Chaque semaine, nos critiques Samuel Douhaire et Marie Sauvion commentent et notent un film sorti le mercredi. Aujourd’hui, « Je verrai toujours vos visages » de Jeanne Herry.
Des juristes aident des victimes de violences ou de viol. Le nouveau film de Jeanne Herry est une fiction assez habilement nourrie par une vérité documentaire. Ce nouveau Face-à-Face Critique salue un casting de premier ordre, dirigé avec beaucoup d’attention par la réalisatrice de Pupille (2018), un film qui avait déjà beaucoup plu.
Des juristes aident des victimes de violences ou de viol. Le nouveau film de Jeanne Herry est une fiction assez habilement nourrie par une vérité documentaire. Ce nouveau Face-à-Face Critique salue un casting de premier ordre, dirigé avec beaucoup d’attention par la réalisatrice de Pupille (2018), un film qui avait déjà beaucoup plu.
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00:00 Je verrai toujours vos visages, c'est le nouveau long métrage de Jeannery dont on avait adoré Pupille.
00:05 Une découverte pour beaucoup de gens parce que c'est un film qui est sur la justice restaurative.
00:09 La justice restaurative, c'est un sport de combat.
00:16 Je m'appelle Nassim, j'ai 29 ans.
00:19 Vous pourriez nous expliquer un peu comment vous avez entendu parler de la justice restaurative ?
00:23 C'est des victimes qui rencontrent des détenus.
00:25 Oui, c'est ça.
00:28 Ce que vous proposez à ces gens, c'est l'inverse de ce que tout le monde leur a toujours proposé.
00:32 On ne parle pas à leur place, on ne suggère rien.
00:35 On écoute, on accueille inconditionnellement.
00:39 La justice restaurative, qu'est-ce que c'est ?
00:41 C'est la justice qui intervient après la peine prononcée au tribunal.
00:45 C'est un processus qui permet aux victimes de se reconstruire
00:49 et aux coupables, reconnus comme tels par la justice lors de procès,
00:53 de mieux comprendre leurs actes.
00:56 Dans le film, il y a deux histoires.
00:58 Il y a une histoire individuelle, qui est le cas d'une jeune femme
01:02 qui a été victime d'inceste de la part de son demi-frère quand elle était adolescente.
01:06 La deuxième histoire, elle est collective.
01:09 C'est un atelier de parole en prison de trois victimes et trois coupables.
01:15 En trois minutes, on a saisi un peu les enjeux, savoir écouter, savoir la fermer,
01:19 laisser les gens exister d'un côté comme de l'autre,
01:23 être le facilitateur, celui qui fera venir la parole et qui organisera le dialogue.
01:28 Ça, c'est franchement bien posé.
01:29 J'ai été agressée dans le supermarché dans lequel je travaillais il y a cinq ans.
01:32 Je suis là pour vous dire ce qui se passe pour les victimes quand vous commettez ce genre de choses.
01:35 J'ai 25 ans et j'ai braqué une supérité.
01:38 J'ai passé toute ma vie dans le monde des stupéfiants.
01:40 Ça fait 25 ans que je fais des allers-retours entre la prison et l'extérieur.
01:43 Je ne suis plus comme avant.
01:45 Ma vie n'est plus comme avant.
01:47 Et si je résume, avant, elle était mieux.
01:49 Jeanne-Héry, qui a voulu vraiment embrasser le sujet dans toute sa diversité,
01:55 en a fait peut-être un petit peu trop.
01:56 À certains moments, on sent vraiment qu'il faut vraiment expliquer bien tout comme il faut.
02:01 Ça manque un petit peu d'imagination là-dedans.
02:05 On voudrait que Jeanne-Héry soit moins passionnée par son sujet et plus passionnée par le cinéma.
02:09 Elle a été formée elle-même à la justice restaurative
02:13 et je dirais que c'est presque un peu le problème,
02:14 parce que du coup, elle a envie d'en montrer tous les aspects.
02:17 C'est à la fois intéressant et c'est à la fois un cadre très circonscrit
02:21 dont on ne va pas beaucoup sortir et qui peut finir par être un petit peu répétitif.
02:25 Moi, je trouve que la partie sur les braqueurs et les braqués
02:30 et la grande réconciliation autour du cake à la banane,
02:33 je trouve qu'au bout d'un moment, on est quand même un peu beaucoup dans la redite.
02:37 Quand vous parlez de peur, vous voulez dire quoi exactement ?
02:40 Quand vous attaquez quelqu'un, il n'y a pas qu'une victime.
02:43 Il y a d'autres victimes derrière.
02:44 Il y a des familles, des couples, des enfants.
02:47 On met des petites claques, c'est pour impressionner.
02:49 On met des claques, c'est des coups.
02:50 C'est vrai que la réconciliation finale dans le récit choral fait que c'est vraiment trop parfait.
02:55 Tous ces formateurs, ils sont très bien.
02:57 Jusque dans leur doute, ils sont parfaits.
02:59 Il y a vraiment une dimension un peu trop idéaliste.
03:02 C'est presque les bisounours.
03:03 C'est-à-dire qu'il y a, même si l'histoire du frère et de la soeur incestueuse,
03:08 c'est plus complexe que ce que l'on pouvait craindre.
03:10 J'avais peur d'un truc qui serait le pardon obligatoire,
03:13 notamment dans l'histoire de l'inceste.
03:15 J'avais peur que le film nous emmène vers une grande scène de réconciliation
03:18 qui donnera un petit peu envie de brûler le cinéma.
03:20 Et pas du tout, on échappe à ça.
03:22 Tout dépasse d'une intensité égale, on va dire.
03:25 Donc, il y a des moments très forts,
03:27 notamment parce que Jeanne Héry est une formidable directrice d'acteurs.
03:30 On sent bien que c'est ça qu'elle aime.
03:32 Les dialogues sont au cordeau.
03:34 Moi, il y en a deux pour moi qui vraiment surclassent tout le monde.
03:38 Il y a Élodie Bouchès, qu'on est hyper content de retrouver.
03:42 Et puis, Adèle Exarcho-Poulos,
03:45 qui est vraiment dans une belle période de sa carrière
03:47 et qui joue comme ça ce personnage torturé, sombre
03:50 et en même temps bagarreuse.
03:53 Ils sont tous vraiment remarquables.
03:55 Gilles Lelouch, qui quand même nous surprend agréablement de film en film,
03:58 dans un rôle d'homme plutôt costaud
04:01 et en fait vraiment traumatisé par ce qui lui est arrivé.
04:03 Il le fait avec beaucoup, beaucoup de justesse.
04:05 Peut-être que ces rôles-là,
04:07 il aurait fallu les donner à des acteurs moins stars.
04:09 Je verrai toujours vos visages de Jeanne Héry.
04:11 C'est honnêtement bien.
04:13 Je verrai toujours vos visages de Jeanne Héry.
04:15 C'est bien.
04:16 ♪ Piano ♪
04:18 [Musique]