Christophe Maé nous invite à la découverte et au voyage sur son nouvel album "C'est drôle la vie". En interview pour Purecharts, le chanteur relate comment un périple au Cap-Vert sur un coup de tête a donné l'impulsion de ce projet porté par des valeurs "essentielles" comme la fraternité et la famille.
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00:00 Pour moi, ça a été vraiment le départ, ce qui m'a inspiré,
00:03 qui m'a donné envie aussi de réécrire.
00:06 J'ai toujours ce besoin d'être émerveillé, d'être étonné.
00:10 C'est le moteur, c'est ce qui réveille mon inspiration.
00:13 Je dirais que le point de départ du disque, le fil rouge en tous les cas,
00:24 ça a été en écoutant un mix dans le sud de la France,
00:27 chez moi en Provence, un mix de César et Évora.
00:30 J'écoute une musique capverdienne et puis là,
00:32 j'entends une voix, mais qui me hante.
00:34 C'est celle de Susani Pires.
00:35 Je suis allé à la rencontre de cette voix au Cap Vert.
00:38 J'avais un numéro de téléphone en poche,
00:39 celui de José da Silva, qui était, bon, pas n'importe quel numéro,
00:43 le numéro de téléphone du producteur de César et Évora.
00:46 Et donc, je suis arrivé là-bas, je suis arrivé à Praia.
00:48 J'ai lu au téléphone, il me dit "mais nous, on est à São Vicente,
00:51 sur une autre île", parce qu'au Cap Vert, c'est un archipel,
00:53 il y a une dizaine d'îles là-bas.
00:54 Et donc, je suis allé à São Vicente, l'endroit où vivait César et Évora.
00:58 Je suis allé à la rencontre de Susani, donc.
01:01 Et puis là, ça a été immédiat.
01:03 Ça a été très naturel, forte personnalité.
01:07 On s'est posé ensemble, je suis allé l'écouter jouer, faire des concerts.
01:10 Et puis, on s'est posé,
01:12 on a commencé à faire de la musique ensemble, de l'A&E "Pays des merveilles".
01:14 En créole capverdien, elle dit dans le refrain de "Pays des merveilles"
01:18 qu'elle a grandi dans un univers où elle était très loin du luxe.
01:22 Il lui manquait énormément de choses, mais qu'il y avait de l'amour à gogo.
01:25 Et de là, je suis parti.
01:26 J'ai écrit ce truc-là, "Pays des merveilles".
01:28 Pour moi, ça a été vraiment le départ,
01:31 ce qui m'a inspiré, qui m'a donné envie aussi de réécrire.
01:35 J'ai toujours ce besoin d'être émerveillé, d'être étonné, en fait.
01:40 C'est le moteur, c'est ce qui réveille mon inspiration.
01:42 Sincèrement, je connaissais César et Évora,
01:46 ses chansons, ses duos avec Selif Keïta, parce que c'est une musique qui me parle.
01:51 Mais là-bas, ça a été une vraie découverte pour moi.
01:53 Ceux-Ani ont fait cette chanson-là.
01:55 Ce qui est magnifique, c'est que j'enregistre avec ceux-Ani à Sao Vicente,
01:59 dans un sous-sol, dans 20 mètres carrés.
02:01 C'est dans ce studio que César et Évora ont enregistré.
02:03 Enfin voilà, moi, c'est quelque chose qui me nourrit.
02:06 Et puis, voilà, l'inspiration, ça a réveillé plein de choses chez moi.
02:09 De là, j'ai écrit "Trop vieux pour être jeune, mais trop jeune pour être vieux",
02:13 avec une phrase qui est écrite en créole capverdien dans cette chanson-là aussi,
02:17 qui dit "Aña camin soda de esperanza".
02:20 Sur le chemin entre l'espoir et la nostalgie.
02:23 Les mecs de ma génération, les gens de ma génération se retrouvent là.
02:27 On est un peu entre deux âges comme ça.
02:29 Ce qui m'a frappé là-bas au Cap Vert,
02:32 c'est cette faculté d'aller droit à l'essentiel.
02:35 La musique est omniprésente là-bas.
02:36 La famille, une bonne bouffe, le partage, c'est cette générosité.
02:40 Ce côté très instinctif de t'accueillir, de t'asseoir à leur table.
02:44 C'est d'une sincérité, mais c'est...
02:46 Enfin voilà, il n'y a pas de filtre, là.
02:47 Tu ne sais pas dire entre les lignes.
02:49 Et ça, c'est quelque chose qui me parle.
02:50 Je suis resté là-bas trois semaines, donc j'ai fait pas mal de soirées.
02:53 Cézanne m'a embarqué avec elle, elle m'a traîné un peu de partout là-bas.
02:57 Et un soir, je débarque dans un bidonville.
02:59 Elle me dit "On va voir des copines".
03:01 C'est les Batucaderas du Cap Vert.
03:04 C'est douze mamas qui chantent et qui jouent des percus.
03:07 Elles sont assises comme ça, en rond, comme les groupes de gospel.
03:10 Il y en a une qui chante et les autres qui lui répondent.
03:12 Et ça, c'est vrai que ça, c'est quelque chose qui m'a fasciné.
03:14 Parce que tu ne tiens pas en place.
03:16 Je ne sais pas, tu as les épaules, tu commences à bouger,
03:18 tu commences à balancer et tu danses, t'es en l'air, t'es pas dans le sol.
03:21 Et il y a un truc qui est très charnel aussi dans cette musique-là, dans cette danse.
03:26 Ça m'a tellement fasciné que j'ai commencé à chanter avec elle
03:29 et qu'on a sympathisé et je les embarque avec moi sur ma tournée.
03:32 Donc, il va y avoir une grosse formation.
03:34 C'est le producteur qui tire la gueule.
03:35 Ça, c'est son problème, c'est pas le mien.
03:37 Moi, ce qui me fascine là-dedans, c'est d'être allé là-bas.
03:39 J'ai ramené des souvenirs et puis ces souvenirs,
03:42 j'ai envie de les partager avec les gens qui m'apprécient.
03:46 Cet album s'appelle "C'est drôle la vie".
03:48 C'est drôle la vie, c'est vrai qu'il y a une touche d'humour.
03:50 Elle est drôle la vie, mais en même temps, il y a un côté mélancolique,
03:53 une tristesse, parce que le temps, il trace, le temps, il passe.
03:57 Et je crois que cet album, il est né et sorti de confinement.
03:59 Après, cette punition que le monde entier a vécue,
04:03 on s'est rendu compte à quel point tout pouvait s'arrêter du jour au lendemain.
04:06 Et c'est vrai que c'est des thèmes que j'ai pu écrire comme ça.
04:10 Parce que je parle de moi dans cet album, forcément.
04:12 Je parle de moi, des valeurs existentielles, des questions existentielles.
04:16 Mais quand je parle de moi, je parle de l'autre.
04:18 Parce que je pense que je suis dans le vrai.
04:21 Je parle de transmission.
04:23 Là, je suis entre deux âges.
04:25 Dans une main, mes parents, dans l'autre, mes gamins.
04:27 Entre ce temps qui fout le camp et celui qui vient.
04:30 Je sais que ce n'est pas éternel,
04:31 mais je mesure à quel point j'ai cette chance-là.
04:33 Et ça m'émeut, rien que de le dire.
04:35 Parce que c'est vrai que ça peut paraître banal de dire
04:37 "Ouais, j'ai mes parents et mes enfants".
04:39 C'est banal, mais comme ce n'est pas éternel, c'est précieux.
04:41 Et comme c'est précieux, j'ai envie d'y mettre le doigt dessus.
04:43 J'ai envie d'en parler.
04:44 -Sincèrement, je n'ai pas ce rapport-là à la vie.
04:46 Je ne me dis pas que c'est compliqué de vieillir ou quoi.
04:49 Ça dépend, si tu vieillis bien.
04:50 Je n'ai jamais été autant épanoui qu'en ce moment,
04:53 depuis quelques années.
04:54 Pour plein de raisons.
04:55 Pour celles que je viens de citer déjà.
04:57 Et puis parce que je relativise, quoi.
04:59 C'est aussi pour ça que j'ai souvent du mal à parler de mes chansons.
05:02 Parce qu'il y a un côté très sérieux quand tu racontes...
05:06 Ça reste que des chansons, sauf pas des vies.
05:08 Mais à travers mes chansons, par contre,
05:09 j'ai envie de parler de choses qui me tiennent à coeur.
05:12 Et de parler de choses qui me tiennent à coeur.
05:14 Et de partager ces valeurs-là.
05:15 Parce que c'est créer du lien.
05:17 Créer du lien avec les gens qui m'entourent.
05:19 Les gens qui viennent me voir sur scène.
05:21 Parce que je trouve que c'est magnifique, quoi.
05:23 De rassembler.
05:24 Il n'y a rien de plus fabuleux que ça, quoi.
05:25 De me sentir utile.
05:26 Ça pourrait l'être parce que c'est mon portrait craché.
05:30 Mais c'est mon fiston.
05:31 J'avais pris cette photo il y a quelques années.
05:33 C'est une photo, sincèrement, qui s'est imposée à moi.
05:36 J'appelle cette chanson "C'est drôle, la vie".
05:38 Parce que je parle du temps qui passe.
05:39 Je parle de transmission.
05:40 Et je sais pas, j'ai cette photo de mon fils Marcel.
05:44 Qui est là.
05:45 Où il a le regard au loin, comme ça.
05:46 Déjà, pour plein de raisons, j'ai choisi cette photo.
05:50 C'est mon portrait craché.
05:51 Mais je crois qu'il ressemble encore plus à ma mère qu'à moi.
05:53 Sur cette photo.
05:54 Et je sais pas, il regarde au loin, comme ça.
05:55 Lui, il a rien demandé pour être là.
05:57 Je me vois, moi aussi, quoi.
05:58 Ouais, forcément, c'est ce qui te fait du bien, quoi.
06:02 Là, pour le coup, moi, ça fait des années, quoi.
06:05 Ma femme, ça fait 20 ans.
06:06 Elle était avec moi dans les moments les plus galères.
06:08 Elle m'a connu dans les piano-bars.
06:09 Où elle m'a aidé à porter les enceintes.
06:11 Pour les ranger dans le coffre arrière d'une bagnole, d'une 4L, à l'époque.
06:15 Je roulais.
06:16 On vivait ça, mais on était les plus heureux.
06:18 Pour revenir à la famille, forcément, que c'est le soc, c'est ma base.
06:21 C'est les gens qui me portent, qui me supportent.
06:23 C'est mon moteur de vie, quoi.
06:24 Mais des fois, je suis loin de la maison.
06:25 Et mon moteur, c'est ça.
06:27 C'est de le retrouver, quoi.
06:28 C'est aussi comme ça que je me suis construit.
06:29 Qu'on s'est construits tous ensemble.
06:30 De se manquer pour mieux se retrouver.
06:31 L'un sur l'autre, au bout du deuxième jour,
06:34 même coup de pied, elle me supporterait plus.
06:35 J'ai énormément de chance.
06:39 J'ai deux secondes de ces gens-là qui m'entourent.
06:41 Des musiciens de talent, des jazzmans qui viennent de quatre coins du monde.
06:46 J'ai mis 20 ans, je crois, à trouver ma couleur musicale.
06:49 Et depuis la tournée précédente, je l'ai vraiment trouvé.
06:51 À travers des instruments très organiques.
06:53 Et des musiciens de jazz qui viennent donner la couleur comme ça.
06:56 Et c'est vrai que cette famille-là, cette famille de musiciens qui m'entourent,
07:00 seront à mes côtés sur la scène.
07:02 J'ai envie de finir par ça.
07:03 Que finalement, la diversité, c'est une richesse, quoi.
07:07 Elle est loin d'être un obstacle.
07:09 C'est juste magnifique.
07:11 [Musique]