Quel est le point commun entre JCVD, Street Fighter et Michael Jordan ? Ce sont des légendes !
Entouré d’experts triés sur le volet, Sébastien Abdelhamid vous invite Dans La Légende.
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00:00:00 Bonjour à tous et bienvenue dans La Légende.
00:00:02 Dans La Légende, c'est l'émission qui retrace l'histoire de vos émotions.
00:00:06 On parle de cinéma, de jeux vidéo, de musique, de manga.
00:00:11 Et aujourd'hui, on va parler d'une légende.
00:00:14 Parmi les légendes, le regretté Leiji Matsumoto.
00:00:29 Et pour parler de Matsumoto-sensei, le regretté Matsumoto,
00:00:34 nous avons avec nous de magnifiques invités.
00:00:38 Claire, bienvenue, c'est ta première fois avec nous.
00:00:41 Bienvenue du web ring Leiji France.
00:00:44 Francophone.
00:00:45 Francophone, pardon.
00:00:46 C'est très important.
00:00:48 Donc un regroupement de fans de l'œuvre de Matsumoto, du coup.
00:00:52 C'est ça, tout à fait.
00:00:53 C'est une association de fans, enfin une association, une communauté de fans, de sites.
00:00:58 Et on unit nos efforts pour participer à des conventions.
00:01:02 On fête nos 20 ans cette année, d'ailleurs, au Japan Tour Festival.
00:01:06 Bon anniversaire, on avance.
00:01:08 Merci.
00:01:09 À tes côtés, nous avons Valentin Paco, journaliste spécialiste du manga et de l'animé.
00:01:15 Toujours un plaisir de t'avoir avec nous.
00:01:17 J'ai mon siège.
00:01:18 Tu as ton siège, tu as ton duvet là et tout, ton petit oreiller.
00:01:21 Donc très cool de t'avoir avec nous, comme toujours.
00:01:24 Et Julien, bienvenue de nouveau.
00:01:28 Ça faisait un petit moment qu'on ne t'avait pas vu.
00:01:30 Ma deuxième fois.
00:01:31 Voilà, ta deuxième fois.
00:01:32 Deux circonstances.
00:01:33 Tu es auteur, webmaster du site Triple 9.
00:01:36 Et on peut dire que tu as écrit un ouvrage.
00:01:40 J'ai écrit un livre sur Matsumoto.
00:01:42 Ça devait être un hommage pour ses 70 ans de carrière en 2023.
00:01:46 C'est devenu un hommage posthume par la force des choses.
00:01:49 Mais il devrait sortir cet été aux éditions INIS.
00:01:51 On attend avec impatience.
00:01:53 Alors, mes amis, il est temps de rentrer dans le vif du sujet.
00:01:56 Et je pense qu'on va commencer par la jeunesse de Matsumoto.
00:02:00 Parce que cette jeunesse, on va le voir ensemble, va façonner plein de choses par la suite.
00:02:06 Qui veut commencer sur la jeunesse de Matsumoto-sensei ?
00:02:17 Bon, allez, je me lance en tant qu'ancien de l'émission.
00:02:21 Matsumoto est né en 1938.
00:02:24 Il a connu la Seconde Guerre mondiale.
00:02:27 Il a connu l'occupation.
00:02:28 Son père était d'ailleurs dans l'armée pilote d'essai dans l'armée de l'air.
00:02:33 Je me permets, il était véritablement pilote ?
00:02:37 Parce qu'il y a des fois où on nous dit qu'il travaillait sur les avions, mais il n'était pas pilote.
00:02:42 Non, il n'était vraiment pas tant un pilote.
00:02:45 Il a commencé dans l'école des officiers.
00:02:48 Et il a gravi les échelons.
00:02:50 Il a dit en fait que son premier jour à l'armée, il n'était pas pilote, mais il était pilote.
00:02:55 Il a été formé en tant que pilote entre 19 et 21.
00:03:00 C'était déjà un vétéran de l'aviation.
00:03:03 Et il était, avant la guerre, pilote d'essai pour Mitsubishi.
00:03:08 Il a été rappelé dans l'armée pour devenir chef d'escadre et former des nouveaux pilotes.
00:03:13 D'accord.
00:03:14 C'était important de le rappeler, puisqu'il y a des voix dissonantes.
00:03:18 Il a été formé par une mission française aéronautique au Japon entre 1919 et 1921.
00:03:25 C'était un ancien pilote même.
00:03:28 Oui, mais c'est important, on va le voir, parce que c'est, comme je le disais un petit peu en préambule,
00:03:32 tout ça va façonner tout le reste de la vie de Matsumoto et de son imaginaire.
00:03:37 Complètement.
00:03:38 Un des points clés du Lightyverse, des messages du Lightyverse, c'est "la guerre c'est mal".
00:03:44 On ne peut pas le dire de manière plus simple et plus frontale.
00:03:49 Son père est rentré plus que désabusé et de la guerre elle-même,
00:03:54 et du traitement, le traitement d'être le survivant...
00:03:59 Il se sentait un peu coupable d'être...
00:04:02 Ce n'est pas qu'il se sentait, on lui a fait ressentir, c'est plus ça.
00:04:05 Oui, c'est ça.
00:04:06 Comment on lui a fait ressentir ?
00:04:09 Il aurait dû mourir au combat et tomber au champ d'honneur un peu.
00:04:14 C'était moins glorieux en tout cas de revenir vivant plutôt que de mourir avec la guerre.
00:04:20 Il y avait ça, il y avait aussi le côté, lui il est pilote,
00:04:24 mais il ne veut pas travailler avec les avions de l'occupant,
00:04:29 donc il va changer complètement de métier,
00:04:32 et ça va faire une baisse dans les revenus de la famille.
00:04:38 Sa mère qui est institutrice, il me semble, c'est-à-dire professeure en tout cas,
00:04:44 qui à l'époque c'est très rare, une femme mariée qui travaille,
00:04:50 donc ils ont des revenus modestes,
00:04:53 et tout ça, ça va façonner effectivement l'universalisme de Lady Matsumoto,
00:05:01 la lutte, il faut abolir les classes sociales,
00:05:05 il faut aimer tout et prochain, quel qu'il soit.
00:05:10 – Parce qu'il va être très jeune pendant la guerre,
00:05:12 il va connaître les bombardements, etc.,
00:05:14 mais c'est surtout l'après-guerre en fait, les répercussions de l'après-guerre,
00:05:18 c'est quelque chose qui va prendre frontalement, c'est ça Julien peut-être qui…
00:05:24 – Oui, la famille Matsumoto est vraiment après-guerre,
00:05:28 dans une situation d'extrême pauvreté,
00:05:31 lui il voudrait être pilote, mais comme il est MIOP, ça ne va pas être possible,
00:05:36 il aimerait ensuite être ingénieur et créer des avions,
00:05:38 mais il n'y a pas les moyens de lui payer les études,
00:05:41 donc finalement ce qu'il lui reste c'est le dessin,
00:05:43 c'est sa troisième grande passion, et heureusement pour lui ça va bien marcher,
00:05:47 mais voilà, la situation familiale est vraiment compliquée,
00:05:51 et une grande partie de…
00:05:54 quand il part après, on avance un peu dans le temps,
00:05:57 mais vers 56-57 il part à Tokyo pour devenir mangaka et en faire son métier,
00:06:04 il a juste de quoi se payer le billet de train, l'allée simple pour y aller.
00:06:08 – C'est beau hein ?
00:06:09 – Absolument, c'est un peu le saut de la foi à ce moment-là.
00:06:12 – Mais alors avant d'en venir là, tu disais, le manga c'était un peu…
00:06:15 enfin le dessin, c'était sa troisième passion, il va y venir très tôt également.
00:06:20 – C'est incroyable en fait, je ne sais pas si on…
00:06:24 dès l'école primaire, il dessine, il dessine, il dessine,
00:06:28 et il crée un cercle de doujin, un cercle de dessin amateur,
00:06:34 mais il crée un cercle, c'est-à-dire qu'il fonde des statues, une association,
00:06:39 moi je mangeais des bonbons et je jouais au foot avec les copains,
00:06:45 je n'ai pas mon association… – Je ne t'ai pas capté dans ma chambre alors !
00:06:48 – Voilà, c'est incroyable, il dessine, il dessine,
00:06:52 il dessine plein d'histoires, il copie des œuvres, il s'inspire,
00:06:55 il fait plein de choses et c'est à 15 ans qu'il va participer à un premier concours.
00:07:01 – Et là, Julien nous montre…
00:07:04 – Voilà, son premier manga publié dans un magazine.
00:07:06 – À 15 ans. – À 15 ans, "Les aventures d'une abeille",
00:07:10 le magazine est daté de février 1954, mais puisqu'au Japon il y a un décalage
00:07:15 entre la date du magazine et sa sortie, donc il est sorti en décembre 1953,
00:07:19 et donc voilà, "Les aventures d'une abeille", une histoire…
00:07:23 un des récits favoris de Matsumoto dans son enfance, c'est "Maya l'abeille",
00:07:27 donc on sent une grosse influence, mais c'est parmi le jury de ce concours,
00:07:32 il y a un certain Osamu Tezuka qui se dit "Ah, ce petit gars-là,
00:07:37 Kyushu, dans le sud, il est intéressant, je devrais peut-être aller le rencontrer",
00:07:42 et ça va être ensuite le début d'une amitié qui va durer…
00:07:45 – Alors, on va s'arrêter sur Tezuka, Tezuka c'est une de ses influences aussi,
00:07:49 durant sa jeunesse, Claire tu peux peut-être nous en parler, c'est quelque chose qu'il a…
00:07:53 – Il va être beaucoup influencé par le trait de Tezuka, effectivement.
00:07:58 – Comme tout le monde à l'époque, mais je veux dire, c'est quelque chose de fondamental.
00:08:02 – C'est ça, ça se retrouve… on a quoi, comment on dit,
00:08:06 notamment "Some Marine Super 9/9" où vraiment on a l'impression de voir du Tezuka,
00:08:11 c'est assez touchant finalement, parce qu'on sent l'influence, on sent l'hommage.
00:08:17 – Il l'avait dit aussi dans une interview où Tezuka, sa famille était pauvre,
00:08:24 il empruntait des mangas au CDI, l'équivalent japonais du CDI,
00:08:29 et c'était surtout les Tezuka qui étaient présents dans la culture manga,
00:08:33 parce qu'il était déjà reconnu à Doubay,
00:08:36 et il a bingé tout ce qu'il pouvait de Tezuka,
00:08:41 et c'est là où il revenait le plus, il y avait ce lien,
00:08:45 et c'est incroyable de se dire, le destin,
00:08:47 et aussi quelque chose de très fort dans l'œuvre de Leiji,
00:08:50 en fait le destin chez Leiji, c'est incroyable,
00:08:54 c'est-à-dire des fans de Tezuka, ton premier concours où tu participes,
00:08:58 Tezuka est un des membres du jury, c'était dans le magazine manga "Shonen",
00:09:02 et il dit "oui ok, lui il est bien, on va en faire quelque chose".
00:09:08 – Alors comment ça se passe, parce que 15 ans, il remporte le prix,
00:09:11 il est publié, il est repéré par Tezuka,
00:09:16 comme Valentin le disait, c'est quand même limite déjà un aboutissement pour un gamin,
00:09:22 qu'est-ce qui se passe à ce moment-là, la rencontre Matsumoto-Tezuka,
00:09:28 comment ça se passe entre les deux ?
00:09:30 – En fait, grâce à cette première expérience de publication,
00:09:34 Matsumoto va pouvoir faire un peu vivoter de son dessin
00:09:38 en faisant des strips dans les journaux locaux.
00:09:42 – Il reste toujours… – Il est toujours à Kyushu.
00:09:44 – À Kyushu, il n'a pas encore…
00:09:46 – C'est l'île la plus au sud du Japon, si tu peux pas forcément,
00:09:49 c'est à 1000 km de Tokyo, on pourrait croire que c'est 999 km,
00:09:53 ça serait un beau symbole.
00:09:55 Et en fait, il a 17 ans quand un jour, un week-end,
00:10:02 Tezuka débarque chez lui, enfin débarque dans l'association
00:10:05 qu'il a fondée avec d'autres jeunes mangakas,
00:10:07 pour un peu les tester, les faire dessiner.
00:10:11 – Attends, c'est ouf quand même, on parle de Tezuka,
00:10:14 vraiment le pape du manga, il arrive, il débarque dans la petite association,
00:10:21 il est plus collégien à l'époque, il est peut-être lycéen,
00:10:24 il arrive comme ça, normal quoi.
00:10:27 – Il arrive et pendant le week-end, il passe deux jours, deux trois jours,
00:10:32 dans une auberge de Kyushu à dessiner, et à la fin de ce week-end,
00:10:37 Tezuka lui dit "tu sais, il faut que tu montes à Tokyo,
00:10:40 ton destin il n'est pas ici, il faut que tu viennes à Tokyo
00:10:45 et c'est là-bas que tu pourras devenir mangaka".
00:10:47 Et c'est là que Matsumoto va se dire "en fait, je vais mettre mes économies,
00:10:52 je vais me prendre le billet de train et puis faire ce voyage qui dure…".
00:10:55 À l'époque, en train, c'est 24 heures pour faire…
00:10:59 – C'est complètement fou.
00:11:00 – …Kokura, Tokyo, et avec, ce qu'il raconte,
00:11:04 c'est plusieurs traversées dans des tunnels sous-marins,
00:11:06 il y en a pas mal au Japon, et à chaque fois,
00:11:09 de longues sections qui sont plongées dans le noir complet,
00:11:13 et où il s'imagine, il dit "je suis en train de voyager dans l'espace",
00:11:16 et ça c'est des sentiments qui lui reviendront 20 ans plus tard
00:11:20 au moment de dessiner Galaxy Express, ce côté de ce voyage en train
00:11:24 vers l'âge adulte à travers l'espace.
00:11:28 – Il ne va pas l'abandonner à Tokyo.
00:11:31 – C'est un mentor.
00:11:33 – On peut dire que c'est un ouvreur de porte en tout cas.
00:11:36 – Qu'est-ce qu'il faut de plus pour le considérer comme un mentor ?
00:11:39 C'est-à-dire qu'il le repère, il va le voir sur son île,
00:11:42 il débarque dans son asso et il dit "écoute, ta vie elle n'est pas là,
00:11:46 elle est là-bas, si tu veux devenir mangaka,
00:11:48 je trouve que c'est quand même…
00:11:51 c'est comme si Zidane venait me voir pendant que je jouais au foot,
00:11:54 tu vois ce que je veux dire ? Il n'est pas venu, mais c'est pas grave.
00:11:58 – En fait, Matsumoto va rencontrer des gens qui…
00:12:00 un concept qui revient souvent dans l'œuvre de Matsumoto,
00:12:02 c'est les compagnons du destin,
00:12:04 le fait des amis qui ont se fait et qui restent pour la vie.
00:12:07 Tezuka, c'est ce cas de figure,
00:12:09 mais il va rencontrer aussi Shotaro, Ishinomori,
00:12:12 qui est né exactement le même jour que Matsumoto,
00:12:14 mais à l'autre bout du Japon, donc tout de suite ils ont une connivence
00:12:17 et ils vont rester amis aussi.
00:12:19 Tous les trois, Tezuka, Ishinomori, Matsumoto,
00:12:22 à l'époque on ne parle pas encore d'Otaku, on dit un "maniax",
00:12:25 ils disent "on est les trois maniax" parce qu'ils essaient de…
00:12:28 ils achètent au marché noir des bobines de films
00:12:30 pour pouvoir se faire des projections entre eux,
00:12:32 enfin voilà, ça leur vaut des problèmes avec la police
00:12:34 parce que la police les soupçonne de vouloir ouvrir un cinéma clandestin,
00:12:37 ils sont arrêtés, enfin c'est assez rocambolesque,
00:12:39 ils font un peu les 400 coups.
00:12:41 Ils rencontrent aussi Tetsuya Shiba,
00:12:43 qui est plus tard l'auteur de "Hachita no Jo",
00:12:45 et en fait c'est marrant, c'est que Matsumoto a un an de plus que Shiba,
00:12:48 et donc va un peu à son tour le prendre sous son aile,
00:12:51 et un peu lui dire "ah t'arrives à Tokyo, attends,
00:12:53 je vais te montrer un peu comment ça se passe",
00:12:55 et ils sont restés amis, voilà, quand Matsumoto est décédé,
00:12:58 Tetsuya Shiba s'est exprimé en disant que c'était son plus vieil ami
00:13:01 qui venait de partir.
00:13:02 - C'est quand même fou de voir à cette époque-là,
00:13:05 là on est à la fin des années 50, c'est ça ?
00:13:08 - En 57, oui.
00:13:10 - Voilà, donc on est dans une époque qui bouillonne un petit peu
00:13:13 avec tous ces talents, mais de voir qu'il y a
00:13:16 une certaine solidarité, fraternité déjà avec tous ces auteurs
00:13:21 qui vont devenir légendaires par la suite,
00:13:24 c'est quelque chose de peu commun,
00:13:26 ou c'est quelque chose qu'on va retrouver
00:13:28 assez régulièrement par la suite ?
00:13:31 - On retrouve ces histoires de cercles,
00:13:34 de cercles d'amitié et de cercles de connivence
00:13:37 qui existent encore de nos jours,
00:13:39 mais là on est dans une période très spéciale,
00:13:42 parce qu'il faut rajouter le côté la galère.
00:13:45 Julien le disait, il arrive à Tokyo, il n'a pas de sous,
00:13:49 il va aller à la pension des Mimosa, on peut dire,
00:13:53 qui va l'inspirer pour son premier manga succès d'ailleurs.
00:13:57 Il va être dans une chambre de 4 tatamis et demi,
00:14:01 donc bien plus petit que ce studio.
00:14:04 Et donc les copains, c'est super important,
00:14:08 ça permet d'échapper à une forme de misère du quotidien,
00:14:12 l'évasion dans la création,
00:14:16 de se raconter des histoires, regarder des films,
00:14:19 aller au marché noir pour se faire des projections.
00:14:21 C'était pas seulement pour le plaisir d'être indépendant,
00:14:23 c'est aussi parce que t'as pas forcément les moyens
00:14:25 de faire une sortie au cinéma toutes les semaines.
00:14:28 On rappelle qu'il y avait les mangas de location à l'époque,
00:14:31 on les louait, on les achetait pas.
00:14:33 - On les louait et c'était à lire sur place,
00:14:35 on les ramenait chez soi, un peu comme les mangas café,
00:14:39 on disait "je loue ce livre pour pouvoir le lire pendant une heure,
00:14:42 ici, dans la librairie".
00:14:44 - C'était une bibliothèque, mais pas à emporter.
00:14:47 - Voilà, donc ce qui force, ça crée des liens un peu différents,
00:14:52 parce qu'on est unis pas seulement par des passions communes,
00:14:55 mais on est aussi ensemble dans la galère.
00:14:57 - C'est l'aspect social, oui, très important à ce moment-là,
00:15:00 et justement, il vit de quoi Matsumoto quand il arrive à Tokyo ?
00:15:04 - Il continue des petites tâches d'illustration,
00:15:07 mais à ce moment-là, dans le manga,
00:15:09 il y a quelque chose qui se développe très fortement,
00:15:13 c'est le manga shoujo, le manga destiné aux jeunes filles.
00:15:16 À ce moment-là, les éditeurs se rendent compte
00:15:18 qu'il y a tout un public féminin qu'on ne touche pas vraiment
00:15:21 avec les mangas, ou pas assez,
00:15:23 et on voit vraiment une explosion des magazines pour filles.
00:15:25 Et pour des jeunes mangakas, qui sont à l'époque surtout des hommes,
00:15:28 ça va changer très vite, mais à ce moment-là,
00:15:30 c'est encore principalement des hommes,
00:15:32 qui n'ont pas forcément la place de se faire publier
00:15:34 dans les revues existantes.
00:15:36 Du coup, il y a un marché qui s'ouvre,
00:15:38 et Matsumoto et d'autres, et d'ailleurs même Tezuka
00:15:40 va aussi dessiner des mangas shoujo,
00:15:42 c'est l'occasion de dire "ah, il faut que je saisisse cette chance",
00:15:45 même si ce n'est pas forcément le type d'histoire
00:15:47 que j'ai envie de dessiner,
00:15:49 mais ça va permettre de payer les impôts.
00:15:51 - Il est temps, je pense, d'ouvrir alors
00:15:53 la période shoujo de Matsumoto.
00:15:55 [Musique]
00:16:00 - Ça va être donc sa période shoujo.
00:16:02 Mais comme tu le disais, ce n'est pas Terasawa aussi
00:16:04 qui avait fait du shoujo à cette époque-là, il me semble ?
00:16:09 - Mitsuru Hidachi aussi a fait du shoujo.
00:16:12 - Il fallait que tu le places.
00:16:14 - Je suis obligé, tu le places.
00:16:16 J'avais un défi, j'ai tenu, j'ai résisté plus longtemps que d'habitude.
00:16:19 [Rires]
00:16:21 Si on se remet encore dans un tout petit peu de contexte historique,
00:16:25 aujourd'hui, on a plein de magazines.
00:16:27 Il y a des magazines de pré-publication hebdomensuelles,
00:16:30 bimestrielles, physiques, en ligne.
00:16:33 Il y a pléthore d'endroits où ils existaient.
00:16:36 À cette époque-là, le jump n'existait pas encore.
00:16:40 Là, c'était Kodonsha Shogakukan qui s'était lancé
00:16:44 dans le magazine purement manga,
00:16:48 parce que le manga shonen qui existait avant n'était pas juste manga.
00:16:52 On parle d'un périodique où il y avait 50 à 60 % des pages qui étaient du manga.
00:16:58 Le reste, c'était des histoires, des photos,
00:17:02 vraiment un magazine un peu complet, mixte.
00:17:05 Et là, ils se sont dit, OK, le manga est un médium qui marche,
00:17:09 on va créer des magazines pour lancer le shonen magazine.
00:17:13 Ça a été une course contre la montre.
00:17:15 Ils se sont dit, Shogakukan va lancer un magazine mensuel,
00:17:18 il faut qu'on en lance un.
00:17:20 Et en 23 mois, ils ont monté une structure juridique,
00:17:23 une équipe éditoriale et ils ont lancé.
00:17:25 C'était une époque d'un champ des possibles incroyable,
00:17:29 tout allait très vite.
00:17:30 Ça a été la même chose quand ils se sont dit, le shoujo va marcher.
00:17:33 Il fallait recruter très vite des auteurs qui étaient déjà aptes à travailler
00:17:37 et leur donner leur chance.
00:17:39 C'était des gens qu'on avait déjà fait travailler dans ces magazines pour shonen
00:17:43 qui n'avaient pas explosé en termes de popularité,
00:17:46 mais on sentait qu'ils avaient quelque chose.
00:17:48 On a rencontré plein d'auteurs avec potentiel,
00:17:50 qui avaient des histoires à raconter et un trait très sympa.
00:17:54 On leur a dit, va essayer là-dessus.
00:17:57 Ce n'était pas une punition, c'était pas autre chose,
00:18:00 c'était une opportunité très forte.
00:18:02 - Tu dis que ce n'était pas une punition.
00:18:04 Matsumoto, comment il le vit, Claire, d'arriver à faire du shoujo ?
00:18:10 Est-ce que c'était une aspiration qu'il avait ?
00:18:14 Pas du tout.
00:18:15 Est-ce que c'est quelque chose qu'il a aimé ?
00:18:17 - Je n'en ai aucune idée, très simple.
00:18:20 - Quand j'ai vu ça, j'ai toujours un peu laissé perplexe personnellement.
00:18:24 Est-ce que ça correspond à sa rencontre avec ce qui est de devenir son épouse ?
00:18:28 - Effectivement, c'est dans cette période-là qu'il fait la connaissance de Miyako Maki,
00:18:32 qui est une femme qui dessine du manga, qui est un peu plus vieille que lui,
00:18:36 mais qui est vraiment une des premières à percer en tant que femme mangaka.
00:18:39 Il se rencontre par l'entremise de Tezuka, toujours Tezuka.
00:18:44 Et le courant passe.
00:18:47 La légende dit qu'un autre mangaka qu'on ne citera pas avait un rencard avec Miyako Maki.
00:18:54 - On peut le citer.
00:18:56 - Tezuka lui-même.
00:18:58 Et comme il était un peu intimidé, il a dit "Matsumoto, viens avec moi,
00:19:03 sois un peu mon élier pour ce rencard, parce qu'elle aura sûrement aussi une copine qui va venir."
00:19:08 Et le courant est passé entre Matsumoto et Miyako Maki, et pas du tout avec Tezuka.
00:19:13 Et ils se sont mariés après en 61.
00:19:17 À ce moment-là, Matsumoto, ça avait beaucoup aidé, parce qu'il le dit lui-même,
00:19:23 il le disait, qu'essayer de se mettre à la place d'une jeune fille, d'une jeune héroïne,
00:19:29 ce qu'elle pense, ce qu'elle ressent, essayer de représenter ça de manière crédible,
00:19:33 il avait beaucoup de mal.
00:19:35 Il faut voir qu'au Japon, c'est...
00:19:40 - Le rapport homme-femme déjà à l'époque était compliqué.
00:19:43 - Impartimenté, en particulier à cette époque.
00:19:45 - Et la place de la femme dans la société japonaise, encore plus à l'époque, était différente.
00:19:50 - On était encore majoritairement à des écoles pas mixtes.
00:19:53 - Il y a des chances.
00:19:55 - Et on est encore à la fin des années 50, et le fait de se mettre à travailler avec Miyako Maki,
00:20:01 il signe des mangas MM Productions, donc Matsumoto Maki,
00:20:05 où Maki prend un peu le leadership sur l'histoire,
00:20:13 Matsumoto est plus là en soutien sur le dessin,
00:20:16 et ils vont produire pas mal de choses tous les deux comme ça.
00:20:18 Matsumoto, dès qu'il a l'opportunité de se mettre à dessiner des petits animaux mignons,
00:20:22 notamment son chat Mikune, qui va apparaître après dans toute son œuvre,
00:20:26 et plutôt raconter ce type d'histoire, il y a un livre qui est sorti à cette époque,
00:20:29 qui s'appelle "L'incroyable voyage", il y a eu des films et tout,
00:20:31 mais au Japon c'est un gros carton,
00:20:33 et Matsumoto se dit "Ah, ça je peux faire des histoires shoujo,
00:20:36 où c'est des animaux mignons qui ont des aventures à la recherche de leur maître",
00:20:40 et il va en faire toute une tonne d'histoires sur ce modèle-là.
00:20:43 - Et paradoxalement, c'est aussi à ce moment-là où il a un trait,
00:20:47 notamment quand il dessine des personnages féminins,
00:20:50 qui va finalement un petit peu garder aussi, qui va faire évoluer,
00:20:54 mais on va dire que c'est à ce moment-là qu'il trouve un peu son style.
00:20:57 - C'est la raison pour laquelle il ne renie pas non plus cette période shoujo,
00:21:00 où il dit "ça m'a entraîné à dessiner des femmes",
00:21:03 et ça c'est quelque chose qu'il dit "j'ai gardé dans le reste de mon oeuvre,
00:21:07 cette habitude de dessiner des femmes avec des longs cheveux et des choses comme ça",
00:21:11 et si je n'avais pas dessiné du shoujo pendant 10 ans,
00:21:14 parce que finalement de 58 à 68, il ne fait quasiment que du shoujo,
00:21:18 peut-être qu'on n'aurait pas eu Mettel, on n'aurait pas eu tous ces personnages,
00:21:21 qui ont un héritage shoujo très fort.
00:21:23 - Oui, clairement, et c'est pour ça que je fais un peu le parallèle avec Terrasawa,
00:21:26 au niveau des personnages féminins,
00:21:28 on voit des personnages, même s'ils sont différents chez Terrasawa,
00:21:31 mais élancés, avec des longs cheveux, on a un petit peu ce canon-là à l'époque.
00:21:38 Ils vont rencontrer un succès dans le shoujo ?
00:21:42 - D'estime peut-être, ce n'est pas le carton absolu,
00:21:49 ce n'est pas à ce moment-là que leur nom va être gravé,
00:21:53 enfin elle, si, elle était déjà connue et reconnue,
00:21:56 mais lui, son explosion de popularité arrive un peu après.
00:22:00 D'ailleurs, il change son nom entre-temps,
00:22:04 il signait de son vrai nom Akira Matsumoto avant,
00:22:09 et au milieu de cette période shoujo, il trouve son pseudonyme, l'A.I.J.,
00:22:15 où il y a 60 explications pour ce pseudo.
00:22:21 Les gens qui ont un pseudo aiment bien aussi raconter différentes histoires,
00:22:24 je pense qu'elles sont toutes vraies, de toute façon, c'est lui qui les raconte.
00:22:27 - C'est souvent le dernier zéro qui ressort.
00:22:29 - C'est le zéro, samouraï de l'infini, c'est aussi la lumière,
00:22:35 il a donné plein de...
00:22:37 On peut dire la dernière, parce qu'Akira aussi veut dire samouraï.
00:22:41 - Il trouvait que c'était un petit peu daté, Akira,
00:22:43 et que ça ne représentait pas sa perception ?
00:22:47 - Tout à fait, et puis là, ce qu'il voulait, lui, le symbole du temps,
00:22:50 le zéro, c'est l'infini, c'est la boucle temporelle
00:22:53 où on est tous dans cette espèce d'histoire qui se répète,
00:22:56 et encore une fois, la guerre, c'est quelque chose,
00:22:58 c'est une bêtise humaine qui se répète de manière cyclique,
00:23:02 et ça serait bien qu'on arrive à casser ce cycle,
00:23:04 et donc tout ça, c'est quelque chose qui lui tient à cœur,
00:23:07 et donc au moment où il trouve son identité graphique,
00:23:10 il trouve aussi son identité artistique,
00:23:13 et c'est ce petit changement qui va arriver.
00:23:18 - Oui, parce que ça amorce aussi une envie,
00:23:22 on va dire, sur ses thèmes de prédilection,
00:23:25 on va dire qu'il y a une trinité de thèmes de prédilection,
00:23:31 c'est à ce moment-là où on sent qu'il veut arrêter le shôjo
00:23:34 pour partir vers cela.
00:23:36 Julien, tu confies un peu ?
00:23:38 - C'est ça qui est assez impressionnant chez Matsumoto,
00:23:40 c'est qu'on pourrait presque parler d'obsession,
00:23:42 parce que ses thèmes, ils sont là très, très vite,
00:23:44 et ils restent tout du long de son œuvre,
00:23:47 et dans…
00:23:49 - Il y a le western, on peut dire,
00:23:51 la guerre, et la science-fiction,
00:23:54 c'est vraiment des choses qu'il va réussir à mélanger.
00:23:57 - Il va mélanger, et après il va rajouter
00:23:59 une quatrième roue à sa voiture,
00:24:01 qui est le côté, la tranche de vie, les galères.
00:24:04 Il disait, voilà, j'ai pas envie de raconter des histoires de surhommes,
00:24:08 j'ai envie de raconter des histoires de personnes
00:24:10 qui ont besoin de manger et de dormir.
00:24:12 - On voit cette petite histoire de galère
00:24:14 dans son quotidien d'étudiant.
00:24:16 - C'est vrai.
00:24:17 - Par contre, un truc qui va vraiment…
00:24:19 une opportunité qu'il va savoir saisir,
00:24:21 c'est en 68, il y a…
00:24:23 en fait, il y a un personnage qui existe déjà,
00:24:25 qui a été créé par un autre mangaka,
00:24:27 qui s'appelle Kosoku Esper,
00:24:29 c'est un personnage de série de tokusatsu,
00:24:31 donc la série live avec des effets spéciaux,
00:24:34 des monstres en costume, tout ça.
00:24:36 - Voilà, des biomanes.
00:24:38 - Une sorte d'ancêtre de X-Or, ce genre.
00:24:40 - Voilà, ancêtre de Power Rangers, X-Or, voilà.
00:24:43 - Et c'est la mascotte de Toshiba, en fait.
00:24:45 Et le mangaka qui a créé ce personnage,
00:24:47 il l'a dessiné pendant 5 ans,
00:24:49 il a envie de passer à autre chose,
00:24:51 mais le personnage reste assez populaire
00:24:53 et donc l'éditeur du manga, c'est Ashu Eisha,
00:24:55 cherche quelqu'un pour reprendre ce personnage
00:24:58 et continuer à le dessiner.
00:25:00 Et là, Matsumoto va dire,
00:25:02 OK, c'est peut-être pas mon personnage,
00:25:04 c'est peut-être pas mon truc,
00:25:06 mais c'est une opportunité d'aller dessiner
00:25:08 dans une revue shonen,
00:25:10 il faut que je saisisse cette chance.
00:25:12 Et en fait, voilà, Kosoku Esper,
00:25:14 c'est un manga à un moment donné
00:25:16 où Matsumoto a l'occasion, un petit peu,
00:25:18 de dessiner pour des garçons,
00:25:20 beaucoup plus qu'il ne pouvait le faire jusqu'à maintenant,
00:25:22 sur une série régulière.
00:25:24 Et le magazine où est publié Kosoku Esper,
00:25:26 donc c'est pas encore le shonen jump,
00:25:28 mais quand Ashu Eisha lance shonen jump,
00:25:30 Kosoku Esper, c'est une des premières séries
00:25:32 qui est dans le shonen jump.
00:25:34 - Matsumoto, c'est un des premiers à être publié.
00:25:36 - C'est un des premiers.
00:25:38 Et ça, ça va lui permettre, en fait,
00:25:40 d'enfoncer la porte pour dire,
00:25:42 "Hello, c'est moi."
00:25:44 - Et comment c'est perçu ?
00:25:46 Comment cette pré-publication est perçue ?
00:25:48 - C'est un manga qui...
00:25:50 Sa version du personnage,
00:25:52 c'est la version dont on se rappelle,
00:25:54 finalement, le créateur du personnage a un peu oublié.
00:25:56 Mais...
00:25:58 Et ça va être lu par plein d'étudiants.
00:26:00 Et ce qui est marrant, c'est qu'à un moment donné,
00:26:02 voilà, Kosoku Esper affronte un monstre
00:26:04 qui a très clairement inspiré le design
00:26:06 d'un des anges de Evangélion.
00:26:08 Parce que Hideaki Anno, certainement,
00:26:10 dans "Challenge Jump", certainement,
00:26:12 à cette époque...
00:26:14 Donc on voit que même si c'est pas une série très connue,
00:26:16 d'ailleurs, elle est jamais sortie en français,
00:26:18 mais c'est quelque chose qui va le mettre
00:26:20 un peu sur le radar
00:26:22 des lecteurs de manga,
00:26:24 de science-fiction, à ce moment-là.
00:26:26 - Et là, on est dans les années 60, là.
00:26:28 - On est en 68, oui.
00:26:30 - 68. Donc il y a quand même 10 ans
00:26:32 qui se sont passées depuis son arrivée à Tokyo.
00:26:34 Tezuka, lui, à ce moment-là,
00:26:36 il a pris encore plus de place
00:26:38 dans le panorama du manga
00:26:40 et de l'animation.
00:26:42 Est-ce que Matsumoto,
00:26:44 il est à la place qu'il mérite
00:26:46 à ce moment-là, ou il se dit...
00:26:48 "J'ai pas encore...
00:26:50 eu l'impulsion
00:26:52 qu'il faudrait
00:26:54 pour ma carrière."
00:26:56 - Difficile de se mettre dans sa tête
00:26:58 exactement.
00:27:00 Je sais pas si c'était de l'orgueil
00:27:02 qui le motivait,
00:27:04 mais en tout cas, il avait encore
00:27:06 son histoire à lui à raconter.
00:27:08 - Oui, au-delà de l'orgueil,
00:27:10 il avait... - Ses histoires à raconter.
00:27:12 Donc, comme disait Julien,
00:27:14 il était obsédé par ça.
00:27:16 C'était vraiment...
00:27:18 Il voulait raconter, donc il continuait
00:27:20 à travailler sur des projets.
00:27:22 Il a...
00:27:24 L'histoire raconte qu'il a fait plein de propositions
00:27:26 aux éditeurs,
00:27:28 qui souvent refusaient.
00:27:30 "Non, trop de SF, c'est pas ça
00:27:32 qui marche en ce moment."
00:27:34 Qui marchait d'ailleurs à l'époque ?
00:27:36 Quel est le genre de prédilection
00:27:38 à la fin des années 60 ?
00:27:40 - Il y a plein de...
00:27:42 de genres que Matsumoto
00:27:44 essaye parce que c'est populaire.
00:27:46 Les histoires de sous-marins.
00:27:48 À ce moment-là, il y a une mode, l'histoire de sous-marins.
00:27:50 Et donc, il fait la sienne,
00:27:52 ce "Marine Super 99",
00:27:54 qui a un petit succès d'esprit.
00:27:56 Mais on voit le dessin, c'est encore
00:27:58 très tézoukien.
00:28:00 C'est un de ceux qui s'en sortent pas trop mal
00:28:02 en faisant du pseudo...
00:28:04 L'histoire de sous-marins
00:28:08 qui marche très bien à l'époque, c'est "Blue Submarine 6",
00:28:10 qui est un gros carton.
00:28:12 Et qui est déjà l'auteur
00:28:14 de ce manga. Il avait fait une autre histoire
00:28:16 de sous-marins quelques années avant, qui avait encore aussi bien marché.
00:28:18 Matsumoto, c'est un des rares
00:28:20 qui arrive à faire un petit nom
00:28:22 sur ce créneau-là.
00:28:24 À cette époque, il y a aussi "Speed Racer",
00:28:26 le japonais "Mac Go Go Go",
00:28:28 qui est... - Qui a été adapté, après,
00:28:30 par la suite. - Voilà.
00:28:32 Et donc, il tente, il fait une histoire
00:28:34 de course automobile, qui marche pas du tout, là, pour le coup.
00:28:36 Donc ça, ça reste... C'est raté.
00:28:38 Donc voilà, il essaye
00:28:40 de se positionner sur un peu
00:28:42 les créneaux. Et là où il va avoir
00:28:44 une ouverture, c'est...
00:28:46 On lui propose de dessiner
00:28:48 une publication qui se lance et qui fait
00:28:50 du manga pour hommes adultes.
00:28:52 Avec un côté...
00:28:54 Voilà, donc ça va être fripon.
00:28:56 Ça va être... Voilà.
00:28:58 Pour dire ça poliment.
00:29:00 Et Matsumoto, encore une fois,
00:29:02 à ce moment-là, il veut vraiment sortir du shoujo.
00:29:04 Ça fait 10 ans, il veut faire autre chose.
00:29:06 - Il avait peur d'être enfermé aussi.
00:29:08 - Et donc, il se dit "OK,
00:29:10 je prends le job, je vais le faire",
00:29:12 mais son dessin tézoukin, ça convient
00:29:14 pas du tout pour ce genre d'histoire.
00:29:16 - C'est trop "enfantin", par rapport...
00:29:18 C'est un décalage avec la publication.
00:29:20 - Et donc, il va un peu s'imposer, il va autocasser son style,
00:29:22 il va s'imposer de dessiner différemment.
00:29:24 Une grosse influence
00:29:26 que Valentin faisait remarquer tout à l'heure,
00:29:28 c'est "Monkey Punch",
00:29:30 qui va sûrement beaucoup
00:29:32 l'influencer là-dessus. On a le manga "Sexaroïd"
00:29:34 qui est posé là-bas, c'est le manga
00:29:36 de science-fiction sexy qu'il va faire.
00:29:38 Le nom est rigolo,
00:29:40 c'est très "Barbarella" dans l'esprit,
00:29:42 parce qu'une autre influence qu'il cite, c'est justement
00:29:44 "Barbarella Jean-Claude Forest". À cette époque,
00:29:46 Matsumoto dit écumer
00:29:48 les librairies étrangères à Tokyo
00:29:50 pour justement s'imprégner de styles
00:29:52 différents, qui vont le sortir de sa zone de confort,
00:29:54 du style tézoukien,
00:29:56 de regarder ce qui se fait ailleurs.
00:29:58 Donc il va s'inspirer des comics,
00:30:00 de "Barbarella", de "Vampirella",
00:30:02 il va ingurgiter tout ça
00:30:04 et se réinventer graphiquement
00:30:06 avec "Sexaroïd". Alors, c'est pas encore
00:30:08 le dessin de Matsumoto qu'on connaîtra plus tard,
00:30:10 mais c'est le moment.
00:30:12 - C'est une étape clé, ouais. - On voit l'évolution,
00:30:14 elle est très intéressante dans ce qui est graphique
00:30:16 de l'héroïne de "Sexaroïd". Au tout début,
00:30:18 elle a vraiment ce petit côté Chojo,
00:30:20 avec ses grands yeux de biche,
00:30:22 c'est un petit peu timoré,
00:30:24 et après, elle va virer complètement "Femme Fatale".
00:30:26 C'est assez sympa.
00:30:28 - Est-ce que c'est pas ce que tu dis, Claire,
00:30:30 la mutation de style ?
00:30:32 - Si, c'est ça, tout à fait.
00:30:34 On la voit sur cette "Sexaroïd".
00:30:36 - Une prise de confiance aussi.
00:30:38 Matsumoto qui, au début,
00:30:40 n'osait pas aller trop loin,
00:30:42 et puis progressivement,
00:30:44 force de dessiner le manga, il devient de plus en plus
00:30:46 direct, même si, très souvent,
00:30:48 il reste assez... Il veut pas montrer
00:30:50 les choses spontanément. - Il suggère.
00:30:52 - Les longs cheveux de l'héroïne, ça lui permet de dissimuler
00:30:54 et d'être... Il y a juste une jambe
00:30:56 qui dépasse.
00:30:58 - Il a pas tout pris à "Monkey Punch".
00:31:00 Il a laissé à "Monkey Punch"
00:31:02 la gaudria. Il a dit "Non, ça c'est bon,
00:31:04 tu le fais.
00:31:06 Je vais rester
00:31:08 plus poétique, plus éthéré
00:31:10 dans ma représentation."
00:31:12 Mais oui, il a son trait évolu.
00:31:14 Il y a aussi un
00:31:16 côté un peu libérateur sur...
00:31:18 Déjà, il arrive à publier
00:31:20 de la science-fiction,
00:31:22 ce qui est très cool, et
00:31:24 il se rend compte que parler à des adultes,
00:31:26 ça marche.
00:31:28 C'est quelque chose sur lequel
00:31:30 il est plus... - Sans ça, où ça va le libérer ?
00:31:32 C'est ce que tu veux dire ?
00:31:34 Il va peut-être être...
00:31:36 Se permettre plus de choses ?
00:31:38 - Je pense, oui, c'est plus facile de raconter
00:31:40 des histoires...
00:31:42 Les histoires qu'il avait envie de raconter
00:31:44 sont plus faciles à expliquer avec un ton
00:31:46 adulte, avec des personnages
00:31:48 déjà adultes qu'il va pouvoir exploiter,
00:31:50 qui vont avoir des meurtrissures,
00:31:52 des galères.
00:31:54 À part "Princesse Sarah" et "Rémi sans famille",
00:31:56 c'est difficile de faire un
00:31:58 gamin qui galère énormément.
00:32:00 C'est pas le truc le plus commun
00:32:02 qu'on voit.
00:32:04 Donc, il va aller sur cette...
00:32:06 sur cet axe-là
00:32:08 un petit moment.
00:32:10 C'est quelques années après qu'il va avoir
00:32:12 son premier grand succès.
00:32:14 - C'est en 72, non ?
00:32:16 C'est quand il va gagner le prix
00:32:18 Codancha ? - Le prix Codancha, tout à fait.
00:32:20 Avec une série qui s'appelle "Otoko Oidon".
00:32:22 Alors, ce qui est marrant...
00:32:24 - Là, c'est vraiment un tournant pour moi.
00:32:26 C'est un véritable tournant
00:32:28 dans sa carrière et même
00:32:30 dans son orientation artistique.
00:32:32 - Quand j'écrivais justement mon livre,
00:32:34 j'avais interviewé un mangaka
00:32:36 qui s'appelle Eldo Yoshimizu, qui est l'auteur de "Yu Yu Ko",
00:32:38 qui est un grand fan de
00:32:40 Matsumoto, et qui disait...
00:32:42 Pour lui, c'était vraiment avec "Otoko Oidon"
00:32:44 où il a commencé à avoir des fans.
00:32:46 Des gens vraiment qui...
00:32:48 - Avant, c'était des gens qui pouvaient apprécier son travail,
00:32:50 mais qui lâchaient après,
00:32:52 par la suite, sur ses autres aimes.
00:32:54 - Et en fait, il avait déjà une série un an avant,
00:32:56 en 71, qui s'appelait
00:32:58 "Ganso Daiyo Johan Dai Monogatari",
00:33:00 la grande chronique ancestrale
00:33:02 des quatre tatamis ennemis,
00:33:04 qui est l'histoire d'un jeune
00:33:06 de 19 ans qui débarque de Kyushu,
00:33:08 qui va vivre dans une pension
00:33:10 miteuse dans une petite chambre...
00:33:12 - Où a-t-il trouvé cette inspiration ?
00:33:14 - Il a beaucoup d'inspiration, je trouve.
00:33:16 - C'est pas totalement
00:33:18 autobiographique,
00:33:20 mais il s'inspire quand même de son
00:33:22 propre vécu. Mais ça reste assez adulte,
00:33:24 c'est dans une revue pour adultes,
00:33:26 il y a pas mal de scènes
00:33:28 érotiques, et des choses comme ça.
00:33:30 Mais il va se dire "Ah, je pourrais décliner
00:33:32 finalement cette idée
00:33:34 sur quelque chose de plus familial".
00:33:36 Et donc, ça va être "Otoko Oidon",
00:33:38 qui n'est plus qu'une comédie sur
00:33:40 un jeune qui galère,
00:33:42 qui essaie de préparer les examens, mais qui doit
00:33:44 travailler en journée en même temps, donc
00:33:46 il fait les cours du soir, et du coup le lendemain, il est claqué.
00:33:48 - C'est là où la tranche de vie devient aussi importante
00:33:50 pour lui, là.
00:33:52 - Qui tombe amoureux et qui...
00:33:54 - Ça marche jamais.
00:33:56 - Soit parce qu'il a mal compris
00:33:58 la situation, soit parce qu'il commet une gaffe.
00:34:00 Voilà,
00:34:02 il s'essuie les pieds par accident sur le
00:34:04 manteau de la fille. Enfin,
00:34:06 il lui arrive toujours des trucs. Et finalement,
00:34:08 ce qui est très touchant dans "Otoko Oidon",
00:34:10 encore un manga inédit en français, c'est
00:34:12 qu'il y a un
00:34:14 cercle d'amis qui se créent
00:34:16 autour de ce personnage qui s'appelle Nobota Oyama,
00:34:18 le premier
00:34:20 personnage, le premier Oyama de
00:34:22 l'univers de Matsumoto, il y en aura d'autres. - Oui, il y en aura
00:34:24 quelques-uns. - Et
00:34:26 en fait, ce personnage,
00:34:28 malgré ses galères, il finit,
00:34:30 il a des voisins dans cette pension
00:34:32 qui vont devenir des amis, il y a le
00:34:34 patron du restaurant de la mène en bas
00:34:36 de la rue qui, des fois, lui file à manger gratis
00:34:38 parce que voilà, il y a la
00:34:40 logeuse qui
00:34:42 le considère un peu comme son fils, donc il n'arrête pas de se prendre
00:34:44 le bec, mais au final, elle est toujours là pour le
00:34:46 tirer d'affaires. Enfin voilà, et donc il y a quelque chose
00:34:48 de très
00:34:50 humaniste, en fait. Il y a un côté, malgré
00:34:52 les galères, on est ensemble
00:34:54 et puis on va s'en sortir ensemble. - Oui, ça aussi, ça
00:34:56 fait référence à son
00:34:58 arrivée aussi à Tokyo, donc c'est intéressant.
00:35:00 - Et donc, ça va rentrer en résonance avec le public,
00:35:02 il est pris qu'aux dents de chat, voilà,
00:35:04 et après, à partir de là, d'un seul coup,
00:35:06 il est le mangaka à suivre. - Oui, il a une
00:35:08 autoroute, il va
00:35:10 être très prolifique
00:35:12 et puis on est obligé d'avancer un petit peu
00:35:14 mais il y a Yamato qui
00:35:16 va arriver, là aussi, ça va être
00:35:18 une étape
00:35:20 importante dans
00:35:22 la carrière. - Oula,
00:35:24 t'as encore deux heures pour ça ?
00:35:26 - Non, non, malheureusement, non.
00:35:28 - Peut-être l'un de vous peut faire une version courte parce que, effectivement,
00:35:30 c'est moi qui raconte, ça va prendre des airs, tu veux
00:35:32 prendre la parole sur Yamato ? - Je ne suis pas du tout
00:35:34 spécialiste de Yamato mais c'est
00:35:36 pour toi. - Je vais essayer de la faire
00:35:38 courte pour le respect
00:35:40 du timing de l'émission.
00:35:42 Yamato, il est rentré
00:35:44 sur le projet, à la base, il devait être
00:35:46 en charge des
00:35:48 designs des vaisseaux.
00:35:50 L'histoire l'a branché,
00:35:52 tout lui plaisait, il s'est investi
00:35:54 de plus en plus jusqu'à devenir,
00:35:56 officiellement, il est nommé réalisateur
00:35:58 sur ce
00:36:00 film d'animation qui va être
00:36:02 un carton, sur cette série
00:36:04 d'animation, pardon, qui va être
00:36:06 un carton dans le temps. Parce que
00:36:08 sur le premier coup, ça ne va pas marcher.
00:36:10 En face,
00:36:12 il y avait trois chaînes à l'époque,
00:36:14 en face, sur le même crène horaire,
00:36:16 il y avait Eidi,
00:36:18 voilà, Eidi a gagné.
00:36:20 - Surprenant ! - Sur cette première
00:36:22 diffusion, Eidi
00:36:24 a gagné et c'est
00:36:26 après, avec les rediffusions, que les gens
00:36:28 se sont rendus compte
00:36:30 du message, de l'intérêt,
00:36:32 d'ailleurs, ça a été tanké, la première
00:36:34 diffusion n'a pas été jusqu'au bout,
00:36:36 par rapport au nombre d'épisodes qui étaient prévus,
00:36:38 mais ça a été, la boule
00:36:40 de neige a mis un petit peu de temps à grossir, par contre,
00:36:42 quand ça a grossi, ça a été une explosion incroyable.
00:36:44 - Et pour moi, c'est là,
00:36:46 après, où
00:36:48 on va se dire que, justement, ce genre-là peut
00:36:50 cartonner. - Ça remet,
00:36:52 déjà, on a
00:36:54 ce premier vaisseau,
00:36:56 vaisseau spatial qui
00:36:58 va définir une grande
00:37:00 partie de son univers, mais ça lui,
00:37:02 ça remet une pièce sur, ok,
00:37:04 tu as le droit de faire ça, parce que
00:37:06 quand il a gagné le prix Godencha, il y avait déjà
00:37:08 le manga Gun Frontier, c'était la même année,
00:37:10 qui n'était pas un franc succès.
00:37:12 - Non, et qui avait été adapté bien
00:37:14 après, en année. - Bien plus tard, mais donc,
00:37:16 ça lui avait déjà ouvert une porte, mais
00:37:18 le Japon, enfin,
00:37:20 l'industrie est très
00:37:22 pragmatique et cruelle, ça marche
00:37:24 très bien, continue, ça ne marche pas, désolé,
00:37:26 arrête, tu peux faire autre chose,
00:37:28 mais le stop, il arrive très
00:37:30 très vite. Et
00:37:32 là, ça lui donne l'opportunité
00:37:34 de se lancer sur d'autres projets,
00:37:36 et des projets vraiment à lui, parce qu'encore une
00:37:38 fois, Yamato, ce n'est pas son histoire. - Alors là,
00:37:40 on va pouvoir aborder
00:37:42 la Trinité, aussi,
00:37:44 on va dire, les œuvres qu'on a
00:37:46 le plus connues en France,
00:37:48 c'est maintenant, on s'y attaque.
00:37:50 [Musique]
00:37:52 [Musique]
00:37:54 [Musique]
00:37:56 Et oui, là, on va parler. Alors,
00:37:58 on va passer un petit peu
00:38:00 dedans, c'est normal, parce qu'en France,
00:38:02 c'est comme ça qu'on a connu Matsumoto,
00:38:04 on va dire, qu'il a été
00:38:06 popularisé, démocratisé.
00:38:08 On a Galaxy Express,
00:38:10 évidemment, 999
00:38:12 ou 999,
00:38:14 vous préférez quoi ? Moi, je dis 999.
00:38:16 - En France, en général,
00:38:18 on dit 999, au Japon,
00:38:20 c'est 3-9. - C'est pour ça,
00:38:22 d'où le site,
00:38:24 999. - En fait, c'est à cause
00:38:26 de la bande-annonce de Adieu Galaxy Express,
00:38:28 la bande-annonce française,
00:38:30 où, je ne sais pas pourquoi, le narrateur dit,
00:38:32 "Rejoignez Mettel à bord du 999",
00:38:34 ça m'a marqué, donc j'ai appelé mon site comme ça.
00:38:36 - Et on a, évidemment,
00:38:38 Albator,
00:38:40 et Queen Emeralda, aussi,
00:38:42 c'est les œuvres où,
00:38:44 vraiment, qu'on a
00:38:46 d'abord connues en animé.
00:38:48 Quelle œuvre arrive en premier ?
00:38:50 Dans la chronologie ?
00:38:52 - Le premier, c'est
00:38:54 Albator qui arrive en France. - En France, c'est Albator.
00:38:56 - Albator qui arrive très tôt,
00:38:58 très tôt, en tout cas, dans
00:39:00 l'animation japonaise
00:39:02 en France, c'est une œuvre majeure,
00:39:04 une œuvre qui arrive tôt,
00:39:06 dans la chronologie des
00:39:08 diffusions, ce n'est pas la première, mais c'est...
00:39:10 - Après Goldora, qu'on dit,
00:39:12 et Albator commence sa diffusion en France,
00:39:14 en janvier 1980.
00:39:16 - Voilà, en 1980, et c'était
00:39:18 Récréa 2, c'est annoncé,
00:39:20 même, si je ne dis pas de bêtises,
00:39:22 il y a un teaser... - Le petit film annonce
00:39:24 de décembre 1989,
00:39:26 avec Dorothée. - Ça, c'est complètement fou,
00:39:28 c'est-à-dire qu'ils ont dit
00:39:30 "Il y a une nouvelle série qui arrive,
00:39:32 on vous met quelques minutes du truc",
00:39:34 donc c'était considéré comme un événement,
00:39:36 déjà, on savait que c'était quelque chose
00:39:38 d'important ? - Il faut voir
00:39:40 qu'on est dans la presse Star Wars,
00:39:42 donc les histoires
00:39:44 d'aventures spatiales avec des vaisseaux
00:39:46 et tout, c'est quelque chose
00:39:48 qui est dans l'air du temps, et donc oui, je pense
00:39:50 qu'ils savent, effectivement, ils se disent "Là, on a un truc
00:39:52 qui va bien marcher." - Alors, on reviendra
00:39:54 sur la France juste après,
00:39:56 Albator, au Japon,
00:39:58 c'est un carton instantané ?
00:40:00 - Ça fonctionne
00:40:02 bien, mais c'est
00:40:04 quand même très en-dessous de ce que va être Galaxy Express.
00:40:06 Au Japon, c'est vraiment Galaxy Express
00:40:08 qui est le gros
00:40:10 carton, la locomotive,
00:40:12 j'ai envie de dire. - Sans jeu de mots.
00:40:14 - Finalement, presque au Japon,
00:40:16 Albator est considéré comme
00:40:18 un personnage de l'univers de Galaxy Express.
00:40:20 - Un spin-off de Galaxy Express. - Oui, et après,
00:40:22 aussi, si nous, ça arrivait pas en même temps,
00:40:24 au Japon, le manga,
00:40:26 les deux mangas étaient
00:40:28 en même temps, Galaxy Express
00:40:30 et Albator, ils devaient pas
00:40:32 dormir beaucoup, l'ai dit,
00:40:34 mais... - Sans compter
00:40:36 Queen Emeraldas. - Alors, le manga
00:40:38 d'Emeraldas, ça arrivait après, mais
00:40:40 Albator et, enfin,
00:40:42 Captain Harlock et Galaxy Express,
00:40:44 les deux mangas étaient publiés en même temps,
00:40:46 il les a lancés en même temps,
00:40:48 et... - Et qu'est-ce qui fait
00:40:50 qu'au Japon, Galaxy
00:40:52 Express est plus
00:40:54 notable, on va dire,
00:40:56 que Captain Harlock, même si ça reste très important aussi ?
00:40:58 Qu'est-ce qui fait que le public a eu cette
00:41:00 petite préférence ?
00:41:02 - Bonne question,
00:41:04 alors je peux dire pourquoi moi, j'ai cette préférence,
00:41:06 parce que je partage la même,
00:41:08 il y a...
00:41:10 la poésie est plus...
00:41:12 le spectre des messages est plus large
00:41:14 dans Galaxy Express,
00:41:16 donc sans gâcher
00:41:18 quoi que ce soit de l'histoire, on a
00:41:20 un roman
00:41:22 d'aventure où
00:41:24 un jeune garçon a un but et va
00:41:26 vouloir traverser la galaxie à bord
00:41:28 de ce train de l'espace
00:41:30 pour atteindre son but, et en fait
00:41:32 chaque étape, chaque arrêt, chaque station
00:41:34 où il s'arrête, va permettre
00:41:36 de raconter une histoire, une aventure.
00:41:38 - Je trouve que la narration
00:41:40 est incroyable, honnêtement.
00:41:42 - C'est le format parfait pour Matsumoto
00:41:44 parce que Matsumoto a jamais été
00:41:46 très bon quand il s'agit de planifier
00:41:48 ses histoires sur le long terme.
00:41:50 Là où il est vraiment à l'aise, c'est soit parce
00:41:52 qu'il est sur des histoires très courtes, donc chaque histoire
00:41:54 se tient toute seule et il peut passer
00:41:56 à autre chose, soit parce que
00:41:58 et c'est le cas avec Galaxy Express,
00:42:00 il a une idée de là où ça va,
00:42:02 mais chaque chapitre, il n'a pas besoin
00:42:04 vraiment de se demander, à chaque fois,
00:42:06 ces trois personnages qui ont Tetsuro, donc le jeune garçon,
00:42:08 Mettel, la blonde mystérieuse
00:42:10 toute de noir vêtue, qui est vraiment son personnage
00:42:12 emblématique au Japon, et le contrôleur
00:42:14 du train, et finalement c'est
00:42:16 les seuls trois personnages qu'on retrouve tout du long
00:42:18 de l'histoire, puisque à chaque arrêt,
00:42:20 c'est une nouvelle planète,
00:42:22 c'est des nouveaux figurants,
00:42:24 qui vont disparaître aussi vite en général.
00:42:26 Et donc pour Matsumoto, c'est vraiment
00:42:28 parfait comme format parce que...
00:42:30 - Il peut aller dans des orientations
00:42:32 différentes à chaque fois... - Il peut vraiment
00:42:34 dessiner ce qui l'inspire sur le moment.
00:42:36 - Et l'animé en France
00:42:38 arrive après "Albator"
00:42:40 chez nous, mais juste pour le plaisir,
00:42:42 je pense qu'on va se remettre le générique quand même.
00:42:44 *Générique*
00:43:11 - C'est un plaisir non dissimulé,
00:43:13 ce générique, on est bien d'accord.
00:43:15 - C'est incroyable, il a rien
00:43:17 à voir avec ce japonais,
00:43:19 et pourtant, pour moi, il continue
00:43:21 de résonner. - Ah moi il résonne dans ma tête,
00:43:23 le même chanteur que
00:43:25 Ken le survivant, on connaît bien le style.
00:43:27 - Oui, mais là où
00:43:29 sur le Japon, on va être sur un truc
00:43:31 plus jazz, plus mélancolique, plus
00:43:33 lisse, là on est sur un truc très très
00:43:35 péchu, qui n'est pas du tout le bon.
00:43:37 - Limite d'envie de courir pour ne pas rater ton train.
00:43:39 - C'est ça. - Ça te vend une série
00:43:41 d'actions finalement, alors que c'est plus un conte philosophique
00:43:43 Galaxy Express. - Exactement, et on va
00:43:45 revenir sur ce que ça raconte après,
00:43:47 l'œuvre globale, puisque
00:43:49 c'est une émission, non pas sur Albator,
00:43:51 non pas sur Galaxy Express, mais sur
00:43:53 Matsumoto, même si on aurait pu faire
00:43:55 dans la légende, Albator.
00:43:57 Donc pour revenir sur Albator en France,
00:43:59 on le rappelle,
00:44:01 à l'époque, donc, récréateur
00:44:03 pour les enfants,
00:44:05 alors qu'il y a des portées
00:44:07 philosophiques, comme on le disait, même dans
00:44:09 Albator, qu'on ne saisit pas forcément
00:44:11 étant enfant, et pourtant,
00:44:13 ça va être
00:44:15 quelque chose de très
00:44:17 populaire. - Très populaire pour
00:44:19 plein de raisons, déjà,
00:44:21 il n'y a pas de vraie concurrence sur le même
00:44:23 créneau, pour les mêmes
00:44:25 raisons que Goldorak,
00:44:27 d'ailleurs, on va raconter une histoire
00:44:29 bien plus adulte que
00:44:31 le reste des programmes qu'on donne
00:44:33 aux enfants, à cette époque.
00:44:35 C'est le moment où il y a plein de gens
00:44:37 de notre génération qui disent
00:44:39 "on était content de ne pas être pris pour
00:44:41 des idiots juste parce qu'on était enfant".
00:44:43 En face, c'était
00:44:45 Casimir, d'ailleurs,
00:44:47 c'est pas le même... - C'était des thèmes
00:44:49 beaucoup plus adultes qu'on ne retrouvait pas ailleurs.
00:44:51 - Donc là, on nous raconte des histoires
00:44:53 vraiment top, dans un
00:44:55 setting, là,
00:44:57 pirate de l'espace,
00:44:59 même si, dans le premier
00:45:01 Albator, il est présenté comme étant
00:45:03 un terroriste, on explique
00:45:05 pourquoi il est
00:45:07 mal vu, en fait, c'est un
00:45:09 héros, on perçoit tout de suite
00:45:11 ce côté héroïque. En termes de
00:45:13 charisme, c'est
00:45:15 le design de... - Le
00:45:17 cache-œil, la cape,
00:45:19 la balafre, il y a tout, il y a tout
00:45:21 qui fait que... Je me rappelle
00:45:23 même qu'il y avait... J'avais des jouets, je sais pas
00:45:25 si vous vous rappelez, en plastique
00:45:27 qui s'étirent comme ça,
00:45:29 j'avais un Albator... - C'était le cible.
00:45:31 - Exactement.
00:45:33 - C'était fou de voir, en fait... - Il y a eu énormément
00:45:35 de merchandise, il y en a eu des publicités
00:45:37 pour des glaces, il y a eu des masques
00:45:39 de carnaval, enfin, c'était...
00:45:41 - Même une de magazine,
00:45:43 il y a eu une grosse
00:45:45 Albatormania, est-ce qu'on peut...
00:45:47 - Il y a eu une génération Albator,
00:45:49 clairement. - Ça en a donné une émission,
00:45:51 d'ailleurs, Génération Albator.
00:45:53 - C'est comme ça que j'ai découvert Albator, personnellement.
00:45:55 - Ah oui ? - Bah oui, j'ai loupé...
00:45:57 J'ai pris train en marche,
00:45:59 du coup, non, non, j'ai pas vraiment assisté
00:46:01 aux diffusions télévisuelles de l'époque,
00:46:03 mais j'avais croisé de temps en temps,
00:46:05 à l'écran, je me disais "Oh !"
00:46:07 J'ai fait très forte impression, quand même,
00:46:09 mais j'étais incapable de retrouver les émissions ensuite,
00:46:11 quand il y a eu Génération Albator.
00:46:13 - Donc fin des années 90 ? - 98-99.
00:46:15 - D'accord, oui, donc assez
00:46:17 "tard" dans la chronologie.
00:46:19 - C'était très tard, c'était vraiment assez nostalgie,
00:46:21 mais finalement, il y a eu
00:46:23 tous les jeunes de ma classe,
00:46:25 on était 17-17 ans,
00:46:27 on avait accroché, on se disait "Mais,
00:46:29 les dessins animés d'époque,
00:46:31 c'était bien mieux
00:46:33 que ce qui se passait."
00:46:35 - Oui, parce que Génération Albator, je crois qu'ils avaient
00:46:37 diffusé les films, il me semble ?
00:46:39 - Non, Génération Albator, le premier,
00:46:41 en 98, ils ont passé le premier épisode,
00:46:43 enfin, le tout premier épisode de Batteur 84.
00:46:45 - D'accord. - Et en 99,
00:46:47 c'était une nouveauté, du coup,
00:46:49 on était fiers, parce que c'était inédit,
00:46:51 mais il me semble bien que c'était le dernier épisode
00:46:53 d'Albator 78, qui n'avait jamais été
00:46:55 diffusé. - Oui, tout à fait, exactement.
00:46:57 On n'avait jamais eu la fin,
00:46:59 et c'était la première fois qu'il était diffusé, mais c'était pas diffusé
00:47:01 à Noël ou... - C'est ça.
00:47:03 - C'est à Saint-Sylvestre. - C'est ça.
00:47:05 - 24 décembre,
00:47:07 en plus, c'était le soir, je crois.
00:47:09 - Non, c'était le 31 décembre. On s'est enregistrés.
00:47:11 - Ah oui, ça c'est... - Un décembre à minuit.
00:47:13 - Pas Noël, oui, 31 décembre.
00:47:15 - C'est terminé ? Non, c'était... - Je sais plus,
00:47:17 en tout cas, c'était tard. - En deuxième partie de soirée, peut-être.
00:47:19 - Oui, sur France 3, je crois. - C'était pour les grands, en fait.
00:47:21 - C'est intéressant.
00:47:23 - Parce que celui-là avait une visée un peu nostalgique.
00:47:25 Donc, celui-là était assumé
00:47:27 pour les grands. - Exactement.
00:47:29 - On avait compris aussi, entre-temps,
00:47:31 l'erreur de programmation,
00:47:33 de dire "C'est dessins animés
00:47:35 égales pour enfants".
00:47:37 On fait encore plein d'erreurs de nos jours.
00:47:39 On dit "Romance, c'est pour les filles".
00:47:41 On continue, on persiste dans l'erreur,
00:47:43 malgré tout.
00:47:45 Mais, voilà, sur certaines, on progresse.
00:47:47 Et donc, oui, "Dessins animés" n'est pas forcément
00:47:49 égale pour enfants.
00:47:51 - Merci. - C'est très intéressant, en fait,
00:47:53 que tu aies découvert ça
00:47:55 à ce moment-là, parce que ça veut dire aussi
00:47:57 que c'est resté important,
00:47:59 Albator, pour la France
00:48:01 et pour le public français. - Ah oui.
00:48:03 - Parce que c'était plus de 10 ans,
00:48:05 quasiment 20 ans,
00:48:07 après la première diffusion, puisque c'était 80,
00:48:09 la première diffusion. Après, ça a été multi-rediffusé.
00:48:11 "Galaxie Express",
00:48:13 pour revenir...
00:48:15 Moi, je l'ai découvert sur la 5, il me semble.
00:48:17 - Ah oui. - Donc, c'était
00:48:19 au milieu des années 80, fin 80,
00:48:21 quelque chose comme ça. - Alors, sur la 5, c'était en
00:48:23 91 ou 92. - Ah oui, quand même.
00:48:25 - C'est le moment où j'ai découvert
00:48:27 vraiment le "Late Rivers", c'était avec ça.
00:48:29 Enfin, je viens de garder de très fortes impressions
00:48:31 et assez peu de souvenirs. J'avais 7 ans à l'époque.
00:48:33 Mais je me rappelle
00:48:35 qu'il y avait des épisodes qui me terrifiaient,
00:48:37 de "Galaxie Express". - Mais même
00:48:39 dès le début, avec le conte, c'était
00:48:41 incroyable. - Mais après, plus tard,
00:48:43 j'ai découvert que c'était sur "Télévisator 2",
00:48:45 où il y avait... - On fait un gros
00:48:47 bisou à Cyril,
00:48:49 évidemment. - Ne ratez pas un
00:48:51 numéro de "Télévisator 2".
00:48:53 Et ils avaient passé "Albator" en 84.
00:48:55 - Oui, et c'était les premiers à le diffuser,
00:48:57 le 84, non ? - Non, c'était déjà une rediffusion.
00:48:59 - C'était déjà une rediff... Sur la 5, c'était
00:49:01 84 aussi. - La série était d'abord
00:49:03 passée en France en 84, d'où le "Albator" en 84.
00:49:05 Alors qu'au Japon, la série date de 82,
00:49:07 donc ça préoccupe un peu.
00:49:09 - Elle date de 82, mais c'est un préquel.
00:49:11 - De 78. - C'est pas vraiment
00:49:13 un préquel. - Ouais, dans le...
00:49:15 - Techniquement, c'est compliqué chez Matsumoto.
00:49:17 C'est un monde parallèle, on va dire.
00:49:19 Mais...
00:49:21 Du coup, quand ils l'avaient rediffusé
00:49:23 sur "Télévisator 2", donc en 94,
00:49:25 en 93, par là... - Je pense.
00:49:27 - Le...
00:49:29 Ils étaient bien embêtés parce que le générique
00:49:31 disait "Albator" 84. Donc c'est pour ça
00:49:33 qu'ils avaient mis, pour ceux qui s'en rappellent,
00:49:35 le générique de la série de 78
00:49:37 qui disait juste "Albator, le corsaire
00:49:39 de l'espace". - Alors, attends.
00:49:41 Stop. On est obligés
00:49:43 de se mettre le générique.
00:49:45 "Albator,
00:49:47 Albator,
00:49:49 du fond de la nuit
00:49:51 d'or.
00:49:53 Albator,
00:49:55 Albator,
00:49:57 de babord à tripod.
00:50:01 Tu veilles sur
00:50:03 la galaxie,
00:50:05 sur la liberté
00:50:07 aussi." - C'était obligatoire.
00:50:09 - Mais du coup,
00:50:11 voilà, il n'y avait pas de date associée.
00:50:13 Mais moi, je me rappelle, même enfant,
00:50:15 je me disais "C'est pas le même style
00:50:17 de dessin entre le générique
00:50:19 et l'épisode. Et le vaisseau
00:50:21 n'est pas le même non plus. Il est bleu dans l'un,
00:50:23 vert dans l'autre." Mais quelque part,
00:50:25 ça me faisait poser des questions.
00:50:27 Et tu disais "Il y a plusieurs séries, en fait.
00:50:29 Il y a plusieurs époques d'Albator. Je veux en savoir plus."
00:50:31 - Oui, parce qu'on rappelle, il n'y avait pas Internet.
00:50:33 Même si, je pense que
00:50:35 beaucoup qui vont regarder
00:50:37 cette émission connaissent l'historique
00:50:39 et ont peut-être vécu ça, les plus jeunes,
00:50:41 j'espère que vous êtes là quand même.
00:50:43 Il n'y avait pas Internet.
00:50:45 Donc on était abreuvés par la télévision,
00:50:47 un peu par la presse papier, mais on ne s'en parlait pas
00:50:49 trop à l'époque de savoir... - Il y avait les débuts
00:50:51 de Annie Meland. - Oui !
00:50:53 - D'ailleurs, on peut faire un big up à
00:50:55 Vivan West-Lawrence, Annie Meland, qui a été l'un des premiers
00:50:57 à faire des dossiers pour expliquer
00:50:59 le Late Rebirth d'Albator de Réxy Express.
00:51:01 - À cette époque-là, voilà,
00:51:03 on a la connaissance,
00:51:05 en tout cas, de Matsumoto,
00:51:07 même si, en vrai, pendant très longtemps,
00:51:09 ce n'est pas Matsumoto qu'on va connaître,
00:51:11 c'est Albator.
00:51:13 - Complètement. En France, on connaît
00:51:15 très peu les noms des artistes
00:51:17 à cette époque.
00:51:19 - Le premier à avoir été connu, pour moi,
00:51:21 c'est Toriyama avec DBZ.
00:51:23 C'est là où on a... Non, il y a Ghibli,
00:51:25 évidemment, Miyazaki avec Ghibli.
00:51:27 Même Akira,
00:51:29 on connaissait plus Akira
00:51:31 qu'Otomo. - Même aujourd'hui, je pense
00:51:33 qu'il y a encore plein de gens qui citent
00:51:35 l'œuvre avant de citer l'artiste.
00:51:37 Et au Japon,
00:51:39 ça apparaît presque normal.
00:51:41 Les auteurs ont tendance, eux-mêmes, à s'effacer
00:51:43 derrière leur œuvre, à être très modestes.
00:51:45 Ce qui permet de mettre
00:51:49 plus facilement le nom
00:51:51 de Matsumoto, c'est que lui,
00:51:53 il a vraiment son "laïciverse",
00:51:55 qui fait que sur plusieurs œuvres
00:51:57 différentes, on va voir
00:51:59 un même univers,
00:52:01 des mêmes personnages, des personnages récurrents,
00:52:03 des problématiques récurrentes.
00:52:05 Et c'est pour ça qu'on identifie.
00:52:07 - Oui, il y a des crossovers,
00:52:09 il y a des choses qui sont
00:52:11 connectées, comme tu le disais.
00:52:13 C'est d'ailleurs assez
00:52:15 peu fréquent, à cette époque-là,
00:52:17 d'avoir
00:52:19 une, deux, trois séries
00:52:21 qui s'entrecroisent.
00:52:23 C'est quelque chose qu'on voit rarement, non ?
00:52:25 - Ah non, c'est quelque chose
00:52:27 qu'on voit pas du tout, c'est montrer
00:52:29 le point, l'importance
00:52:31 que Matsumoto a eue
00:52:33 quand il a explosé
00:52:35 au Japon, il était
00:52:37 partout. - Alors là,
00:52:39 nous on l'a à rebours,
00:52:41 Matsumoto
00:52:43 et toutes ses œuvres. Au Japon,
00:52:45 c'est une super star
00:52:47 dans les années,
00:52:49 fin 70, 80,
00:52:51 c'est une super star. Et puis,
00:52:53 parce qu'il faut avancer dans l'émission, il nous reste peu de temps,
00:52:55 ça va être aussi une période,
00:52:57 paradoxalement, où
00:52:59 on va moins le lire,
00:53:01 on va moins le voir.
00:53:03 Ses œuvres vont continuer à vivre,
00:53:05 mais lui va se mettre un petit peu plus en retrait.
00:53:07 Pourquoi ? - Il y a
00:53:09 un passage, dans les années 80, on voit très nettement
00:53:11 dans l'animation japonaise, il y a un changement d'époque,
00:53:13 il se produit avec
00:53:15 les œuvres un peu pionnières, les Yamato,
00:53:17 Albator, Galaxy Express,
00:53:19 qui ont eu leur heure de gloire,
00:53:21 disparaissent au profit
00:53:23 d'une nouvelle génération d'œuvres,
00:53:25 y compris des choses très inspirées,
00:53:27 comme Macross, par exemple,
00:53:29 que nous, on a eu en tant que robotheque
00:53:31 en France, qui est un gros sujet,
00:53:33 mais Macross
00:53:35 est très inspiré de Yamato,
00:53:37 mais du coup, Yamato,
00:53:39 à côté de Macross, c'est un peu ringard,
00:53:41 à ce moment-là.
00:53:43 - Parce qu'on ne perçoit pas non plus aussi,
00:53:45 excuse-moi, Julien, on ne perçoit pas
00:53:47 non plus, que ce soit Yamato
00:53:49 ou, comme on le disait, sur Albator,
00:53:51 au-delà
00:53:53 de l'aspect graphique,
00:53:55 de l'histoire principale, toutes les portées
00:53:57 autres et les messages
00:53:59 que ça véhicule, peut-être, non ?
00:54:01 - Je pense que c'est juste que,
00:54:03 mine de rien,
00:54:05 les modes évoluent très vite.
00:54:07 Les gens
00:54:09 qui regardaient Albator en années 70,
00:54:11 dans les années 80, ils sont rentrés dans le monde du travail,
00:54:13 ils sont passés à autre chose, et les nouvelles générations qui arrivent derrière
00:54:15 trouvent que c'est le truc de leurs parents,
00:54:17 et donc ça les intéresse moins.
00:54:19 Et Matsumoto lui-même le disait,
00:54:21 j'ai senti qu'il se passait un truc,
00:54:23 les séries que j'avais dans des magazines étaient interrompues,
00:54:25 voilà, ça a été un peu
00:54:27 la période, genre, "Oups, qu'est-ce que je fais maintenant ?"
00:54:29 Et finalement, il va
00:54:31 un peu le prendre,
00:54:33 "bien le prendre", entre guillemets,
00:54:35 puisqu'il va se mettre à dessiner des choses très personnelles,
00:54:37 des mangas très différents de ce qu'il faisait,
00:54:39 il fait toute une série sur Léonard de Vinci,
00:54:41 par exemple. - Oui, et puis,
00:54:43 après, il va faire aussi, alors,
00:54:45 ce qui est assez intéressant, c'est que
00:54:47 c'est un passionné de culture européenne,
00:54:49 notamment, allemande aussi,
00:54:51 d'opéra, et il va
00:54:53 travailler sur des choses,
00:54:55 sur Wagner, par exemple, le compositeur,
00:54:57 et
00:54:59 sur des adaptations d'opéra,
00:55:01 etc., il va, c'est ça pour toi,
00:55:03 le switch où il se dit, "Je vais partir
00:55:05 dans des choses où..." - Le fait
00:55:07 de ne plus avoir, on va dire, cette pression d'être
00:55:09 omniprésent sur les écrans,
00:55:11 le libère aussi un petit peu,
00:55:13 il n'a plus rien à prouver à ce moment-là,
00:55:15 donc il peut faire des projets qu'il n'avait jamais eu le temps
00:55:17 de faire, notamment l'adaptation de l'anneau
00:55:19 d'Éni Bélunghen en manga, c'est quelque chose
00:55:21 qu'il a envie de faire depuis 30 ans.
00:55:23 - Qui sera le premier manga sur Internet ?
00:55:25 - En tout cas, l'un des tout premiers, ouais.
00:55:27 Aujourd'hui, ça paraît tellement en courant, avec Manga Plus
00:55:29 et tout, mais...
00:55:31 - On est en quelle année, ça ?
00:55:33 - C'est...
00:55:35 Alors, la version web
00:55:37 de l'anneau d'Éni Bélunghen, c'est en
00:55:39 96. - 96 !
00:55:41 C'est quand même...
00:55:43 novateur ! - 96-97, en tout cas,
00:55:45 tu vois, moi j'étais plus fin
00:55:47 des années 90. - Et du coup, ce qui est intéressant,
00:55:49 et on l'a dans les volumes sortis en français, où il y a
00:55:51 tout le questionnement de Matsumoto,
00:55:53 comment on met en page pour que ça s'affiche
00:55:55 sur un écran d'ordinateur, parce qu'à l'époque, c'est sur ordinateur,
00:55:57 c'est pas sur téléphone, personne ne s'imagine
00:55:59 qu'on aura des smartphones à ce moment-là.
00:56:01 Et donc,
00:56:03 il se pose plein de questions sur la manière
00:56:05 de publier l'histoire, de découper l'histoire,
00:56:07 donc c'est assez intéressant. Et effectivement,
00:56:09 lui, il est toujours... Quand on lui propose
00:56:11 quelque chose qu'il n'a jamais fait,
00:56:13 il l'est partant.
00:56:15 Même s'il n'est plus tout jeune déjà, à ce moment-là,
00:56:17 ça ne lui fait pas peur.
00:56:19 Dans les années 80, il a un des premiers
00:56:21 courts-métrages, encore un truc inédit
00:56:23 en français, "Arai no Kagami",
00:56:25 qui est l'un
00:56:27 des premières utilisations d'images de synthèse
00:56:29 dans un animé.
00:56:31 Voilà, c'est Matsumoto qui fait ce truc-là.
00:56:33 - Et paradoxalement,
00:56:35 avec ce qu'on dit là,
00:56:37 c'est que
00:56:39 ça devient, en tout cas,
00:56:41 ce type d'animé,
00:56:43 ce type d'histoire, un peu ringard
00:56:45 pour les générations
00:56:47 les plus jeunes, mais il y a un truc
00:56:49 qui va repropulser
00:56:51 un petit peu la hype Matsumoto.
00:56:53 C'est...
00:56:55 Enfin, il continue de créer,
00:56:57 il continue d'être diffusé, il fait des films,
00:56:59 des mangas, comme on disait,
00:57:01 mais il y a l'épisode "Daft Punk".
00:57:03 - Ça, c'est plus pour l'Occident,
00:57:05 tout à fait, parce que nous,
00:57:07 il disparaît. Comme Julien l'a dit,
00:57:09 tout ce qu'il continue de faire, n'est pas traduit,
00:57:11 n'est pas disponible,
00:57:13 n'arrive pas jusque chez nous.
00:57:15 - On a eu "Harlotte Saga" quand même
00:57:17 qui est sorti de manière un petit peu confidentielle.
00:57:19 - Oui, mais en rebondissant sur...
00:57:21 Parce que c'était "Albator", quoi.
00:57:23 Mais ça passe plus la télé,
00:57:25 ça fait plus la une des journaux.
00:57:27 - C'était la marque "Albator".
00:57:29 C'est de "Albator" qu'on a sorti.
00:57:31 - "Albator" avait eu droit à des trucs dans "Paris Match".
00:57:33 - Oui, oui.
00:57:35 - C'était pas rien.
00:57:37 - Et donc, oui, il disparaît du radar chez nous.
00:57:41 Et donc, deux Français, encore,
00:57:45 Cocorico à nouveau,
00:57:47 fans des enfants de la génération "Albator",
00:57:51 qui réussissent très bien en musique,
00:57:53 le groupe Daft Punk,
00:57:55 décident d'aller voir Matsumoto
00:57:57 pour lui proposer de faire
00:57:59 les clips d'un album,
00:58:01 d'un album concept
00:58:03 qui a ronté une histoire,
00:58:05 que l'intégralité des clips
00:58:07 soit réalisée par Matsumoto.
00:58:09 - Alors, on est à la fin de l'émission, malheureusement,
00:58:11 mais c'est pour voir vraiment
00:58:13 l'ampleur que ça prend et l'impact qu'il a
00:58:15 non pas uniquement dans la culture manga,
00:58:17 mais dans la culture globale,
00:58:19 les mêmes occidentales, les mêmes françaises, pour nous.
00:58:21 Mais à l'époque,
00:58:23 pour moi,
00:58:25 c'était...
00:58:27 Genre, j'hallucinais, quoi.
00:58:29 Daft Punk, qui est un des
00:58:31 plus gros groupes au monde,
00:58:33 les plus populaires et aussi
00:58:35 les plus créatifs, qui s'associe
00:58:37 avec... Moi, à l'époque,
00:58:39 c'était pas Matsumoto. Pour moi, c'était Albator,
00:58:41 le dessinateur d'Albator,
00:58:43 le créateur. Et j'assiste
00:58:45 à ça. C'est
00:58:47 complètement dingue. Est-ce que
00:58:49 cette perception, je pense qu'elle est identique
00:58:51 pour nous, Français, mais est-ce que
00:58:53 au Japon, ça a eu la même aura,
00:58:55 le même impact ? Est-ce que dans le monde
00:58:57 entier, il y a eu quelque chose où
00:58:59 on s'est plus dit "Non, c'est Daft Punk
00:59:01 et pas Matsumoto" ou "C'est plus Matsumoto
00:59:03 et pas Daft Punk" ?
00:59:05 - Alors, aux Etats-Unis, ça a très très bien marché.
00:59:07 Galaxy Express
00:59:09 avait connu un franc
00:59:11 succès en Amérique.
00:59:13 Donc, ça a rappelé
00:59:15 l'importance. Ça l'a remis.
00:59:17 Remis Matsumoto au goût du jour.
00:59:19 Ça a permis de relancer
00:59:21 la machine sur...
00:59:23 Voilà, pareil, des éditions de
00:59:25 VHS, des sorties
00:59:27 de titres. En Italie,
00:59:29 où il est très populaire, je ne sais pas comment ça a été perçu.
00:59:31 - Est-ce qu'il y a eu des sorties de séries, déjà,
00:59:33 dans cette période-là ? Oui ou si ? - Je pense que
00:59:35 je ne sais pas si
00:59:37 les clips de Discovery et puis le
00:59:39 film, ensuite, Interstellar,
00:59:41 a eu
00:59:43 un effet un peu moteur, mais en tout cas,
00:59:45 il s'est vraiment inscrit dans une vague
00:59:47 où d'un seul coup, Matsumoto revenait, avec
00:59:49 plein de projets, il y avait des nouvelles séries.
00:59:51 En fait, il y a eu un peu la même chose
00:59:53 différemment, mais au Japon,
00:59:55 des gens, pareil, qui avaient grandi avec Albator, sont revenus voir
00:59:57 Matsumoto à la fin des années 90 en disant
00:59:59 "faisons des nouvelles séries, faisons des nouvelles choses".
01:00:01 Matsumoto était très content, ça a donné
01:00:03 Queen Emeraldus, les OAV,
01:00:05 ça a donné Cosmo Warrior Zero,
01:00:07 enfin, pas mal de nouvelles choses.
01:00:09 - Et des trucs très bien, en plus. - Des trucs très bien,
01:00:11 mais sans fin.
01:00:13 Et du coup, voilà,
01:00:15 ensuite, on a effectivement
01:00:17 le duo Daft Punk qui vient toquer chez lui,
01:00:19 alors, étaient-ils en costume de robot ou pas ?
01:00:21 La légende veut qu'ils étaient en costume
01:00:23 de robot quand Matsumoto ouvre la porte.
01:00:25 Et du coup,
01:00:27 pareil, des gens qui ont
01:00:29 grandi avec Albator, qui
01:00:31 viennent le chercher, et qui
01:00:33 vont lui donner cette nouvelle vague, cette
01:00:35 deuxième jeunesse, et ça va entraîner plein
01:00:37 de choses, parce qu'on a une génération Albator
01:00:39 en France, et dans la foulée, on a Harlock
01:00:41 Saga qui arrive, et les éditeurs qui s'intéressent à nouveau.
01:00:43 - Oui, il y a un fraisonnement à fond. - Oui, Kana a édité
01:00:45 beaucoup de titres.
01:00:47 - Les mangas qui arrivent enfin en France en 2003,
01:00:49 2004, avec le capitaine
01:00:51 Albator, le pirate de l'espace, et non pas le corsaire,
01:00:53 qui,
01:00:55 c'est une de mes marottes,
01:00:57 cette distinction sémantique,
01:00:59 et voilà, donc chez Kana,
01:01:01 qui a ensuite édité aussi Galaxy Express
01:01:03 et plein d'autres titres, on en a
01:01:05 encore plein d'énormes classiques. Au Japon,
01:01:07 il y a Queen Millenia qui vient de ressortir dans une édition
01:01:09 super luxueuse. Pour moi, c'est un titre
01:01:11 majeur de Matsumoto, un titre qui a une fin en plus,
01:01:13 et qui
01:01:15 est toujours, à ce jour,
01:01:17 non traduit en français, c'est très triste.
01:01:19 - Il y a eu à nouveau une collaboration entre Intaro
01:01:21 avec Endless Odyssey.
01:01:23 - Intaro qui avait réalisé
01:01:25 Albator 718 et
01:01:27 les deux films de Galaxy Express,
01:01:29 Galaxy Express et Radio Galaxy.
01:01:31 - On pourrait faire une émission juste sur ça.
01:01:33 - Oui, mais après on assiste... - Il y a un revival.
01:01:35 - Voilà, il y a un revival. On arrive aussi avec un film
01:01:37 au cinéma, en CGI,
01:01:39 10 ans plus tard.
01:01:41 - Il y a une décennie, vraiment,
01:01:43 où on sent que, on va dire
01:01:45 2001-2013,
01:01:47 un peu plus de 10 ans, où Matsumoto,
01:01:49 deuxième vague... - Est-ce que pour conclure,
01:01:51 on peut dire que
01:01:53 l'empreinte de Matsumoto,
01:01:55 aujourd'hui, évidemment,
01:01:57 on le pleure, mais l'empreinte de Matsumoto,
01:01:59 elle est au final
01:02:01 toujours là, parce qu'elle sera toujours
01:02:03 rebercée par une nouvelle
01:02:05 génération qui la remettra au goût du jour.
01:02:07 Pour conclure. - Complètement.
01:02:09 Et alors,
01:02:11 sa tragique disparition
01:02:13 a permis de mesurer
01:02:15 dans le monde entier
01:02:17 cet impact. Quand on voit
01:02:19 tous les mangakas, les animateurs
01:02:21 qui lui ont rendu hommage,
01:02:23 pour,
01:02:25 ici, une anecdote, ici,
01:02:27 j'ai jamais dit, mais je suis inspiré de...
01:02:29 Vous avez marqué ma jeunesse.
01:02:31 C'est incroyable. On a vu,
01:02:33 en Italie, on a vu
01:02:35 aux Etats-Unis, des réactions.
01:02:37 Ça fait...
01:02:39 Ça fait bien longtemps que j'ai pas vu autant
01:02:41 de réactions pour le décès
01:02:43 de quelqu'un que je considère
01:02:45 comme majeur et très
01:02:47 important. On a eu Libé qui a fait sa une.
01:02:49 - Oui, je trouve ça incroyable.
01:02:51 - Sa une. Merci Libération.
01:02:53 Bon, on aurait souhaité plus.
01:02:55 - Ah oui. - C'est vrai que
01:02:57 Matsumoto avait été fait chevalier
01:02:59 des arrêts lettres par la France.
01:03:01 Et on s'attendait à peut-être une réaction
01:03:03 du ministère de la Culture. - Du chef de l'État.
01:03:05 - Et puis finalement, le silence...
01:03:07 - C'est vrai. - Est un peu triste.
01:03:09 - En tout cas, il restera
01:03:11 à toujours dans nos cœurs.
01:03:13 Merci beaucoup pour cette émission.
01:03:15 C'était pas une spéciale d'Albator, encore une fois.
01:03:17 C'était une spéciale Matsumoto. Mais je pense
01:03:19 qu'on se fera une spéciale d'Albator
01:03:21 et Galaxy Express, etc.
01:03:23 pour parler plus en détail des œuvres
01:03:25 de Matsumoto. Mais il était important de lui rendre
01:03:27 modestement hommage.
01:03:29 Merci beaucoup à vous trois.
01:03:31 - Merci. - Merci. - Merci.
01:03:33 - Et merci à vous de nous avoir suivis.
01:03:35 On se retrouve très bientôt pour un nouvel épisode
01:03:37 de Dans la Légende.
01:03:39 (Générique)
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