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Dans la deuxième heure de son émission consacrée à la culture, Philippe Vandel reçoit chaque jour un invité.
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Transcription
00:00 Et vous écoutez Culture Média avec votre invité Philippe Vandel.
00:03 Bonjour Eliette Abekassis.
00:04 Bonjour Philippe.
00:05 Eliette Abekassis, vous êtes normalienne, agrégée de philosophie, mais surtout romancière
00:08 à succès.
00:09 On va commencer par Kumran, 200 000 exemplaires, traduit en 25 langues.
00:12 Je vais également citer La Répudiée, 100 000 exemplaires.
00:14 Un heureux événement, c'était un livre sur la grossesse qui est devenu un film.
00:17 Et votre actualité, c'est ce roman, Un couple, c'est chez Grasset.
00:20 C'est une histoire simple.
00:21 C'est un couple, Alice et Jules, ils sont mariés femmes.
00:24 Vous les suivez de 1955 à nos jours.
00:27 C'est une durée hors normes au XXIe siècle.
00:29 C'est un couple.
00:30 Et j'emprunte le résumé à la revue Tribune Juive.
00:32 Alice n'est plus au Pays des Merveilles depuis longtemps avec son Jules.
00:35 Humour.
00:36 Mais ils sont toujours ensemble.
00:37 Et à la fin de leur vie, ils ne font plus qu'un.
00:39 Oui, c'est ça.
00:41 J'ai traité le couple comme un personnage.
00:45 C'est-à-dire, en fait, c'est l'histoire de ce couple.
00:48 On ne les a jamais l'un sans l'autre.
00:51 Et finalement, c'est un personnage qui évolue sur 60 ans, qui change, qui a une personnalité.
00:58 Évidemment, au début, c'est un personnage tout fou, plein des mois, le début.
01:03 Et voilà, on va suivre toute l'évolution.
01:06 Non, non, non, non, non, non.
01:07 C'est encore plus complexe que ça parce que c'est un récit virtuose, virtuose avec
01:11 une construction virtuose.
01:13 C'est qu'au début, ce n'est pas le début.
01:14 La fin, c'est le début.
01:16 C'est que vous avez raconté l'histoire à rebours.
01:18 Racontez votre principe de narration.
01:20 Oui, on commence par la fin.
01:22 Donc, ils ont 90 ans et ils sont très âgés.
01:26 Ils se retrouvent sur un banc au jardin du Luxembourg et en fait, ils ne se reconnaissent
01:32 pas parce qu'ils ont des petits problèmes de mémoire, comme parfois les personnes âgées.
01:37 Et à partir de là, en fait, on va voir leur histoire se dérouler à l'envers, complètement
01:44 à l'envers.
01:45 Et quand je disais que c'était virtuose, ils ont deux enfants, par exemple, un garçon
01:48 et une fille.
01:49 Et là, il y a un tour de force, c'est l'état Békacis.
01:51 On voit grandir les enfants en les voyant rapetisser.
01:53 C'est ça, on comprend qui sont les enfants avec le chapitre suivant dans lequel il est
01:58 plus jeune au lieu de comprendre ce qui se passe après en voyant ce qui se passe avant.
02:02 C'est absolument incroyable.
02:03 Et il y a aussi la petite histoire qui rencontre la grande histoire.
02:07 Par exemple, le 11 septembre 2001, c'est une journée particulière pour ce couple.
02:11 Il y a aussi l'arrivée de François Mitterrand à l'Élysée.
02:13 Il y a mai 68.
02:14 Vous avez voulu raconter plein d'épisodes de l'histoire du 20e et du 21e siècle français.
02:20 C'est ça.
02:21 On est inscrit dans l'histoire, la grande histoire, la petite histoire dans la grande
02:25 histoire.
02:26 Et aussi, ce qui m'intéressait dans cette grande histoire, c'est qu'elle influence
02:29 ce couple soit par des événements, soit par les mœurs.
02:34 C'est-à-dire qu'en fait, et forcément d'ailleurs, l'amour est influencé par
02:38 les mœurs de l'époque et de la société dans laquelle on vit.
02:41 Et quand ils se rencontrent, c'est dans les années 50, donc ils sont assez conservateurs
02:47 et tout de suite, ils se marient.
02:48 Et puis, ils vont traverser les années 60, mai 68 et puis ils vont vouloir se libérer
02:54 comme tout le monde.
02:55 Et puis, dans les années 80, au moment où tout le monde divorce, ils vont vouloir divorcer.
02:59 Voilà, donc effectivement, ils sont influencés par l'idée que l'on se fait de l'amour
03:03 à chaque époque qui fait évoluer leur idée de l'amour et aussi leur couple.
03:07 Alors, il y a aussi des tensions dans le couple.
03:09 Il y a un amant qui est aussi un ami, mais on ne sait pas qui, on ne sait pas quoi, on
03:12 ne sait pas.
03:13 Et ce qui est vraiment très intéressant, c'est qu'eux-mêmes ne savent pas.
03:14 Eux-mêmes ne savent pas ce que l'autre sait et nous non plus.
03:17 Et on avance dans le roman, je ne veux pas tout raconter, je ne veux pas tout spoiler.
03:20 Le passage peut être le plus personnel, il est au centre du livre.
03:24 Alice est amoureuse d'un autre homme et on dirait que vous avez écrit ce passage, non
03:29 pas avec votre cerveau, avec votre plume d'écrivain, mais avec votre cœur.
03:32 Oui, c'est vrai.
03:33 Je me suis dit, mais ça sent le vécu, mais tellement.
03:36 J'ai mis beaucoup de vécu, mon vécu, mais aussi, vous savez, quand j'écris des livres,
03:45 je fais ma petite enquête sociologique et je questionne les couples et j'ai beaucoup
03:49 questionné les couples.
03:51 Et je me suis rendu compte qu'en fait, l'intimité d'un couple, parce que je voulais décrire
03:54 un couple dans son intimité, eh bien, c'est très tabou et on ne sait jamais ce qui se
03:59 passe.
04:00 Évidemment.
04:01 Et c'est pour ça que quand j'ai su là, quand j'ai lu ça, j'ai fait moi-même une
04:05 contrepédie.
04:06 Vous avez su.
04:07 Je me suis dit, elle parle d'elle, elle parle d'elle.
04:09 Elle n'a pas fait l'enquête, elle parle d'elle.
04:12 Oui, d'une certaine façon, bien sûr, je me suis versé dans ce couple, mais pas seulement.
04:19 J'ai trouvé, vous écrivez, j'ai trouvé l'homme de ma vie parce que Alice adresse
04:22 à Jules, elle lui dit à un moment donné, je ne peux pas tout raconter parce que d'abord,
04:26 c'est trop long, c'est trop complexe.
04:27 Et puis, je n'ai pas envie parce qu'il ne faut pas spoiler.
04:30 J'ai trouvé l'homme de ma vie et je ne peux plus rester avec toi parce que je ne
04:33 supporte plus ma solitude lorsque nous sommes ensemble.
04:35 Je ne me suis jamais senti aussi bien sans toi.
04:37 Tu comprends ce que je veux dire, etc.
04:39 Je me dis, waouh, j'ai l'impression qu'elle l'a déjà dit, ça pour de vrai, elle est
04:42 indécassisse.
04:43 La solitude dans le couple, c'est quelque chose qui traverse beaucoup de couples.
04:48 C'est assez étonnant, mais on peut se sentir effectivement très seul à certains moments
04:53 et incompris au sein de son couple, alors que ça devrait être exactement le contraire.
04:59 Et ça, ça fait partie de ce qui traverse dans tout ce qu'ils vont traverser parce
05:03 qu'ils vont avoir plein d'épreuves, des bonheurs, des malheurs.
05:07 La maternité aussi, qui est aussi une épreuve du couple.
05:13 Elle est violente parce qu'à l'année où survient la maternité, ce n'est pas
05:16 le confort d'aujourd'hui.
05:17 Tant est que ce soit un confort, je dis ça, moi, je n'ai jamais accouché, évidemment.
05:20 Mais c'était très, très, très violent et douloureux.
05:22 Oui, oui, oui, ça, ma mère m'a raconté.
05:25 En fait, il y avait des hurlements.
05:27 On a complètement oublié ça.
05:28 Mais dans les hôpitaux, il y avait des femmes qui criaient "tuez-moi, tuez-moi" tellement
05:34 c'était maintenant, effectivement, avec la péri-durale, on a échappé à ça.
05:38 Mais c'était quand même une épreuve terrible, l'accouchement, à cette époque-là.
05:43 Donc, ils vont traverser tout ça, le féminisme, enfin, toute la libération.
05:48 Il y a des moments d'histoire.
05:49 Moi, j'ai appris quelque chose.
05:50 Vous allez parler de la libération de la femme.
05:52 On est en novembre 71 et vous racontez la grande marche pour briser les chaînes de
05:56 l'esclavage.
05:57 Je vous lis.
05:58 "Nous demandions la liberté d'aborter et le droit à la contraception.
06:01 La foule est entrée dans une église où avait lieu un mariage.
06:03 Pour faire tout arrêter, on criait "mariage, piège à cons".
06:07 Et ce qui m'a vraiment frappé, c'est que les progressistes désormais veulent le mariage
06:12 pour tous.
06:13 En 71, les progressistes voulaient le mariage pour personne.
06:15 C'est ça.
06:16 C'est bizarre.
06:18 La contestation change complètement d'objectif dans les époques aussi.
06:25 Et chaque époque a sa façon de remettre en cause le couple et de le remettre en question.
06:32 Et c'est ça qui est intéressant aussi.
06:34 C'est l'idée d'un couple qui dure malgré toutes ses épreuves et malgré les époques.
06:38 La pierre angulaire du roman, elle n'est pas au milieu, contrairement à une clé de
06:41 voûte.
06:42 Elle est tout à la fin.
06:43 C'est une lettre absolument incroyable.
06:44 On marque une courte pause.
06:45 On en parle avec vous.
06:46 Eliette Abékassis, notre invitée dans Culture Média.
06:48 A tout de suite sur Europe 1.
06:50 Eliette Abékassis est l'invité de Culture Média.
06:53 Philippe Vendel, son nouveau roman, c'est "Un couple paru chez Grasset".
06:56 Alors il faut raconter.
06:57 Ça raconte l'histoire d'un couple à la fois comme deux entités, Alice et Jules, et comme
07:00 une seule et même personne, ce couple, de sa rencontre jusqu'à la fin.
07:04 Alors, comme ça commence par le début, pardonnez-moi, comme la fin est au début, on sait qu'il
07:09 meurt pas.
07:10 Donc comme ça, je ne spoile rien puisque c'est au début.
07:13 C'est pas jusqu'à la mort.
07:14 Je l'ai dit, la pierre angulaire n'est pas au centre.
07:17 Elle est à la toute fin.
07:18 C'est une lettre, la lettre fondatrice de ce couple qui court tout au long du roman.
07:22 Je ne peux pas en dire plus, mais comment vous est venue cette idée absolument formidable
07:26 de cette lettre ?
07:27 Oui, je voulais en fait, à ce fil directeur, au départ, il y a cette lettre.
07:36 Effectivement, ils ne se reconnaissent pas, mais Jules a toujours cette lettre, cette
07:40 fameuse lettre qu'il lui a écrite juste après l'avoir rencontrée et qui a été à l'origine
07:45 de leur couple.
07:46 Et pendant tout le roman, en fait, on reparle de cette lettre et on se demande ce qu'il
07:52 y a dans cette lettre.
07:53 Je fais tellement monter la tension, la tension et la tension d'ailleurs dramatique.
08:00 Je vais vous faire un compliment.
08:01 Vous savez quoi ? Vous faites monter, monter, monter la tension.
08:04 J'en lis des romans dans l'année et en général, pouf ! Et là, pas du tout.
08:08 On est scié par la lettre.
08:09 Alors, cette lettre a été très, très, très difficile à écrire.
08:13 Mon éditeur me l'a rejetée pendant un an et j'ai fait des lettres et des lettres et
08:19 des lettres.
08:20 Et tu as fait tellement monter l'attente que tu ne peux pas nous décevoir avec une
08:25 lettre qui n'est pas à la hauteur de ce qu'on attend, puisque cette lettre est incroyable.
08:29 Elle a décidé de toute leur histoire.
08:30 Et jusqu'aux épreuves, je n'avais pas la lettre jusqu'au moment où...
08:35 - Les épreuves, c'est quand on est au dernier moment, au dernier stade de l'imprimerie.
08:38 Après, ça part.
08:39 Les rotatives roulent.
08:40 - Et mon éditeur m'a dit en fait, il vaut mieux ne pas mettre de lettre plutôt que de
08:44 mettre une lettre décevante.
08:45 - Bien sûr.
08:46 - Et chacun imaginera la lettre, cette lettre.
08:51 Et on était parti là-dessus et je me suis dit, ce n'est pas possible.
08:55 En relisant les épreuves, il faut que je trouve cette lettre.
08:57 Et mon éditeur qui me disait, sort tes tripes.
09:00 En parlant avec un ami, il m'a dit, voilà, il m'a donné la direction.
09:06 Et puis, je l'ai écrite comme ça.
09:09 - J'ai beaucoup aimé ce bruitage.
09:10 Trois pages, un an d'écriture.
09:14 Vos romans sont souvent inspirés de votre vie réelle.
09:18 Jules, qui est architecte, qui a des chantiers partout en France et dans le monde.
09:22 C'est un peu votre père qui philosophe, qui enseigne le Talmud, partout en France
09:26 et dans le monde.
09:27 - C'est vrai que c'est un architecte qui va voyager, qui va transmettre à travers l'art,
09:37 l'idée de l'art qu'il se fait.
09:38 Et puis, il se découvre une passion pour l'archéologie aussi.
09:42 Donc, c'est un constructeur.
09:43 C'est peut-être encore une figure de mon père, monsieur le petit canaliste.
09:48 - Ce n'était pas difficile.
09:49 Le précédent livre, qui n'était pas un roman, vous parliez de votre père.
09:52 C'était la transmission.
09:53 C'est bien ça.
09:54 Et votre père, qui nous écoute certainement.
09:56 Il vous écoute, vos parents ?
09:57 - Mais oui, bien sûr.
09:58 - Ils sont à Strasbourg ?
09:59 - Non, non, là, ils sont à Paris.
10:00 Ils vivent à peu près à 10 mètres de chez moi.
10:03 - Alors, à Paris, je connais par cœur.
10:06 Europe 1, c'est 104,7.
10:08 Vous avez écrit un livre sur votre père.
10:10 Vous avez écrit un livre sur les rapports mère-fille, sur la grossesse, sur le mariage,
10:14 sur le divorce.
10:15 Vos livres épousent très souvent votre vie.
10:17 Et même le précédent, qui parlait d'Instagram.
10:19 Et celui-ci, quel événement vous l'a inspiré ?
10:21 - C'est en regardant mes parents partir.
10:27 Je les avais invités.
10:28 C'était d'ailleurs pendant le Covid.
10:30 Vous savez, c'était un peu exceptionnel qu'on voit les parents parce qu'on les protégeait.
10:33 J'étais avec mes enfants qui sont ados.
10:35 Et puis, on les accompagne à la porte de chez nous.
10:39 Et puis, on les voit s'éloigner main dans la main, dans la rue.
10:42 Et puis, mes enfants me disent, mais quand même, c'est beau, un amour qui dure.
10:46 Et cette histoire d'amour qui dure, ça m'a émue.
10:51 Et le fait que les enfants, les adolescents aujourd'hui, même s'ils sont désabusés,
10:57 en fait, je ne crois pas qu'il n'y a plus d'amour, comme le disent certains sociologues.
11:00 Tout le monde rêve de l'amour qui dure, en fait.
11:03 Tout le monde rêve de ça.
11:04 Ça reste un idéal à atteindre.
11:06 Et comment fait un couple pour traverser ce temps ?
11:10 Je crois qu'aujourd'hui, pour la première fois de l'histoire du monde,
11:13 on a des couples qui ont 60 ans à cause de, enfin grâce à l'allongement du temps de la vie.
11:20 Donc, on a des couples très, très, très long.
11:22 Moi, mes grands-parents, ils ne sont pas vécus 60 ans ensemble,
11:24 parce qu'ils sont beaucoup plus jeunes.
11:26 Et là, on a des couples.
11:28 Et donc, j'ai commencé à m'intéresser à ces gens et à leur poser plein de questions
11:31 sur comment vous avez fait pour rester ensemble ?
11:34 Parce que ça nous paraît fou, nous divorcer.
11:38 C'est presque une comédie romantique.
11:39 Pourquoi j'en parle ? Parce qu'on parlait série avec Stéphanie Loire.
11:41 On est avec Elliot Abékassis, Culture Média.
11:43 Alors, c'est musique avec Stéphanie Loire.
11:45 Musique, pardon.
11:45 Oui, on va parler avec Héloïse de série et musique avec Stéphanie.
11:49 On va parler, tiens, un groupe qui a 60 ans, les Kings.

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