 C'est peut-être
07:06 l'état d'esprit, en fait,
07:07 juste des gens
07:08 qui veulent entreprendre des choses
07:09 et faire du fric,
07:10 qui se disent des trucs comme ça,
07:11 qui sont dans le refus
07:12 d'accepter un peu
07:13 la tristesse de certains.
07:14 -Est-ce qu'il y a
07:15 un endroit comme ça
07:16 dans la société
07:17 où tu te retrouves
07:18 avec des gens
07:19 qui t'ont rien à voir,
07:20 qui peuvent avoir
07:21 des parcours de vie
07:22 ou des choses inavoidables,
07:23 de tous âges, etc.?
07:24 Et en fait,
07:25 d'un coup, tu t'en fous.
07:26 Le seul truc qui compte,
07:27 c'est que tu vas parler
07:28 de n'importe quoi,
07:29 de la boisson,
07:30 de ses seins.
07:31 -Que tu sois triste
07:32 ou heureux,
07:33 tu pourras toujours
07:34 trouver quelque part
07:35 un réconfort
07:36 que tu bois de la tise
07:37 ou pas.
07:38 Internet, en fait,
07:39 c'est arrivé,
07:40 t'as les téléphones,
07:41 machin,
07:42 où les gens
07:43 peuvent se rencontrer
07:44 différemment.
07:45 Et du coup,
07:46 ça a dû changer aussi,
07:47 c'est la donne
07:48 à ce niveau-là
07:49 où on n'a plus besoin
07:50 de lieux un peu fun
07:51 où on peut se rencontrer
07:52 à l'arrache.
07:53 -Ouais, alors le bistrot idéal,
08:06 ça serait déjà une personne
08:07 qui est tout le temps là,
08:08 c'est son lieu.
08:09 Il y aurait un mélange
08:10 de bistrot de quartier
08:11 avec des gens
08:12 juste qui habitent
08:13 à cet endroit-là
08:14 et qui viennent,
08:15 tous confondus
08:16 en termes d'âge, etc.
08:17 Et puis quand même,
08:18 un accès à la culture
08:19 avec des clés,
08:20 avec de la culture,
08:21 avec des concerts.
08:22 -Bonne idée d'ouvrir un bar.
08:23 Le terminal, ouais.
08:27 -Ça serait...
08:29 Ouais, ça serait bien
08:30 d'ouvrir un bar.
08:31 ...
08:32 ...
08:33 ...
08:34 ...
08:35 ...
08:37 ...
08:39 ...
08:40 Merci à tous !
08:42 [SILENCE]