Chaque jour, Wilfried Devillers et ses invités font un point complet sur l'actualité.
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00:00 (Générique)
00:02 Europe 1 Midi, Wilfried de Villers
00:04 (Générique)
00:06 -Midi 36 sur Europe 1, on parle à présent d'une sécheresse hivernale historique en France.
00:11 Entre janvier et février, la France a connu une série de 32 jours consécutifs sans pluie du jamais vu,
00:17 depuis le début des enregistrements pluviométriques.
00:19 C'est dans ce contexte de sécheresse que le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchut,
00:23 a rencontré cette semaine les préfets des zones les plus touchées,
00:26 les incitant à prendre des restrictions d'eau dès à présent.
00:29 Pour parler de cette sécheresse et de ses conséquences,
00:31 nous sommes avec la climatologue Lola Valero, bonjour.
00:35 -Bonjour.
00:37 -Avec nous également Nicolas...
00:38 -Je ne suis pas climatologue par contre.
00:41 -Ah pardon.
00:42 -Je suis directrice du programme Climat à Lydry.
00:44 -Voilà, directrice du programme Climat à Lydry, c'est rectifié.
00:48 Et puis nous sommes aussi avec Nicolas Giraud, bonjour.
00:51 -Bonjour.
00:52 -Vous êtes éleveur dans le Jura et porte-parole de la Confédération Paysanne.
00:56 Lola Valero, on commence par vous, comment est-ce qu'on est arrivé à cet état de sécheresse historique ?
01:01 Comment expliquer cette situation actuelle ?
01:05 -La sécheresse actuelle, elle est aussi une conséquence de l'été extrêmement chaud qu'on a eu l'été dernier.
01:13 Si on relève un petit peu la tête, on a eu une sécheresse très grave l'été dernier.
01:17 Là on a une situation exceptionnelle due à une absence de précipitation
01:22 et aussi un faible enneigement qui fait que ces difficultés, on peut penser, vont continuer à être ressenties dans les mois qui viennent.
01:32 Donc vraiment une situation grave en termes de disponibilité de l'eau.
01:36 Mais juste pour dire que cet état actuel, c'est aussi une illustration des effets du changement climatique
01:42 parce que ce type d'événements, ils sont déjà beaucoup plus fréquents que par le passé,
01:47 mais c'est une tendance qui devrait continuer, d'autant plus si on ne réduit pas assez nos émissions.
01:52 -Lola Valero, ça n'était jamais arrivé, 32 jours consécutifs sans pluie en l'espace d'un mois environ ?
01:58 -Oui, il y a des situations exceptionnelles liées à l'absence de précipitation et de pluie en ce moment.
02:05 Mais encore une fois, ce qu'il faut voir, c'est qu'on est quand même sur une tendance qui n'est pas étonnante
02:11 et des prédictions qui sont faites à nombreuses reprises par des climatologues et des scientifiques.
02:16 Sur le fait qu'on est déjà dans une période de réchauffement climatique,
02:21 on a déjà gagné près de 2 degrés en moyenne en France par rapport à l'air pré-industriel
02:28 et on pourrait arriver à atteindre entre 3 et 6 degrés suivant si on arrive à maîtriser nos émissions au niveau international.
02:37 Donc il faut encore se préparer et je pense qu'au moins la situation d'urgence qu'on vit maintenant,
02:43 elle est l'occasion de parler d'enjeux beaucoup plus structurels et de mettre sur la table la question de la sobriété en eau.
02:51 Parce qu'on a parlé de sobriété énergétique cet hiver.
02:54 -Justement c'est ce qu'a demandé Lola Valero Emmanuel Macron quand il était lors de sa visite au salon de l'agriculture samedi.
03:01 Et sur ses conséquences de la sécheresse, il a parlé de la sobriété sur l'eau.
03:08 Et justement sur cette question des conséquences Nicolas Giraud,
03:13 je rappelle que vous êtes porte-parole de la Confédération Paysanne,
03:16 l'agriculture est particulièrement touchée par cette sécheresse historique.
03:21 Est-ce qu'il faut une évolution de notre modèle agricole pour qu'il soit plus économe en eau ?
03:26 Est-ce que ça paraît essentiel maintenant ?
03:28 -Je pense que ça paraît en effet indispensable.
03:31 On ne pourra pas se passer de ça et le faire maintenant.
03:35 On a encore quelques latitudes pour le faire.
03:38 Plus on attendra, plus ce sera difficile et plus ce sera violent.
03:42 Donc l'enjeu est réellement de comment est-ce qu'on arrive à avoir un modèle agricole plus sobre,
03:48 qui s'adapte plutôt à son environnement plutôt que l'inverse.
03:52 C'est-à-dire qu'aujourd'hui on a plutôt un modèle agricole qui cherche tous les artifices
03:57 pour arriver à continuer à produire de la même manière.
04:00 Les méga-bassines en sont un exemple criant.
04:04 Aujourd'hui, vous l'avez très bien dit, on subit deux sécheresses de suite.
04:11 Une sécheresse hivernale, des nappes à un niveau bas, voire très bas sur certains territoires.
04:15 Et pourtant, les bassines qui ont été construites sur certains territoires ont été remplies cet hiver.
04:20 Quand on me parle d'anticipation, j'aurais bien aimé qu'on parle d'anticipation également
04:25 dès le début de l'hiver pour ces remplissages.
04:27 -On vous entend, il y a eu donc ce manque d'anticipation.
04:30 Girod, concrètement pour vous, qui êtes éleveur dans le Jura, producteur de fromage,
04:34 comment vous ressentez les effets de la sécheresse aujourd'hui ?
04:38 Et puis est-ce que ça vous inquiète ? Qu'est-ce que ça va être cet été pour vous ?
04:42 Comment ça se concrétise ?
04:44 -Pour moi sur ma ferme et pour presque l'ensemble des éleveurs et des éleveuses en France,
04:48 comment ça se concrétise ?
04:50 Ça s'est concrétisé l'an dernier par la nécessité de rentrer les animaux dans les bâtiments
04:56 et de leur amener du fourrage en été parce qu'ils n'avaient plus à manger à l'extérieur.
05:00 Ce fourrage-là, normalement, il est destiné à alimenter les animaux l'hiver,
05:04 soit quand il y a de la neige, soit quand il fait froid,
05:06 soit quand il n'y a plus d'herbe à l'extérieur.
05:09 Donc on a entamé nos stocks pendant l'été dernier.
05:12 Ces stocks-là, on a continué à les manger cet hiver.
05:16 Là, les granges vont bientôt être vides, il n'y aura bientôt plus de fourrage.
05:19 Il va falloir qu'on en refasse cet été et qu'on en refasse massivement
05:22 pour avoir un peu d'avance pour les années suivantes,
05:26 pour justement pouvoir arriver à anticiper.
05:28 Et la grosse crainte, c'est qu'avec un printemps,
05:31 comme on voit arriver avec déjà un manque d'eau,
05:35 il y aura une pousse de l'herbe qui sera insatisfaisante,
05:38 il y aura une pousse des céréales également qui va être compromise.
05:42 Et tout ça, ça va compromettre les récoltes, ça va compromettre les cultures.
05:46 Donc nécessité de re-réfléchir comment est-ce qu'on envisage ces changements-là.
05:52 - Et Nicolas Giraud, la conséquence là-dessus, c'est aussi que vous,
05:58 comment ça va se passer ? Vous allez devoir augmenter les prix,
06:01 par exemple, de vente de vos fromages, ça va se répercuter sur le consommateur,
06:04 ça va se répercuter sur vous, agriculteur ?
06:07 - Ce qui va être répercuté déjà, c'est forcément une difficulté à produire autant.
06:12 Donc il faudra aussi réinterroger nos mécanismes,
06:17 comment est-ce que l'agriculture française et européenne s'est bâtie
06:21 sur un "produire plus" depuis les années d'après-guerre,
06:24 et peut-être réinterroger ce modèle-là,
06:27 parce que le "produire plus" il ne va pas tenir face à ce dérèglement climatique.
06:31 - Mais vous, vous êtes content d'augmenter vos prix ?
06:33 - Il va falloir produire mieux, et on peut, en produisant mieux,
06:36 répondre à la souveraineté alimentaire, aux enjeux nationaux, européens et mondiaux.
06:41 Il y a par exemple un levier qui est sur le gaspillage,
06:44 on gaspille au niveau mondial à peu près 30% de ce qu'on produit
06:47 à l'échelle de la production, de la transformation ou de la distribution,
06:50 et même de la consommation bien entendu,
06:52 et donc là, il y a un levier, il y a un levier important par exemple.
06:55 - Très bien, merci Nicolas Giraud d'avoir accepté de répondre à nos questions,
07:00 et merci aussi à Lola Valero, directrice du programme Climat2 Lydrie.