Avec Sixtine Dano, activiste Alternatiba et illustratrice, Raphaël Llorca, essayiste, expert associé à la fondation Jean-Jaurès, Alessandro Pignocchi, auteur de Ethnographies des mondes à venir (éditions du Seuil), Lucas Scaltritti, journaliste et auteur du podcast Super Green Me. Rencontre animée par Nicolas Quenard et Pauline Vallée, journaliste chez Nowu, le média de l’écologie de France Télévisions.
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00:00:00 d'artistes qui veulent faire bouger les choses, raconter des nouveaux récits.
00:00:05 Et je suis aussi auteur de BD depuis maintenant. Je vais signer bientôt.
00:00:12 Félicitations.
00:00:14 Merci à vous quatre pour cette présentation. Avant qu'on rentre dans la discussion,
00:00:19 je le rappelle, le thème c'est "Quand on ravive la ville, les nouveaux récits écologiques".
00:00:23 On va échanger sur le sujet avec nos quatre invités.
00:00:27 Si vous avez des questions, des remarques qui vous arrivent en tête au cours de la discussion,
00:00:32 gardez-les pour la fin. On va se réserver un temps de questions-réponses, d'échange avec nos invités.
00:00:37 Et là, vous pourrez poser toutes les questions que vous le souhaitez.
00:00:40 Vous pourrez faire toutes les remarques que vous le voulez.
00:00:43 Gardez bien tout ça pour la fin.
00:00:46 Nous avons aussi résolu nos problèmes techniques. Donc, super, ça tombe à pic.
00:00:51 Pourquoi c'est important ?
00:00:53 Pour faire cet exercice d'imaginer la ville écolo ou pas du futur,
00:00:58 on trouvait ça important de se baser sur des exemples concrets,
00:01:02 en tout cas des exemples que tout le monde connaît.
00:01:04 Et donc, on a choisi pour chaque invité une ville tirée d'un film.
00:01:08 Vous en connaissez sans doute, vous les connaissez peut-être tous, peut-être que quelques-uns.
00:01:13 Mais voilà, ça va nous servir un peu de fil rouge pour accompagner la discussion.
00:01:17 Et je me tourne vers toi Sixtine, tu es la première.
00:01:20 On a choisi pour toi la ville de Laputa dans "Le château dans le ciel" de Hayao Miyazaki.
00:01:26 Donc, dans le film, la ville de Laputa, c'est une ancienne ville qui était autrefois prospère,
00:01:32 qui mêlait harmonieusement technologie et nature,
00:01:35 et qui a ensuite connu un sort un peu, qui est devenue une ville abandonnée.
00:01:40 Mais à la base, c'était une ville qui mêlait en tout cas très bien ces deux notions de technologie et de monde naturel.
00:01:47 Donc, est-ce que pour toi, la ville du futur, c'est une ville qui inclut la nature,
00:01:52 voire une ville qui s'inspire de la nature ?
00:01:55 Déjà, la nature, oui, bien sûr.
00:01:59 Mais ce qui est intéressant avec Laputa, c'est que justement, c'est un peu l'image d'une illusion.
00:02:06 Bon alors, Miyazaki, déjà, pour moi, c'est un des plus grands génies du cinéma d'animation
00:02:12 sur les récits écologiques et féministes.
00:02:15 Et Laputa, c'est vraiment une ville, une cité immense,
00:02:22 qui en fait, en son cœur, a une pierre, et cette pierre génère une source d'énergie illimitée,
00:02:29 et c'est ça qui fait voler cette cité.
00:02:32 Et donc, ça nous parle quand même de l'énergie illimitée, et ça, c'est super intéressant,
00:02:38 surtout aujourd'hui où l'énergie, c'est un énorme enjeu.
00:02:43 Et donc, en fait, on nous raconte l'histoire d'une cité qui a l'énergie illimitée,
00:02:48 qui fonctionne par royauté aussi.
00:02:51 C'est l'enjeu de l'histoire, c'est une petite fille qui est descendante de la royauté de cette ville
00:02:57 et qui essaye de retourner là-bas pour comprendre son passé.
00:03:02 Et en fait, on se rend compte que cette cité, du coup, a essayé de mélanger au maximum la technologie et la vie,
00:03:11 sauf que, en fait, on voit les robots, par exemple, le robot qu'on voit au premier plan, là,
00:03:17 c'est des robots de guerre, en fait, à la base.
00:03:20 Et c'est un peu une métaphore de la bombe nucléaire qu'on retrouve énormément chez Miyazaki,
00:03:26 dans plusieurs de ses films, dans "Nausicaa" et "La vallée du vent" aussi,
00:03:29 un géant comme ça qui essaie d'être réanimé pour détruire la Fukai,
00:03:35 qui a aussi détruit une énorme partie de la civilisation avant.
00:03:39 Et en fait, c'est une métaphore de la technologie utilisée à mauvais escient.
00:03:47 Et c'est ça qui a causé la chute de cette cité.
00:03:50 Et en fait, ce qui est intéressant, c'est que quand les deux personnages principaux arrivent sur cette île,
00:03:55 qui est à moitié détruite, où la nature a repris énormément surface,
00:03:59 parce que la nature n'était pas autant présente avant, à l'âge d'or de cette cité,
00:04:05 et en fait, on se rend compte que les robots sont encore vivants, certains,
00:04:09 et s'occupent de cette nature. Ils déplacent les nids d'oiseaux pour pas qu'ils se fassent écraser, ce genre de choses.
00:04:14 Et donc en fait, ce que Miyazaki essaie de raconter avec cette cité, c'est la mauvaise utilisation de la technologie,
00:04:21 quand on pense que la technologie pourra nous aider à avoir une vie beaucoup plus ambitieuse.
00:04:26 Et en fait, lui, ce qu'il voudrait, c'est qu'elle soit déjà moins utilisée,
00:04:30 et utilisée même pas pour l'homme, mais vraiment laissée, enfin, même pas l'utiliser.
00:04:39 Et c'est intéressant parce que cette cité, elle est inspirée beaucoup de la tour de Babel,
00:04:44 qui est un récit biblique qu'on retrouve dans presque toutes les cultures, même dans les récits africains,
00:04:49 on retrouve toujours des récits de tours immenses, qui représentent l'orgueil des hommes qui veulent s'opposer au Dieu.
00:04:58 Et c'est un peu ça, cette histoire, et c'est un peu ça aujourd'hui qu'on vit,
00:05:02 quand on voit les immeubles immenses à Dubaï qui se targuent d'être en forme de feuilles, en forme de fleurs,
00:05:11 qui essayent de mimer la nature, mais qui en fait sont des aberrations écologiques.
00:05:15 C'est un peu ça, c'est l'orgueil de l'homme qui veut défier la nature.
00:05:19 Alors tu parlais justement de ces immeubles pas du tout écolo, mais qui soi-disant s'inspirent de la nature,
00:05:24 en tout cas uniquement dans la forme. Donc ça, ce serait plutôt une utilisation dévoyée de la technologie,
00:05:29 pas pour le bien de la nature. Mais moi, ça me fait penser à autre chose, qui sont des immeubles qui s'inspirent du biomimétisme.
00:05:35 Donc là, qui utilisent la nature comme source d'inspiration et qui essaient donc d'utiliser la technologie
00:05:42 pour faire quelque chose qui est vraiment plus écologique au final. Est-ce que tu pourrais nous en dire quelques mots ?
00:05:47 Enfin voilà, montrer des exemples qui prouvent que la technologie n'est pas forcément l'adversaire de la nature,
00:05:53 mais elle peut être utilisée justement pour faire quelque chose d'un petit peu mieux.
00:05:57 Pour moi, ça c'est un récit qui date des années 2000. Moi, ces bâtiments, je me souviens, je les voyais dans les magazines
00:06:08 "Sciences et Vie Junior" que je lisais dans les toilettes chez mes parents. Et c'est des bâtiments immenses qui,
00:06:13 soi-disant, allient vraiment la nature et la vie quotidienne. Mais pour moi, c'est une aberration complète parce que,
00:06:21 en fait, rien que le coût énergétique pour construire ces bâtiments aujourd'hui, la rénovation, c'est ça le principal, et la sobriété.
00:06:30 Après, je ne suis pas architecte, je ne sais pas s'il y a vraiment des solutions efficaces de nos jours qui ont été créées, mais pour moi c'est...
00:06:37 Moi, je pensais plutôt vraiment à l'architecture biomimétique qui est, par exemple, créer des systèmes de ventilation et d'aération
00:06:44 dans des bâtiments en s'inspirant de ce que font des termitières, par exemple, des termites dans leurs termitières.
00:06:48 Là, vraiment, on s'inspire de la nature, mais pour le fonctionnement du bâtiment en tant que tel, pour faire des économies d'énergie, par exemple, chez la climatisation.
00:06:56 - Comme les maisons troglodytes à moitié sous terre qui suivent la courbe du soleil. - Exactement, voilà.
00:07:00 - Oui, voilà, un petit peu ça, oui. - Mais pour moi, ça, ce n'est même pas vraiment technologique, en fait.
00:07:04 Ce sont des techniques qui sont utilisées depuis... Bon, je ne sais pas, ce sont des siècles, mais depuis énormément de temps,
00:07:09 dans plein de pays où la chaleur est insupportable, et on sait très bien faire ça depuis longtemps. Ce n'est même pas de la technologie,
00:07:15 c'est d'être malin, quoi. - Merci. On va passer à un deuxième imaginaire, cette fois, bien différent de celui de la Peuta,
00:07:25 puisqu'on a choisi pour Raphaël Lorca, ici présent, la ville de Gotham City dans le film "Le Joker".
00:07:33 Donc là, c'est vraiment deux salles, deux ambiances. Raphaël, vous vous alertez sur la bataille des imaginaires qu'il y a actuellement
00:07:40 autour du futur des villes. Donc, qui imagine le futur de la ville et en quoi ces personnes qui décident peuvent avoir vraiment
00:07:49 une incidence sur le modèle vers lequel on tend ? Est-ce que, pour vous, il y a un risque que les villes se transforment en Gotham City
00:07:57 si on confie le soin d'imaginer leur futur entre de mauvaises mains ? - Donc là, clairement, on n'est pas du tout dans l'utopie.
00:08:05 Il fait sombre, il y a des poubelles partout. Non, le film "Le Joker" est très intéressant, notamment pour l'objet cinématographique en lui-même.
00:08:15 Le film de Todd Phillips sorti en 2019, 2021 ? Bon, récemment. Très bonne sortie. Non, c'est la bataille d'interprétation qui l'a donnée lieu.
00:08:30 Et ça, c'est super intéressant. Aux États-Unis, le premier cadrage narratif qui est sorti dans la presse, notamment au New York Times,
00:08:39 au Washington Post, était de dire, et des grands économistes plutôt classés à gauche, qu'ils disaient en fait que c'est une critique acerbe du capitalisme.
00:08:46 Parce que voilà une ville laissée à l'abandon des services publics, où le transport fonctionne très mal, où la justice ne fonctionne plus
00:08:55 et totalement corrompue, où en gros, quand le capitalisme s'efface, pardon, le contraire, quand le service public s'efface et qu'on donne tout ça aux lois du marché,
00:09:03 voilà ce que ça donne. Bon. Premier cadrage. Deuxième cadrage intéressant et qui nous concerne aujourd'hui, le cadrage écologique.
00:09:10 Il y a eu une deuxième série d'interprétations de ce film qui consistait à dire, mais voilà une ville qui en fait correspond à une dystopie climatique
00:09:18 dans un avenir proche si on ne fait rien. Parce que si on se souvient bien du film, un, il est très sombre.
00:09:23 Donc en fait, ce n'est pas juste qu'on a éteint la lumière, c'est peut-être aussi parce que c'est très pollué.
00:09:27 Et deux, en fin de film, je ne sais pas si vous vous rappelez, il y a une montée des eaux. Il y a une catastrophe climatique occasionnée par un attentat, etc.
00:09:35 Mais la population doit faire face à une montée des eaux. Et donc, deuxième type de cadrage écologique sur "attention, regardez ce qui va..."
00:09:42 Et le troisième qui m'intéresse, qui relie directement à votre question, l'extrême droite est rentrée dans la danse.
00:09:48 Qu'est-ce qu'a dit l'extrême droite ? Et en fait, c'est eux, en termes de volumétrie, de messages échangés sur les réseaux sociaux, sur les blogs, qui ont gagné.
00:09:56 Ça consistait à dire, mais on n'y est pas du tout en fait, ce film, c'est le film de la revanche de l'homme blanc.
00:10:02 Parce que le Joker, c'est quoi ? C'est un homme blanc, hétérosexuel, qui est humilié dans sa vie de tous les jours,
00:10:10 et qui en fait, pour se venger, n'a d'autre moyen que d'utiliser de la violence.
00:10:14 Ça, je trouvais ça hyper intéressant, parce qu'avec un même objet, avec un même récit, a priori,
00:10:19 le cadrage et la réception qu'on en a fait, était extrêmement différent.
00:10:23 Et ce qui me permet effectivement d'introduire cette notion, qui dit récit, dit narrateur.
00:10:29 Qui parle de l'avenir écologique ? Qui parle, qui façonne, qui construit les types d'imaginaire, les types de récits vers lesquels on va aller ?
00:10:39 Moi, le point d'alerte, et c'est bien de le faire peut-être dès le début, c'est que ça...
00:10:44 Malheureusement ou heureusement, j'en sais rien, mais en tout cas, le constat, c'est que l'avenir écologique n'appartient pas forcément aux militants écologiques et aux partis écologiques.
00:10:52 Il y a tout un tas d'autres acteurs qui rentrent dans la danse, pour des questions d'intérêt, on va peut-être parler des marques,
00:10:59 et des acteurs commerciaux, qui ont un rôle énorme à venir peser de toutes leurs forces sur les imaginaires transitions écologiques qui iraient dans leur sens.
00:11:07 Mais il y a aussi, et c'est pour ça que c'est pas tout à fait par hasard que je voulais terminer là-dessus pour le Joker, l'extrême droite.
00:11:13 Jusqu'à présent, on a l'habitude d'avoir une approche de l'extrême droite vis-à-vis de l'écologie, c'est-à-dire que ce sont des climatosceptiques.
00:11:20 Bon. Alors oui, dans l'écrasante majorité encore aujourd'hui.
00:11:24 Il y a un excellent livre, que je vous recommande si ça vous intéresse, de Pablo Stefanoni, qui est paru aux éditions de l'Observatoire, qui s'appelle "La rébellion est-elle passée à droite ?"
00:11:32 et qui consacre un chapitre entier à ce qu'il appelle l'écofascisme.
00:11:36 C'est la façon dont, alors ce sont aujourd'hui des signaux faibles, le Monde a récemment fait une enquête,
00:11:41 je dis récemment, maintenant pour pas me tromper dans la date, sur justement des identitaires qui sont devenus des militants radico-écologiques,
00:11:49 qui se saisissent de la question écologique, qui en fait, sur le constat, en fait, pour être tout à fait d'accord avec tout ce qu'on va raconter aujourd'hui,
00:11:57 mais qui en fait en tirent des récits et des interprétations tout à fait différentes, qui consistent à dire, pour le dire très simplement, et après je m'arrête,
00:12:03 on va pas pouvoir sauver tout le monde. Le bateau terre prend l'eau, on va devoir choisir les populations qu'on va devoir sauver.
00:12:09 Donc vous voyez, c'est tout le point d'alerte. Attention, parce que d'autres types de narrateurs sont en train de s'emparer du récit écologique,
00:12:16 et ça va nécessairement avoir des conséquences dans l'avenir.
00:12:19 Effectivement, vous citiez, alors il y a à la fois des politiques qui s'emparent de cette bataille des imaginaires, vous citiez d'autres types d'acteurs,
00:12:30 et je trouve ça intéressant d'en parler, il y a également les entreprises aujourd'hui qui s'intéressent aux nouveaux récits autour de la ville.
00:12:36 On le voit notamment avec le modèle des smart cities, donc des villes hyper-technologiques, où elles sont construites sur un argument,
00:12:45 alors pas seulement écologique, mais ça rentre en compte de, en fait on va surveiller énormément, on va enregistrer beaucoup de données sur la vie quotidienne des gens qui vivent dans ces villes,
00:12:55 donc quand est-ce qu'ils allument leur chauffage, quand est-ce qu'ils sont chez eux, etc. Et en fait ces données vont nous permettre de faire des économies d'énergie,
00:13:03 donc in fine d'avoir une ville qui est plus écologique, mais ça pose évidemment bien d'autres soucis, et je sais pas ce que vous en pensiez.
00:13:09 Vous, c'est le fait que des entreprises se positionnent sur ces villes du futur selon elles, qu'est-ce que vous en pensez ?
00:13:16 La question de la smart city est intéressante parce que ça nous permet de voir que le récit écologique est devenu un véhicule dans lequel on peut foutre tout et n'importe quoi,
00:13:31 pour pouvoir parvenir à d'autres formes de récits. Ce qui est intéressant dans le cas présent, c'est que lorsqu'on pense l'articulation entre acteurs privés et écologie,
00:13:40 on pense immédiatement greenwashing. Bon, la question est intéressante, je pense qu'elle est largement traitée par ailleurs, on pourrait se faire plaisir là pour des...
00:13:48 Bon, on a tous les arguments en tête. Ce que je trouve plus intéressant et moins souvent souligné, c'est le fait d'alerter sur l'idée que c'est pas juste des récits de greenwashing,
00:13:58 mais au fond de l'auto-justification d'entreprises qui produisent des micro-récits artificiels pour dire "on est bien, on est des gentils, on n'est pas des méchants"
00:14:05 et "on fait ce qu'on peut pour faire la transition écologique", ça c'est très défensif. Ce que je trouve beaucoup plus puissant, et donc beaucoup plus pernicieux,
00:14:13 et sur lequel il faut vraiment s'interroger en tant que citoyen, c'est la façon dont les acteurs privés cadrent beaucoup plus largement les méta-récits écologiques
00:14:22 et les dépassent très largement eux-mêmes. Un exemple, c'est plus évident, mais le récit autour de la voiture électrique, puisqu'on est dans la ville.
00:14:30 Tous les acteurs de l'automobile, vous regardez toutes les pubs à la télévision, ce ne sont que des publicités pour des véhicules électriques, etc.
00:14:40 En gros, le méta-récit, c'est de dire "ne touchons rien à nos mobilités, à la façon dont vous utilisez et consommez la voiture aujourd'hui,
00:14:50 c'est-à-dire ne remettons pas du tout en cause l'organisation de la ville, qui est pensée quand même pour et par la voiture et autour de la voiture,
00:14:56 ne refaisons pas du tout de réflexion autour des autoroutes, autour de la civilisation thermo-industrielle construite autour de l'automobile,
00:15:04 non, on vous donne un récit clé en main qui consiste à dire "le coût de la transition n'est pas si élevé que ça, il suffit de passer de la voiture thermique à la voiture électrique".
00:15:12 Or, on sait que ça pose tout un tas de problèmes, que la solution ne passe pas seulement par là, mais vous voyez, il y a des métas cadrages qui font que les acteurs privés
00:15:21 arrivent à imposer des types de récits écologiques, où la question ce n'est pas "de quoi avons-nous collectivement besoin",
00:15:28 c'est "comment est-ce que moi, en tant que marque privée, je propose un récit qui réduit le plus possible le coût de ma propre transition".
00:15:37 Voilà, c'est ça dont il faut avoir bien en tête.
00:15:40 Merci. Je ne sais pas si nos autres invités voudraient réagir à ça. Je me tourne notamment vers vous, Sixtine, sur cette bataille qui se livre aujourd'hui autour des imaginaires de la ville.
00:15:50 Vous avez participé à la création d'un livre, Essie, qui imaginait justement la société d'après Covid, le monde d'après, dont nous a tant parlé,
00:16:01 avec notamment l'écologie en ligne de mire. Est-ce que pour vous, les citoyens, même les personnes qui travaillent dans tout ce qui est la fabrique de l'imaginaire,
00:16:12 les films, les livres, la culture en général, ils peuvent servir justement un peu de contre-pouvoir pour contrebalancer cette influence grandissante des politiques et des entreprises sur les récits ?
00:16:24 Oui, il faut le faire comme on peut. Bien sûr, on se sent tous super impuissants, on se sent tous super illégitimes.
00:16:31 Même moi, avant de venir là, je me disais "mais qu'est-ce que je suis à cette table ronde ?"
00:16:34 On se sent tous super illégitimes de prendre cette part au récit, mais en fait, surtout les artistes, les écrivains, les écrivaines, les intellectuels,
00:16:43 on a énormément notre part à prendre dedans pour faire changer le paradigme.
00:16:48 J'ai l'impression de raconter ce qu'on racontait en 2010 déjà, c'est un peu triste, mais c'est ça qu'on a essayé de faire, notamment avec ce livre "Et si...".
00:16:57 C'est un livre qui a été fait par Alternatiba à la base pendant le confinement.
00:17:04 L'idée, c'était de raconter tout plein de nouveaux récits autour de la vie quotidienne, surtout.
00:17:10 Chaque thématique, c'était un ou une intellectuelle qui a exploré cette thématique avec un texte, courte, une page,
00:17:19 et un ou une illustratrice qui faisait l'illustration à côté, soit en lien avec le texte, soit sa propre interprétation.
00:17:26 On a couvert plein de sujets comme se loger, se nourrir, se déplacer, se soigner.
00:17:33 L'idée, c'était de réinventer tout ça. On n'a même pas besoin de réinventer la roue, tout est déjà là la plupart du temps.
00:17:40 C'était de revenir à une vision féministe, solidaire, résiliente, antiraciste et surtout écologique.
00:17:50 Moi, je suis définitive. Il faut qu'on prenne tous part à ce récit.
00:17:57 Ça me paraît évident qu'il faut prendre toutes les opportunités qu'on a. J'ai commencé dès mon TPE, quand j'étais au lycée, aux exposés.
00:18:06 Tout le monde n'a pas eu la chance d'avoir été baigné dans l'écologie aussi jeune.
00:18:10 Mais aujourd'hui, si on peut, en tout cas je sais que c'est une situation privilégiée de pouvoir raconter son propre récit,
00:18:16 mais il faut le faire au maximum. Je sais que c'est dur.
00:18:21 Pendant ma dernière année d'études, j'ai fait mon film de fin d'études et je voulais absolument parler d'écologie.
00:18:27 Mais c'était super dur de trouver des gens pour travailler avec moi parce que personne ne se sent légitime.
00:18:32 Les gens ont super peur d'être moralisateurs et de se fermer des portes en parlant de ce sujet.
00:18:37 Il y a 7-8 ans, ça a un peu changé. Maintenant, c'est un peu un sujet évident de plus en plus.
00:18:45 Même si c'est évident, même si c'est un sujet avec lequel on est d'accord et qu'on entend, peu de personnes ne prennent pas encore ce récit.
00:18:53 Lucas, Alessandro, est-ce que vous partagez le constat de Sixtine ?
00:18:58 Oui, complètement. Mais ça reste important de se poser la question par quel pouvoir causal on espère que ces nouveaux récits
00:19:08 aient un impact sur la trajectoire du monde. Parce que ce n'est pas évident. On façonne les imaginaires, on sensibilise.
00:19:15 On sensibilise à la question écologique, on crée d'autres imaginaires. Mais en soi, ça n'a pas un pouvoir causal.
00:19:19 On peut être tous très sensibilisés, mais pris dans les institutions qui sont les nôtres aujourd'hui,
00:19:24 continuer à devoir consommer, se nourrir, travailler dans des boulots de merde qu'on déteste et qui sont destructeurs.
00:19:31 Donc un récit en soi, une idée, n'a pas une force causale sur les choses. Si on est tous sensibilisés, ça fait juste qu'on souffre plus dans cette vie
00:19:38 qu'on est obligé de mener. C'est cool de s'interroger sur les récits, mais à un moment, il faut se demander comment on espère
00:19:45 que ces récits aient un pouvoir causal sur la course du monde. Et ce n'est pas du tout évident. D'autant plus quand on a grandi,
00:19:53 comme c'est sans doute le cas de la plupart d'entre nous dans cette pièce, dans le mythe de la démocratie représentative,
00:19:58 on a l'impression que l'action politique se limite à deux leviers, qui est soit passé par les dirigeants politiques, soit en votant pour des dés qui seraient mieux,
00:20:08 soit par le plaidoyer, en les convainquant, soit éventuellement même en imposant un rapport de force, mais en tout cas, la courroie passe par eux.
00:20:14 Et l'autre levier d'action politique, c'est ça, c'est les récits, c'est les sensibilisations. On ne sait pas trop comment la sensibilisation
00:20:21 va finir par avoir un effet sur le monde. Peut-être parce que les gens bien sensibilisés vont mieux voter, ou alors se comporter de façon plus vertueuse
00:20:27 à l'échelle individuelle, mais je pense qu'il faut prendre très au sérieux l'hypothèse d'après laquelle aucun de ces deux leviers politiques ne fonctionnent plus.
00:20:35 Celui qui passe par les dirigeants politiques, bon, je vais pas m'étendre dessus, mais ça, il faut vraiment l'écarter d'un revers de main.
00:20:41 Le choix écologique du gouvernement est de mettre à l'abri les classes dominantes, de maintenir les structures de domination qui vont leur permettre d'échapper
00:20:48 aux effets de la crise écologique un peu plus longtemps que les autres. Donc là, vraiment l'ère de la social-démocratie où on pouvait influencer
00:20:54 les dirigeants politiques, c'est terminé. Et la sensibilisation, encore une fois, les structures institutionnelles sont si fortes que c'est pas sûr que ça serve à...
00:21:02 Enfin, c'est très bien de continuer, mais en tout cas, en soi, ça peut plus être le seul but politique. Et quand on écarte ces deux leviers-là,
00:21:09 celui qui reste, c'est l'action directe, c'est-à-dire essayer de trouver des modes d'action, des courroies qui ont un impact direct sur les institutions,
00:21:16 c'est-à-dire sur les grandes structures qui organisent notre vivre ensemble. Et je vais arrêter, sinon je vais être trop long, mais pour boucler sur les récits,
00:21:28 et pas dire que c'est complètement inutile, c'est que le succès d'un geste d'action directe, au hasard le sabotage massif des mégabassines qu'on apprête à accomplir
00:21:36 dans une dizaine de jours, le succès de ce geste d'action directe-là vient en partie de l'écho qu'il trouve dans les sensibilités. De quelle façon, par des récits,
00:21:44 les gens ont été préparés à accueillir positivement ce geste-là ? Et ça accélère d'ailleurs la sensibilisation. J'imagine qu'il y a plein de gens qui se considéraient comme légalistes,
00:21:53 par exemple, qui là, devant le scandale de l'accaparement de l'eau que représentent ces mégabassines, face à des actions massives de sabotage comme celle qui est menée
00:22:00 par les soulèvements de la Terre, vont être tout surpris de l'accueillir positivement. Ça, ça aurait été préparé par des récits.
00:22:07 Merci. Du coup, Lucas, est-ce que toi, tu aurais une réaction ? Je suis très très loin d'être un spécialiste de cette question, je ne suis pas sociologue, etc.
00:22:15 Donc je ne vais pas parler de choses que je ne maîtrise pas ou que je ne connais pas. Mais j'entendais Sophie Dubuisson-Kellier, qui est une sociologue,
00:22:23 elle pour le coup, qui est chercheuse au CNRS, qui est membre du Conseil pour le climat la semaine dernière, qui était invitée du podcast Chaleur Humaine,
00:22:31 podcast du monde, qui, elle était assez négative sur ses nouveaux imaginaires, pour le coup, elle disait, finalement, elle faisait le parallèle,
00:22:41 une analogie un peu avec l'après-guerre, après la seconde guerre mondiale, où il a fallu reconstruire nos sociétés, tout était détruit.
00:22:47 Elle a dit "Est-ce qu'on a attendu que les imaginaires imprègnent chacun pour se demander quel monde ?" Non. En fait, c'est l'État qui a dit
00:22:57 "On fait comme ça, on reconstruit, on avance". Et effectivement, je vais me faire un peu l'avocat du diable, mais je pense que nos imaginaires,
00:23:05 ces nouveaux imaginaires peuvent nous servir à nous, collectivement, dans cette salle, parce que je pense qu'on est toutes et tous plus ou moins sensibilisés
00:23:12 à ces questions-là. On a conscience des enjeux, de ce qui nous attend. Donc on a besoin aussi de se faire un peu de bien, de se dire "Bon ben voilà,
00:23:18 en fait, on peut tendre vers ça, ça peut se passer comme ça, donc ça peut aussi bien se passer si on prend ces décisions-là".
00:23:24 En revanche, effectivement, on se rend bien compte qu'on a beau réfléchir sur les imaginaires, faire des tables rondes à l'Académie du climat,
00:23:31 il n'y a pas un représentant du gouvernement qui est là, il n'y a pas Emmanuel Macron qui est derrière la caméra, qui nous écoute et qui prend des notes,
00:23:36 que je crois, c'est vrai, peut-être, Manu. Je croise les doigts, mais enfin voilà. Je pense que, effectivement, malheureusement, si l'État,
00:23:45 si les institutions ne prennent pas des grosses actions pour justement embrayer là-dessus nos nouveaux imaginaires, bon ben, on ne va pas s'amener à grand-chose.
00:23:57 Merci, du coup, on va enchaîner. Je mettrai du truc positif après. Là, je plombe un peu et après...
00:24:02 On va enchaîner avec toi, Lucas. Pour toi, on a choisi l'image d'un film "Un indien dans la ville", effectivement, parce qu'aujourd'hui,
00:24:11 on s'aperçoit qu'être écolo en ville, c'est encore un peu... Non, c'est le "mad", du coup, le film d'après, effectivement.
00:24:16 Voilà, un film des années 90 que tout le monde connaît, puisqu'on s'aperçoit qu'aujourd'hui, être écolo en ville, c'est encore un peu sortir du cadre.
00:24:22 C'est parfois être un peu en décalage avec ses proches, avec le reste de la population. Je sais que c'est quelque chose dont tu parles beaucoup dans ton podcast.
00:24:29 Donc, concrètement, aujourd'hui, comment un citadin vit avec l'objectif de ne pas dépasser 2 tonnes de CO2 par an ?
00:24:35 En gros, quel bilan on peut tirer de ton expérience personnelle ?
00:24:39 Étrangement, je pense que c'est plus facile d'être écolo en ville que d'être écolo à la nature, dans la campagne, je mets beaucoup de grosses guillemets.
00:24:51 Parce qu'en fait, on a une vision, je pense, aussi très idéalisée de la forêt, du vert. C'est joli, la petite maison à la campagne.
00:25:01 On va planter ses tomates dans le jardin, etc. Moi, pour le coup, je me suis lancé ce défi d'abaisser drastiquement mon empreinte carbone.
00:25:09 Et très franchement, je me suis rendu compte que, malgré ce que je pouvais penser au départ, que la ville m'a rendu beaucoup de services, notamment déjà sur les transports.
00:25:20 Les transports, c'est ce qui pèse le plus globalement dans l'empreinte carbone des Françaises et des Français.
00:25:27 Quand on habite dans une grande ville, en l'occurrence moi à Paris, c'est quand même beaucoup plus simple.
00:25:35 Je n'ai pas de voiture, je n'ai pas besoin de voiture. J'ai un vélo, je marche à pied, je prends les transports en commun.
00:25:42 Bon, même si en ce moment, ça se passe un peu moins bien avec la RATP, mais justement, encore une fois, il faut vraiment qu'il y ait un pouvoir politique fort qui fasse les bonnes actions.
00:25:50 Mais quand ce réseau fonctionne bien, on a quand même une chance assez incroyable à Paris déjà sur les transports.
00:25:57 Socialement aussi, j'ai l'impression qu'à Paris, mais on peut faire le parallèle dans les grandes métropoles, c'est quand même mieux accepté d'être écolo.
00:26:06 C'est-à-dire qu'en fait, c'est même pas vraiment une question... Ah oui, ça interpelle.
00:26:11 Mon défi, il a interpellé un petit peu auprès de mes proches, mes amis, etc. Mais au final, on questionnait plus la démarche, ma façon de penser, etc.
00:26:23 Mais pas le fait que je sois écolo. Parce qu'en fait, il y a des auditrices et auditeurs qui ont fait même le parallèle avec la sexualité.
00:26:32 Nous, on a cette chance-là, c'est que dans nos milieux aujourd'hui, c'est pas un problème.
00:26:39 Donc pour les transports, socialement, c'est plus simple. Même en termes d'alimentation, il y a aussi beaucoup plus d'alternatives quand on sort, quand on va dans les restos.
00:26:50 Moi, je suis pas parisien de base. J'habite à Paris, mais ma famille n'est pas à Paris. Je vois quand je retourne par contre auprès de ma famille, qui n'est pas dans une grande ville,
00:26:59 là, c'est quand même plus compliqué. Socialement, c'est plus difficile parce que là, du coup, t'es l'écolo de la table. Enfin, c'est-à-dire qu'il n'y en a pas deux.
00:27:05 Donc là, ça devient un vrai sujet. En revanche, si tu vas au resto, t'as du poisson, t'as une côte de bœuf, t'as un tartare, machin, alors en plat végé, il n'y a absolument rien.
00:27:16 Quand tu le demandes, soit on te dit "va te faire foutre", soit on te dit "oui, on va te mettre les accompagnements". Donc t'as de la courgette, des riz couvert.
00:27:24 C'est cliché, mais c'est comme ça aussi que ça se passe. Donc moi, pour le coup, la ville, je la vois vraiment comme une alliée de la transition.
00:27:30 Il va falloir effectivement la modifier. Et c'est ce dont on parlait avec Sixtine au début. Mais il va falloir effectivement la végétaliser parce qu'en fait, on voit que ça va s'aggraver.
00:27:41 Il va faire de plus en plus chaud. Il faut aussi rénover les bâtiments. Ça, c'est l'urgence absolue. Et moi, finalement, c'est le seul écueil que j'ai trouvé à la ville dans mon défi.
00:27:53 C'était l'isolation et c'était le chauffage. Moi, j'habite dans un immeuble des années 70 à Paris, comme il y en a beaucoup, qui n'est absolument pas isolé.
00:28:03 C'est du simple vitrage et qui est échauffé au fioul. Ils ont changé la chaudière. Donc c'est fantastique. C'est du gaz.
00:28:11 Donc ça, c'est vraiment, à mon avis, le gros, gros point négatif de la ville. Et sur le logement, par contre, l'aspect positif, c'est qu'on va aussi prendre moins de place
00:28:21 quand on est à la campagne ou en zone rurale ou pays rumain, etc. On a plus de place. Donc on va aussi vivre dans des maisons. On va prendre beaucoup plus de place.
00:28:30 On a potentiellement la capacité physique de mettre une piscine. On a plus aussi de mauvaises tentations, j'ai envie de dire. Et donc, en termes d'égalité, on est à Paris.
00:28:39 On a des plus petits espaces qui nous sont alloués, etc. Justement, j'aimerais réagir là-dessus. C'est intéressant ce que tu dis sur effectivement en ville, avec la densité de population.
00:28:49 Au final, comme on est tous plus dans des plus petits espaces, ça devient plus écolo, notamment pour le chauffage, etc. Mais je me posais quand même la question de cette donnée là.
00:28:59 On a bien vu pendant le confinement que c'était une souffrance pour plein de personnes qui, justement, n'avaient pas accès à des espaces verts. D'où ma question qui s'adresse à vous, mais aussi à nos autres invités.
00:29:09 Comment est-ce qu'on pourrait faire en sorte que la ville écolo du futur soit aussi égalitaire pour tous ? C'est-à-dire que c'est très écolo. Tout le monde est parqué dans son petit 2-3 pièces max sans balcon, sans rien.
00:29:24 Alors certes, on ne prend pas de place, mais du coup, c'est quand même pas terrible en termes de santé mentale de ne pas avoir accès à son bout de jardin, à sa piscine.
00:29:31 Donc comment est-ce qu'on pourrait faire en sorte de combiner ces deux notions-là ?
00:29:36 Je pense qu'effectivement, il y a une nécessité de transformer la ville, de la végétaliser, comme je disais, à cause des chaleurs, pour aussi éviter certaines inondations, etc.
00:29:47 Mais il faut aussi voir, alors bon, là, c'est l'exemple parisien, mais il faut aussi peut-être un peu déconstruire, nous, ce qu'on a d'avoir son balcon, son jardin, son bout de terrain à soi.
00:29:58 Alors à Paris, c'est pas incroyable, mais il y a quand même aussi des petites possibilités. Il y a le parc des Buttes-Chaumont, il y a le bois de Boulogne, il y a le parc de Vincennes.
00:30:09 Enfin, on peut aussi, et c'est accessible en transport en commun. C'est-à-dire qu'on peut, avec une mobilité douce, on peut y aller à pied, on peut y aller en vélo, on peut y aller en transport en commun.
00:30:17 C'est possible. Mais effectivement, ça demande aussi un certain renoncement sur, potentiellement, le modèle de réussite sociale qu'on a depuis qu'on est né.
00:30:27 De se dire, ben voilà, je vais avoir ma piscine, mon jardin, mon truc, mon balade. Ça va pas être le tien à toi, mais c'est pas grave, tu vas pouvoir prendre l'air et marcher.
00:30:35 Juste une réaction très rapide. Excellent livre que je vous recommande d'un certain Franck Lirzin, qui a écrit un court essai, il est urbaniste, Paris face au réchauffement climatique, qui essaye de projeter la ville de Paris en 2050.
00:30:51 Il y a toute une première partie sur projection climatique, projection météorologique. Bon, donc d'une part, il montre à quel point ça va devenir problématique.
00:31:01 Un climat méditerranéen à Paris. Mais ce que je trouve très intéressant, parce que justement, dans cette approche de "il va falloir végétaliser, il va falloir changer la ville, etc.",
00:31:09 lui, il pointe quelque chose que je trouve central et dit, et je pense, alors il parle de Paris, mais je pense que ça peut s'appliquer dans plein d'autres villes, parce qu'il est dans un pays tempéré.
00:31:17 Il dit "Paris est une ville aclimatique, qui n'a aucune, dans son histoire, aucune culture climatique, ni du chaud, il prend l'exemple de la ville de Marseille, ni du froid, il prend l'exemple d'Amsterdam".
00:31:30 Il dit en gros, sur 2000 ans, en fait, Paris a une température moyenne modérée, des coups de chaud, on connaît les canicules, des coups de froid, et il remonte, qu'est-ce qui s'est passé après l'hiver très dur de 1740.
00:31:43 Il fait froid comme l'an 40, ça revient de 1740. Mais au fond, les politiques publics n'ont jamais bougé, en disant "ce sont des épisodes exceptionnels, nous ne nous adaptons pas".
00:31:52 Et donc là, ce qui pointe, c'est l'immense difficulté de faire changer la ville, parce que précisément, il n'y a aucune culture climatique.
00:32:01 Ça veut dire quoi une culture climatique ? Il fait une exploration hyper précise, il est urbaniste, architecte. Comment est-ce que des villes comme Marseille, par exemple, s'adaptent au chaud ?
00:32:11 C'est non seulement le choix des matériaux, c'est l'organisation des ruelles, des places, pour faire en sorte qu'il y ait des courants d'air, pour faire en sorte qu'il y ait une évacuation de la chaleur accumulée pendant la journée, pendant la nuit.
00:32:24 Donc il y a tout un tas de choses qui ont été accumulées sur des centaines, des milliers d'années. Il y a une culture du chaud qu'une ville comme Paris n'a pas.
00:32:30 Et donc lui pointait l'immense difficulté, c'est-à-dire qu'au-delà de... Une fois qu'on aura rénové tous les bâtiments, une fois qu'on aura fait en sorte... J'espère qu'on y arrivera, mais il dit "comment faire pour déminéraliser des places comme la Concorde, par exemple ?"
00:32:44 Il est compris, il est toute nouvelle. Pardon, on est un peu à la marée de Paris, mais regardez Bastille, regardez la République, ce sont des places nouvelles, qui ont été rénovées récemment.
00:32:53 Il n'y a pas un brin d'herbe, c'est totalement minéralisé. Ça va être des enfers climatiques lorsqu'il y aura, et je crois qu'il dit, un triplement du nombre de jours de canicule à l'horizon en 2005.
00:33:03 Donc ça, je trouvais ça très intéressant. Ville acclimatique qui rend encore plus difficile, pardon c'est pas très positif, mais encore plus difficile l'adaptation.
00:33:12 Là on est bien au-delà des récits, mais justement je trouve ça intéressant de faire confronter les récits et la réalité pour le coup.
00:33:18 Merci, on va passer à vous Alessandro, avec la dernière image qu'on a choisie pour vous. On a choisi la ville de Tokyo à la fin du film d'animation "Les enfants du tour" de Makoto Shinkai.
00:33:30 A la fin du film, je ne vous spoil pas la fin, mais la ville de Tokyo se retrouve sous l'eau suite à un petit problème, je ne vous en dis pas plus.
00:33:39 La population s'adapte, la vie continue, mais par contre on peut dire que la ville de Tokyo n'a pas vraiment lutté contre ça.
00:33:48 Donc est-ce qu'aujourd'hui on peut dire que les villes... comment les villes peuvent s'engager concrètement du coup ? Est-ce qu'elles doivent juste continuer à s'adapter ou est-ce que ça doit devenir des territoires de lutte ?
00:33:57 Oui, c'est ça la grosse question, parce que là on parle d'adaptation de la ville au changement climatique, mais avant ça c'est peut-être plus urgent de se demander comment elle prend part aux luttes écologistes,
00:34:08 puisque pour l'instant c'est quand même assez minable le mode d'action des urbains en termes d'écologie.
00:34:18 Les luttes écologistes se territorialisent en ce moment, on est beaucoup à penser que c'est une bonne chose, qu'on referme la parenthèse de la social-démocratie où on passait par les dirigeants politiques pour essayer d'agir,
00:34:29 et là les luttes écologistes retrouvent une dimension vraiment très fondamentale, très primordiale, c'est-à-dire occuper la terre, occuper les ressources,
00:34:37 et surtout reconstruire de la puissance politique en retrouvant des formes d'autonomie matérielle, d'autonomie alimentaire et d'autonomie politique sur les territoires.
00:34:45 Sur le principe de l'occupation illégale comme sur les ZAD, mais aussi par l'achat foncier avec tous les intermédiaires possibles,
00:34:51 pour pouvoir avoir un impact notamment sur la façon de mener les activités agricoles, de se nourrir, etc.
00:34:57 Donc ça c'est super, mais c'est sûr que c'est plus simple pour le coup d'occuper un territoire et de développer de l'autonomie matérielle alimentaire quand on est à la campagne.
00:35:07 Et donc la question de comment les luttes urbaines se territorialisent elles aussi est extrêmement difficile.
00:35:16 Alors il y a les jardins ouvriers, les potagers urbains, tout ça c'est une puissance massive, c'est pas du tout anecdotique,
00:35:22 il y a des luttes en ce moment au Bervilliers notamment autour de ces questions-là, retrouver des formes d'autonomie.
00:35:28 La Havane se nourrit à 90% en termes de légumes de ses potagers urbains, alors c'est un autre contexte, mais néanmoins ça peut être massif.
00:35:38 Mais surtout indépendamment de l'autonomie alimentaire en ville, c'est faire le lien avec les luttes territoriales dans le milieu rural.
00:35:45 L'idée de, encore une fois on est beaucoup à penser qu'il n'y a pas de sortie un peu joyeuse à la crise écologique sans une déspécialisation massive du travail,
00:35:57 et notamment une reprise en main des activités agricoles massives, et là ça peut passer par des oscillations saisonnières de déplacement des urbains
00:36:06 qui vont participer aux activités agricoles une partie de l'année, et de façon plus pragmatique et immédiate,
00:36:13 et là je rejoins ce que tu disais juste avant de la difficulté d'être l'écolo de la table, c'est que pour le coup quand vous dites écologie dans plein d'endroits des campagnes françaises,
00:36:22 vous déclenchez des réactions de haine qui sont complètement vertigineuses.
00:36:27 Et ça c'est devenu abyssal dans les 20 dernières années. L'écologie est devenue perçue, et a été de plus en plus perçue, comme un outil de distinction sociale,
00:36:35 un outil d'écrasement substitueux, et en l'occurrence c'est quand même la bourgeoisie urbaine qui est en grande partie responsable de ça.
00:36:41 Et si on n'arrive pas à résorber ça, on ne construira pas une puissance politique écologiste un tout petit peu conséquente.
00:36:48 On ne va pas territorialiser les luttes. Et les moments récents où cette perception du mépris de classe est surmontée, et on arrive à construire une force politique commune,
00:36:58 c'est dans les luttes territoriales justement, où là pour le coup l'ennemi commun est tellement flagrant, et dans ces contextes de lutte,
00:37:07 c'est là qu'on commence par vous dire que vous n'êtes pas un écolo comme les autres.
00:37:14 C'est le premier compliment, de même que sur les ronds-points de gilets jaunes, où des personnes qui étaient spontanément plutôt racistes vont te dire aux collègues racisés
00:37:26 qui viennent sur les ronds-points comme eux "Ah t'es pas un arabe comme les autres". C'est le premier point pour surmonter les espèces de conflits aberrants que les classes dominantes font passer
00:37:34 pour exploser les classes dominées. Mais en tout cas cet enjeu-là de la territorialisation des luttes écologistes pour les classes urbaines est urgente et ce n'est pas évident.
00:37:49 Or, hors contexte de lutte territoriale où ça se passe bien, il faut trouver d'autres recettes pour ça. Et donc je parlais de l'action directe à cette vertu-là, là encore,
00:37:58 on peut parler à beaucoup de gens et on est un certain nombre à penser qu'il peut falloir renouer avec les traditions communistes, opéraïstes de l'enquête ouvrière,
00:38:09 c'est-à-dire d'utiliser l'enquête de terrain pour justement créer ce que certains appellent une géoclasse ou une classe géosociale, c'est-à-dire un groupe antagonique
00:38:18 qui a des intérêts communs à habiter le territoire d'une certaine façon.
00:38:23 C'est très intéressant ce que tu dis et je pense qu'il faut être vigilant aussi dans ces nouveaux récits qu'on veut essayer de créer d'englober tout le monde.
00:38:33 Parce qu'en fait c'est très facile d'être l'écho de la table et de dire "il ne faut plus que tu prennes ta voiture parce que ça pollue".
00:38:40 Non, il faut justement avoir ce truc territorial, cette approche territoriale de voir qu'on ne peut pas imposer à tout le monde de ne pas prendre sa voiture.
00:38:49 C'est impossible parce qu'en fait il n'y a pas de pistes cyclables, il n'y a pas d'aide pour acheter des vélos, il n'y a pas de transport en commun, etc.
00:38:54 Donc effectivement d'avoir un nouveau récit qui va englober tout le monde, de dire "en ville on peut faire ça mais en dehors de la ville il faut aussi peut-être faire ça d'une approche différente
00:39:03 et avec des combats territorialisés".
00:39:05 Ça peut être effectivement intéressant pour désacraliser et casser ce côté de l'écolo un peu dominant, sachant, etc.
00:39:14 Qui va aller imposer un nouveau mode de vie à des gens sur place qui n'ont pas vraiment de réalité ni de fondement en fait.
00:39:20 Sixtine, tu voulais répondre ?
00:39:23 Oui, pour revenir sur ce que tu disais Alessandro sur l'action directe.
00:39:28 Moi j'ai vraiment cette culture-là de la désobéissance civile avec Alternatiba et je trouve qu'ici les récits pêchent encore un peu.
00:39:37 On a énormément de récits maintenant sur les transitions, sur les petits gestes, sur la politique, sur la théorie,
00:39:47 mais sur l'action directe, je vois encore énormément de films qui finissent en apothéose, où ça y est les gens se soulèvent et ça finit en manifestation.
00:39:58 Moi ça me fait rigoler et en vrai c'est vrai, ça fait des émotions, ça fait un petit frisson à la fin, on est en mode "waouh, il y a quelque chose qui se trame, qui arrive".
00:40:07 Mais en fait la manif, depuis quand ? Enfin non, c'est pas de la vraie action directe.
00:40:12 Je suis pour la manifestation bien sûr, c'est le premier pas dans la porte pour plein de gens et il faut le faire.
00:40:18 Mais ça devrait pas être ça le récit qu'on raconte aujourd'hui.
00:40:22 En fait c'est un récit qu'on aurait dû raconter il y a déjà 30 ans, je sais pas, même beaucoup plus.
00:40:29 Et aujourd'hui là, il faut donner les clés aux gens pour prendre part à cette action directe, comme tu dis, sur tous les territoires.
00:40:38 Et en fait il y a beaucoup d'exemples historiques de ces luttes qui ont fonctionné,
00:40:45 que ce soit dans la désobéissance civile non violente ou d'autres types de rapports de force, et il faut les partager aujourd'hui.
00:40:54 Et il y a beaucoup de récits quand même qui existent sur ce sujet là et je pense qu'il faut continuer à les développer.
00:40:58 Moi je pense aux films sur Act Up, 120 battements par minute, ou par seconde, je sais plus, par minute.
00:41:07 Il y a par exemple le film, pour revenir sur le cinéma d'animation japonais, Pompoko.
00:41:16 Je sais pas si il y en a qui connaissent un film de Takahata qui est aussi un très grand génie de l'anime.
00:41:21 C'est dans les années 60 et il parle déjà de comment les tanuki, ces petites bestioles des forêts au Japon,
00:41:28 qui sont aussi des divinités là-bas, c'est intéressant,
00:41:31 essayent d'empêcher l'urbanisation et le développement de la ville en faisant de la désobéissance civile.
00:41:37 Vraiment, ils cassent les machines. Ça c'est un récit qui est hyper actuel aujourd'hui et pourtant le sabotage c'est un truc qui est encore ultra tabou.
00:41:46 Et rendre ça moins tabou, ces actes qui sont jugés extrêmes pour beaucoup, ça c'est un rôle qu'on a à faire.
00:41:57 Et même, moi je vois, j'ai fait toute une série de BD sur Insta pour raconter mon parcours d'activiste
00:42:03 et comment on fonctionne dans Alternatiba, comment on prend des décisions, comment on bloque des aéroports.
00:42:09 Moi je suis en procès pour ça d'ailleurs encore aujourd'hui.
00:42:12 Et en fait, même des activistes de d'autres groupes m'ont dit "Waouh, c'est trop bien ce que t'as fait parce que je savais pas comment on fonctionnait"
00:42:21 et que entre plein d'organisations on fonctionne super différemment et la désobéissance civile prend énormément de voies différentes et d'actions possibles.
00:42:29 Et toutes ces alternatives là, il faut qu'on les raconte parce qu'il y a plein de gens qui se disent encore "Super la désobéissance civile, c'est s'asseoir sur le périph' et faire chier tout le monde".
00:42:37 Alors qu'il y a plein plein de choses qui sont même pas mises en scène et même pas vues.
00:42:42 Enfin moi j'ai fait une action une fois où on était en rapport de force avec la Société Générale.
00:42:49 Ils voulaient financer un terminal d'exportation de gaz de schiste aux Etats-Unis,
00:42:55 sachant que c'est interdit en France d'exploiter le gaz de schiste mais qu'on le finance ailleurs bien sûr avec l'argent des Français.
00:43:01 Et en fait, le... ou D.A., le directeur général, était sur scène en train de faire une conférence à l'Investir Day.
00:43:09 Et nous on est venus et on avait négocié avec lui qu'on ferait pas de bruit, on ferait pas d'actions visibles par tous parce qu'on était encore en négociation,
00:43:19 soit disant secrète, enfin confidentielle, intime.
00:43:24 Et en fait, juste le fait d'être dans l'Assemblée et à un moment d'enlever notre veste et de montrer qu'on avait un t-shirt "Les Amis de la Terre" en dessous,
00:43:34 il nous a vus et là, tout d'un coup, il a paniqué et il s'est dit "Voilà, ok, la négociation est encore en route, il y a encore un rapport de force,
00:43:42 ils sont là et ils font pas de grabuge, personne n'en a entendu parler de cette action, mais elle a créé un rapport de force
00:43:48 et on a pu réenclencher des discussions qui avaient été un peu coupées,
00:43:52 parce qu'on attendait un rapport qu'ils devaient faire sur les impacts écologiques de ce terminal.
00:43:58 En fait, il y a plein plein de choses et les associations, elles sont tellement débordées,
00:44:04 elles fonctionnent sur très peu d'employés au quotidien, la plupart des gens c'est des bénévoles,
00:44:09 et franchement, quand t'es bénévole, t'as le temps de rien faire, en plus tu donnes un bout du doigt, on te prend le bras entier,
00:44:15 les burn-out militants, j'en connais tellement.
00:44:19 Et du coup, faut pas attendre que ce soit que les bénévoles d'associations qui fassent ces récits,
00:44:25 mais aussi des documentaristes, des scénaristes, tous ces métiers de la création autour qui peuvent raconter des récits,
00:44:32 qui doivent s'intéresser à ces milieux-là, qui peuvent servir de poudre, je sais plus l'expression, bref, de démarrage d'action vraiment.
00:44:42 Merci, une mini-dernière et ensuite on passera aux questions.
00:44:47 Pour finir mon placement produit sur les soulèvements de la terre et la mobilisation contre les méga-bassines,
00:44:52 tu parles effectivement de sabotage, on pense encore, avec le concept de sabotage, à une dizaine d'activistes cagoulés qui font ça de nuit.
00:44:59 Et justement, nous ce qu'on porte avec les soulèvements de la terre, c'est le sabotage massif, au grand jour, à visage découvert.
00:45:05 La dernière mobilisation anti-bassines, on était 7000 personnes, il y avait la Confédération Paysanne, Greenpeace, il y avait même la France Insoumise,
00:45:14 et tous les gens qui étaient là acceptaient ce mode d'action-là, c'est-à-dire qu'on va détruire matériellement les bassines,
00:45:20 les tracteurs de la Confédération Paysanne qui défilaient après avoir tronçonné le système d'irrigation des bassines.
00:45:26 Et du coup, voilà, c'est un autre rapport au sabotage, et avec, notamment grâce à la présence de la Confédération Paysanne, de l'Atelier Paysan,
00:45:33 il y a dans le même geste une proposition positive, c'est-à-dire on détruit les infrastructures du maintien du capitalisme, en gros,
00:45:40 et dans le même geste, on fait des propositions d'installation paysanne alternative, c'est-à-dire retrouver un peu le geste des ZAD,
00:45:47 quoique dans un même mouvement politique, s'oppose et met en œuvre le type d'organisation sociale qu'elle espère voir advenir.
00:45:56 Et donc là, c'est dans... Voilà, si vous voulez venir participer à cette action de sabotage, ça va vraiment être historique, on sera sans doute 30 000 personnes,
00:46:02 il y aura deux sites différents, c'est dans les deux sèvres, entre Nior et Poitiers, et vous pouvez aller sur le site des soulèvements de la terre,
00:46:09 et si Basile nous en merci, ça va être très festif et intéressant comme moment.
00:46:14 Sachant qu'on a déjà largement débordé la police à 6 000, donc là à 30 000, ça va vraiment être magique.
00:46:20 (Applaudissements)
00:46:27 Merci à tous. Est-ce qu'il y a des questions pour nos invités ?
00:46:33 Bonjour, je m'appelle Hélène, j'avais deux questions. Je fais partie des gens qui habitent en grande banlieue avec des tomates qui poussent dans le jardin,
00:46:41 et je pense que c'est une autre façon de faire un effort pour faire venir sa nourriture de moins loin, etc.
00:46:46 Je trouve que c'est intéressant de ne pas opposer forcément les modèles, parce qu'en fait, il y a un truc qu'on ne dit pas forcément en ville,
00:46:52 c'est à quel point on fait venir des marchandises de loin, on parle de la nourriture, des vêtements, de l'électroménager, de tout ce qu'on veut.
00:46:59 J'ai l'impression que ça, c'est un récit qui n'est pas encore prêt à être démonté, c'est le récit du confort, c'est-à-dire de se dire,
00:47:05 "Oui, tu peux faire un effort pour avoir... Peut-être que tu peux avoir un petit bout de jardin, mais ça va être à l'extérieur de Paris,
00:47:10 donc tu vas prendre ton vélo, tu vas aller à Pantin, je ne sais où, tu vas essayer de planter tes tomates, tu vas essayer de voir comme c'est difficile,
00:47:15 et du coup, quand tu vas acheter des tomates, tu ne vas pas les laisser pourvir dans ton frigo, et déjà, ça sera un effort."
00:47:19 La livraison de bouffe, de tout ce qu'on veut, c'est une aberration, j'ai l'impression, et ça, c'est une première chose.
00:47:26 Et la deuxième chose, c'est la question de la diffusion des récits. Moi, je suis journaliste, par ailleurs, et je trouve que nos médias,
00:47:32 ils ont un manque de courage, et notamment les médias audiovisuels, donc merci, No You, d'exister, mais vraiment, c'est dingue,
00:47:38 le peu de documentaires, le peu de récits qu'il y a sur le sujet, la difficulté qu'on a en tant que journaliste à placer ces sujets-là en haut de l'agenda,
00:47:46 et même juste en bas de l'agenda, et ça, je ne sais pas comment on peut agir, nous, en tant que citoyens, citoyennes, mais on a des médias
00:47:52 qui sont complètement minables, enfin, en tout cas, des directions de médias qui sont minables dans leur façon de décider de parler ou non de l'environnement en général,
00:48:02 et ça, si vous avez des solutions pour activer des marionnettes là-dessus, je ne sais pas, mais c'est effrayant, je trouve.
00:48:09 En tant que journaliste, je vais essayer de... Je ne vais pas essayer de défendre la profession, parce que c'est compliqué.
00:48:17 Non, effectivement, d'abord sur la question des journalistes, et après peut-être sur le transport d'enrées alimentaires, etc.
00:48:28 Sur les journalistes, effectivement, il y a un gros problème, et sur les médias en général, parce que dans les médias, il n'y a pas que des journalistes qui travaillent,
00:48:35 il y a aussi des émissions, du divertissement, etc. Mais pour vraiment la partie journaliste, on a vraiment un gros problème de formation.
00:48:41 Et moi le premier, alors je me suis spécialisé sur ces questions-là maintenant, sauf qu'en fait, quand j'ai fait une école de journalisme,
00:48:51 ça n'a absolument jamais été abordé. J'ai commencé à bosser en radio et la télé dans des médias généralistes.
00:48:58 C'est jamais abordé, et on a une règle aussi en journalisme qui est assez importante, c'est la règle du contradictoire.
00:49:07 C'est-à-dire qu'en fait, sur un sujet, on va entendre une personne qui est pour, mais aussi une personne qui est contre, tout le temps.
00:49:13 Quasiment tout le temps. Si on fait un sujet sur le nazisme, par exemple, on ne va pas avoir un anti-nazi et un nazi, parce qu'il faut respecter le contradictoire.
00:49:25 Mais le problème, c'est que sur l'écologie, on n'a pas encore shifté là-dessus, et on va avoir un militant de Greenpeace, mais aussi un climato-sceptique.
00:49:33 Parce qu'il faut quand même écouter les deux. Et en fait, on a vraiment un gros problème là-dessus, c'est-à-dire qu'on n'a pas encore intégré le fait que
00:49:39 c'est une vérité scientifique et on ne peut pas la réfuter. C'est impossible. Il y a potentiellement des sensibilités entre certains scientifiques, sociologues,
00:49:48 chercheurs, chercheuses, etc., et des militants, d'associants, mais fondamentalement, on ne peut plus opposer, on ne peut plus donner ça.
00:49:56 Et donc je pense que déjà, ça, c'est un gros gros souci. Et voilà la question de la formation et de la sensibilisation à ces enjeux.
00:50:04 Après, il y a du positif. Il y a des gros médias comme Le Monde, comme Ouest France, qui lancent des grands plans de formation climat au sein de leur rédaction,
00:50:13 mais pas que. Radio France aussi, effectivement. Donc ça, ça prend beaucoup de temps, évidemment. Ça ne va pas se faire en un claquement de doigts.
00:50:20 Ils ne vont pas convertir absolument tous leurs salariés en 48 heures là-dessus, mais malgré tout, ils font tous des fresques du climat.
00:50:27 Ils réfléchissent. Ils vont essayer d'intégrer tous ces enjeux-là dans les papiers, à la radio, etc. Ça va prendre du temps, mais ça, c'est le côté quand même positif.
00:50:36 Ça se fait. Il y a des changements qui sont initiés par ces gros médias de masse. Et c'est absolument fondamental.
00:50:43 Et ensuite, dernier truc sur... Effectivement, je ne critique pas du tout les gens qui font les tomates dans leur jardin. J'adore les tomates et j'aimerais faire pousser des tomates sur mon balcon.
00:50:54 C'est pas la question. Après, par contre, il faut aussi juste regarder dans l'empreinte carbone. Un petit peu comme d'une tomate, c'est un très bon exemple.
00:51:04 La part du transport dans l'empreinte carbone est très très faible. Ce qui va compter, c'est plutôt la saisonnalité. Si on mange une tomate maintenant, il y a 99% de chances qu'elle soit dégueulasse.
00:51:16 Mais en plus de ça, qu'elle est poussée dans une serre chauffée au gaz. Donc l'empreinte carbone va être très très élevée.
00:51:23 Et potentiellement, si on fait chauffer une serre à pantin qui va nous donner une tomate, elle va quand même plus polluer qu'une tomate qui viendrait de Marseille par exemple.
00:51:34 Donc il faut aussi être vigilant sur cette question du transport. Il faut d'abord végétaliser nos assiettes. Mais effectivement, le transport, il faut quand même l'avoir en tête.
00:51:45 Et notamment toutes ces livraisons jusqu'à la porte, c'est un problème.
00:51:50 Je pense que Raphaël tu voudrais peut-être ajouter quelque chose sur le confort. Mais avant ça, j'aimerais juste en profiter à notre tour pour faire une mini-pub.
00:51:57 Quand on parle de récits écologiques qui sont un peu à la hauteur. Sur NoYu, on propose des articles un petit peu particuliers.
00:52:05 C'est ce qu'on appelle notre série "La France en 2050" où à chaque fois, on fait l'exercice de faire un mini-récit.
00:52:13 C'est vraiment quelque chose de fiction qui nous projette dans une France de 2050 qui a réussi sa transition écologique.
00:52:19 Et on va regarder ce que ça veut dire pour l'alimentation, pour la mode. Là, on en a fait un très récemment sur la montagne.
00:52:25 La montagne en 2050, quand il n'y aura quasiment plus de glaciers, qu'on ne pourra plus faire de ski, qu'est-ce qu'on va faire à la place ?
00:52:30 Et à chaque fois, on essaie de proposer un récit positif qui montre que c'est possible de se procéder dans une France écolo.
00:52:38 Si jamais ça vous intéresse, n'hésitez surtout pas à lire les articles sur le sujet.
00:52:43 Très très rapidement, un excellent livre. Je ne pense qu'à travers... Pardon, c'est pas un snobisme.
00:52:53 C'est Stefano Bonni, un anthropologue culturel italien, qui a écrit un essai qui s'appelle "Homoconfort".
00:53:01 Et sa thèse est assez radicale parce qu'elle consiste à dire, au fond, le premier point de blocage de non-évolution du système, c'est notre attachement collectif au confort.
00:53:17 Et c'est une notion à laquelle on est attaché depuis, en gros, la révolution industrielle, qui fait l'objet d'un consensus droite-gauche depuis.
00:53:27 C'est-à-dire que tout gouvernement promet à ses citoyens l'augmentation du confort.
00:53:32 Et la grande question de notre siècle, c'est comment est-ce qu'on articule ça ? Est-ce qu'il faut l'articuler ?
00:53:38 Lui, sa réponse est non à cette notion de fin de l'abondance et de rupture de tous les chênes avec lesquels on réfléchissait jusqu'à présent.
00:53:48 Et là, pour juste reboucler très rapidement sur confort, ville et lutte des imaginaires, il y a un point très précis qui a récemment fait l'objet de débats.
00:53:59 C'est les débats parlementaires autour de la notion des ZFE, les zones à faible émission.
00:54:04 Où, en fait, qui s'est emparé de la lutte contre les ZFE ? Le Rassemblement National, par l'intermédiaire d'un de ses députés, le député du Gard, qui s'appelle Pierre Meurin.
00:54:16 Sa bio Twitter, c'est "automobiliste militant". Mais c'est très intéressant. Alors lui, il pose devant sa vieille Twingo en disant "Vive la voiture".
00:54:26 Parce que, précisément, reliée à cette notion du confort, lui se pose comme le défenseur du confort des classes moyennes, populaires,
00:54:36 qui seraient attaqués par ces méchants écolos qui interdireaient des voitures polluantes d'entrer dans les villes.
00:54:43 Marine Le Pen ayant d'ailleurs twisté ZFE en zone à forte exclusion. Vous voyez le terme de...
00:54:49 C'est intéressant parce que là, en termes de bataille de narratifs, on est en plein dedans.
00:54:52 Donc moi, la question, alors évidemment, je n'ai pas la réponse, c'est comment est-ce qu'on fait ?
00:54:56 Parce que peut-être contrairement... Ce n'est pas un élément de dissension, mais un élément de débat. Contrairement peut-être à ce que tu disais tout à l'heure, Alessandro.
00:55:02 Je ne fais pas le... Tu me diras si c'est ça que tu avais en tête. Je n'oppose pas forcément l'hute locale et ce que tu appelais, toi, la social-démocratie.
00:55:13 C'est-à-dire la foi ou la croyance dans laquelle le système politique en lui-même pourrait être un point d'échappement et de transformation du système.
00:55:21 Moi, la question que je me pose, alors plutôt de tradition social-démocrate, si je devais me confesser,
00:55:28 c'est de dire comment faire précisément pour que ces classes populaires, articulées à cette notion du confort,
00:55:36 ne soient pas totalement exclues des métarécits et ne basculent pas dans les parties qui s'autoproclameraient défenseurs de cette classe moyenne et de ce confort
00:55:44 et qui seraient en fait une façon de régresser sur le plan climatique. Bon, pardon, j'ai été un peu long, mais...
00:55:52 Bonjour, merci de nous donner la parole et grâce à Libération, auquel je suis abonné depuis 40 ans avec ma femme, vivant à Paris, née à Paris,
00:56:09 je peux vous dire que je suis ravi de cet entretien, de cet échange très positif comme j'en ai eu depuis hier matin et après-midi
00:56:21 et ce matin avec un magnifique concert de musiciens qui se battent pour la planète et pour la vie
00:56:32 et qui m'ont amené cet après-midi à terminer le débat avec vous. Bravo pour tous ceux qui poussent pour que chacun d'entre nous,
00:56:44 être humain sur la planète à Paris, ait un récit pour avancer. C'est ça la vie et vous avez complètement raison de penser qu'avec tous les éléments de la vie,
00:56:55 la musique, les arts, la philosophie, la sociologie et tout ce qu'on peut penser chacun dans notre petite tête et dans notre petit cœur, pour se faire notre récit.
00:57:06 C'est pour ça qu'on est là. Merci Libération, merci les associations. J'ai le privilège d'être aussi dans une assoce où il y a un peu de mouvement et d'action.
00:57:17 Je peux la citer, c'est ATTAC. C'est une association qui milite contre les injustices financières et contre les paradis fiscaux.
00:57:27 Il n'y a pas de honte, mais c'est quand même très compliqué de se battre contre tout ça. Mais si on est tous ensemble et si vous trouvez la nouvelle génération,
00:57:36 des élans comme il y en a aujourd'hui et comme il y en aura d'autres. J'ai eu le privilège de faire la révolution de mai 68. Vous savez certains dans l'histoire, dans les écoles,
00:57:48 on apprend un peu. Mais ce n'est pas important le passé, ce qui est important c'est l'avenir. Et à partir d'aujourd'hui, d'avancer comme vous le faites,
00:57:57 grâce à ceux qui ont organisé magnifiquement ce week-end de débat. Et bien sûr aux médias, dont Libération. Mais il y a un chacal dans sa façon.
00:58:09 Et des bons médias, et des bons livres, et des bons films, et des bons échanges. Merci.
00:58:16 (Applaudissements)
00:58:23 Oui madame, une question du coup.
00:58:25 Oui on va prendre deux autres questions et ça sera les dernières.
00:58:29 Merci. J'ai eu l'impression dans la présentation et ensuite dans le déroulement que quand on parlait des nouveaux récits, tout le monde était d'accord.
00:58:40 Et qu'il y avait une sorte de club des nouveaux récits. Et ensuite j'ai senti, et il me semble que c'est important, que vous, je me suis perdue votre prénom,
00:58:52 vous aviez parlé plusieurs fois de renoncement et votre voisin en est bien connu pour parler plutôt de nouvelle orientation.
00:59:02 Et je voudrais vous demander ce que vous pensez justement de cette nébuleuse des nouveaux récits.
00:59:08 Est-ce qu'elle n'est pas l'objet de conflits, de tensions qui sont, pour ma part je pense, productifs,
00:59:15 mais qu'on a tendance peut-être à camoufler sous le terme générique, comme si tous allaient dans le même sens et étaient des semblables, proches en tout cas ?
00:59:33 Bah si, il y a plein de nouveaux récits, pas du tout compatibles entre eux et antagoniques.
00:59:37 Encore une fois, l'écologie de gouvernement au sens large, l'écologie des classes dominantes, est un projet écologiste fort qui a pris acte de la crise écologique,
00:59:49 qui réagit de façon très déterminée et qui a les récits de légitimation qui y vont avec. Et donc ça c'est tout à fait un nouveau récit.
00:59:56 Et ça il faut prendre acte de ça, il ne faut pas du tout croire que les classes ultra-dirigeantes sont passives.
01:00:05 On parle souvent de l'inaction du gouvernement, ils ne sont absolument pas inactifs.
01:00:08 Si, ça serait tellement beau s'ils étaient inactifs et si on avait un peu de marge de manœuvre, mais ils attaquent de tous les côtés.
01:00:13 Sur l'agriculture industrielle, les mégabassines en sont un exemple.
01:00:17 D'ailleurs le concept de ville écologique fait partie de ce nouveau récit.
01:00:21 Dans le projet politique des classes dominantes, il y a des villes écologiques, toutes avec une ceinture maraîchère de produits bio de bonne qualité,
01:00:29 qui servent à nourrir l'élite économique de la ville. Il y a des zones ultra-protégées de forêts en libre évolution,
01:00:35 sans doute à l'entrée payante, qui servent à la grande bourgeoisie des villes à se délasser, à développer des nouvelles relations aux vivants.
01:00:42 Il y a tout le reste du territoire dévasté par l'agriculture industrielle et des villes moyennes sans doute gérées par la répression et le contrôle principalement.
01:00:49 Quand on dit nouveau récit, on n'est pas tous d'accord sur quel est le nouveau récit, on s'interrogeait sur le pouvoir causal de ces récits.
01:00:58 Si je peux me permettre, on peut aussi remettre en question le terme "nouveau".
01:01:03 La plupart de ces récits, on les a depuis les années 70, depuis le rapport Meadows, et même avant.
01:01:10 Toutes les techniques pour l'architecture maligne dont on parlait tout à l'heure, ce sont des trucs qui datent d'il y a très longtemps.
01:01:20 C'est juste peut-être renouveler certains récits et en créer des plus pertinents peut-être,
01:01:26 mais il faut aussi mettre en valeur tout ce qui a été fait déjà et le remettre sur le devant de la scène. On n'a pas réinventé la roue à chaque fois.
01:01:34 Une mini-réaction à ça, il y a quand même quelque chose de nouveau dans le fait de renoncer,
01:01:39 enfin c'est pas nouveau, évidemment il y en a déjà eu plein, mais néanmoins de décorréler la délivrance matérielle avec la liberté.
01:01:46 Le concept de liberté qui a été quand même travaillé par la bourgeoisie depuis deux siècles,
01:01:50 comme étant la faculté de déléguer à d'autres tout ce qu'on ne veut pas faire soi-même.
01:01:54 Et notamment les tâches liées au travail de la terre, à l'approvisionnement matériel,
01:01:58 et aussi, ça c'est la différence entre la bourgeoisie et l'aristocratie, de pouvoir se désintéresser des tâches politiques.
01:02:03 Pour pouvoir se consacrer au commerce, c'est donc ce que l'aristocratie faisait faire à d'autres,
01:02:08 les tâches de la terre en entretenant une armée, et la bourgeoisie fait pareil grâce aux marchés et au pouvoir d'État.
01:02:14 Mais en tout cas, la vaste majorité des récits qui ont fait la modernité,
01:02:19 autant il y a des penseurs progressistes qui disaient que ça serait quand même bien que la population se réintéresse un peu à la politique,
01:02:25 mais par contre le fait de se débarrasser des contingences matérielles liées au travail de la terre,
01:02:30 notamment, ça a quand même fait relativement l'unanimité à quelques exceptions près.
01:02:33 Et donc là, aller à l'encontre de deux siècles d'histoire des idées, pour dire maintenant en fait,
01:02:38 reprendre en main son autonomie matérielle, c'est quelque chose de désirable, c'est pas une punition, c'est pas une privation.
01:02:44 Reprendre de façon communaliste en main la façon d'habiter un territoire,
01:02:49 et notamment de s'offrir le luxe d'entretenir avec les vivants non humains, les plantes, les animaux, les écosystèmes,
01:02:55 des rapports non utilitaristes, on tient compte de leurs intérêts, que tout ça ait une perspective désirable.
01:02:59 Là, il y a quand même quelque chose de, en partie, pas nouveau, c'est jamais nouveau,
01:03:03 mais qui en tout cas doit aller à l'encontre des deux piliers qui ont fait l'idéologie de la bourgeoisie,
01:03:09 c'est-à-dire faire faire aux prolétaires tout ce qu'on n'a pas envie de faire,
01:03:12 et s'offrir le luxe de se désintéresser de la politique.
01:03:15 Merci déjà pour la grande qualité de la table ronde.
01:03:27 J'aimerais juste pousser ce qui vient d'être dit, parce que là, typiquement, dans les quatre œuvres qui ont été présentées,
01:03:32 il y en a trois qui se passent dans des mégapoles, et qui se passent dans des énormes villes,
01:03:36 qui sont aussi à la base du problème au sein duquel on se trouve,
01:03:39 et où la concentration des pouvoirs est assez importante,
01:03:42 et justement la question c'est, est-ce que le métarecits urbain, c'est justement pas l'un des problèmes,
01:03:47 et un des écueils dans les récits qu'on a aujourd'hui autour de l'écologie ?
01:03:51 Est-ce qu'on pourrait pas dépasser le récit urbain pour trouver d'autres formes de territorialité ?
01:03:55 C'est ce que vous avanciez, à mon avis, monsieur Pignochi.
01:03:59 Donc est-ce qu'on pourrait pas faire une critique aussi du sujet même de la ville ?
01:04:04 Je suis pas du tout compétent pour répondre.
01:04:15 Puisqu'on a réinterrogé ou requestionné la notion de nouveau,
01:04:22 pour le coup la critique de la ville n'est pas neuve du tout, donc c'est intéressant.
01:04:25 Comment est-ce qu'à travers la question écologique,
01:04:28 cette critique de la ville ressurgit avec d'autres contenus et d'autres formes ?
01:04:33 Moi j'avais été très marqué par la réflexion de Post-Covid,
01:04:38 d'un petit essai qui s'appelle "La revanche de la province".
01:04:43 Ça aurait été marrant d'ailleurs qu'il inverse le...
01:04:46 par Jérôme Batout, et lui disait sur une histoire très longue,
01:04:51 sur 200 ans d'histoire des idées,
01:04:54 en fait, pendant très longtemps, la province c'était l'ennui.
01:04:58 C'était considéré comme tel et véhiculé comme tel, y compris dans les romans.
01:05:01 Madame Bovary, la province, on s'emmerde, il se passe rien.
01:05:05 Je vais à très grand trait.
01:05:08 Et ce que lui montre, c'est que ce qu'il appelle lui "la revanche de la province",
01:05:12 c'est qu'il y a une inversion totale.
01:05:15 C'est-à-dire que l'idéal maintenant des urbains,
01:05:17 c'est de venir coller au style de vie de la province.
01:05:20 Alors que lui décrit comme étant un mode de vie plus lent,
01:05:24 c'est-à-dire sans débarrasser du stress urbain, etc.
01:05:28 Une relation beaucoup plus harmonieuse,
01:05:30 beaucoup plus rapprochée aux autres, à son voisin,
01:05:33 aux formes humaines, non humaines, la nature.
01:05:36 Donc je trouvais ça intéressant.
01:05:38 Dans cette critique de la ville, comment est-ce que précisément,
01:05:41 et je suis tout à fait d'accord avec vous,
01:05:42 il y a d'autres imaginaires à faire apparaître,
01:05:44 et comment est-ce que cet imaginaire-là, par rebond,
01:05:46 et c'est juste là mon intervention,
01:05:48 vient venir percuter les habitants eux-mêmes des villes,
01:05:51 qui par ailleurs fuient massivement Paris,
01:05:54 perdent 12 000 habitants par an, et c'est pas tout à fait pour rien.
01:05:58 (Pause)
01:06:18 De voir ce que ça fait de reprendre en main collectivement
01:06:21 son autonomie matérielle, et en l'occurrence,
01:06:23 il y a des affects, des joies, des formes de désaliénation
01:06:26 qui sont impossibles à anticiper si on ne s'y est pas frotté.
01:06:29 C'est quand même la limite du récit,
01:06:31 c'est que si on s'en tient aux exercices d'imagination,
01:06:33 il y a un moment où ça achoppe quand même.
01:06:35 Et que donc l'une des vertus de reprendre en main des territoires,
01:06:38 c'est de donner l'occasion, y compris à des gens de passage,
01:06:41 de voir ce que ça fait vraiment, ces histoires de rendre désirables
01:06:44 l'autonomie matérielle et politique.
01:06:47 Merci. Désolé, on va pouvoir conclure.
01:06:50 On a un peu dépassé, même beaucoup dépassé,
01:06:53 mais ça témoigne de la qualité de l'échange qu'on a pu avoir
01:06:57 avec nos intervenants. Merci à vous d'être venus.
01:07:00 Merci à nos intervenants. J'en profite pour vous annoncer
01:07:03 qu'au deuxième étage, à la salle des fêtes,
01:07:05 il y a une librairie Utopia qui vend pas mal d'ouvrages
01:07:08 sur le thème de l'écologie, et entre autres,
01:07:10 certains des ouvrages des intervenants qu'on a eu la joie
01:07:12 de recevoir aujourd'hui. Merci à vous d'être venus.
01:07:14 Merci à Libération d'avoir organisé cette table ronde.
01:07:17 Et puis, bonne fin d'après-midi à tous. Merci.
01:07:21 Sous-titrage Société Radio-Canada
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01:07:43 [SILENCE]