Lorànt Deutsch : « Vulgariser est hélas devenu un mot vulgaire »

  • l’année dernière
L’écrivain et comédien, passionné d’Histoire, présente avec Stéphane Bern un nouveau numéro de « Laissez-vous guider » sur France 2

Quand deux férus d’Histoire et de patrimoine se baladent à travers la France pour en découvrir ses joyaux parfois disparus, cela donne une émission à la fois instructive et divertissante. C’est le principe de « Laissez-vous guider », dont le 8e numéro diffusé mardi 7 mars à 21h10 sur France 2 est consacré aux merveilles de la Renaissance. De Paris à la Vallée de la Loire, on croise Henri IV, Léonard de Vinci, Catherine de Médicis ou Diane de Poitiers. Et surtout on découvre des constructions de l’époque qui n’existent plus aujourd’hui, comme la pompe de la Samaritaine ou le navire « La grande Hermine », grâce à la magie de la 3D. Lorànt Deutsch, invité médias de Célyne Baÿt-Darcourt, et Stéphane Bern jouent avec malice les guides touristiques.
Transcript
00:00 Votre invité média Céline Baydarcourt nous offre un voyage au temps de la Renaissance
00:03 sur France 2.
00:04 Il est comédien, passionné d'histoire, présentateur avec Stéphane Bern de Laissez-vous guider.
00:08 C'est une émission historique et touristique dont le nouveau numéro sera diffusé demain
00:12 soir.
00:13 Bonjour Laurent Dutch.
00:14 Bonjour.
00:15 De Paris à la vallée de la Loire, on va croiser Léonard de Vinci, Henri IV, Catherine
00:18 de Médicis dans ce Laissez-vous guider consacré aux merveilles du 16ème siècle.
00:22 Des joyaux qui ont souvent disparu et c'est tout l'intérêt de votre émission que vous
00:26 reconstituez grâce à la magie de la 3D.
00:29 Ça donne des images époustouflantes.
00:30 Quelle construction allez-vous nous faire revivre demain soir ?
00:33 Il y en a à peu près 5 ou 6.
00:36 Les plus impressionnantes pour moi sont peut-être celles qui me touchent à cœur puisque j'habite
00:40 dans le Berry.
00:41 Vous savez que Romo-Rentin qui est en Sologne à côté a failli être la capitale de la
00:45 France sous François 1er.
00:46 Il a envisagé un château, les fondations ont été posées, on a commencé à construire
00:51 les terrasses et puis tout s'est arrêté puisque d'abord Léonard de Vinci est mort
00:54 avant d'achever son œuvre et puis François 1er ne pourra pas déplacer sa capitale à
00:59 Romo-Rentin mais il en reste les bases donc on va la faire réapparaître et ressurgir
01:02 pour la première fois pour le plus grand plaisir des Solognaux dont je fais partie.
01:06 Il y a aussi la pompe de la Samaritaine.
01:09 J'ignorais complètement son existence.
01:11 Elle était accolée au Pont-Neuf.
01:12 Oui, elle était sur une des petites alvéoles tout près de la Samaritaine, le grand magasin
01:14 aujourd'hui qui est sur la rive droite.
01:17 Il y avait cette pompe à eau.
01:19 Il y en avait plusieurs, il y en avait d'autres des pompes à eau.
01:22 C'était quelque chose d'assez normal, c'était un ouvrage habituel pour l'époque
01:26 mais il a disparu.
01:28 Il faisait quand même partie du paysage surtout au moment où le Pont-Neuf était le lieu
01:31 où tout Paris se déplaçait pour prendre la rumeur de la ville.
01:35 Donc c'était vraiment un point central.
01:36 C'était les Champs-Elysées du 17e siècle et on va faire réapparaître tout ça.
01:39 Le Pont-Neuf qui porte très mal son nom.
01:40 Oui, puisque c'est le plus ancien pont de Paris, en tout cas encore debout, en pierre
01:45 avec un tablier impressionnant qui faisait peur aux Parisiens parce qu'on est à un
01:48 endroit où la Seine a un énorme tirando.
01:50 Du jus à ce niveau-là.
01:51 Et la légende dit que c'est Louis XIII qui aurait réussi le premier à traverser
01:59 ce pont et ça aurait impressionné les Parisiens sur son cheval qui était blanc.
02:05 Bien sûr.
02:06 Mais pourquoi on l'appelle le Pont-Neuf alors puisque c'est le plus vieux pont ?
02:09 Parce qu'à l'époque c'est ce qu'on disait d'un nouveau pont.
02:11 Vous savez que Paris avait un problème de traversée pendant très longtemps, pendant
02:13 plus de 1000 ans.
02:14 Il n'y avait que deux ponts pour passer de la rive gauche à la rive droite.
02:16 Il y avait le petit pont et le grand pont.
02:18 Et il y a un moment on s'est dit qu'il fallait quand même qu'on double tout ça.
02:22 Et on a donc doublé les ponts.
02:24 Puis on a créé un nouveau pont qui connectait vers le Louvre et ensuite un nouveau quartier
02:28 aristocratique qui se construisait du côté de Saint-Germain-des-Prés.
02:30 Et on a appelé ça le Pont-Neuf parce que c'était plus simple.
02:32 Vous savez que les gens avant de donner des noms pour faire plaisir à tel ou tel édile,
02:36 ils avaient une réflexion beaucoup plus terre-à-terre.
02:38 C'est-à-dire qu'on prenait un pont, on l'appelait le Pont-Neuf parce que tout simplement
02:41 il était neuf.
02:42 Alors nous téléspectateurs, on voit les reconstitutions mais pas vous.
02:46 Donc vous vous émerveillez alors qu'il n'y a rien devant vous.
02:49 Oui, moi je les vois quand même.
02:51 J'ai ce don incroyable, je remercie d'ailleurs tous les jours la Providence, qui fait que
02:54 un peu comme dans le film de Mike Manneman, je ne sais plus son nom, avec Bruce Willis,
02:58 vous voyez ce petit enfant qui le regarde et qui lui dit "je vois des gens qui sont
03:01 morts".
03:02 Moi c'est un peu pareil.
03:03 Vous voyez des bâtiments qui sont morts ?
03:04 Je vois des choses, je vois l'histoire qui apparaît sous les yeux comme un pop-up.
03:07 C'est ma curiosité qui me pousse à creuser.
03:08 Et du coup je vis dans une réalité augmentée.
03:10 Ma curiosité m'a donné cette chance incroyable d'agrémenter mon quotidien de tout un tas
03:15 d'aventures humaines puisque tout est histoire dans notre réalité.
03:18 Mais c'est vrai, vous l'imaginez mais vous la voyez quand même la reconstitution ?
03:21 Oui, on a des plans, on a des maquettes, on nous envoie des choses.
03:24 Oui, excusez-moi, ce n'est pas que poésie.
03:26 Il y a quand même quelque chose de très technique.
03:28 La 3D c'est aussi compliqué parce que je crois qu'il faut que la météo soit au
03:31 beau fixe pour pouvoir incruster l'image.
03:33 Il faut qu'il fasse beau, il faut qu'il y ait peu de perturbations avec des transports.
03:37 Donc on est obligé de chambouler un peu la circulation.
03:38 J'ai le souvenir d'avoir tourné Place de la Concorde avec Stéphane où on a dû
03:41 bloquer la place.
03:42 Donc c'était compliqué.
03:44 C'était vous donc merci pour les bouchons.
03:46 Oui, c'était nous.
03:47 Et du coup, on a un timing très étroit.
03:50 Donc il ne faut pas se tromper, on n'a presque qu'une seule possibilité, qu'une
03:53 seule prise.
03:54 Il y a une petite urgence qui fait qu'il faut bien connaître son texte.
03:58 Mais moi j'ai la chance de travailler avec quelqu'un qui est formidable et qui est
04:01 un tueur, un animateur.
04:03 On parlait de Stéphane Bern.
04:05 Non, bien sûr, c'est de vous dont je parle.
04:07 Stéphane est un peu à votre image.
04:08 Il a d'abord cette élégance de l'animateur qui sert un hôte.
04:13 Il est quelque part un peu à mon service.
04:15 Il est très complice de ce que je propose dans mes côtés surprenants.
04:18 Moi j'essaie de le surprendre, je suis un petit peu le chien mal coiffé.
04:20 Alors que lui c'est vraiment le métronome.
04:23 Il est au diapason, il est en contact avec la régie, avec la technique.
04:25 Justement quand on fait une reconstitution, c'est lui où on doit se placer pour ne pas
04:28 déborder sur la reconstitution.
04:30 Alors que moi j'ai tendance à courir partout.
04:31 Et bien il m'aide.
04:33 Et cette sûreté me donne encore plus de liberté.
04:36 Et c'est un peu grâce à lui si ça fonctionne aussi bien entre nous.
04:38 Mais c'est de l'improvisation que vous faites dans les textes ou pas ?
04:41 On a l'impression vraiment que c'est une discussion entre copains qui se baladent.
04:44 Il y a beaucoup d'improvisation, oui.
04:45 Parce qu'on essaie de se surprendre.
04:46 Il est très joueur Stéphane et il connaît tout.
04:49 Donc c'est très difficile de le surprendre.
04:50 Il est très rarement pris en défaut ou mal à l'aise parce qu'il a vraiment une connaissance
04:55 incroyable de l'histoire.
04:56 Mais j'essaie quand même des fois de lui pousser quelque chose, de lui souffler quelque
05:00 chose et de le surprendre.
05:01 Il adore ça.
05:02 Il est très très joueur, il adore ça.
05:03 Et puis de toute façon c'est comme un chat, il retombe toujours sur ses pattes.
05:05 Vous êtes deux animateurs sur la même longueur d'onde historique.
05:10 Monarchistes tous les deux.
05:12 Ce ne serait pas plus intéressant d'avoir deux regards différents pour une émission
05:15 comme celle-là ?
05:16 Je ne sais pas vraiment ce que ça veut dire monarchiste.
05:20 En tout cas c'est sûr que j'ai des sympathies pour la monarchie parce qu'en tant que démocrate,
05:24 je constate et d'ailleurs toutes les études d'opinion le confirment, que là où le peuple
05:28 s'exprime et en tout cas est le plus souverain, ce sont dans les démocraties du Nord qui
05:33 sont des monarchies parlementaires comme la Suède, la Norvège, le Danemark, la Hollande.
05:36 Donc je me dis, si ça marche aussi bien chez eux, peut-être que ça pourrait marcher mieux
05:40 chez nous parce qu'on voit que chez nous, je ne suis pas un expert ni un homme politique,
05:44 mais je constate de nombreux blocages.
05:46 Surtout en ce moment, on a la sensation que ça n'avance pas, que ça patine.
05:48 Et en même temps, on m'a expliqué quelque chose de simple, si dans un match de foot,
05:52 l'arbitre fait partie de l'équipe adverse, il aura du mal à écouter l'autre équipe.
05:56 La Belgique par exemple est une monarchie et le système politique est assez souvent
06:01 bloqué.
06:02 Mais elle existe encore.
06:03 Et je peux vous garantir que s'il n'y avait pas de roi, peut-être qu'entre les Flamands
06:05 et les Wallons, ça aurait explosé depuis des décennies.
06:08 Vous vous vulgarisez, vous divertissez, et ça, ça passe forcément par des raccourcis
06:13 ou pas ? Parce que c'est ce qu'on vous reproche des fois, des historiens.
06:16 Le vulgariser est devenu un mot vulgaire.
06:18 Mais la langue que j'emploie est une langue vulgaire.
06:20 Le français que j'emploie, qui nous a permis de faire connaissance, qui nous a permis de
06:23 nous regrouper, de nous réunir, de nous métisser dans cette aventure incroyable qu'a été
06:27 la langue française, qui pour moi d'ailleurs est notre identité.
06:29 L'identité d'un français, ce n'est pas autre chose que la langue qu'il parle,
06:31 puisque c'est son ADN, avec tous les gens qu'il a croisés, et toutes les influences
06:34 qu'il a reçues, toutes les promesses, tous les espoirs.
06:36 Et je pense que cette langue française, elle est le fruit d'une vulgarisation aussi.
06:41 C'est du latin qui a dégénéré.
06:42 Donc quand on raconte des histoires qui sont parfois un peu trop synthétiques, qui sont
06:46 accélérées, qui ne sont pas approximatives, je n'aime pas ce mot-là, mais en tout cas
06:49 qui sont rapides pour essayer de piquer la curiosité, eh bien on ne fait pas autre chose
06:53 que d'essayer de convaincre quelqu'un à une matière qu'il ne connaît pas de venir
06:56 s'y intéresser.
06:57 C'est ça la vulgarisation, de se mettre, pas au niveau, mais en tout cas de se mettre
07:00 à la hauteur de celui qu'il ne connaît pas, pour lui donner envie de l'en connaître
07:03 un peu plus.
07:04 Et ça marche en tout cas, puisque les téléspectateurs à chaque fois répondent présent.
07:06 Merci d'être venu, merci Laurent Dutch.
07:08 Et je rappelle, laissez-vous guider au fil des merveilles de la Renaissance.
07:11 C'est donc demain, 21h10, sur France 2.
07:14 Merci Laurent Dutch et merci à vous Céline Baydar-Kour.

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