François Hollande, ancien président de la République, invité du 8h30 franceinfo, mardi 14 mars 2023.
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00:00 semaine décisive pour la réforme des retraites, Emmanuel Macron se dit
00:02 confiant sur l'obtention d'une majorité solide pour voter le texte, notamment à
00:07 l'Assemblée. C'est la méthode quoi ?
00:10 Je ne sais pas si c'est une méthode ou c'est une prévision, mais c'est vrai que
00:15 la façon avec laquelle le débat s'est engagé risque de se conclure, ne donne
00:21 pas une image de notre démocratie telle que nous la souhaitons. Aussi bien de la
00:26 démocratie sociale, puisqu'il n'y a pas eu véritablement de négociation, que les
00:30 organisations syndicales avaient demandé un rendez-vous au président de la
00:34 République et qu'elles ne l'ont pas obtenue, et qu'il y a
00:38 comme sur beaucoup de sujets un défaut de dialogue et aussi de respect des
00:45 compromis sociaux. C'est la faute du gouvernement pardon ou c'est la faute de
00:48 la composition de cette Assemblée ? C'est l'autre image, c'est-à-dire une
00:54 démocratie politique et parlementaire qui n'a pas véritablement été aussi à
00:59 l'aune de ce que l'on peut souhaiter pour notre pays, c'est-à-dire un débat
01:03 avec une procédure très particulière, que moi-même je n'avais pas jusque-là
01:07 connue, pour faire voter un texte sur les réformes importantes sur le plan social,
01:12 et deuxièmement un temps très limité de discussion, et c'est vrai, des
01:18 comportements à l'Assemblée nationale de la part notamment de l'AFI qui était
01:22 inacceptable, ce qui ne veut pas dire que le gouvernement se soit toujours bien
01:26 tenu, mais là on a dépassé un certain nombre de limites.
01:29 En revanche au Sénat, ça a été je crois plus maîtrisé, et aussi l'opposition a
01:35 fait son travail, et le texte a pu être voté, et donc on a pu savoir qui
01:40 approuvait, qui n'approuvait pas cette réforme. Sur le comportement de la gauche
01:43 à l'Assemblée notamment ? Pas de toute la gauche, il s'agit de l'AFI.
01:47 On y reviendra. Marine Le Pen prévient déjà qu'elle déposera une motion de
01:50 censure en cas de recours au 49.3 par le gouvernement. Est-ce que la gauche doit
01:54 s'allier au RN pour faire tomber le gouvernement ?
01:56 Ça c'est à la gauche de déposer une motion de censure, j'imagine qu'elle le
02:02 fera de son côté. Il ne faut pas que la gauche vote une motion de censure du RN.
02:06 L'initiative du RN, ce serait difficile à comprendre, même inacceptable.
02:10 En revanche, si la gauche elle-même dépose une motion de censure,
02:14 elle doit essayer de convaincre, mais franchement, même si c'est une
02:20 procédure tout à fait légitime et qui permet là aussi de poser clairement la
02:25 responsabilité, tout le monde sait que la motion de censure ne passera pas.
02:28 Dès lors que les LR sont dans une situation, même s'ils sont divisés,
02:33 d'approuver cette réforme, il ne peut pas y avoir de résultat positif pour cette
02:38 motion de censure. Mais ça fait partie de la tradition, lorsqu'il y a un
02:43 acte important, de déposer une motion de censure, mais ne laissons pas penser
02:46 qu'elle puisse passer. Le 49.3 serait dangereux, ce serait une
02:49 forme de vice démocratique, affirme Laurent Berger, le patron de la CFDT.
02:53 Il affirme qu'on ne peut pas voter une loi aussi importante sans que les députés
02:56 qui représentent la nation aient leur mot à dire. Il a raison ?
02:59 Il affirme ce que nous avons tous à l'esprit, c'est-à-dire que le 49.3, il est
03:06 dans la Constitution. Donc c'est une procédure...
03:08 Vous y avez eu recours six fois.
03:09 Exactement, c'est une procédure légale.
03:11 Bon, et il ne met pas en cause le fait que cette procédure puisse exister.
03:17 Ce qu'il dit, c'est quand le débat a été aussi raccourci qu'une procédure
03:22 déjà exceptionnelle a été utilisée, ce qu'on appelle le 47.1, qu'il n'y a pas eu
03:26 de vote à l'Assemblée Nationale au terme de la première lecture, que ça se fera
03:31 essentiellement le compromis avec les LR dans le cadre, et donc le Sénat, dans le
03:36 cadre d'une commission mixte paritaire. Voilà ce qu'il pense à l'unisson de
03:41 beaucoup de nos concitoyens, c'est-à-dire le 49.3 serait la dernière
03:45 procédure pour empêcher qu'il y ait véritablement un vote clair.
03:49 Mais il a raison de dire ça, vous êtes d'accord avec ça.
03:52 Ce que demandent les organisations syndicales, c'est qu'il y ait un vote clair.
03:55 Puisque le choix qui a été fait par le gouvernement et par le président de la République,
04:01 c'est de privilégier un accord politique plutôt qu'un accord social.
04:05 C'est-à-dire de discuter avec un groupe d'opposition, les LR,
04:09 plutôt que de faire une négociation avec les partenaires sociaux.
04:13 Donc à partir de là, puisque c'est l'accord politique qui a été privilégié,
04:17 il faut que cet accord politique se retrouve au moment du vote à l'Assemblée nationale.
04:21 C'est la cohérence.
04:22 - Est-ce qu'il faut que la commission mixte paritaire ne soit pas à huit clots,
04:26 comme le réclame Boris Vallaud, co-président du groupe socialiste à l'Assemblée ?
04:30 - Je comprends qu'il le demande, mais il y a des règles,
04:34 et je pense que c'est à la présidence de l'Assemblée de le rappeler.
04:36 - C'est forcément à huit clots.
04:39 Oui, François Hollande, le gouvernement qui demande à toute la majorité de faire bloc,
04:43 les frondeurs qui ne voteront pas le texte seront exclus du parti Renaissance.
04:47 Vous-même, vous avez connu quelques frondeurs.
04:48 Ils sont d'ailleurs à la direction du parti socialiste aujourd'hui.
04:51 Vous pensez qu'il a raison, Emmanuel Macron, il faut être clair avec son propre camp ?
04:58 - Ce que je pense, et ça vaut effectivement pour toutes les périodes,
05:02 quand des députés ont été élus sur un programme
05:07 et qu'ils ont donc eu une légitimité à travers une élection présidentielle qui a précédé,
05:14 qui a justifié qu'ils puissent avoir une élection,
05:19 c'est vrai qu'il y a un principe de cohérence,
05:21 et que donc les frondeurs, par définition,
05:25 se mettent dans une position qui n'est pas forcément logique.
05:29 Maintenant, il y a des cas de conscience.
05:31 J'en ai connu.
05:32 - À votre époque, il y en avait quelques-uns.
05:35 - Mais je crois qu'on a besoin de clarté dans notre pays.
05:39 Quand des députés se font élire sur un programme,
05:42 ils doivent finalement aller jusqu'au bout dans l'application de ce programme.
05:45 Et donc, ce principe ne me paraît pas contestable.
05:48 - François Hollande, c'est sous votre quinquennat que les retraites ont été réformées pour la dernière fois.
05:52 C'était la réforme Touraine en 2014, qui allonge donc progressivement la durée de cotisation.
05:57 Olivier Dussopt, ancien socialiste et premier ministre,
06:02 et ministre du Travail actuel, explique l'avoir voté à l'époque.
06:04 Parce qu'il était socialiste.
06:06 Et il dit aussi que si la gauche revient au pouvoir,
06:09 personne ne reviendra sur la réforme qu'il propose aujourd'hui.
06:12 - Monsieur Dussopt, ça ne vous a pas échappé, un rapport à la vérité qui est un peu distant, quelquefois.
06:17 - Vous parlez des 1 200 euros, notamment ?
06:19 - Oui, les 1 200 euros, le fait que cette réforme qu'il présente pourrait être de gauche,
06:23 alors qu'il négocie avec les LR.
06:25 Enfin, tout ça paraît bien confus.
06:27 Mais je veux, parce que c'est ce qui intéresse les auditeurs,
06:30 être clair sur la réforme que moi-même, j'ai proposée.
06:34 Je m'étais opposé à la réforme de 2010 qui reportait l'âge légal à 62 ans.
06:41 Si bien que lorsque je suis arrivé aux responsabilités,
06:44 j'ai pris un premier texte permettant aux personnes qui avaient travaillé plus de 42 ans de partir à 60 ans.
06:51 Je dis bien 60 ans.
06:53 Donc j'ai rétabli la retraite à 60 ans pour ceux qui avaient eu ce qu'on appelait des carrières longues.
06:58 Il y a 800 000 personnes qui sont parties dans ce cadre de ce dispositif.
07:02 - Vous avez aussi allongé la durée de cotisation.
07:04 - Deuxièmement, j'ai allongé la durée de cotisation parce que quand l'espérance de vie s'allonge,
07:08 il est assez légitime que la durée de cotisation elle-même suive ce processus.
07:12 Mais j'ai accompagné cette évolution par des critères de pénibilité,
07:19 c'est-à-dire selon les métiers qui s'étaient exercés,
07:22 on pouvait partir plus tôt et avoir des droits à faire valoir.
07:26 - Il y en avait 10 à l'époque.
07:27 - Il y en avait 10, exactement.
07:29 Et 5 ont été supprimés lorsque j'ai quitté les...
07:31 - 4, oui.
07:33 - Donc pénibilité, carrière longue, départ à 60 ans pour ceux qui avaient travaillé longtemps
07:39 ou exercé des métiers difficiles.
07:41 Je pense que c'était, voilà les bases qui auraient pu permettre d'ailleurs d'améliorer la situation.
07:46 - Il manque un côté social à cette réforme, c'est ce que vous dites.
07:48 - Bien sûr, elle avait un côté social.
07:50 Et j'imagine si la gauche devait revenir aux responsabilités,
07:54 il faudrait d'ailleurs qu'elle s'organise un peu différemment d'aujourd'hui,
07:56 mais si elle devait revenir, elle aurait justement à réintroduire la pénibilité,
08:01 à jouer sur les carrières longues et à allonger la durée de cotisation.