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Pour fêter son demi-siècle d’existence, le numéro un des guides de voyage publie « Les 50 voyages à faire dans sa vie ».


55 millions d’exemplaires vendue en 50 ans, 2,5 millions chaque année et la Corse en best-seller. Le succès du Guide du Routard ne se dément pas depuis son lancement en mars 1973. Toujours à sa tête, Philippe Gloaguen n’imaginait pas une telle longévité lorsqu’il a créé ce guide dont aucune maison d’édition ne voulait. Invité médias de Célyne Baÿt-Darcourt, il raconte la naissance chahutée du Routard, son évolution et la concurrence d’Internet.

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Transcription
00:00 Bonjour Philippe Glohagen.
00:01 Bonjour.
00:01 Alors non seulement vous en êtes le directeur, mais vous avez fondé le Guide du routard
00:05 qui a permis la démocratisation du voyage.
00:07 55 millions d'exemplaires vendus en 50 ans.
00:10 Quel est le plus gros succès ?
00:11 La Corse.
00:12 Et c'est toujours le cas.
00:14 Depuis 12 ans, la Corse est au numéro 1.
00:17 Je préfère le préciser, comme ça je n'ai pas d'ennui.
00:19 Alors pour célébrer ce demi-siècle d'existence, vous publiez un très beau livre, « Les
00:25 5 ans de voyage à faire dans sa vie ». Si on en a déjà fait 5, c'est pas mal parce
00:29 que tout le monde ne peut pas se payer 5 ans de voyage dans sa vie.
00:32 Vous, votre plus beau voyage c'est lequel ?
00:34 Je vous dirais qu'il y en a plein.
00:36 Je les ai pratiquement tous faits.
00:40 Mais d'abord, j'aimerais vous dire que c'est le choix de l'ensemble de la rédaction
00:45 du routard.
00:46 Tout le monde a voté ?
00:47 Tout le monde a voté.
00:48 5 voix chacun.
00:49 Et puis les premiers de la classe ont été élus dans ce guide.
00:55 Donc j'ai plein de souvenirs, il y a plein d'endroits merveilleux.
01:00 C'est quand même le best du best.
01:02 Mais je vais vous dire un secret.
01:04 Le plus beau des voyages, c'est celui que vous faites avec la personne que vous aimez.
01:08 Oh qu'est-ce que c'est joli !
01:09 Oui mais c'est vrai.
01:10 C'est vrai.
01:11 Et alors faire ces 5 ans de voyage avec la personne qu'on aime, là on est au top.
01:15 C'est pas mal.
01:16 Quand vous avez démarré il y a 50 ans, Philippe Gluhagen, vous pensiez que l'aventure pourrait
01:22 durer aussi longtemps ?
01:23 Alors absolument pas et je vous le prouve.
01:25 C'est que la deuxième année, avec ma sœur adorée, j'ai ouvert un restaurant.
01:30 Comme quoi j'étais un tout petit peu inquiet.
01:32 Pas sûr de votre coup.
01:34 Comment est né justement le guide du routard ?
01:36 D'une rencontre avec un grand reporter, un collègue à vous.
01:42 En fait je voulais faire votre métier tout simplement, qui s'appelait Jean Lacouture
01:47 et qui était le responsable de l'Egypte au Nouvel Observateur.
01:51 Je l'avais rencontré à un débat et il nous expliquait que lui, il avait rencontré
01:56 Nasser, il avait rencontré Khrouchchev, il visitait quand il y avait une ouverture
02:03 de tombe pharaonique, il était invité.
02:09 Et je me disais mais c'est incroyable.
02:12 Il voit l'Egypte comme aucun milliardaire ne peut le visiter et en plus il est payé.
02:19 J'ai donc voulu faire son métier avec le talent en moi.
02:22 Alors quand vous avez… C'était pas vraiment le guide du routard au départ, c'est un
02:26 article que vous avez proposé à votre patron, c'était dans quel magazine, dans quel journal ?
02:32 Alors j'étais étudiant et comme je voulais faire votre métier, je voulais être journaliste.
02:36 Et j'avais trouvé deux journaux qui s'intéressaient un tout petit peu à moi parce que c'est
02:44 pas que j'avais le talent, j'étais le moins cher.
02:45 Et actuel et pilote.
02:49 Et actuel m'envoyait en Inde suivre cette route qui était mythique à l'époque,
02:54 la route des Indes, en passant par Istanbul, Teheran, Kaboul, le Pakistan pour arriver
03:05 en Inde, ce que j'ai fait.
03:06 Un peu en autostop, un peu en bus.
03:08 Vous êtes parti en stop de la porte de Charenton à Paris, c'est ça ?
03:11 De la porte de Charenton.
03:12 Vous êtes bien renseigné le service Gestapo de France Info.
03:15 C'est terrible ! Spécialiste média ça suffira.
03:18 Et effectivement, de la porte de Charenton, je suis allé à Istanbul et j'ai poursuivi.
03:26 Après en train, bus, camion et le train pour traverser le Pakistan.
03:32 Et alors cet article, cette enquête paraît et après on vous dit "allez Banco, fais-nous
03:37 un guide".
03:38 Alors d'abord, ils ont confiance, ils trouvent que c'est intéressant.
03:41 Il y avait très peu de littérature sur l'Inde, pays de langue anglaise, pas de guide.
03:47 Et Jean-François Bizeau, le patron, publie sur six pages, ce qui était génial.
03:54 J'avais 18 ans, c'est un honneur.
03:55 Et il y a eu pas mal de courriers, pas mal de demandes et tout.
04:00 Bref, cet article a bien fonctionné à tel point que Jean-François Bizeau me dit "tu
04:06 devrais en faire un guide".
04:07 Et voilà comment le guide du routa a démarré.
04:10 Sauf que 18 maisons d'édition vous disent "non, on n'en veut pas".
04:14 La 19ème veut bien, mais c'est le drame.
04:16 Racontez-nous ce qui s'est passé.
04:18 Alors, je m'entendais très très bien avec ce petit éditeur qui, à mon avis, a publié
04:23 le guide du routa parce qu'on ne lui proposait jamais rien.
04:26 Et le directeur était âgé, sourd.
04:31 Il se fait écraser par un autobus qu'il n'entend pas et faillite de la maison d'édition.
04:37 Et c'est fini.
04:39 Mais j'ai été sauvé par les médias.
04:42 J'ai eu beaucoup d'émissions.
04:44 Je tiens à vous dire qu'en 1973, votre consoeur France Inter nous a invités à toutes leurs
04:53 émissions de Pierre Bouteillet, 9h le matin, jusqu'au Pop Club, Josie Arthur.
05:00 On a tout fait avec le cofondateur Michel Duval.
05:04 Résultat, il y a eu une médiatisation de ce guide.
05:09 Et quand il y a eu faillite, il y a eu quatre propositions d'éditeurs, dont le plus important,
05:14 le plus célèbre, Hachette.
05:15 Qui est toujours avec vous aujourd'hui.
05:16 Qui est toujours avec nous.
05:18 À quel moment vous avez pris en compte la protection de l'environnement ? Parce que
05:22 l'avion et le tourisme en général, ce n'est pas écolo.
05:25 Quand le guide du routa est devenu soucieux des enjeux écologiques ?
05:27 Alors nous, on a eu une chance.
05:29 C'est que dans ces grandes réflexions un peu éthiques, on y a pensé toujours quelques
05:37 années avant tout le monde.
05:38 On a été les premiers sur les droits de l'homme.
05:40 Donc en disant on va essayer de voyager un petit peu moins con, de comprendre ce qui
05:44 se passe.
05:45 La situation des femmes, on le savait, dans le monde musulman, il y avait des problèmes.
05:49 Mais il y avait même pire.
05:51 C'était en Inde.
05:52 Et donc on a été très sensibilisés, très vite, à cette prise de conscience.
05:58 L'écologie, on l'a vu.
06:01 Moi, quand je suis parti avec ma femme au Yémen, je suis allé trois fois.
06:06 J'ai vu le désastre écologique des sacs plastiques et tout.
06:10 C'était dans les années 80-85.
06:13 Donc déjà, là, il fallait faire quelque chose.
06:17 C'est des pays qui sont un peu oubliés, parce qu'ils interdisent de visite maintenant.
06:21 Mais l'écologie posait un énorme problème au Moyen-Orient et en Afrique noire.
06:28 Comme on y allait très souvent, l'écologie posait plus de problèmes dans ces pays pauvres
06:35 où il y a des grèves des boueurs, mais tous les jours, plutôt que dans les pays européens.
06:40 Et donc on a été sensibilisés à ça.
06:43 On a été sensibilisés au droit de l'homme.
06:45 Je faisais partie du comité de surveillance de la FIDH.
06:48 Donc c'est vrai que j'ai manifesté pour soutenir Monsan Suki avant tout le monde.
06:53 Et donc le guide du routard, il y a beaucoup de gens qui s'y sont retrouvés très tôt
06:58 en disant "Ah, il y a quand même des valeurs qui m'intéressent".
07:02 Et très vite, on a senti parmi nos lecteurs une amitié, un déclic qui faisait que le
07:16 guide du routard, on aime bien.
07:17 Et le succès du guide du routard, ce n'est pas qu'on soit très brillant, c'est la
07:23 fidélité de nos lecteurs.
07:24 Et donc chaque année, vous aviez une nouvelle génération qui arrivait, des gamins de 18
07:30 ans qui commençaient à voyager avec leur amoureuse, leur amoureux.
07:34 Et puis, vous aviez l'ancienne génération, un peu âgée, qui ne partait pas, qui continuait
07:40 à nous suivre.
07:41 Et donc c'est l'accumulation de tranches de population qui fait qu'on s'est retrouvés
07:51 avec 55 millions d'exemplaires vendus depuis 50 ans.
07:53 Et 2,5 millions d'exemplaires par an.
07:55 Vous visiez au départ les jeunes à petit budget.
07:58 Est-ce que c'est toujours le cas aujourd'hui ? Non.
08:01 Mais votre public, est-ce qu'on peut dire embourgeoisé ?
08:04 Alors voilà, ça c'est vraiment la bonne question.
08:07 Effectivement, on s'adressait aux jeunes quand on était étudiant, on s'adressait
08:11 aux étudiants.
08:12 Donc, voyages pas chers, auberge de jeunesse, camping, autostop.
08:15 Mais peu à peu, la clientèle vieillissant, évoluant, elle devenait journaliste.
08:23 De l'auberge de jeunesse, il prenait un hôtel de charme.
08:26 Vous aviez des gens qui, en quittant leurs études, devenaient journalistes à France
08:35 Info.
08:36 Et résultat, les moyens devenant plus confortables.
08:40 Nous, on a ouvert des gammes de prix.
08:43 Prix moyens, plus chic, très chic.
08:46 Et tout le monde y trouvait leur compte.
08:48 Donc, aussi bien le gamin que le lecteur fidèle depuis 40 ans qui est cadre chez Ron
08:56 Poulenc, il trouvait son compte.
08:59 Puisque la règle du Guide du Routard, c'est toujours le meilleur rapport qualité-prix.
09:03 - Aujourd'hui, le Guide du Routard est concurrencé par des voyageurs, disons lambda, qui postent
09:09 leurs propres voyages sur Internet, donnent des conseils, proposent des itinéraires.
09:13 C'est plus difficile d'arriver à vendre votre guide avec cette concurrence-là ?
09:18 - Je vais vous dire une vérité.
09:20 C'est que, avec Internet, nous n'avons plus de concurrents qui arrivent.
09:26 Parce que c'est impossible de créer une nouvelle collection comme celle-là.
09:30 Mais nous, on n'a que 30 ans d'avance par rapport à Internet.
09:34 Donc, on avait notre clientèle fidèle et qui savait que le Guide du Routard, par rapport
09:39 à Internet, c'était d'abord la sincérité.
09:42 C'était l'honnêteté.
09:44 Même si vous n'êtes pas d'accord sur une adresse, vous ne pouvez jamais nous accuser
09:49 de ne pas être sincère, d'être corrompu, ils ont été payés et tout.
09:53 Ce qui est le monde quotidien d'Internet.
09:57 Puisque vous ne savez jamais qui a écrit.
10:00 Ça peut être un concurrent, ça peut être l'hôtelier lui-même, ça peut être le
10:03 copain de l'hôtelier.
10:04 Bref, il y a un flou artistique sur l'origine des textes Internet, ce qui n'est pas du
10:11 tout le cas au Routard.
10:13 D'ailleurs, notre photo est publiée dans les guides.
10:16 - Il reste des lieux à découvrir à travers le monde ?
10:18 - Bien entendu, puisque à l'ONU, 193 pays, on traite à peu près 120 pays.
10:27 Mais malheureusement, ce sont des pays interdits, genre Corée du Nord, 15 jours de voyage,
10:34 deux mois de tôle.
10:35 L'Arabie Saoudite commence à ouvrir, mais vraiment, ils ont calé la porte avec les
10:41 pieds.
10:42 Il y a des ouvertures.
10:45 Et puis, toute l'Afrique que nous, on a connue et aimée, l'Afrique noire, francophone,
10:51 la Côte d'Ivoire, le Mali, Burkina, Mauritanie, le Niger, qui sont formidables.
10:59 Combien de fêtes on a fait avec nos amis africains ?
11:02 Eh bien, maintenant, avec le djihadisme, c'est fermé.
11:06 Et nous, on a fermé les écoutilles depuis au moins une douzaine d'années.
11:12 - Combien de temps va pouvoir tenir le guide du Routard encore ?
11:14 50 ans, il sera encore là dans 50 ans ?
11:16 - Écoutez, j'en sais rien, parce que moi, j'ai 71 ans, donc on me parle de la retraite
11:23 à 64.
11:24 - C'est pas pour vous, hein ?
11:25 - Oui, c'est un peu jeune, je trouve.
11:26 - Ah, c'est trop jeune pour vous.
11:28 - Non, quand on fait un métier passionnant, on continue.
11:31 Mais je vous rassure, la succession est assurée.
11:35 - Oui, la relève est assurée.
11:36 Et je signale que le Routard se décline depuis deux ans en magazine.
11:39 C'est un trimestriel qui est, je crois, uniquement centré sur la France.
11:41 - Non.
11:42 - La France pendant le Covid.
11:44 - Ah voilà, parce que je vous avais reçu à ce moment-là, donc ça a évolué depuis.
11:47 - Voilà.
11:48 Donc c'est la fin du Covid.
11:49 Lisez les journaux.
11:50 Et donc, bien entendu, on développe sur l'étranger maintenant.
11:54 - Allez, bon anniversaire à toute l'équipe du guide du Routard.
11:56 Merci d'être venu, Philippe Glohagen.
11:58 - Merci pour votre invitation.
12:00 [Bruit de la bouche]

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