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L’eurodéputé LR François-Xavier Bellamy, vice-président exécutif du parti, le 4 avril 2023 sur franceinfo

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Transcription
00:00 Emmanuel Macron souhaite une loi cet été sur la fin de vie.
00:02 Est-ce qu'il doit suivre les recommandations de la Convention citoyenne
00:05 et faire un pas vers l'aide active à Mouréen ?
00:08 Un mot sur la méthode d'abord.
00:10 Cette Convention citoyenne dont on a tellement parlé au cours des derniers jours
00:13 et en particulier hier au moment où elle rendait ses conclusions.
00:16 Je ne conteste pas le travail qui a été fait par tous ceux qui l'ont constitué
00:21 mais je pense que cette méthode pose un problème démocratique absolument majeur
00:25 et qu'il est temps de le mettre sur la table.
00:26 C'est-à-dire ?
00:26 C'est-à-dire qu'on tire des gens au sort.
00:28 Ce qui revient à dire pour commencer que nos institutions ne sont pas représentatives,
00:33 qu'elles ne font pas légitimement le travail d'expression démocratique
00:35 dont la France a besoin sur un sujet aussi important.
00:38 Le vrai débat, il doit avoir lieu d'abord au Parlement.
00:41 On tire des gens au sort et ensuite on les met dans une salle.
00:44 Et pardon de le dire mais moi je m'inquiète beaucoup
00:46 de l'opacité du processus de cette Convention.
00:49 Si vous mettez les gens dans une pièce et que vous organisez autour d'elle un programme,
00:52 un programme qui est marqué par des biais absolument manifestes,
00:55 vous obtenez à la fin la réponse que vous attendiez.
00:58 Vous pensez que la décision a été orientée ?
01:00 D'abord orientée indépendamment des options intellectuelles qui sont prises,
01:04 orientée dans la manière dont on a construit cette discussion.
01:07 C'est une conversation qui aura été entre tous ces participants extrêmement théorique.
01:11 La première question qui leur a été posée et à laquelle ils ont répondu oui à de mémoire 97%,
01:16 c'est la loi actuelle et son application, c'est-à-dire la loi Claes Leonetti,
01:20 sont-elles pour vous suffisantes ?
01:23 C'est-à-dire qu'on est parti de la situation d'aujourd'hui.
01:24 Oui, mais d'abord pour comprendre comment fonctionne la loi actuelle,
01:27 peut-être aurait-il fallu écouter ceux qui ont la charge de la mettre en œuvre, les soignants.
01:31 C'était le cas par exemple de la Société française des soins palliatifs,
01:34 qui est d'ailleurs opposée comme vous à cette loi, qui est venue dire pourquoi devant l'Assemblée.
01:38 Sur 27 jours de débat, il y aura eu trois heures d'échange avec des soignants.
01:43 Il n'y aura pas eu une seule visite dans un centre de soins palliatifs.
01:46 Pourquoi ne pas aller voir sur le terrain la manière dont les choses se font ?
01:49 Pourquoi écouter des personnes tirées au sort qui travaillent en chambre sur des choses très conceptuelles,
01:54 plutôt que d'écouter des associations qui représentent 800 000 soignants ?
01:57 - Alors c'est la première étape, la pension sociale.
01:59 - 13 associations pour la première fois, avec une unité remarquable,
02:02 ont tiré la sonnette d'alarme sur la gravité de ce qui est en train de se jouer,
02:05 et sur le fait que tout ceci constitue un basculement pour notre système de soins dans son ensemble,
02:10 pas seulement pour les préoccupations éthiques qui doivent pouvoir s'exprimer sur un sujet comme celui-ci.
02:14 Je suis professeur de philosophie.
02:16 Comment se fait-il que de tous les philosophes qui ont été entendus,
02:18 pas un seul n'était opposé à cette évolution législative ?
02:22 Comment se fait-il que la bibliographie est à ce point orientée ?
02:26 Comment se fait-il que quand on a écouté des exemples à l'étranger,
02:29 on n'ait invité que des Belges et des Suisses, pays où l'euthanasie est légalisée,
02:33 et que des gens dans ces pays qui sont favorables à cette légalisation ?
02:36 - Avec des modèles différents.
02:36 - On n'ait pas écouté par exemple un Théo Bourg qui a publié un texte absolument remarquable dans Le Monde,
02:40 qui était lui-même un des militants de l'euthanasie aux Pays-Bas,
02:42 et qui aujourd'hui alerte la France sur ce qu'elle risque de faire de nous ?
02:45 - Vous, vous dites non aux deux solutions préconisées par les citoyens,
02:48 que ce soit l'euthanasie ou le suicide assisté.
02:50 Pour vous, c'est la même chose ?
02:52 - Ça n'est pas la même chose, mais dans les deux cas,
02:53 c'est l'idée que la mort peut être administrée comme un soin.
02:56 Et oui, je crois que nous sommes là devant un choix absolument fondamental.
02:59 Quand quelqu'un souffre au point de demander à mourir,
03:02 quand un vivant souffre au point de demander la mort,
03:04 la question qui nous est posée à nous tous, aussi comme personnes,
03:08 comme citoyens également, car c'est un choix politique qui est devant nous,
03:12 c'est la question de savoir si la solidarité, si la générosité consiste à lui dire
03:16 « tu demandes la mort, je vais t'aider à mourir »,
03:18 ou bien « si tu demandes la mort, c'est que j'ai échoué à t'aider, à te soutenir ».
03:22 Moi, je crois que quand un vivant demande la mort,
03:24 et nous le vivons tous dans nos entourages,
03:25 imaginez qu'un de vos amis vous dise « je vais tellement mal que je veux mourir ».
03:29 Vous vous diriez « je suis tellement ton ami que je vais t'y aider »,
03:32 ou vous vous diriez « je suis tellement ton ami que je me demande comment j'ai pu échouer à ce point ».
03:35 - Mais quand la souffrance est trop grande, François-Xavier Bellamy,
03:38 quand la souffrance est trop grande, puisque c'est l'un des enjeux,
03:41 il ne peut pas y avoir un geste dans ces cas-là ?
03:43 - Disons-le, quand la souffrance est trop grande,
03:46 encore une fois, nous devons commencer par nous dire que nous avons échoué.
03:48 Nous avons échoué collectivement.
03:50 - Oui, mais la situation...
03:52 - Vous l'avez dit d'ailleurs vous-même hier sur les antennes de France Info,
03:54 il y a plus de 20 départements en France où il n'y a pas un seul service de soins palliatifs.
03:59 - Alors il y a des lits...
03:59 - Sur les 300 000 personnes qui, chaque année, auraient besoin de soins palliatifs,
04:02 il y en a deux tiers qui n'y ont pas accès aujourd'hui.
04:04 - Il y a des lits de soins palliatifs dans tous les départements,
04:06 mais pas forcément des unités, effectivement.
04:08 - Il y a deux tiers des personnes qui pourraient avoir besoin de soins palliatifs
04:12 qui n'y ont pas accès aujourd'hui.
04:13 Et donc évidemment qu'on meurt mal en France.
04:15 D'ailleurs, le comité consultatif d'éthique,
04:18 qui avait pris une position plutôt favorable à l'idée qu'on pourrait avancer vers le suicide assisté,
04:23 avait dit que cette évolution ne pourrait décemment se faire,
04:26 c'était il y a quelques semaines,
04:27 que si on avait commencé d'abord par construire vraiment une offre de soins palliatifs.
04:31 - C'est ce que dit aussi le président de la République hier.
04:34 - Oui, mais il dit qu'il faut tout faire en même temps.
04:36 Moi, je crois qu'en effet, il faut une chronologie.
04:37 Répondons à cette demande de mourir,
04:40 qui d'ailleurs, tous les soignants le disent, est en réalité extrêmement résiduelle.
04:43 Quand on a les moyens d'accompagner les patients,
04:45 la demande de mort, elle disparaît.
04:46 - Je vous repose ma question, parce qu'elle est au cœur de cette future loi.
04:51 Si la science, si la médecine ne peut pas mettre fin à une souffrance,
04:55 on ne fait rien.
04:56 - Mais aujourd'hui, la science et la médecine peuvent mettre fin.
04:59 - Pas dans tous les cas.
05:00 Vous voyez bien qu'il y a des personnes qui sont obligées d'aller à l'étranger
05:02 pour arrêter de souffrir.
05:04 - On parle toujours de ces cas, mais c'est quelques dizaines,
05:06 ça se compte en dizaines de personnes.
05:08 Et deuxièmement, la question qui se pose, encore une fois,
05:11 c'est aussi de savoir quelle est notre réponse à la souffrance.
05:13 Quand vous regardez ce qui se passe à l'étranger,
05:14 Emmanuel Macron parle de manière très pompeuse d'un modèle français de la fin de vie.
05:17 Je ne sais pas où est le modèle français de la fin de vie,
05:19 je ne sais pas exactement ce que ça veut dire.
05:20 - Le construire.
05:20 - Je vois qu'il y a deux modèles possibles.
05:22 Soit effectivement, à quelqu'un qui souffre,
05:24 on répond en venant soigner sa souffrance,
05:27 et aujourd'hui, on a les moyens de soulager la souffrance.
05:30 Soit on y répond effectivement en lui proposant la mort.
05:33 Et quand c'est le cas, on voit très bien à quel point tous les garde-fous disparaissent.
05:36 Regardez en Belgique, par exemple,
05:37 un pays que je fréquente régulièrement maintenant pour le Parlement européen.
05:40 En Belgique, il y a quelques semaines,
05:42 une jeune fille qui avait été indirectement victime des attentats de Bruxelles,
05:46 qui en était sortie avec une dépression chronique,
05:49 a été autorisée à une euthanasie.
05:52 C'est-à-dire que fondamentalement, vous parlez de la souffrance,
05:54 mais encore une fois, la question c'est...
05:55 - Ce cas-là a été exclu de la Convention citoyenne,
05:58 les cas de souffrance psychologique.
05:59 - Mais pourquoi l'est-il du coup ?
06:01 Parce que si la souffrance peut légitimer le fait qu'on tue quelqu'un pour son bien,
06:06 alors dans ce cas, je ne vois pas au nom de quoi on dit non à cette jeune fille.
06:09 Et moi, je crois qu'il ne faut non pas dire non à cette jeune fille,
06:12 non pas non plus finir le travail des terroristes qui ont essayé de la tuer.
06:15 Notre travail à nous, c'est de faire en sorte que cette jeune fille,
06:17 qui était manifestement mal suivie, mal soignée,
06:22 puisse pouvoir être de nouveau entourée par la société toute encore.
06:24 - Puis-je vous poser une question qui est finalement assez personnelle ?
06:27 Avez-vous écrit, rédigé vos directives anticipées ?
06:31 - Non, je ne l'ai pas fait.
06:33 - Vous nous dites qu'il faut appliquer la loi actuelle,
06:35 elle figure dans la loi depuis plus de 20 ans,
06:37 justement pour que les médecins sachent ce qu'il faut faire dans ces cas-là.
06:41 Vous-même, vous ne l'avez pas fait.
06:43 - J'ai une grande confiance dans mes proches,
06:46 je pense qu'ils savent ce que j'espérais
06:49 pour le moment où je me trouverais dans une situation d'incapacité.
06:52 Je dois dire par ailleurs qu'aujourd'hui, effectivement,
06:54 il y a un sujet majeur d'application de la loi,
06:56 d'application de la loi existante.
06:59 La loi Leonetti, rappelons-le,
07:01 elle a été votée à l'initiative d'un parlementaire de notre famille politique,
07:06 elle a été votée à l'unanimité du parlement il y a quelques années.
07:09 A l'unanimité, c'est très rare que sur un sujet comme celui-ci,
07:11 on parvienne à une unanimité de la représentation nationale.
07:14 Aujourd'hui, elle n'est pas encore appliquée.
07:16 Et comment se fait-il qu'on veuille se tourner vers un nouveau cadre législatif
07:19 alors que la loi existante n'est pas réellement...
07:20 - Est-ce qu'il faut quand même un référendum sur la question ?
07:23 Vous disiez, en fait, la convention citoyenne, elle a été orientée.
07:28 Est-ce qu'il faut quand même demander l'avis des Français plus généralement ?
07:31 Il y a un référendum.
07:32 - On peut demander l'avis des Français, ça me paraîtrait plus clair,
07:34 plus transparent que cette convention, que je crois,
07:36 en réalité, à une méthode intrinsèquement problématique.
07:41 - Et si la loi est adoptée, François-Xavier Bélavide,
07:43 est-ce que vous irez la contester dans la rue ?
07:45 - Non, je pense que c'est un débat qui mérite d'être posé
07:48 dans des enceintes comme celle-là, dans le débat public.
07:50 - Ce ne sera pas des manifestations comme...
07:52 - C'est une question d'une infinie gravité, d'une infinie délicatesse
07:54 et qui engage toutes nos vies dans ce qu'elles ont parfois de plus éprouvée.
07:58 Je voudrais simplement dire qu'à la fin, sur ce sujet comme sur beaucoup d'autres,
08:02 la clé, c'est quand même de réussir à retrouver un débat parlementaire
08:04 qui soit à la hauteur de sa responsabilité
08:06 et un débat parlementaire qui représente vraiment les Français
08:09 et que si on joue trop avec le discrédit du Parlement,
08:12 on finira par fragiliser aussi profondément notre propre démocratie.

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