"De grandes espérances" : jusqu'où aller par ambition politique ?

  • l’année dernière
Chaque semaine, nos critiques Samuel Douhaire et Marie Sauvion commentent et notent un film sorti le mercredi. Aujourd’hui, « De grandes espérances » de Sylvain Desclous.

Madeleine et Antoine, l’une venant d’un milieu modeste, l’autre fils d’un riche avocat, forme un couple de futurs politiques pleins d’ambitions. Un drame va chambouler leurs plans et les placer face à un dilemme.

Pour nos deux critiques, ce thriller politique s’appuie sur un puissant casting : Rebecca Marder, nouveau visage du cinéma français, Benjamin Lavernhe de la Comédie-Française, Emmanuel Bercot dans un rôle qui la sort de sa zone de confort et Marc Barbé, trop rare au cinéma.

Si un manque de tension se fait ressentir, la résilience de Madeleine, la lâcheté d’Antoine, le discours politique adjacent en font un film réussi dans son ensemble.
Transcript
00:00 Un couple d'étudiants brillants sur le point de postuler à l'ENA
00:03 est pris dans un drame dont on ne dira pas grand chose,
00:07 mais si ce n'est qu'il est du côté criminel de la force
00:10 et va voir tout son avenir politique remis en question.
00:13 Quand j'allais voir ta mère à l'hôpital,
00:20 tous les jours elle me disait,
00:21 tu verras, Madeleine un jour elle sera ministre.
00:24 Je lui disais non, pas ministre, présidente.
00:27 De Grandes Espérances est un film très classique dans sa forme,
00:30 mais un film très solide, très bien raconté,
00:33 très bien joué, mise en scène efficace.
00:35 Le point fort du film, ce sont les comédiens.
00:37 Alors Rebecca Marder, on va se dire c'est la nouvelle Isabelle Huppert,
00:40 il n'y a plus un film français sans Rebecca Marder,
00:42 mais tant qu'elle joue bien comme ça, ça peut continuer.
00:44 Elle est très juste dans le rôle d'une transfuge de classe,
00:47 une jeune femme issue d'un milieu très populaire.
00:50 Face à elle, il y a Benjamin Lavergne,
00:52 peut-être un peu trop âgé pour le rôle,
00:54 mais lui c'est pareil, c'est un peu un frégoli,
00:57 il peut vraiment tout jouer et là,
00:59 il est vraiment dans un rôle pas facile du tout,
01:01 parce que c'est vraiment un personnage très lâche,
01:03 pas du tout sympathique.
01:04 Il incarne vraiment cet anti-héros,
01:06 ce petit homme vraiment très faible,
01:09 avec beaucoup de conviction et beaucoup de talent.
01:11 Je rejoins complètement Samuel.
01:13 D'abord sur le côté solide du film,
01:15 bien fichu, bien écrit.
01:17 C'est ce qu'on appellerait, ou ce qu'on appelait autrefois,
01:20 un bon film du samedi soir.
01:21 Alors je vous rassure tout de suite, vous pouvez y aller un jeudi,
01:23 c'est pas ça la question.
01:24 Mais c'est vraiment le film carré comme on l'aime.
01:29 Ça se voudrait un peu un thriller,
01:30 moi j'ai du mal avec cette expression,
01:31 parce que pour moi le thriller,
01:32 ça sous-entend quand même de la tension, du suspense.
01:36 C'est pas tellement ce qui se joue là.
01:38 C'est quoi ce message que t'as écrit à Gabriel ?
01:41 Antoine, rappelle-moi, qu'est-ce que tu me fais là ?
01:43 On avait dit qu'on était deux, qu'on était ensemble.
01:46 Y'a un problème ?
01:49 C'était sur une route au milieu de nulle part.
01:52 Allez, avance !
01:54 Ça va pas ?
01:55 On s'est fait agresser avec mon copain.
01:57 Lâchez-moi !
01:59 Bougez pas !
02:01 Bougez pas !
02:03 Marie a pas tort, le film manque parfois un petit peu de tension
02:06 pour atteindre la dimension de vrai thriller.
02:08 Y'a quand même une scène très très forte,
02:09 alors je vais pas trop en dire,
02:10 c'est la fameuse scène par laquelle le malheur peut arriver
02:13 et va peut-être briser la carrière politique naissante des deux héros du film.
02:16 Et y'a une scène de tension entre Benjamin Lavergne,
02:20 puis Rebecca Marder et un troisième individu.
02:24 Là, la scène est quand même très très forte,
02:26 vraiment très très inquiétante.
02:27 Ce que j'aime beaucoup dans le personnage que joue Rebecca Marder,
02:30 c'est qu'elle est pas infiniment sympathique.
02:33 Elle a des zones d'ombre, elle a une ambiguïté en tout cas,
02:36 notamment dans les rapports qu'elle a avec son père.
02:38 Et Mark Barbet, qui est un comédien qui se fait un peu rare
02:43 et qui joue le père de Madeleine, de l'héroïne,
02:46 et qui est ce type un peu compact, taiseux, mystérieux,
02:51 un peu rustre on va dire,
02:53 et qui va se révéler assez touchant dans le film.
02:57 Et la relation entre les deux comme ça,
02:59 qui est une relation un peu passive-agressive,
03:01 qui est une relation de gens qui ne se parlent plus beaucoup,
03:04 mais qui vont se retrouver comme ça autour d'une bière,
03:07 ça marche vraiment bien dans le film.
03:09 Oui, je rejoins Marie, la qualité d'écriture du film aussi,
03:11 c'est la qualité des seconds rôles.
03:13 Il y a Emmanuel Berco, alors qui malheureusement
03:15 est trop souvent cantonné à des rôles d'hystérique au cinéma,
03:19 et là pour une fois, et un grand merci à Sylvain Declos, le réalisateur,
03:22 de lui donner un rôle beaucoup plus complexe.
03:24 Elle est très très juste vraiment dans le film,
03:26 sans en faire trop, ce qui encore une fois n'est pas si souvent.
03:29 Je ne vais pas y arriver.
03:30 Au revoir.
03:31 En temps de parler de toi, il faut que tu te dispresses.
03:33 Putain de lace Antoine !
03:35 Si tu t'étais défendu, on ne serait pas là.
03:37 Il faut qu'un bon avocat se prenne du sursis.
03:39 Il y a un truc que je ne sens pas chez toi.
03:42 Il y a quelque chose que tu ne dis pas.
03:44 Qu'est-ce que tu ne me dis pas ?
03:45 C'est un film politique comme on aime les faire en France,
03:52 c'est-à-dire qu'il n'y aura pas de nom,
03:54 on ne sait pas exactement sous quel gouvernement ça se passe,
03:57 alors il y a quand même des petites choses amusantes.
03:59 Il y a Thomas Tévenoud, ex-ministre qui était allergique à la paperasse,
04:03 et comme je le comprends,
04:04 qui joue le rôle du ministre du Travail,
04:06 et Raphaël Chevènement,
04:08 qui a collaboré au scénario,
04:10 fils de Jean-Pierre Chevènement apparemment.
04:12 De grandes espérances, c'est un film prometteur,
04:14 ça mérite un bon bien.
04:16 Samuel et moi on est d'accord, c'est un bon bien,
04:18 bon film du samedi soir pour tous les soirs de la semaine.
04:20 [Musique]

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