Chroniqueur: Jeff Wittenberg
Jeff Wittenberg reçoit Marc Ferracci, député et vice-président du groupe Renaissance à l'Assemblée nationale, dans Les 4 vérités.
Jeff Wittenberg reçoit Marc Ferracci, député et vice-président du groupe Renaissance à l'Assemblée nationale, dans Les 4 vérités.
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00:00 En effet, bonjour Marc Ferracci.
00:03 Bonjour.
00:04 Député des Français de l'étranger, comme le disait Maïa, une des voix qui compte au
00:06 sein du groupe Renaissance à l'Assemblée Nationale.
00:08 On va parler d'abord du Sénat, avec ce qui se passe au Sénat, on l'entendait dans le
00:12 journal de 7h30.
00:14 Est-ce que c'est un avant-goût de ce qu'on va connaître au Palais Bourbon la semaine
00:18 prochaine ? L'emploi de l'article 44.3, décidément on apprend bien la Constitution
00:23 de la Vème République qui permet un vote bloqué.
00:24 Est-ce que ça annonce inéluctablement un 49.3 la semaine prochaine à l'Assemblée
00:29 Nationale ?
00:30 Non, je ne pense pas.
00:31 Tout ce que nous avons fait ces dernières semaines, ces derniers mois, le gouvernement,
00:34 la majorité, c'est d'essayer d'améliorer cette réforme pour parvenir à trouver des
00:39 compromis avec certaines des oppositions.
00:41 Et en particulier, on le sait, avec le groupe Les Républicains.
00:44 Si nous réussissons à trouver ces compromis, nous réussirons à faire voter cette réforme
00:49 sans utiliser l'article 49.3.
00:52 Vous êtes optimiste ?
00:53 Écoutez, je veux l'être, je veux l'être parce que je pense que la réforme a évolué.
00:56 Elle a beaucoup évolué depuis le projet initial du Président de la République.
00:59 Je veux quand même rappeler que ce projet initial prévoyait de porter à 65 ans l'âge
01:02 légal, que désormais c'est 64 ans.
01:05 Que le projet initial prévoyait, par exemple, d'appliquer la pension minimale aux nouveaux
01:10 retraités, désormais ce sera les retraités actuels également.
01:13 Donc il y a eu beaucoup d'améliorations, je pense, dans ce texte qui ont été nourries
01:17 d'abord par la concertation avec les partenaires sociaux, mais aussi par les discussions avec
01:20 certaines des oppositions.
01:22 Et donc j'espère que chacun, à la fin, en responsabilité, fera ce qu'il faut.
01:26 Mais est-ce que ce n'est pas trop ric-rac, si je peux me permettre, un peu trop juste ?
01:29 On sait qu'il y a au moins une dizaine de députés, les Républicains, qui ne vont
01:33 pas voter ce texte, autour d'Aurélien Pradié notamment.
01:35 Même chez vous, il y a quelques réticences dans le camp présidentiel.
01:40 Est-ce que vous pouvez prendre le risque d'avoir un vote final, après la commission mixte
01:45 paritaire qui regroupera des députés et des sénateurs, d'avoir un vote finalement
01:49 négatif sur cette réforme ?
01:50 Est-ce que vous pouvez prendre ce risque, Monsieur Ferracci ?
01:52 À la fin, c'est le gouvernement qui prend le risque, qui décide ou pas d'utiliser
01:55 le 49-3.
01:56 Et effectivement, vous avez raison.
01:58 La question, c'est est-ce qu'il y a une marge suffisante, en termes de nombre de voix ?
02:01 Vous évoquez la majorité.
02:04 Moi, je pense, je suis même convaincu, qu'aucune voix ne manquera au groupe Renaissance, et
02:10 plus largement à la majorité présidentielle, dans l'adoption et le vote de ce texte.
02:14 S'agissant des Républicains, ce n'est pas un secret.
02:16 Il y a des divisions, il y a des divergences de vues, à l'intérieur de ce groupe, sur
02:22 l'opportunité, sur l'équilibre général de cette réforme.
02:24 Je veux quand même rappeler, et je veux quand même essayer de me convaincre qu'une majorité
02:29 des députés républicains vont voter, en disant que 65 ans, c'était ce qui figurait
02:35 dans le programme des deux derniers candidats républicains à la présidentielle.
02:37 Il y a aussi la politique, vous le savez, il y a aussi la stratégie politique.
02:39 C'est vrai, vous avez raison, vous avez tout à fait raison.
02:41 Néanmoins, je pense que dans cette famille politique, il y a l'idée d'une responsabilité
02:45 vis-à-vis de notre système par répartition, d'une responsabilité vis-à-vis de nos finances
02:49 publiques également.
02:51 Une responsabilité qui, à un moment ou à un autre, a besoin de s'exprimer dans un vote.
02:55 Et j'espère qu'une majorité des députés républicains voteront ce texte.
02:57 Si, malgré votre optimisme, cette loi devait être adoptée par un article 49 alinéa 3,
03:04 est-ce que ça ne laisserait pas une trace forte sur un texte qui est déjà contesté,
03:08 on le sait, à la fois par une large majorité des Français et par les syndicats dans la
03:14 rue, on va en parler dans un instant.
03:15 Ça laisserait un goût amer, parce que, comme je vous l'ai dit, nous avons fait des efforts
03:19 importants pour éviter cette option du 49-3.
03:23 Mais moi, je ne me situe pas dans cette option-là.
03:25 Je ne me situe pas dans cette option-là jusqu'au dernier moment.
03:27 Et j'ai le fait encore ces derniers jours avec certains de mes collègues, avec des
03:31 collègues des oppositions.
03:32 Nous chercherons à convaincre, nous chercherons à expliquer, nous chercherons à nous projeter
03:37 dans ce que sera notre système de retraite dans les prochaines années.
03:40 Parce qu'au fond, c'est ça l'enjeu.
03:41 Est-ce qu'on préserve notre système par répartition ? Est-ce qu'on travaille plus
03:44 nombreux plus longtemps pour dégager, créer les richesses qui nous permettront d'investir
03:48 dans l'avenir ?
03:49 C'est important également.
03:50 Les syndicats vont défiler une nouvelle fois pour la 7e, aujourd'hui, dans la rue.
03:54 Ils espèrent une nouvelle démonstration de force.
03:56 Est-ce qu'Emmanuel Macron a raison de leur répondre ? Certes, par une lettre, on l'a
04:02 découverte hier, mais de ne pas les recevoir comme il le demande à l'Élysée ?
04:07 Écoutez, nous sommes au milieu d'un processus parlementaire.
04:09 Pour ma part, je pense qu'il serait un petit peu cavalier vis-à-vis du Sénat, qui est
04:13 en train de discuter du texte, de recevoir les partenaires sociaux comme si tout pouvait
04:18 être remis en question en plein milieu de l'examen de ce texte.
04:22 Moi, je pense qu'il y a une discordance des temps.
04:24 Il faut laisser le processus parlementaire aller à son terme.
04:27 Et sur le fond, je pense que la majorité, la première ministre, ont été assez claires.
04:33 Il y a eu beaucoup d'aménagements à cette réforme, mais le cœur de la réforme, c'est-à-dire
04:36 le recul de l'âge légal, eh bien, il est désormais très difficile à négocier.
04:41 Pourquoi ? Parce que c'est la condition de l'équilibre de notre système par répartition
04:44 à l'horizon 2030.
04:45 C'est la condition, je l'indiquais, d'une meilleure prospérité, d'une plus grande
04:49 prospérité du pays.
04:50 À un moment ou à un autre, il ne faut pas fuir ses responsabilités sur cet aspect-là.
04:54 Mais pourtant, les syndicats, eux, ils y voient une forme de mépris de la part du président,
05:00 cette fin de non-recevoir.
05:01 Faire passer ce texte en force, comme le dit Philippe Martinez, ce serait mettre en péril
05:06 la démocratie, dit-il.
05:07 Vous n'êtes pas d'accord, j'imagine, avec cette analyse.
05:10 Lorsque l'on vote un texte, et encore une fois, j'espère pour ma part que jeudi prochain,
05:14 mars, après une CMP, une commission mixte paritaire, que j'espère également conclusive,
05:19 nous voterons sur les conclusions de cette CMP et nous adopterons le texte par le vote,
05:22 à partir du moment où vous votez un texte, vous ne passez pas en force.
05:24 Vous ne passez pas en force.
05:25 Il n'y a pas de mépris.
05:27 Absolument pas.
05:29 Et très sincèrement, il faut être aussi lucide sur le fait qu'il y a parfois des
05:36 postures un petit peu surprenantes.
05:37 Vous évoquez Philippe Martinez.
05:39 Je note que la CGT, au début de ce processus, ne souhaitait pas participer aux réunions
05:43 autour de la discussion et de la concertation sur la réforme.
05:46 Désormais, il va être reçu.
05:47 C'est de bonne guerre.
05:48 Mais à un moment ou à un autre, je pense qu'il faut que le jeu parlementaire aille
05:51 à son terme et que nous nous donnions tous les moyens de voter ce texte.
05:55 Marc Ferracci, quand on n'entend pas la colère des syndicats, on favorise le populisme et
05:59 sans doute le populisme d'extrême droite.
06:01 Vous savez qui a dit cette phrase ?
06:02 Je crois.
06:03 Oui, c'est votre propre père, pardon, Pierre Ferracci, qui est président du groupe Alpha,
06:08 qui est un grand connaisseur des relations sociales.
06:10 Pas de querelle familiale, j'imagine, mais est-ce que vous n'êtes pas d'accord sur le
06:14 fond avec lui, sur le fait qu'aujourd'hui, l'un des grands bénéficiaires de cette contestation
06:19 sociale, on le dit, c'est le Rassemblement national, pour lequel votent déjà une majorité
06:24 d'ouvriers et d'employés dans ce pays.
06:27 Ils sont opposés à la retraite.
06:28 Nous sommes d'accord sur le fait qu'il y a un risque, un risque que l'extrême droite
06:33 parvient au pouvoir dans notre pays.
06:35 Nous ne sommes pas forcément d'accord sur les réponses à apporter à ce risque.
06:38 Moi, je suis convaincu que le meilleur moyen d'éviter le populisme, d'éviter que le
06:41 Rassemblement national, mais j'ai un petit peu de mal à les dissocier, arrive au pouvoir
06:46 en 2027, c'est d'apporter des réponses concrètes à nos concitoyens.
06:50 Ce n'est pas de respecter les syndicats, comme le dit Pierre Ferracci.
06:53 Quand on regarde les déterminants du vote Front National, on se rend compte que ce qui
06:56 explique ce vote, c'est les difficultés au niveau très local, le fait qu'il y a un fort
07:01 taux de chômage au niveau local, le fait qu'un service public disparaisse, le fait qu'une
07:04 usine disparaisse, qu'une unité de production disparaisse et ne soit pas remplacée.
07:08 Ça, ça crée dans les territoires, au plus grand terrain du déclassement, un sentiment
07:12 de déclassement et ça, ça nourrit le vote populiste et en particulier le vote en faveur
07:17 du Rassemblement national.
07:18 Donc moi, je suis convaincu que c'est dans le cadre d'une stratégie globale, une stratégie
07:22 centrée vers le plein emploi, dont cette réforme des retraites fait partie, et bien
07:27 que nous apporterons des réponses solides aux causes profondes du populisme.
07:30 Donc vous y voyez au contraire un frein, l'adoption de cette réforme à l'essor aujourd'hui
07:36 du Rassemblement national.
07:37 Mais sur le moyen terme, j'en suis convaincu.
07:39 J'en suis convaincu parce qu'encore une fois, si nous faisons cette réforme, et bien
07:43 nous aurons les moyens d'investir notamment dans nos services publics, d'investir dans
07:46 l'avenir, dans notre système de soins, dans notre système éducatif, d'investir également
07:51 dans notre outil industriel, dont je sais que les Français y sont extrêmement attachés.
07:54 Derrière la réforme des retraites, il y aura sans doute un nouveau projet de loi sur le
07:57 travail, un projet de loi qui s'appellera sans doute "Consacré au plein emploi".
08:03 Vous en animez le groupe préparatoire au sein de Renaissance.
08:07 Qu'est-ce qu'on va trouver dans ce projet, sachant qu'aujourd'hui une majorité de
08:12 Français n'aiment pas leur travail ? Et c'est d'ailleurs l'un des ferments, l'une
08:16 des raisons pour lesquelles ils ne veulent pas travailler deux ans de plus.
08:20 Il y a un problème de relation avec le travail.
08:22 Qu'est-ce que vous allez pouvoir échanger avec une loi ?
08:24 Vous avez raison.
08:25 La loi doit parler d'emploi, c'est-à-dire de créer des emplois, mais elle doit aussi
08:29 parler de la qualité de l'emploi, de ce que vivent les gens dans leur quotidien, en
08:33 termes de conditions de travail, en termes de qualité de vie en travail, en termes de
08:36 sens du travail.
08:37 Il y a une aspiration des Français, de beaucoup de Français, à améliorer leur cadre de
08:42 travail au quotidien et à se donner des perspectives dans le cadre de leur vie professionnelle.
08:46 Ce texte et les réflexions autour de ce texte ont vocation effectivement à apporter des
08:50 réponses à cela.
08:52 Je pense que nous allons notamment nous intéresser, j'en parlais à l'instant, aux questions
08:56 très territoriales.
08:57 C'est le sujet France Travaille.
08:59 Comment est-ce qu'on fait en sorte que notre service public de l'emploi soit plus efficace
09:04 ? Je ne pense pas.
09:05 Vous savez, moi je me déplace régulièrement dans des circonscriptions, notamment les
09:11 circonscriptions de mes collègues pour faire des réunions publiques autour de ces questions
09:14 d'emploi.
09:15 Je pense que cette idée qu'il faut que les gens au plus près du terrain discutent,
09:22 que les régions, les départements, les communes, les partenaires sociaux se mettent d'accord
09:27 de manière extrêmement proche du terrain, et bien ça c'est le chantier France Travaille
09:31 et je pense que ça apportera des réponses très concrètes à nos concitoyens.
09:34 Aujourd'hui, c'est le 11 mars, les syndicats seront une nouvelle fois dans la rue.
09:38 Or l'un des objectifs de cette nouvelle loi que vous voulez mettre en place, c'est de
09:42 leur redonner du poids.
09:43 Mais est-ce que vous pensez que les syndicats, par exemple la CFDT qui jusqu'à présent
09:47 était un syndicat qui était prêt à discuter, à dialoguer avec les propositions du gouvernement,
09:53 sera prête à revenir dans le jeu, à discuter de cette loi après l'amertume et finalement
09:58 la fâcherie qui sera née de cette contestation sur les retraites ?
10:02 Ecoutez, moi je l'espère.
10:03 Vous savez qu'en politique, il peut y avoir des divergences et on peut ensuite passer
10:08 à autre chose et surmonter ces divergences.
10:09 Moi, ce que je constate, c'est qu'il y a un certain nombre de sujets, j'ai presque
10:13 envie de dire d'objets politiques qui sont très intéressants pour nos concitoyens et
10:19 qui peuvent nourrir le dialogue avec les partenaires sociaux.
10:22 Je vous donne un exemple.
10:23 Il y a dans le programme du président de la République un projet qui est celui du compte
10:26 épargne-temps universel.
10:27 Donner à tous les salariés la possibilité d'épargner du temps au début de leur carrière
10:31 par exemple et l'utiliser ensuite pour partir à la retraite plus tôt, pour se former en
10:35 milieu de carrière.
10:36 Et les syndicats reviendront en discuter après avoir si violemment contesté la monnaie ?
10:39 C'est une proposition, puisque vous évoquez l'homénagé, c'est une proposition qui
10:42 est une proposition de longue date de la CFDT.
10:44 Donc j'espère que cette organisation, mais les autres également, auront à cœur de
10:50 discuter de ces objets, de discuter de droits nouveaux pour les salariés et de parler justement
10:54 d'émancipation par le travail parce que c'est le cœur de notre projet et nous souhaitons
10:57 également avancer là-dessus.
10:58 Ce projet sur le plein emploi, c'est moins de 5% de la population au chômage, aujourd'hui
11:03 on est à 7%, on est encore loin de cet objectif.
11:06 Vous le pensez réalisable à la fin du quinquennat, malgré les crises que l'on traverse ?
11:10 Vous avez raison de mentionner les crises.
11:12 Aujourd'hui on a des résultats qui sont, compte tenu de ce que nous avons déjà traversé,
11:16 objectivement remarquables.
11:18 Nous avons créé 1,7 millions d'emplois en 5 ans, nous avons fait baisser le chômage
11:21 de plus de 9% à 7%.
11:23 Néanmoins, vous avez raison de le dire, gagner encore 2 ou 3 points de chômage, ce sera
11:28 dur parce que nous sommes aujourd'hui face à des gens de moins en moins employables.
11:32 Quand le chômage est faible, ceux qui sont au chômage sont des gens qui ont des difficultés
11:35 lourdes, des freins pour retrouver un emploi.
11:37 C'est la raison pour laquelle nous devons mettre plus de moyens, c'est la raison pour
11:40 laquelle ce projet de loi est important et pour ma part je pense que cet objectif est
11:44 atteignable.
11:45 Vous reviendrez sans doute nous en parler dans les prochaines semaines, les prochains
11:47 mois.
11:48 Merci Marc Ferrati.