PODCAST | Dépression : à 14 ans j'ai craqué

  • l’année dernière
Nathan et Evan ont connu la dépression très jeunes, au collège. Ils s'en remettent petit à petit, mais ne se tournent pas vers les psys.
https://zep.media/sons/depression-14-ans-craque/

Illustration © Léa Ciesco (@oscael_) // Musique Kiala Ogawa
Journalistes : Paul Ricaud avec Justine Irankhah

Category

🗞
News
Transcript
00:00 Ce que vous allez entendre, Nathan et Evan ne l'ont pas raconté à beaucoup de monde.
00:08 C'est compliqué quand on a 15 ans d'admettre qu'on ne va pas bien, qu'on est rongé
00:12 par une souffrance, qu'on n'arrive pas à gérer.
00:14 Evan et Nathan ont quand même tenté de mettre des mots sur ce qui leur fait si mal.
00:19 À l'extérieur je fais semblant d'être une bonne personne, d'être gentil et tout
00:26 ça, mais en fait c'est tout le contraire.
00:30 Je ne me sens pas bien à l'intérieur.
00:32 Quand j'étais en 3ème, j'avais beaucoup trop de pression.
00:43 Mes parents étaient beaucoup plus stricts avec moi.
00:46 Quand j'étais petit, ils voulaient vraiment que j'apprenne plus de trucs qu'eux parce
00:51 qu'ils ont dû travailler, travailler et ils ne veulent pas que ça m'arrive.
00:55 Du coup ils mettent beaucoup de pression.
00:56 Et quand je suis arrivé en 3ème, j'ai ressenti toute cette pression pendant un cours de physique
01:03 chimie et mon prof aussi, lui aussi mettait beaucoup trop de pression.
01:06 Il disait qu'on n'avait pas d'avenir.
01:08 Il disait que ça ne sert à rien de travailler, de toute façon vous êtes des abrutis et tout.
01:13 Je savais qu'il disait ça pour notre bien, mais moi je le prenais toujours mal.
01:18 Je pensais que c'était une critique et qu'il fallait mal le prendre.
01:21 Il fallait redoubler d'efforts.
01:24 Mais je n'ai jamais travaillé à partir de ce moment.
01:28 Il y a 5 ans et demi, mon père est parti sans me dire au revoir, rien du tout.
01:34 Il est parti et moi j'étais en train de l'attendre à l'aéroport.
01:38 Je me dis qu'il va arriver, il va arriver, mais il n'est jamais venu.
01:42 Et je me disais à chaque jour que j'allais le revoir, j'allais le revoir, qu'il va revenir,
01:48 il va me voir, je vais l'embrasser, je vais lui faire un câlin et tout ça.
01:52 Mais non.
01:53 Avec toute cette pression, ça m'a fait craquer.
01:57 Et du coup après j'ai arrêté de travailler, j'ai commencé à devenir mal et j'ai arrêté
02:04 de parler à tout le monde.
02:05 Je me sentais pas tranquille dans mon esprit.
02:07 C'est comme si tout était mélangé.
02:09 Avec les paroles de mes parents qui disaient "travaille, travaille, arrête de jouer,
02:15 arrête de faire n'importe quoi".
02:17 Et aussi mon prof qui est là et qui nous insulte.
02:20 Après c'est le chaos dans mon esprit et je ne sais plus quoi faire.
02:25 Je voulais chercher la réponse à toutes les questions que je me posais dans ma tête.
02:28 Pourquoi je vis, pourquoi j'existe et pourquoi faire d'ailleurs.
02:33 Comme j'ai arrêté de travailler, je pensais que je ne servais plus à rien.
02:36 Et du coup je pensais que les autres, comme ils réussissaient, je ne servais à que
02:41 dalle et que même si je meurs, ça ne va rien changer.
02:44 J'étais en train de dormir, tout à coup je me réveille et je sens que je vais mal.
02:54 Ce n'est pas la même chose, je ne ressens pas tout ce qui était comme avant.
02:59 Je me vois dans le miroir, je me dis "ce n'est pas moi, ça c'est une autre personne".
03:04 Je me disais "mais en fait, qui je suis en fait ?".
03:07 Je me suis dit "mais est-ce que je mérite vraiment tout ce que j'ai ?".
03:12 Je mérite tout ce qu'il y a dans ma vie, ce qui se passe.
03:16 À chaque fois que je fixe une personne dans les yeux, j'ai toujours l'impression qu'il
03:21 a un préjugé sur moi.
03:23 Je pense toujours qu'ils ont quelque chose à dire sur moi.
03:26 Par exemple, regarde ce mec-là, il est nul, c'est un loser et tout.
03:33 Et du coup j'ai commencé à les éviter, je ne voulais pas croiser leurs regards,
03:38 je baissais toujours la tête pour les éviter.
03:41 Pendant cette période, je dormais peu et je voyais des hallucinations.
03:45 Mes grands-parents me comprenaient un peu.
03:48 Quand ils sont morts, ça m'a aussi affecté.
03:52 Je voyais mes grands-parents apparaître ou parfois quand je descends des escaliers,
03:56 je voyais des marches supplémentaires.
03:58 Je marchais dans le vide et j'ai failli tomber des escaliers.
04:03 À moindre prix, j'ai failli mourir par une voiture parce qu'à chaque fois, je ne me
04:06 concentrais pas et je voyais toujours ces hallucinations.
04:09 Pendant un cours de musique au collège, j'ai décidé de mettre fin à mes jours.
04:19 Et du coup, pendant mon cours de musique, j'ai craqué encore une fois et j'ai pleuré
04:27 pendant le cours.
04:28 Et du coup, la prof de musique m'a vu en train de pleurer et elle m'a dit d'aller
04:30 voir l'infirmière du collège.
04:33 Je suis allé la voir et j'ai tout dit.
04:37 Elle m'a appelé directement à l'hôpital Sainte-Pétrière pour prendre rendez-vous,
04:43 pour que je vienne les voir.
04:44 Quand je suis allé les voir, du coup, ils m'ont conseillé d'aller voir une psychologue
04:48 qui m'a dit que je faisais de l'anxiété sociale avec la peur des regards des gens
04:54 et une dépression à cause de toute la pression que mes parents me mettaient.
04:58 Et la conséquence de tout ça, c'est qu'à chaque fois que je suis stressé ou que je
05:03 ressens une pression, j'ai mal à la tête, ça chauffe très très fort.
05:08 Pour arrêter tout ça, je prenais toujours une paire de ciseaux avec moi et je me tailladais
05:12 un peu les bras avec ma paire de ciseaux.
05:15 Je me coupais un peu les veines pour que je saigne et je ressens de la douleur.
05:21 Pour oublier tout ce qui m'entourait, le son et le bruit, pour que je sois tranquille.
05:25 Quand on m'a dit d'aller voir le psy, j'y suis allé qu'une seule fois et j'ai arrêté
05:30 de la voir.
05:31 Mais je continuais toujours quand même à me tailler les veines parfois, quand c'est
05:35 nécessaire.
05:36 C'est la prof de maths qui m'a dit « il y a un psychologue, est-ce que vous voulez
05:41 vous inscrire ? ». Ils m'ont dit que c'était urgent de la voir et je suis allée la voir
05:45 juste pour raconter un petit bout de ce qui se passe.
05:48 Et elle m'a dit que tu fais une dépression, donc tu vas me voir tous les jours, mais je
05:53 ne l'ai pas vue, je l'ai vue juste une fois et après c'est bon.
05:56 Je ne me sentais pas très bien de confier à une personne toutes mes choses.
06:01 Personne ne le sait à part un seul ami que je peux tout lui confier.
06:07 Je lui dis tout, tout ce qui se passe.
06:09 C'est le seul ami que je parle.
06:12 Je n'aime pas me confier avec les psychologues.
06:16 C'est assez dur de parler avec une personne qu'on ne connaît pas de tout ce qui nous
06:20 arrive et on a peur aussi de ce qu'elle pourrait penser de nous et on ne le fait pas forcément.
06:28 Ma famille est colombienne et là-bas ils ont eu une enfance… par exemple ma mère
06:35 et tout ça, ils n'ont pas eu l'enfance la plus facile au monde à part que mon père
06:40 m'a abandonnée.
06:41 Ça ne sert à rien parce que leur enfance c'était vraiment la plus dure que j'ai
06:46 vue.
06:47 Ils ont beaucoup d'autres choses à faire que m'écouter.
06:53 Pour moi je me dis ça mais peut-être qu'ils vont se dire "ah mais non il faut nous confier
06:58 nanana" mais moi je ne me dis pas ça.
07:00 Je ne me dis pas ça.
07:08 Merci.
07:18 ♪ ♪ ♪