Serait-ce, enfin, la début d’une vraie vague #MeToo dans le cinéma français ? Le témoignage de Judith Godrèche semble avoir accéléré, si ce n’est déclenché, une libération de la parole. Après un long silence, l’actrice et réalisatrice a décidé de porter plainte pour viol sur mineur de moins de 15 ans contre le réalisateur Benoît Jacquot. Après les accusations visant Gérard Depardieu, Jacques Doillon ou encore Philippe Caubère, de plus en plus de voix s’élèvent pour dénoncer des abus. Mais le cinéma français est-il capable d’introspection ? Nous avons posé la question aux actrices Alma Jodorowsky et Luana Duchemin, ainsi qu’à la journaliste Marine Turchi.
Quand elle était encore mineure, l’actrice Judith Godrèche est devenue, selon ses propres termes, "l’enfant-femme" du réalisateur Benoît Jacquot, avec qui elle travaillait sur le film "Les Mendiants" en 1988. À l’époque, elle était âgée de 14 ans, lui en avait 39. Ils resteront ensemble pendant six ans, formant un couple illégal mais connu de tous et que personne n'a dénoncé. Des décennies plus tard, fin 2023, Judith Godrèche sort la série "Icon of French cinema", une autofiction inspirée de son expérience avec le réalisateur. C’est le début d’une prise de conscience de ce qu’elle a vécu, et qu’elle a longtemps qualifiée de "relation de couple".Devenir mère, voir sa fille Tess Barthélémy atteindre, puis dépasser le seuil des 14 ans, raconter son histoire pour la télévision... Autant d’éléments qui ont fini par infuser. Ne restait plus qu’à d... Lire la suite sur notre site web.
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Quand elle était encore mineure, l’actrice Judith Godrèche est devenue, selon ses propres termes, "l’enfant-femme" du réalisateur Benoît Jacquot, avec qui elle travaillait sur le film "Les Mendiants" en 1988. À l’époque, elle était âgée de 14 ans, lui en avait 39. Ils resteront ensemble pendant six ans, formant un couple illégal mais connu de tous et que personne n'a dénoncé. Des décennies plus tard, fin 2023, Judith Godrèche sort la série "Icon of French cinema", une autofiction inspirée de son expérience avec le réalisateur. C’est le début d’une prise de conscience de ce qu’elle a vécu, et qu’elle a longtemps qualifiée de "relation de couple".Devenir mère, voir sa fille Tess Barthélémy atteindre, puis dépasser le seuil des 14 ans, raconter son histoire pour la télévision... Autant d’éléments qui ont fini par infuser. Ne restait plus qu’à d... Lire la suite sur notre site web.
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NewsTranscription
00:00 (Générique)
00:10 -Bonjour à vous et bienvenue dans cette émission spéciale
00:13 commune actuelle et à l'affiche consacrée au Me Too du cinéma français.
00:17 -Son témoignage a été le détonateur de la libération de la parole
00:21 sur les violences sexistes et sexuelles faites aux femmes
00:24 et aux très jeunes femmes dans le monde du cinéma.
00:27 L'actrice et réalisatrice Judith Godrech a décidé de parler
00:30 de l'emprise des viols et des violences dont elle dit avoir été victime
00:34 lorsqu'elle était mineure et elle n'est pas la seule.
00:37 -Sommes-nous prêts à écouter et à entendre les victimes ?
00:40 Le cinéma français est-il capable de faire son introspection ?
00:44 On va en parler avec nos invités dans un instant,
00:46 mais avant cela, retour en image sur ce mouvement Me Too
00:50 avec Ludovic Defoucault et Alison Sargent.
00:52 (Générique)
00:54 -Longtemps, elle s'est eue,
00:56 mais au début du mois de février, Judith Godrech s'est décidée
00:59 à porter plainte contre le réalisateur Benoît Jacot,
01:02 qui a entretenu avec elle une longue relation
01:05 à partir de ses 14 ans. Il en avait 39.
01:07 Elle l'accuse de viol avec violence sur mineurs de moins de 15 ans,
01:11 ce qu'il nie. Lui insiste sur le caractère amoureux de la relation,
01:14 une défense qui la révolte.
01:17 -C'est l'histoire qu'aiment se raconter les abuseurs d'enfants.
01:22 Ils racontent, ils parlent d'amour,
01:25 ils écrivent des lettres d'amour.
01:27 Même s'ils ne comprennent pas, ils disent qu'ils l'aimaient,
01:31 cette petite fille.
01:33 Je n'ai jamais été attirée par Benoît Jacot,
01:36 mais je me suis retrouvée avec lui.
01:38 Je me suis retrouvée dans son lit,
01:40 et je me suis retrouvée avec sa femme,
01:43 sa petite femme, son enfant-femme.
01:45 -Son objet sexuel. -Voilà.
01:48 -Judith Godrech révèle avoir subi des abus
01:50 de la part d'un autre réalisateur, Jacques Doyon,
01:53 qui réfute les accusations d'autres actrices
01:56 l'ont aussi mis en cause.
01:58 Le cinéma français vit sans doute son moment MeToo,
02:01 six ans après.
02:02 -Saut, saut !
02:03 Solidarité !
02:05 -En octobre 2017, si Paris est à son tour
02:07 touchée par les ondes de choc d'un mouvement né à Hollywood,
02:11 la France se distingue à l'époque par une résistance,
02:14 portée par Catherine Deneuve.
02:16 Avec un collectif de 100 femmes, l'actrice signe en janvier 2018
02:19 une tribune pour défendre la liberté d'importuner.
02:23 -Le viol est un crime,
02:24 mais la drague insistante ou maladroite n'est pas un délit,
02:28 ni la galanterie une agression machiste.
02:30 -Il faut attendre novembre 2019
02:32 pour qu'une première accusation majeure
02:35 ébranle le milieu du cinéma français.
02:37 Adèle Haenel affirme avoir été victime d'abus sexuels
02:40 de la part du réalisateur Christophe Ruggia à partir de 12 ans.
02:43 Quelques mois plus tard, l'actrice se lève
02:46 et quitte la cérémonie des Césars
02:48 quand Roman Polanski remporte le prix du meilleur réalisateur.
02:51 Le cinéaste franco-polonais est poursuivi depuis 30 ans
02:54 aux Etats-Unis pour viol sur mineurs,
02:56 une jeune fille de 13 ans.
02:58 D'autres femmes l'ont aussi mis en cause.
03:00 -Pour nous, la nomination 12 fois de Roman Polanski
03:04 est révélateur d'un système au sein du cinéma français.
03:07 Et en consacrant ces hommes, on met en place une forme d'impunité.
03:11 -Plus récemment, c'est Gérard Depardieu
03:13 qui se retrouve dans la tourmente.
03:15 Dans un reportage de France Télévisions,
03:18 il tient des propos obscènes envers les femmes
03:21 qui réalisent une fillette d'une dizaine d'années.
03:23 Celui que l'on présente comme le monstre sacré du cinéma français
03:27 est mis en examen pour viol et agression sexuelle sur plusieurs femmes.
03:31 -Et pour parler des questions que soulève ce mouvement #MeToo
03:34 dans le cinéma français, nous avons le plaisir d'accueillir
03:37 trois invités. Merci à toutes les trois d'être présentes.
03:41 Alma Jodorowsky, bonjour. Vous êtes actrice.
03:43 Vous faites partie de l'ADA, l'association des actrices,
03:46 créée il y a un peu moins de deux ans,
03:48 et vous êtes antiraciste. Merci d'être présente.
03:51 -Luana Duchemin, bonjour. Merci d'être là.
03:53 Vous êtes actrice et membre de l'ADA.
03:56 Vous teniez à venir toutes les deux, d'ailleurs,
03:59 car au sein de l'association,
04:02 vous favorisez la prise de parole à plusieurs,
04:04 et on tenait à le préciser,
04:06 car cette notion de sororité est très importante
04:09 et on aura, j'imagine, l'occasion d'en reparler ensemble.
04:12 -Et avec nous, Marine Turki, bonjour.
04:14 Vous êtes journaliste chez Mediapart
04:16 et vous avez évoqué depuis plusieurs années
04:19 les questions de VSS, les violences sexistes et sexuelles,
04:22 et vous avez signé "Faute de preuve, enquête sur la justice
04:25 "face aux révélations #MeToo et aux éditions du Seuil".
04:28 -Peut-être d'abord une réaction, Alma Jodorowsky et Luana Duchemin.
04:32 Quand vous voyez ce qui se passe, lorsque vous entendez
04:35 ce témoignage de Judith Gaudrech et celui d'autres actrices,
04:39 car elle est loin d'être seule, qu'est-ce que vous vous dites ?
04:42 -Qu'elles ont beaucoup de courage
04:46 et que l'écoute est en train de se libérer,
04:50 parce que ça fait longtemps que c'est un mouvement,
04:53 comme on l'a vu, qui est en cours depuis plusieurs années
04:56 et que la société n'a pas encore assez réagi,
05:00 même au sein de notre milieu.
05:02 Je pense que là, on est en train d'assister à un moment
05:05 où les gens se mobilisent un peu plus,
05:07 et nous, avec notre association,
05:09 c'est ce qu'on a envie de favoriser et de porter,
05:13 c'est cette sororité,
05:17 mais pas comme un terme... On l'utilise beaucoup,
05:19 mais nous, comme vous l'avez dit, on a vraiment envie
05:22 de mettre en avance cette collectivité
05:25 et cette manière de se soutenir et de ne pas laisser la porte
05:28 se refermer, comme on a pu le voir par le passé.
05:31 -Il y a eu des soubresauts, Luana Duchemin.
05:33 -Oui, il y a eu des soubresauts. Adèle Haenel a été la première
05:37 à très courageusement prendre la parole.
05:39 C'est vrai qu'aujourd'hui, on a envie que ces récits de femmes
05:43 soient entendus et qu'on leur fasse la place,
05:45 aussi bien dans notre société, comme on le fait en plateau,
05:48 mais aussi dans les récits, au cinéma.
05:51 Il est temps qu'on s'enrichisse de ces récits-là.
05:53 -Un pas en avant, deux pas en arrière.
05:56 Marine Turquiez, est-ce que vous avez l'impression
05:59 qu'on a un tournant ? -Je crois que là,
06:01 on vit un tournant, parce qu'il y a un tourbillon d'affaires,
06:04 l'affaire Cobert, l'affaire Depardieu.
06:06 Quand on a révélé 13 témoignages qui mettaient en cause
06:10 Gérard Depardieu, il y a presque un an,
06:12 et on a été accompagnés aux révélations.
06:14 Aucun soutien n'a été apporté à ces femmes,
06:17 qui étaient des techniciennes ou des actrices.
06:19 Ce qu'on voit aujourd'hui, c'est que les résistances à MeToo
06:23 s'amenuisent. La tribune de soutien à Depardieu
06:25 n'a été signée que par 56 personnalités,
06:28 dont la moitié ont retiré leur signature
06:30 ou fait part de leur malaise face aux réactions de l'opinion publique.
06:34 Il y a 10 ans, une pétition de soutien à Polanski, en 2009,
06:37 a été signée par 700 personnes.
06:39 Il y a une séquence d'écoute qui s'ouvre,
06:41 et c'est pour ça que toutes ces affaires
06:44 peuvent sortir et être entendues.
06:46 -Alors, justement, Alma Jodorowsky,
06:48 vous avez joué récemment dans la série "Split" d'Iris Bray.
06:51 C'est une ancienne critique de cinéma.
06:54 Elle est réalisatrice, maintenant, et elle dit que le cinéma
06:57 favorise la culture du viol et de l'inceste.
07:00 Est-ce que vous êtes d'accord avec cela,
07:02 vous qui connaissez bien ce milieu ?
07:04 -Oui, je suis d'accord à plusieurs niveaux.
07:07 Déjà, dans l'organisation de notre travail,
07:10 sur les plateaux de tournage,
07:12 il y a une organisation qui est très pyramidale, encore,
07:15 même si on essaye de transformer ça de l'intérieur.
07:18 Malgré tout, on se retrouve quand même avec un réalisateur
07:21 ou une réalisatrice, parfois, qui a beaucoup de pouvoir
07:24 et qui peut en abuser,
07:25 avec peu de protection pour les comédiennes et les comédiens,
07:29 parce qu'on se retrouve dans une place
07:31 où on admire aussi beaucoup la personne
07:33 et où on...
07:35 Et où il peut y avoir une confusion
07:37 dont la personne qui est à la tête de cette pyramide
07:40 peut tirer un profit de manière très perverse.
07:44 Et après, comme tu l'as mentionné, Louana,
07:47 il y a aussi dans les récits que le cinéma porte,
07:51 qui infusent la société aussi.
07:53 C'est un peu une espèce de boucle et de cercle vicieux
07:56 qu'on a envie de briser,
07:57 ce cinéma qui s'inspire de la vie
08:00 et qui infuse dans la vie,
08:02 et aujourd'hui, on a envie de créer d'autres choses joyeuses,
08:07 et qui explorent d'autres univers.
08:09 -On parle souvent de la grande famille du cinéma français.
08:13 Ca me fait penser, par exemple, à "La familia grande",
08:16 dont parlait Camille Kouchner, dans "Le monde politique".
08:19 On a l'impression que c'est aussi un monde incestueux,
08:22 un univers clos, où le silence doit régner
08:25 quand il y a des abus.
08:26 Est-ce que c'est un sentiment que vous avez, Louana Duchemin ?
08:30 -Oui, absolument.
08:31 Je pense que...
08:33 Je pense que, comme une famille, comme le disait Alma,
08:36 c'est un système pyramidal,
08:38 et que tout est fait pour vous silencier.
08:40 C'est-à-dire qu'une actrice qui, tout d'un coup,
08:43 sent un malaise sur un plateau
08:45 parce que le réalisateur ne se comporte pas bien avec elle,
08:48 ça demande énormément de courage d'être capable
08:52 d'aller dénoncer ce comportement-là gênant,
08:56 sachant que tout un tas de gens sont employés,
08:59 qu'un film, c'est beaucoup d'argent,
09:01 et qu'elle risquerait de mettre en péril, en fait,
09:04 l'existence même du film.
09:07 Et donc, comme toujours, et comme dans la société,
09:10 finalement, la charge est à la victime...
09:14 de dénoncer,
09:17 et c'est très lourd.
09:19 -Marine Turquie, il y a aussi cette question
09:22 d'une complicité des médias, dénoncée par Judith Gaudrech.
09:25 Au sein du milieu, c'est compliqué,
09:28 mais un peu à l'extérieur, c'est pas évident ?
09:30 -Ce qui est certain, c'est qu'on l'a vu dans "L'affaire Depardieu".
09:34 Beaucoup de choses étaient sous nos yeux.
09:36 Le comportement de Gérard Depardieu
09:38 au fil des années dans la presse française
09:41 a été traité, mais pas dans le rétroviseur.
09:43 Les médias doivent faire leur méa culpa.
09:45 Comment on qualifie un comportement
09:47 qui relève de violence sexuelle ?
09:49 Comment on choisit d'en rire parfois ?
09:52 On a montré dans nos articles
09:53 que des vidéos, des interviews, des bandes dessinées
09:57 qui montraient Gérard Depardieu embrasser par surprise
09:59 une maquilleuse, une technicienne, une actrice,
10:02 mettre une main à la hanche, aux fesses, etc.
10:05 Tout ça, on a choisi d'en rire.
10:06 C'est aussi ce que dit Judith Gaudrech,
10:09 quand elle dit la manière dont Benoît Jacot et d'autres
10:12 ont été reçus, dont les questions...
10:14 Personne ne s'est offusqué lorsqu'il parlait
10:16 d'une relation avec une jeune fille de 14 ou 15 ans,
10:19 comment tout ça a été traité.
10:21 On a parlé des égéries de Benoît Jacot.
10:23 Aujourd'hui, les médias doivent aussi faire leur méa culpa
10:27 dans le rétroviseur. Il faut changer nos manières
10:29 de regarder tout ça, de la même manière
10:32 que le cinéma doit regarder les représentations qu'il véhicule.
10:35 Ca s'adapte à nous, journalistes.
10:37 -Télérabat a fait son méa culpa dans un édito cette semaine
10:40 en précisant que leur regard sur les oeuvres
10:43 n'était plus dissocié des conditions de leur production.
10:46 Alma Jodorowsky, l'actrice Anna Mouglalis,
10:49 qui fait partie de votre association LADA,
10:52 déplore que peu d'hommes prennent la parole.
10:54 Qu'en pensez-vous ?
10:56 Qu'est-ce qui vous a fait penser ?
10:58 -Euh...
10:59 Personnellement, ça me met assez en colère, je dois dire.
11:02 Je...
11:03 Je trouve que là, c'est vraiment fermer les yeux très fort
11:07 et les oreilles très fort que de ne pas se rendre compte
11:10 qu'il y a en train de se passer une séquence très importante
11:14 dans notre milieu, et...
11:16 Il nous manque, en fait.
11:18 -Vous vous sentez seule, loin du chemin, dans ce combat ?
11:21 -Je pense que c'est un combat qu'on doit tous prendre en charge,
11:25 si on veut que les choses changent,
11:27 et surtout que certains hommes sont victimes d'abus dans ce milieu.
11:30 Et...
11:32 -On voit dans nos enquêtes à Mediapart
11:34 sur les violences sexuelles dans le cinéma, par exemple,
11:37 si les techniciens, les acteurs, etc.,
11:39 ne nous répondent pas sur ce qu'ils ont pu voir
11:42 sur des scènes précises,
11:43 on ne peut pas faire ces enquêtes,
11:45 car il faut une multiplicité de paroles.
11:47 Je vois, et c'est heureux, que ça bouge,
11:50 on a de plus en plus de techniciens, de comédiens, etc.,
11:53 sur les tournages aussi, qui nous répondent
11:56 et qui sont conscients de combien ça repose sur leurs épaules.
11:59 On ne peut pas, sans les témoins, faire ces enquêtes.
12:02 Après, il y a le cap d'après,
12:04 c'est évidemment la prise de parole publique,
12:07 et je suis d'accord, on ne peut que constater
12:09 qu'il n'y a pas beaucoup de réactions,
12:11 de prises de parole d'acteurs,
12:13 de figures importantes du cinéma,
12:15 dès qu'il y a une affaire qui peut sortir.
12:18 Je me souviens du silence assourdissant
12:20 au moment de l'affaire Luc Besson,
12:22 où on peinait à avoir des réactions,
12:24 notamment de la part de comédiens
12:26 qui pouvaient être dans les films concernés.
12:29 -Surtout qu'elles sont... Pardon, mais je veux dire,
12:32 nous, on n'attend que ça, de dire "j'ai déconné à un endroit",
12:35 "j'ai fait ci", machin,
12:37 ça fait tellement de bien aux victimes et à toutes ces femmes
12:40 que nous, on les attend,
12:42 on les attend pas pour leur dire "oui"
12:44 et pointer du doigt en leur tapant sur la tête,
12:47 c'est au contraire, c'est rejoigner nous là-dedans
12:50 pour le bien de tous.
12:51 -Il y a eu des prises de parole,
12:53 je pense à Emmanuel Macron,
12:55 quand il parle dans l'affaire de Pardieu
12:57 de cet acteur qui rend fière la France.
12:59 Ca vous fait des réactions épidermiques ?
13:02 -Il a fait de la politique, je pense.
13:04 -Ce qui est intéressant, c'est qu'il dit qu'il ne prend pas parti,
13:08 qu'il laisse la justice travailler,
13:10 ce qu'il dit dans cette intervention ?
13:12 Il dit que c'est incontestable,
13:14 c'est le plus grand acteur français,
13:16 et qu'on n'y touche pas.
13:18 Il a un mot très évasif pour les plaignantes.
13:21 Il prend parti et il estime que ce comportement
13:23 rend fière la France, c'est une manière de dire
13:26 "taisez-vous, c'est comme ça que ça a été reçu
13:28 "par une partie des gens qui nous écrivent,
13:31 "par une partie des personnes victimes
13:33 "ou qui veulent dénoncer des choses,
13:35 "les gens dans la société."
13:37 C'est une culture de l'impunité.
13:39 -C'est une façon de silencier encore les gens,
13:41 et c'est très irrespectueux vis-à-vis des femmes
13:44 qui ont osé prendre la parole, qui ont eu ce courage immense
13:48 de raconter ce qui leur est arrivé.
13:50 Je trouve ça...
13:51 Je trouve ça très déconcertant.
13:54 -Deux sénatrices ont signé une tribune
13:56 dans le journal Le Monde.
13:58 Pour elles, il faut que le Centre national du cinéma
14:01 arrête de donner de l'argent à des entreprises de production
14:04 dont les films ont donné lieu à des faits d'agression sexuelle.
14:08 Yang Xin a posé la question à Leslie Thomas,
14:10 la secrétaire générale du CNC. Je vous propose de l'écouter.
14:14 -Moi, je tiens juste à rappeler qu'on a, aujourd'hui,
14:17 un arsenal juridique qui permet de couvrir ces situations-là.
14:22 Le Code du travail explique très clairement
14:24 que les employeurs doivent mettre en place des moyens renforcés
14:28 pour éviter ces situations-là.
14:29 Et nous, le CNC, on a indiqué que si les producteurs
14:33 ne suivaient pas les formations obligatoires en la matière,
14:36 ils ne pouvaient pas bénéficier des aides publiques.
14:39 Là, ça fait une double injonction, une double contrainte
14:42 pour les producteurs, qui me paraît satisfaisant
14:45 du point de vue juridique.
14:47 -Marine Turki, on a l'impression que le Code du travail
14:50 n'est pas appliqué dans le monde du cinéma.
14:52 -Je le ressens dans mes enquêtes.
14:54 On a l'impression que c'est une bulle à part,
14:57 où le Code du travail n'existe pas toujours.
14:59 On a reçu des actrices qui nous ont dit ça.
15:02 Pourtant, elles vont au travail.
15:04 Le film, c'est une petite entreprise,
15:06 mais ça reste une entreprise.
15:08 Quand il se passe des choses qui peuvent être qualifiées
15:11 de harcèlement sexuel, de violence sexuelle,
15:14 on est censé diriger en enquête interne,
15:16 à mesure à dire être conservatoire,
15:18 suspendre la personne mise en cause pour entendre les uns et les autres.
15:22 C'est ce qui était dit tout à l'heure,
15:24 ça peut mettre en péril le film,
15:26 et c'est pour ça que les personnes ne parlent pas.
15:29 Il y a beaucoup de progrès à faire.
15:31 Les référents harcèlement ne sont pas formés sur les tournages.
15:35 Les formations de violence sexuelle ne sont pas poussées.
15:38 Je vois combien les productions ne savent pas,
15:41 le plus souvent, pas toutes, mais beaucoup,
15:43 faire face, gérer ces cas, comment on réagit,
15:46 il faut réagir vite, mettre en place des mesures,
15:49 et ça, c'est dans n'importe quelle entreprise.
15:51 -Du côté de l'ADAS, avez-vous des pistes,
15:54 des solutions qu'il faut mettre en place ?
15:56 -Nous, on discute beaucoup avec les syndicats,
15:59 le SFA notamment, le Syndicat des Acteurs,
16:02 pour trouver des solutions, pour que ça soit mis en place,
16:06 et puis approfondir ce que 50/50 et le CNC
16:10 ont aussi fait émerger des métiers de référents,
16:14 donc pas des métiers, justement, les référents harcèlement,
16:18 qui sont des personnes à l'intérieur du tournage
16:20 qui vont prendre en charge ces problèmes.
16:23 Mais la question du conflit d'intérêt,
16:25 d'une certaine manière, se pose,
16:27 car ces personnes ne sont pas impartiales,
16:30 elles font partie du tournage,
16:31 donc c'est à réfléchir et à approfondir.
16:34 -Merci beaucoup.
16:35 C'est déjà la fin de notre émission spéciale
16:38 sur le "me too" dans le cinéma français.
16:40 Merci à toutes les trois d'avoir accepté notre invitation.
16:44 Merci à vous de votre fidélité.
16:47 On vous dit à très vite sur France 24.
16:50 -A très bientôt.
16:51 Générique
16:53 ...