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Général Vincent Desportes, ancien directeur de l’École de guerre, répond aux questions de Dimitri Pavlenko.
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Transcription
00:00 7h12 sur Europe 1, Dimitri Pavlenko, vous recevez l'ancien directeur de l'école de guerre, le général Vincent Déporte.
00:07 Bonjour Vincent Déporte.
00:08 Bonjour.
00:08 Bienvenue sur Europe 1.
00:09 Depuis ce week-end, les armées françaises se livrent à un exercice militaire grandeur nature,
00:14 d'une ampleur inédite depuis la guerre froide, nom de code Orion.
00:18 Qu'est-ce que c'est que cet exercice Orion, général Déporte ?
00:22 C'est un exercice majeur qui vise simplement à préparer les armées françaises aux guerres qu'elles pourraient avoir à conduire, c'est-à-dire on a compris depuis un certain temps,
00:32 et cet exercice a été préparé bien avant la Crimée, que les guerres de demain ne ressembleraient probablement pas aux guerres que nous avons conduites pendant 20 ou 30 ans,
00:42 c'est-à-dire des petites guerres, enfin des guerres, mais des guerres avec peu de matériel, les guerres de demain seront probablement semblables aux guerres,
00:49 à la guerre terrible qui se conduit aujourd'hui en Ukraine, eh bien il faut s'y préparer, nous ne l'étions plus, il fallait s'y entraîner.
00:54 J'aimerais qu'on s'arrête sur le scénario d'Orion, parce que, en fait, ce scénario nous en dit long aussi sur cette, comment dire,
01:02 les anticipations que l'état-major fait de la guerre, des guerres possibles pour la France à l'avenir.
01:07 Qu'est-ce que c'est le scénario exact d'Orion ?
01:09 Le scénario, c'est le premier, il y a deux exercices terrains différents, il y a aujourd'hui, pendant une dizaine de jours, depuis le 25 février jusqu'au 10 mars à peu près,
01:21 et après une deuxième phase fin avril début mai.
01:23 Le premier scénario simule, ou nous prépare très exactement, à ce que nous appelons une entrée en premier,
01:30 de manière à pouvoir rentrer sur un territoire qui est tenu par notre ennemi, et dans lequel nous devons rentrer pour réaliser une mission militaire.
01:40 Donc c'est ce qu'on appelle une entrée en premier, qui se fait dans différents champs, dans différents espaces, donc c'est évidemment une opération interalliée,
01:49 on va façonner le terrain, ensuite projeter une force, qui est projetée de deux manières, on l'a vu sur les plages de la Méditerranée, projetée par une force amphibie,
01:58 et également, et c'est le plus important, projetée par une force aérolarguée, notre brigade parachutiste qui est mise au sol.
02:07 Et une deuxième phase, donc dans un mois à peu près, un peu plus d'un mois, qui est une phase que nous appelons de haute intensité,
02:13 c'est-à-dire que profitant de l'exercice, de la présence de terrain de manœuvre sur lequel nous pouvons tirer,
02:20 nous allons déployer une force blindée, mécanisée, des chars, des transports de troupes, de l'artillerie, appuyée par l'aviation évidemment,
02:27 et nous allons nous entraîner exactement au combat qui est conduit aujourd'hui par, hélas, les Ukrainiens et les Russes à demi kilomètres de chez nous.
02:37 - Alors il y avait 7000 militaires mobilisés pour les opérations de ce week-end, il y en aura encore plus pour les opérations suivantes,
02:45 nos alliés vont participer également, les Allemands, les Britanniques, les Américains aussi en version simulée je crois,
02:52 et puis l'idée étant d'impliquer également des civils, plusieurs ministères vont être embarqués dans ces exercices qui seront menés à partir du mois prochain, Général des Portes,
03:02 c'est cette idée que la nation tout entière peut entrer en guerre ?
03:05 - Alors d'abord, vous savez, la guerre c'est pas l'affaire des armées, la guerre c'est l'affaire d'une nation,
03:11 et on voit bien dans le cas de l'Ukraine ce qui fait que l'armée tient...
03:14 - On a une vision un peu déformée par les opérations extérieures menées en Afrique, etc.
03:18 - Exactement, vous avez raison, on a conduit ce qu'on pourrait appeler des actions de police internationale qui finalement n'impliquaient pas la nation française,
03:24 et pour laquelle se sentaient assez peu concernées.
03:28 Quand la nation est attaquée, c'est la nation qui se défend, en fait, dans une guerre de haute intensité,
03:34 tout citoyen participe d'une manière ou d'une autre à la guerre, et donc il faut que les différents ministères s'entraînent,
03:41 et puis surtout, il faut, et c'est à quoi s'emploient le gouvernement et les armées, il faut créer une résilience.
03:48 Qu'est-ce qui fait tenir l'armée ukrainienne ? C'est le fait que chaque Ukrainien veut absolument que l'Ukraine vive.
03:54 Il faut donc que les Français reprennent conscience de la menace et s'impliquent également dans leur défense,
04:00 et que l'esprit de défense revienne, c'est fondamental.
04:02 - Général Deporte, je vais citer le titre d'un de vos ouvrages en 2015, "L'être français qui croit encore être défendu".
04:09 C'est plutôt inquiétant comme titre. Est-ce qu'on est mieux défendu aujourd'hui ?
04:12 Est-ce que cette opération Orion apporte la preuve que l'armée française est en mesure de se défendre ?
04:17 - Eh bien moi, j'ai jeté ce cri d'alarme en 2015, j'étais un de ceux qui ont participé à cette prise de conscience.
04:25 - On est un an après l'invasion de la Crimée, le début de l'invasion russe dans le Donbass, etc. à ce moment-là.
04:29 - Exactement, on le comprend, et je le comprends, moi je l'ai écrit dans ce livre qui a été le grand prix de l'Académie française.
04:33 - Enfin l'invasion, l'annexion de la Crimée, pardon. - Exactement, l'annexion.
04:36 Et on comprend bien que la guerre peut avoir de multiples formes et qu'on a vécu pendant,
04:41 dans ce qu'on peut appeler, ce qu'on appelle un certain confort opérationnel,
04:44 dans lequel on conduit de petites opérations face à un ennemi qui finalement est faible.
04:48 Et que la France n'est pas capable de conduire d'autres guerres,
04:50 ces guerres qui viennent et qui sont venues en Europe depuis un an.
04:54 Et donc il fallait s'y préparer. Et oui, tout ça a finalement eu des effets puisqu'à partir de 2018,
05:01 la loi de programmation militaire initiée par le président Macron,
05:05 qui a été une loi de réparation, a permis un peu de reconstruire l'armée française.
05:11 - Il y a eu un réveil stratégique à ce moment-là. - Il y a eu un réveil stratégique.
05:14 Alors qui a beaucoup aidé à ça ? Evidemment c'est Daesh qui a fait prendre conscience à partir de 2015
05:22 des attentats du Bataclan et les autres.
05:26 Que la guerre pouvait revenir sur le sol et que cette guerre pouvait avoir cette forme-là,
05:30 mais elle pouvait avoir aussi la forme brutale et barbare qu'elle a aujourd'hui en Ukraine.
05:35 Eh bien nous n'étions pas préparés. Pourquoi ? C'est pas l'armée qui n'est pas préparée, c'est la France.
05:39 C'est-à-dire que la France a décidé à partir du tournant des années 90
05:44 que le métier des armées maintenant se faisait en dehors du territoire national pour de petites opérations.
05:49 - Il n'y a pas que la France générale des portes. Toutes les grandes armées, l'OTAN a arrêté les grandes manœuvres en 2002,
05:53 six armées dix ans plus tard, etc. Il y a eu une pause générale quand même.
05:57 - Il y a eu une pause générale. Mais quand vous dites l'OTAN, non.
05:59 Les pays européens, l'OTAN, parce que les États-Unis ont toujours cru à ça et s'étaient toujours entraînés.
06:05 Donc il a fallu revenir aux réalités. Aujourd'hui l'armée française est une armée qui s'est préparée
06:12 à la guerre qu'on lui a demandé de faire. Elle était excellente, mais désormais la guerre de demain, hélas,
06:17 ce sera une guerre de la nation face à des armées qui pourraient effectivement chercher à l'envahir et à tuer nos libertés.
06:22 - Merci Général Vincent Desportes d'être venu nous voir ce matin sur Europe 1.
06:26 Le titre de votre dernier ouvrage "Devenez leader" s'est paru chez Odile Jacob.
06:31 Bonne journée à vous. Il est 7h19 sur Europe 1.
06:33 - À suivre, dans moins de cinq minutes, le jour où votre rendez-vous quotidien avec les archives d'Europe 1.
06:38 - On va changer d'ambiance, c'est la Fashion Week de Paris en ce moment.
06:41 Hommage ce matin au créateur Paco Rabanne qui nous a quittés au début du mois de février.

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