François Hollande, ancien président de la République, invité du 8h30 franceinfo, mardi 14 mars 2023.
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00:00 Président Nicolas Sarkozy, vous allez être auditionné après-demain par la
00:02 commission d'enquête à l'Assemblée sur la perte de souveraineté énergétique de
00:06 la France. Vous allez devoir répondre de votre
00:08 politique sur le nucléaire quand vous étiez au pouvoir.
00:10 Est-ce que vous y allez pour faire votre mea culpa ?
00:13 Non, je n'ai aucune raison de faire un mea culpa. J'ai été élu en 2012, ça ne vous a
00:19 pas échappé. En 2011, il y a eu la catastrophe de Fukushima.
00:22 À ce moment-là, des pays qui nous sont proches, l'Allemagne, l'Italie, la Belgique
00:27 et d'autres, sont sortis purement et simplement du nucléaire.
00:31 Candidat à la présidence de la République, même s'il y avait un accord
00:34 entre le PS et les Verts, j'ai considéré que la France ne pouvait pas sortir du
00:39 nucléaire, ne devait pas sortir du nucléaire et qu'elle donc devait garder
00:43 une part substantielle dans la production d'électricité du nucléaire.
00:47 Ce n'est pas l'accord électoral justement avec Europe Écologie et Verts qui vous
00:50 force à diminuer la part du nucléaire dans notre énergie ?
00:52 Non, c'est la volonté de faire monter les énergies renouvelables et de faire en sorte qu'on
00:56 puisse garder ce qui faisait la force de l'industrie française mais aussi de
01:01 notre souveraineté, le nucléaire, tout en rattrapant notre retard.
01:06 Il était considérable, il reste encore considérable en matière de renouvelables.
01:10 Pourtant, François Hollande, ce n'est pas ce que disent vos anciens ministres.
01:13 Ils ont aussi été auditionnés par la commission d'enquête et ils
01:18 en parlent mieux de votre politique sur le nucléaire. Ils disent par exemple
01:20 Manuel Valls, qui a été aussi votre Premier ministre, il dit "la décision des
01:24 50% était imposée par l'accord avec les Verts, donc 50% du nucléaire dans le
01:28 mix énergétique d'ici à 2025. Pour autant, aucune étude d'impact ou analyse de
01:33 besoin ne justifiait le passage de 75 à 50% de nucléaire dans la consommation
01:37 énergétique. Personne n'imaginait réellement fermer 20 réacteurs en 10 ans.
01:42 En fait, vous avez fait quoi ? Vous avez fait une politique nucléaire aux doigts mouillés ?
01:45 D'abord, il y a l'enjeu politique. Je vous ai donné ce qu'étaient les
01:50 circonstances de ce qu'était la situation en 2012. Donc il était très
01:55 important, au-delà de l'accord avec les Verts, que je n'avais pas à respecter.
01:58 J'étais candidat à la présence de la République du Parti Socialiste à travers
02:02 une primaire. Je n'étais lié par aucun engagement particulier.
02:05 Mais pourtant, c'est ce que vous avez fait, vous l'avez mis sur la main.
02:07 J'ai considéré qu'il fallait avoir un objectif politique et cet objectif politique, je le revendique encore,
02:11 et d'ailleurs il est encore affirmé par une partie du gouvernement en tout cas,
02:16 c'est qu'il faut avoir un mix électrique. Il faut avoir du nucléaire,
02:20 parce que c'est là-dessus que l'on peut montrer que nous sommes plus souverains
02:24 que d'autres, puisque nous avons cette capacité, et il faut avoir du renouvelable.
02:27 Sur le nucléaire, je n'ai fermé aucune centrale pendant la période de mon mandat,
02:33 les 24 centrales.
02:35 Vous avez décidé de la fermeture de Fessenheim ?
02:37 J'ai décidé de la fermeture de Fessenheim, à la condition que s'ouvre la centrale de Flamanville.
02:42 Donc la production nucléaire était stable.
02:45 Elle a été d'ailleurs, je donne un chiffre, de 400 TWh tout au long de mon mandat.
02:49 Et donc il n'était pas question de fermer des centrales, et s'il devait être fermé, ça pouvait arriver,
02:54 c'est parce que l'autorité de sûreté nucléaire nous aurait demandé au bout de leur vie, 40 ans,
02:59 de fermer des centrales.
03:00 C'est ce qui d'ailleurs est en train, hélas, de se produire, puisqu'il y a aujourd'hui
03:05 un certain nombre de faits qui ont été révélés sur des centrales, pas forcément les plus vieilles,
03:09 de corrosion, de fissures, et que l'autorité de sûreté nucléaire est amenée à demander
03:14 à EDF de faire des travaux.
03:16 Donc pour éviter précisément d'être quelquefois vulnérable à cause de ces questions éminemment
03:22 importantes de sûreté, il était très important d'augmenter la part des renouvelables.
03:27 Donc c'est une volonté politique.
03:28 - Mais c'est le cas, vous avez mis la charrue avant les bœufs.
03:29 - Et je réaffirme...
03:30 - Le renouvelable n'est pas monté aussi vite que prévu.
03:32 - Exactement, c'est vrai, le renouvelable n'est pas monté aussi vite que prévu, c'est pour ça qu'on a gardé
03:35 plus de nucléaire qu'il n'était prévu, et qu'à la fin de mon mandat, on était pas à 50% de nucléaire
03:40 dans la production d'électricité, mais à 65%.
03:43 - Sur le message, j'en voyais quand même François Hollande, le directeur de l'énergie de l'époque,
03:47 par exemple, tout comme l'ancien patron de l'autorité de sûreté nucléaire,
03:50 ils affirment aujourd'hui avoir tenté de vous dissuader d'atteindre ce chiffre de 50% de part du nucléaire
03:56 d'ici 2025, que le message était mauvais, en fait.
03:58 - Mais pourquoi serait-il mauvais ?
04:01 - Parce qu'on n'avait pas les moyens.
04:02 - Mais il n'était pas mauvais puisque jamais l'autorité de sûreté nucléaire m'a demandé de maintenir des centrales.
04:08 Ça n'a aucun sens d'ailleurs.
04:10 Son rôle de l'autorité de sûreté, c'est de nous dire "attention, une centrale peut comporter une défaillance,
04:15 il faut la fermer". C'est le rôle de l'autorité de sûreté.
04:17 Elle n'a pas préjugé de la politique énergétique.
04:20 - Mais le haut-commissaire de l'énergie atomique, par exemple, vous a demandé de maintenir un investissement
04:23 de la France dans certains projets, Astrid, Orion par exemple,
04:26 pour essayer de garder une espèce de performance au niveau français, ce que vous n'avez pas fait.
04:30 Vous avez choisi d'arrêter certains projets.
04:32 - Non, votre information n'est pas bonne. Astrid a été maintenue, Orion aussi.
04:35 - En 2015, Astrid, comment ça...
04:37 - Non, Astrid a été supprimée par le gouvernement actuel.
04:40 - Parce qu'il n'y avait pas assez de financements.
04:42 - Mais pas du tout. Nous avions mis tous les financements.
04:44 Et mieux encore, nous avons autorisé deux centrales nucléaires au Royaume-Uni,
04:51 précisément pour garder la capacité de fabriquer des centrales,
04:55 ce que nous avions perdu, puisque je rappelle que Flamanville, qui a été lancée en 2007,
05:00 n'est toujours pas ouverte aujourd'hui.
05:02 - Donc il fait bien de relancer finalement les EPR, Emmanuel Macron.
05:05 On avait perdu, vous dites, on a gardé une certaine performance en relançant du nucléaire au Royaume-Uni.
05:11 On fait bien donc de le relancer en France.
05:13 - Oui, sans doute avec des réacteurs qui seront d'une nouvelle génération,
05:17 sûrement d'autres qui seront à taille plus réduite, mais ça n'arrivera pas avant 2035, 2040.
05:22 - Si, les EPR, vous êtes confiant, ils vont voir le jour, à l'heure.
05:26 - Ce que je sais, c'est que comme président de la République,
05:29 j'aurais bien voulu ouvrir l'EPR de Flamanville, et que ça n'a pas été possible,
05:34 parce que justement, il n'y avait pas eu d'effet de série quand Flamanville avait été lancée,
05:37 c'est-à-dire en 2007, bien avant que je n'arrive aux responsabilités,
05:40 et qu'il y a eu une très grande difficulté à mettre en service Flamanville, puisque ce n'est toujours pas ouvert.