Nous avons rencontré Julie Bourges à l'occasion de la parution de son ouvrage "Chaque jour compte". Elle nous livre le récit poignant du jour qui a changé à jamais sa vie. Grande brûlée, elle a dû réinventer son quotidien et son regard sur elle-même.
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00:00 du jour au lendemain, mon corps tout entier devient un complexe
00:02 vis-à-vis de moi, vis-à-vis des hommes, vis-à-vis de mes potes.
00:04 Je m'appelle Julie Bourges, plus connue sous le pseudo 12 Février sur les réseaux sociaux.
00:12 Je suis créatrice de contenu, auteur.
00:14 Je vais vous parler de mon ouvrage "Chaque jour compte" et de mon histoire.
00:16 Le 12 février 2013, c'était le carnaval organisé par mon lycée.
00:19 Avec mon amie, on avait décidé de se confectionner un costume de mouton.
00:22 Et à la fin de cette journée, qui se passe tout à fait normalement,
00:25 on décide de fumer une dernière cigarette et mon costume s'enflamme sur moi.
00:29 Les costumes sont tellement inflammables que je ne peux rien faire
00:33 hormis me lever, courir et appeler au secours.
00:35 J'ai une voisine qui a entendu mes cris, puisqu'on était à quelques pas de chez moi.
00:40 Elle a éteint avec un tuyau d'arrosage les restes du costume.
00:43 Je me suis réveillée en fait trois mois plus tard.
00:45 Le dernier souvenir que j'ai de cette journée, c'est ce masque
00:48 que me posent les pompiers sur le visage pour m'endormir.
00:50 Quand on vit brûler, on fait face à beaucoup de choses.
00:53 La première, c'est évidemment toute la reconstruction par laquelle ça passe.
00:56 Donc toutes ces périodes de rééducation,
00:58 réapprendre à manger, à boire, à parler, se protéger du soleil aussi énormément.
01:02 Vivre brûlé, c'est aussi faire face à cette différence.
01:05 Déjà face à soi-même, parce qu'évidemment,
01:07 tout ce qu'on connaissait du nous d'avant a complètement disparu.
01:10 Quand on parle d'une peau brûlée, on parle d'une peau qui ne reviendra jamais comme avant.
01:13 C'est une des premières choses qu'on nous apprend.
01:14 Et puis, être vivre brûlé, c'est aussi batailler pour avoir des indemnités,
01:18 parce qu'aujourd'hui, être brûlé, ça représente plus un handicap physique,
01:22 hormis si on fait face à une amputation.
01:23 Mais sinon, c'est plus un handicap physique que moteur.
01:26 Du jour au lendemain, mon corps tout entier devient un complexe
01:29 vis-à-vis de moi, vis-à-vis des hommes, vis-à-vis de mes potes.
01:31 Et c'est quelque chose d'assez dur à expérimenter.
01:34 J'ai eu beaucoup de thérapie pour aller mieux.
01:36 C'est un peu ce que je réunis d'ailleurs dans mon dernier ouvrage « Chaque jour compte ».
01:39 Il y a évidemment le sport qui m'a sauvée, ce mental vraiment compétitif.
01:43 La famille, les amis, le fait d'être méga entouré.
01:45 Les réseaux sociaux aussi, le fait de partager toute cette histoire sous le pseudonyme de la date.
01:51 Ça a permis de donner un sens beaucoup plus positif au partage de cette histoire
01:54 que ce que ça ne l'était à la base.
01:56 Ce qui est assez ouf, c'est qu'au fil des années,
01:58 et jusqu'à là, il y a quelques jours pour les 10 ans,
02:01 chaque 12 février, je le vivais un petit peu comme un moment de recueillement,
02:04 peut-être presque un moment de deuil, je dirais,
02:06 où je m'obligeais presque à revivre un petit peu cette date
02:10 et à me dire « Astercy, ta vie, elle a été bousculée ».
02:13 Ce qui est assez différent là, sur les 10 ans, c'est que je pense que la boucle, elle est bouclée.
02:17 Déjà parce que je me définis plus que par mon accident.
02:21 Mon accident, il m'est arrivé, mais aujourd'hui, j'ai fait tellement de choses grâce à ça,
02:24 autour de ça, mais aussi à force de volonté et de courage,
02:27 que je sais qu'aujourd'hui, ce n'est pas mon accident ou mes cicatrices qui me définissent,
02:30 c'est plutôt ce que j'en ai fait.
02:31 Aujourd'hui, je suis beaucoup plus dans une phase d'acceptation.
02:33 Déjà, j'ai arrêté d'imaginer mon corps sans cicatrices,
02:36 ce qui est déjà un très grand pas.
02:38 Si je devais revenir 10 ans en arrière et que je pouvais voir la Julie dans son lit d'hôpital
02:42 qui est bandée de la tête aux pieds,
02:44 je lui dirais que si elle ne se sent pas représentée,
02:45 elle peut se représenter elle-même.
02:47 Voilà, c'est aussi simple que ça.
02:49 [SILENCE]