Crise bancaire : «Il y a une garantie de dépôt», rappelle Xavier Timbeau

  • l’année dernière

Xavier Timbeau, directeur de l'Observatoire français des conjonctures économiques, répond aux questions d'Alexandre Le Mer. Ensemble, ils s'intéressent aux difficultés du secteur bancaire à l'image du Crédit Suisse et de la Silicon Valley Bank.



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Transcript
00:00 - Europe 1, il est 6h40, bon vendredi matin après la faillite de la Silicon Valley Bank.
00:04 La chute en bourse de Crédit Suisse a ravivé le spectre d'une nouvelle crise financière mondiale.
00:09 Y a-t-il un risque de contagion au secteur bancaire français ?
00:13 Votre invité Alexandre, c'est l'économiste Xavier Timbaud, directeur de l'OFCE, l'Observatoire français des conjonctures économiques.
00:20 - Bonjour Xavier Timbaud. - Bonjour.
00:22 - En amont de la chute en bourse de Crédit Suisse, et on va y venir dans un instant,
00:26 deux banques américaines ont fait faillite, Silicon Valley Bank, Signature Bank.
00:30 Qu'est-ce qui a provoqué au juste leur effondrement ?
00:34 - Alors, ce qui a provoqué leur effondrement, c'est une série de facteurs.
00:38 Le premier, c'est que ce sont des banques qui échappent à la régulation bancaire,
00:42 et ce depuis 2018, parce que Donald Trump a relevé le seuil d'actifs à partir duquel on surveille une banque.
00:50 Le deuxième point, c'est que ce sont des banques qui sont assez particulières.
00:54 Ce sont des banques qui ont des clients, qui ont des dépôts très importants,
00:57 dans le cas de Silicon Valley Bank, c'était des start-up,
01:00 et elles prenaient la trésorerie, donc les comptes en banque de ces entreprises,
01:06 et elles les plaçaient pour gagner de l'argent.
01:08 Alors, la remontée des taux d'intérêt les a mis dans une situation délicate,
01:12 parce que beaucoup de leurs placements étaient faits en bon du trésor,
01:15 et avec la remontée des taux d'intérêt, les bons du trésor qu'elles avaient achetés
01:19 il y a quelques trimestres ou il y a quelques années, ont perdu de la valeur.
01:23 Et donc, elles se retrouvent dans une situation où elles ont d'un côté
01:26 des clients qui ont des comptes en banque, qu'ils peuvent retirer à chaque instant,
01:31 et puis des actifs qui eux, perdent de la valeur.
01:34 Quand les clients se rendent compte que les actifs perdent de la valeur,
01:37 ils commencent à retirer leur argent, la banque est obligée de vendre ses actifs,
01:41 de réaliser ses pertes, et là, il s'enclenche un phénomène qui s'appelle un "bank run".
01:46 Comme tous les clients qui ont des dépôts dans cette banque
01:50 se rendent compte que la banque peut faire faillite,
01:52 ils retirent leur argent et ça précipite la faillite.
01:54 Après, le dernier point, et qui est quand même important à prendre en compte,
01:59 c'est que SVB avait pour client des start-up dans la tech,
02:03 et que depuis quelques mois maintenant, le secteur de la tech est dans une situation difficile.
02:11 Et ce qui fait que les clients de SVB se sont mis à retirer aussi plus d'argent à cause de ça.
02:18 Donc, tout le modèle économique de SVB,
02:21 avoir des start-up comme clients qui ont beaucoup d'argent,
02:25 et gérer leur trésorerie en quelque sorte, en gagnant pas mal d'argent sur cette trésorerie,
02:29 ce modèle économique s'est effondré des deux côtés en quelque sorte.
02:32 - Xavier Timboux, dans la foulée de ces deux faillites américaines,
02:35 l'effondrement en bourse de Crédit Suisse sur notre continent cette fois-ci,
02:38 les deux événements sont liés, que s'est-il passé dans le cas de Crédit Suisse ?
02:43 - Alors, ils ne sont pas liés, et ça c'est très important de le comprendre.
02:47 Crédit Suisse, c'est une banque suisse, comme son nom l'indique,
02:50 qui est possédée par un actionnaire saoudien,
02:53 et qui est une banque qui va très très mal depuis très longtemps.
02:57 Donc ça, c'est pas du tout un mystère, on le sait, c'est une banque qui est en difficulté.
03:01 Et ce qui s'est passé il y a quelques jours, c'est que,
03:04 annonçant une situation qui ne s'améliore pas,
03:08 l'actionnaire a précisé qu'il ne récapitaliserait Crédit Suisse pour aucune raison.
03:16 Et donc du coup, ça a ouvert la possibilité de tout un tas de scénarios,
03:20 dont celui d'une faillite de Crédit Suisse,
03:23 et qui place le régulateur suisse, la Banque Nationale Suisse,
03:26 dans une situation difficile, parce que cette banque que l'actionnaire ne veut pas récapitaliser,
03:30 ça veut dire qu'il faut lui prêter de l'argent, mais il y a un risque de défaut,
03:34 qui est connu depuis longtemps.
03:36 Alors, pourquoi l'actionnaire l'annonce à ce moment-là ?
03:38 C'est une coïncidence, il n'y a pas de lien,
03:41 mais ça constitue un événement supplémentaire qui vient jeter le doute sur le secteur bancaire.
03:48 - Xavier Thimbault, pourquoi la chute de Crédit Suisse inquiète autant le secteur bancaire européen ?
03:52 C'est un pilier de la finance mondiale, expliquez-nous en quoi c'est une pièce essentielle du système ?
03:57 - C'est un petit pilier de la finance mondiale, on va dire,
04:02 c'est une banque de taille moyenne,
04:05 comme elle est insérée dans le système bancaire européen,
04:09 c'est une banque avec laquelle beaucoup d'autres banques font affaire,
04:13 et donc, quand une banque fait faillite,
04:15 - C'est des interconnexions en fait.
04:17 - Voilà, c'est des interconnexions, il faut déboucler cette faillite,
04:20 ça peut prendre très longtemps,
04:22 mais comme les banques peuvent avoir des interrelations qui se comptent en dizaines de milliards,
04:29 pendant le moment de la faillite, il y a un doute sur "est-ce que je vais récupérer mes 100 millions, mes 1 milliard,
04:35 auprès de cette banque, ou pas ?"
04:37 Alors, une fois qu'elle sera liquidée, au bout d'un processus qui peut prendre plusieurs années,
04:41 probablement vous allez récupérer une grande partie de votre argent,
04:44 mais dans l'intervalle, vous pouvez avoir un défaut de trésorerie qui peut être très important,
04:49 et ça, ça veut dire que même si vous êtes dans une situation saine,
04:54 vous allez devoir encaisser une grosse perte pendant un temps assez long,
04:58 et ça, ça peut faire le phénomène de contagion et précipiter le bank run,
05:03 c'est-à-dire qu'à ce moment-là, vos clients s'en vont, et vous vous retrouvez dans une situation extrêmement difficile.
05:09 - Vous parlez de contagion, est-ce qu'il existe un risque de contagion à notre secteur bancaire, Xavier Thimbault ?
05:14 Et puis, question très concrète, est-ce que les particuliers ont des raisons de s'inquiéter pour leur dépôt à la banque ?
05:18 - Voilà, deux questions très importantes.
05:21 Qu'est-ce qu'on fait pour empêcher le risque de contagion ?
05:23 Parce qu'en fait, le risque de contagion, il est vieux, comme l'histoire des banques.
05:26 Les premiers bank runs ont eu lieu le jour où les premières banques ont commencé à fonctionner.
05:31 Et depuis cette époque, qui a été marquée par un très très grand nombre de crises bancaires,
05:39 dont certaines ont été tout à fait redoutables dans leurs conséquences économiques,
05:42 bien avant la grande crise de 2008,
05:45 on a quand même trouvé un certain nombre d'instruments pour lutter contre le bank run.
05:49 Il y a deux instruments principaux.
05:51 Le premier, c'est qu'on permet aux banques d'emprunter massivement auprès de la Banque Centrale,
05:56 sans limite, de façon à pouvoir couvrir leurs difficultés de trésorerie
06:02 et pouvoir ensuite examiner leur situation plus sereinement.
06:06 Ça, c'est le premier point.
06:08 Donc, ça veut dire que si demain, Crédit Suisse fait faillite
06:14 et que la BNP a besoin de 200 millions d'euros pour couvrir cette faillite,
06:18 elle pourra les emprunter, elle devra les rembourser,
06:20 mais elle pourra les emprunter auprès de la Banque Centrale.
06:22 Ça, c'est la première chose.
06:23 Et la deuxième chose qui est très importante, c'est qu'on a mis en place une garantie des dépôts.
06:27 Garantie des dépôts, ça veut dire que...
06:29 - Donc, pour les particuliers ?
06:31 - Alors, pour les particuliers, mais aussi pour un certain nombre d'entreprises.
06:34 Donc, vous avez un compte auprès de la BNP.
06:37 La BNP, imaginons, fait faillite, elle ferme.
06:41 Eh bien, vous avez un système qui va vous permettre de pouvoir récupérer l'usage de votre compte
06:47 dans un délai de moins de 7 jours, à hauteur de 100 000 euros par établissement bancaire et par personne.
06:54 Donc, si vous avez un compte joint à la BNP, par exemple,
06:56 vous pouvez avoir accès à un maximum de 200 000 euros.
07:00 Ce qui couvre quand même une très, très, très grande majorité des gens,
07:04 sachant qu'en plus, votre livret A est lui-même entièrement garanti
07:08 et que si vous avez des comptes dans plusieurs établissements bancaires,
07:12 ils sont eux-mêmes garantis,
07:14 ou que si vous venez de vendre un appartement et que vous venez de toucher une somme importante,
07:18 cette somme importante, elle est elle-même aussi garantie jusqu'à 500 000 euros.
07:22 - Bon, en tout cas, voilà, effectivement, c'est une bonne nouvelle.
07:25 Moi, c'est ce qui était important d'entendre de votre part, Xavier Timbaud,
07:29 c'est qu'il n'y a pas de raison de s'envoler,
07:30 grâce en particulier à cette garantie des dépôts que vous venez de nous décrire.
07:34 Merci à vous, Xavier Timbaud.
07:36 Je rappelle que vous êtes économiste, directeur de l'OFCE,
07:39 l'Observatoire français des Conjonctures économiques.

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