• l’année dernière
Avec « Mon Crime », François Ozon revisite le théâtre de boulevard en y injectant un discours « post-MeToo ».

Le réalisateur continue son histoire d’amour avec le théâtre en adaptant une pièce de Louis Verneuil et Georges Berr. Madeleine aspirante comédienne est accusée du meurtre d’un riche producteur et Pauline, sa meilleure amie, avocate en devenir, décide de prendre sa défense lors d’un procès. Sous la lumière des projecteurs, la vie des deux amies va radicalement changer.

François Ozon s’amuse avec les codes du théâtre de boulevard et multiplie les clins d'œil aux problématiques d’aujourd’hui.
Pour nos critiques, le film est un grand moment de divertissement malgré quelques réserves.
Transcription
00:00 Ariane Etrante, une comédienne sans le sou, sans rôle, sans grand espoir,
00:04 qui vit en coloc avec sa meilleure amie avocate,
00:06 est accusée d'avoir tué un producteur trop entreprenant.
00:10 Elle est accusée et elle s'accuse.
00:12 Et au bout du crime, il y a le succès, l'argent, la gloire.
00:16 Séduite, abandonnée, enceinte, vous avez des excuses.
00:24 Verdict, 5 ans de prison.
00:26 5 ans, c'est mieux que tout à l'heure, mais c'est encore beaucoup.
00:28 Il y a préméditation, mademoiselle.
00:30 L'intention de tuer est évidente.
00:32 Parce que ma cliente est venue avec son revolver.
00:34 Absolument, maître Mollion.
00:35 C'est l'adaptation d'une pièce de théâtre des années 30
00:38 et on est vraiment dans la veine théâtrale de François Ouzon,
00:41 c'est-à-dire on est chez l'auteur de Huit Femmes,
00:44 chez l'auteur de Potiche,
00:46 dans cette veine comme ça, amusante, ripollinée, ultra glamour.
00:51 Le risque du théâtre de boulevard aussi, c'est d'accentuer la théâtralité.
00:54 Alors Ouzon est expert en la matière,
00:56 mais c'est vrai que le début du film, il faut quand même un bon quart d'heure
00:59 à s'habituer à cette diction un petit peu particulière.
01:02 Parce que vraiment, Ouzon assume vraiment le fait que ça vienne d'une pièce de théâtre.
01:06 Il essaie pas du tout de le gommer.
01:08 Et donc les actrices et l'acteur au début, dans la première scène,
01:11 qui est Franck Delapersone, joue beaucoup là-dessus.
01:13 Il y a bien un petit ventre mou un moment au trois quarts du film,
01:16 parce que c'est aussi, j'allais dire, le risque d'adapter du théâtre de boulevard,
01:22 d'adapter du Vau-de-Ville, c'est le côté mécanique finalement de l'affaire.
01:25 C'est-à-dire qu'on s'amuse follement,
01:28 pas forcément non plus bouleversé par ce qui se joue à l'écran.
01:31 Mais n'est-il pas possible, en 1935, de mener sa carrière, sa vie de femme, en toute égalité ?
01:38 Ta vie me sent si différente à présent.
01:46 Décidément, ton crime fait des miracles.
01:48 Comme souvent avec Ouzon, on part du théâtre,
01:50 d'un théâtre ouvertement rétro, ouvertement vintage.
01:52 Il appuie beaucoup là-dessus.
01:54 D'ailleurs, dans les décors, dans la mise en scène,
01:55 mais c'est pour parler de tout à fait autre chose,
01:57 et en l'occurrence, de parler d'aujourd'hui.
01:59 En fait, il fait de cette pièce peut-être un petit peu misogyne sur les bords,
02:04 un film qui se veut, qui revendique un féminisme très contemporain.
02:08 C'est une histoire d'un meurtre d'un producteur libidineux.
02:11 Évidemment, on pense forcément à Harvey Weinstein.
02:15 Et il y a une espèce d'empowerment des deux jeunes femmes,
02:19 la jeune actrice et la jeune avocate,
02:21 qui vont se serrer les coudes pour aller vers une certaine émancipation féminine
02:25 et de servir d'exemple à la société française tout entière.
02:28 Ce qui est très joli dans mon crime,
02:30 c'est qu'elles sont super amies, super intimes.
02:33 Elles vivent ensemble, elles partagent le même lit,
02:35 elles partagent le même tribunal.
02:38 Et que cette sororité revendiquée par le film,
02:42 c'est le côté très moderne,
02:43 par ailleurs apporté par les deux interprètes,
02:45 Rebecca Marder et Nadia Tereskevic,
02:47 qui sont pétaradantes, virevoltantes, très drôles,
02:50 belles comme des cœurs,
02:51 enfin voilà, et qui apportent une vraie modernité dans ce qu'elles jouent.
02:55 Après, sur le côté #MeToo et sur ce qu'il en dit,
02:58 c'est là où on voit qu'Ozon, qui n'est pas né de la dernière pluie,
03:01 est quand même un petit malin,
03:02 parce que c'est à la fois un film
03:06 qui se revendique ouvertement féministe,
03:07 il y a toute une tirade au tribunal sur
03:10 "on est dans les années 30, il serait quand même un petit peu temps d'arriver à l'égalité".
03:13 Disons qu'il est suffisamment prudent
03:15 pour qu'on ne sache pas exactement ce qu'il pense de #MeToo.
03:17 Est-ce qu'il fait partie de ces metteurs en scène, de ces artistes français,
03:20 il y en a certains, qui trouvent que #MeToo c'est très bien,
03:23 mais il y a quand même des excès,
03:24 mais ça va quand même un petit peu trop loin.
03:26 C'est l'habileté de François Ozon,
03:27 qui est vraiment, comme l'a dit Marie, un gros malin,
03:30 qui peut être même un petit peu pervers parfois.
03:32 Et là, vraiment, le côté très malin de la chose,
03:35 c'est effectivement de dire que, dans ce film-là en tout cas,
03:38 les femmes s'en sortent par la manipulation, de certaine manière.
03:41 Il y a du mensonge, il y a de la ruse,
03:42 il y a une vraie manipulation générale de l'opinion publique.
03:45 Donc voilà, c'est #MeToo, mais avec certains bémols.
03:48 C'est ce qui fait d'ailleurs l'intérêt du film.
03:51 On ne va pas en dire beaucoup sur le personnage d'Isabelle Huppert,
04:09 sinon pour dire que le personnage joue beaucoup
04:12 avec l'image publique d'Isabelle Huppert, actrice.
04:15 De jouer avec autant d'auto-dérision et autant de panache ce rôle-là,
04:20 c'est vraiment à mettre au crédit de la grande Zaza Huppert.
04:22 Mon crime, un divertissement de haut de volée,
04:24 très malin, un peu pervers parfois, ça mérite un très bien.
04:28 Mon crime, c'est drôle comme tout,
04:30 ça ne va pas changer votre vie non plus, c'est un vrai bon bien.
04:33 *musique*

Recommandations