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Le chemsex, qui consiste à consommation de drogues de synthèse pour intensifier les rapports sexuels, est une pratique qui comportent de nombreux dangers : IST, addiction, overdose ou encore décès.
Isaac revient sur sa propre expérience du chemsex, ainsi que sur les conséquences que cela a eu sur lui.
Transcription
00:00 "Si tu veux, pour que tu sois beaucoup plus détendu,
00:02 je peux te mettre du G dans ton verre."
00:04 Je me dis "Qu'est-ce que c'est du G ?"
00:05 Et là j'entends le mot "GHB".
00:07 Sur l'application Grindr,
00:08 qui est une application de rencontre
00:09 basée uniquement vraiment sur le sexe,
00:11 je voyais directement sur les profils
00:13 "cherche chemsex", "cherche planplanant"
00:16 et moi je ne comprenais pas du tout ce que c'était en fait
00:18 et je voyais ça, mais je passais.
00:20 Après j'ai découvert ça en réel
00:21 quand je suis allé chez un garçon qui en prenait.
00:24 En arrivant chez ce garçon-là,
00:25 il me dit "Est-ce que tu as déjà essayé le chemsex ?"
00:28 Je dis "Bah non, je ne sais même pas ce que c'est."
00:30 Il me dit "Ça va t'aider à te sentir mieux,
00:31 tu vas être détendu, etc."
00:33 C'est comme de la coke,
00:34 ça s'appelle du coup de la 3 comme drogue.
00:36 Je dis "Non, non, mais moi ça me fait peur,
00:38 j'ai envie d'être en pleine possession de mes moyens."
00:40 On commence un peu à parler, à chauffer, etc.
00:42 Et je vois qu'il insiste une fois, deux fois, trois fois.
00:45 Je dis "Bon bah si tu veux, je prends envie de faire une trace,
00:48 quelque chose comme ça, on va voir ce que ça fait."
00:50 Et l'effet est pratiquement immédiat.
00:51 Je sens mon corps qui se détend
00:53 et surtout le côté libido qui se décuple
00:57 et une envie très forte de sexe.
00:59 On couche ensemble et l'effet est vraiment bestial.
01:02 Et du coup, on sent un moment donné que l'effet redescend.
01:05 Et du coup il dit "Attends, on s'arrête, on reprend une trace."
01:07 Et il me dit "Si tu veux, pour que tu sois beaucoup plus détendu,
01:10 je peux te mettre du jet dans ton verre."
01:12 Je dis "Qu'est-ce que c'est du jet ?"
01:13 Et là j'entends le mot "GHB".
01:14 Je vois qu'il prend la pipette.
01:16 Je dis "Ton ami beaucoup ?"
01:17 Il me dit "Non, non, c'est la dose habituelle."
01:19 Du coup je prends un verre et là je me sens complètement...
01:22 Enfin, c'est même pas détendu le mot, c'est vraiment amorphe.
01:25 J'étais en train de m'inquiéter de mon corps, je me laissais complètement faire.
01:27 J'étais plutôt en possession de mes moyens.
01:29 Mais à la fois, je prenais quand même étonnamment du plaisir à ça.
01:32 Il m'en a mis d'autres doses.
01:34 Et là j'ai senti que mon corps disait "Stop".
01:37 Les doses étaient beaucoup trop élevées.
01:39 Je me souviens trébucher dans son salon,
01:41 tomber comme si je m'évanouissais,
01:42 aller avec beaucoup de peine jusqu'à la salle de bain.
01:44 Et j'étais étalé dans la douche.
01:46 Je suis resté peut-être 20 minutes, 30 minutes,
01:48 en train de reprendre mes esprits.
01:49 Avec l'eau qui coulait.
01:50 Il me prévient qu'il va faire une course
01:52 et je reviens incessamment.
01:54 Je m'installe dans son canapé,
01:55 à essayer de reprendre mes esprits tant bien que mal.
01:57 Et là je vois qu'il ne revient pas du tout.
01:59 Une heure, deux heures, trois heures, quatre heures,
02:01 cinq heures se passent.
02:03 Là je dis ça, cinq heures ça semble énorme.
02:04 Mais moi le temps, il n'y a plus de notion du temps.
02:07 Je ne savais pas si c'était long ou pas.
02:08 J'ai compris qu'après que c'était extrêmement long,
02:10 le temps que j'étais resté chez lui.
02:11 Vient le moment où il revient,
02:12 comme s'il n'en avait rien été.
02:13 Il me dit "En fait, comme tu étais inintéressant
02:15 et qu'on ne pouvait plus rien faire avec toi,
02:17 tu étais avec d'autres gars en attendant.
02:18 Mais ne t'inquiète, je te surveillais
02:19 avec les caméras qui sont là."
02:22 Je lui dis "Du coup, tu me drogues plus qu'il n'en faut."
02:25 À mon insu alors que je disais juste déjà ça.
02:28 Et en plus, tu me filmes.
02:30 Il me dit "Je suis chez moi, je fais ce que je veux."
02:32 J'avais repris mes esprits,
02:33 du coup j'avais un discours qui était plus clair.
02:35 Et je dis "Non mais là, je me casse."
02:37 Sous ce laps de temps,
02:38 j'étais resté 24 heures chez lui.
02:40 Et en partant, je me dis "Plus jamais de ma vie."
02:42 J'étais dans un état de fatigue extrême.
02:44 Je n'avais pas mangé depuis 24 heures,
02:46 je n'avais pas bu, j'étais épuisé.
02:48 Mais je prends ma voiture, hyper dangereux,
02:50 je me prends des trottoirs,
02:51 j'ai eu beaucoup de peine à rentrer chez moi.
02:53 J'esquive mes parents et je vais me coucher le lendemain.
02:55 Je me réveille, j'avais l'impression
02:57 d'être écrasé au fond de mon lit,
02:58 d'être dans un état mais lamentable.
03:00 Ce n'était pas la gueule de bois soirée,
03:02 c'était vraiment un état de mal-être.
03:04 Des courbatures, un mal de crâne.
03:07 Je me sentais vraiment sali, souillé, mal.
03:10 Ça dégradait vraiment.
03:11 J'étais vraiment que dans le mal.
03:12 Je me suis dit "Mais c'était nul."
03:13 Je me suis dit "Pourquoi tu as fait ça ?"
03:14 J'avais peur pour ma santé.
03:15 Je me suis dit "Mais j'étais chez quelqu'un
03:16 que je ne connaissais pas,
03:17 personne ne savait où j'étais,
03:18 j'ai manqué de m'évanouir,
03:19 j'ai été seul pendant cinq heures,
03:20 j'aurais pu perdre connaissance.
03:21 Pendant cinq heures,
03:22 personne ne m'aurait retrouvé."
03:23 On y repense, on se dit "Mais du coup,
03:25 est-ce que je me suis protégé ?"
03:26 Mais pas du tout en fait.
03:27 Et du coup, on pense à se faire dépister directement.
03:29 Il y a tout ça qui rentre en jeu,
03:30 c'est tout un chemin psychologique.
03:31 On se dit "Mais le peu de temps de kiff
03:34 qu'il y a eu, les conséquences derrière,
03:37 c'était trop grave."
03:38 Donc j'étais vraiment mal par rapport à ça.
03:41 Comme j'avais repris mes esprits,
03:42 je bloque le garçon chez qui j'ai été,
03:43 je n'en parle pas,
03:44 je vais au travail,
03:45 je reprends ma petite vie, etc.
03:46 Il doit se passer peut-être deux semaines.
03:48 J'étais dans mon lit,
03:49 et là, j'ai une obsession,
03:50 c'est vraiment ce mot-là,
03:52 une obsession,
03:53 des images me reviennent en tête
03:54 et surtout, une excitation sexuelle du coup.
03:56 Pour parler clairement,
03:57 j'avais extrêmement envie de recommencer.
03:58 Je commençais à trembler,
04:00 à avoir les mains moites,
04:01 à ne penser qu'à ça.
04:02 Vraiment, l'idée m'obsédait,
04:03 ne quittait pas mon esprit.
04:04 J'étais dans mon lit,
04:05 je ne trouvais pas le sommeil.
04:06 Je me suis dit "Non mais là,
04:07 il faut que tu assouvisses ce désir sexuel,
04:09 il faut que tu y retournes."
04:10 Du coup, je prends mon téléphone,
04:11 je débloque le garçon chez qui j'étais,
04:13 je lui envoie un message,
04:14 le mec me répond instantanément,
04:16 il était dispo,
04:17 et du coup, j'y retourne.
04:19 Ça dure encore un nouveau 24 heures,
04:20 et à la fin de ces 24 heures,
04:22 grosse redescente,
04:23 plus du tout envie,
04:25 je me dis "Pourquoi tu y es retourné ?"
04:27 Hyper déçu de moi en fait.
04:28 C'est le même schéma,
04:29 je bloque la personne,
04:30 je retourne chez moi,
04:31 deux semaines se passent,
04:32 et de nouveau,
04:33 les mêmes sensations de manque.
04:35 Mon corps en réclamait physiquement
04:37 par des réactions de tremblements,
04:39 de sueur,
04:40 de choses comme ça,
04:41 de main moite.
04:42 Et les images qui quittaient pas mon esprit,
04:44 vraiment, c'était obsessionnel.
04:45 J'ai eu grave peur
04:46 parce que je pensais aux conséquences derrière.
04:47 Je travaillais à ce moment-là,
04:48 j'avais un taf qui me plaisait.
04:49 Quand j'étais au travail,
04:50 j'y pensais,
04:51 il fallait que ça s'arrête.
04:52 Moi, je ne pouvais pas m'aider tout seul
04:53 parce que ma volonté n'était pas assez forte.
04:55 Je me dis que si j'y retourne,
04:57 je sentais que j'allais basculer là.
04:59 Et ça allait être très mauvais pour moi.
05:01 Vient le moment où je décide
05:02 de prendre mon courage à deux mains
05:03 et d'aller en parler à ma maman.
05:05 C'est la première fois où je me disais
05:06 que ça se trouve, ma mère,
05:07 même elle ne pourra pas m'aider.
05:08 Et du coup, je lui dis
05:09 "Ecoute maman, j'ai vu un garçon,
05:11 pendant que je l'ai vu,
05:12 j'ai essayé de la drogue,
05:14 je n'arrive pas à m'en sortir,
05:16 il faut que tu m'aides
05:17 parce que j'en ai pris deux fois,
05:20 et là, mon corps en réclame."
05:22 Et du coup, elle me pose la question,
05:23 elle me dit "Mais comment tu veux que je t'aide ?
05:26 Qu'est-ce que je peux faire pour toi ?"
05:28 Et je lui dis "Il faut absolument
05:30 que tu m'occupes de l'esprit,
05:31 qu'on sorte, qu'on fasse des choses.
05:33 Si je suis tout seul, j'y retourne."
05:35 Et du coup, elle me dit
05:36 "Ok, on va faire des trucs tous les jours,
05:38 on va bouger, on va faire des choses, etc."
05:39 Et au bout de, je dirais, peut-être un mois,
05:41 cette sensation de manque m'a quitté
05:44 et je pensais que c'était derrière moi
05:46 à ce moment-là.
05:47 Jusqu'au moment où je rencontre un garçon,
05:50 et vient évidemment le moment
05:51 où il va avoir le premier rapport
05:53 avec cette personne.
05:54 Et là, gros blocage et gros flashback
05:57 des images qui me reviennent
05:58 d'il y a plusieurs mois.
06:00 Et je dis "Non désolé, je ne peux pas."
06:02 J'ai eu un blocage une fois, deux fois, trois fois.
06:04 Et il ne comprenait pas trop,
06:05 il ne me posait pas trop de questions,
06:06 il respectait mon intimité.
06:07 Il dit "C'est pas grave, on prend notre temps,
06:09 il n'y a pas de soucis."
06:10 Je ne pensais pas à mon copain qui était là,
06:12 je pensais au mec que j'avais vu
06:13 il y a plusieurs mois.
06:14 Et en fait, je me suis dit
06:16 c'est une conséquence du gamme sexe.
06:18 C'était le gros trauma,
06:20 le gros blocage de mon corps
06:22 de ne plus pouvoir me donner à quelqu'un.
06:24 On a pu quand même après,
06:26 et en fait c'était grâce à la discussion
06:28 et à sa bienveillance,
06:29 ça a pu se débloquer.
06:30 Et après ça a été.
06:31 Je pense que c'est ultra tabou.
06:32 Dans le milieu gay,
06:33 on prend une petite trace,
06:34 quelque chose comme ça,
06:35 pour kiffer.
06:36 J'ai vu des gens se dégrader physiquement,
06:39 marqués par ces drogues-là.
06:41 C'est ultra dramatique.
06:43 Et en fait, on n'en parle pas du tout.
06:45 C'est hyper banalisé,
06:46 donc non, on ne met pas du tout en alerte
06:48 les gens là-dessus.
06:49 Les conséquences sont terribles,
06:50 donc il faut vraiment en parler.
06:52 [Sous-titres réalisés par la communauté d'Amara.org]
06:58 Merci à tous !

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