L'édito de Paul Sugy : «En politique, le silence est d'or ?»
Dans son édito du 05/04/2023, Paul Sugy revient sur la question des politiques.
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00:00 La politique avec Paul Sujit.
00:01 Bonjour Paul.
00:02 Bonjour Romain.
00:02 Ce matin, vous vous posez une question Paul.
00:05 D'habitude, la politique, c'est l'art de prendre la parole.
00:09 Mais on se demande désormais s'il ne vaut pas mieux
00:12 prendre la parole le moins possible, parler le moins possible.
00:16 En tout cas, c'est la stratégie de plusieurs candidats
00:19 à qui on prête des intentions pour 2027.
00:22 Oui Romain, effectivement, ils sont plusieurs à vouloir faire mentir l'adage
00:25 et à penser que les absents n'ont pas toujours tort.
00:27 Chacun à leur façon, ils pensent que le plus sûr pour l'instant
00:30 est de rester en retrait, que s'il faut un jour franchir le Rubicon,
00:33 eh bien il n'est pas nécessaire que ça soit trop vite ou trop tôt.
00:35 Alors cela, c'est évidemment Laurent Wauquiez,
00:38 dont le silence bien sûr depuis le faible score de la droite
00:40 aux européennes en 2019 est devenu assourdissant.
00:43 En un sens aussi, c'est Édouard Philippe,
00:44 alors qui certes donne de temps en temps des interviews,
00:46 il en a donné une récemment au Figaro,
00:47 mais qui distille sa parole aux comptes gouttes
00:51 et qui demeure à bonne distance de la ligne de front.
00:53 C'est encore Marine Le Pen, qui n'a évidemment pas disparu de la scène politique,
00:56 mais dont la parole se fait rare et qui surtout a orchestré
01:00 une opposition discrète à la réforme des retraites,
01:02 sans chercher à se mêler à la surenchère,
01:04 ni dans la rue, ni même à l'Assemblée nationale.
01:07 Ce sont enfin les rescapés de l'ère Hollande aux partis socialistes,
01:09 Martine Aubry, Carol Delga aussi dans une moindre mesure,
01:13 qui attendent leur heure patiemment.
01:15 Tous ont en commun ceci Romain,
01:16 c'est de penser que si la parole est d'argent, le silence est d'or,
01:20 leur souci c'est de ne pas épuiser leur parole,
01:22 de ne pas la démonétiser trop vite.
01:24 Qu'est-ce qu'ils risqueraient selon vous s'ils parlaient davantage ?
01:27 Selon moi, selon eux aussi,
01:28 surtout ils ont des raisons différentes de se taire.
01:30 Laurent Wauquiez reste distant parce qu'il ne sait pas quoi dire
01:34 sur la réforme des retraites, sur les tensions aussi internes à son parti,
01:37 sur les conflits de ligne politique au sein de la droite et des Républicains,
01:40 sur ses intentions futures.
01:42 Il a fait sienne la Maxime célèbre du Cardinal de Ress,
01:44 on ne sort de l'ambiguïté qu'à son détriment.
01:47 Et Laurent Philippe parle peu parce qu'il ne peut rien dire surtout.
01:50 S'il a vraiment les intentions qu'on lui prête,
01:52 alors tous ses rivaux ou presque sont aux affaires et ce sont ses amis.
01:55 Alors qu'il est, il est évidemment interdit de parler sur eux pour critiquer leur action,
02:00 toute trahison serait une faute politique impardonnable.
02:03 Mais enfin, personne ne l'oblige non plus à leur tresser des lauriers tous les matins,
02:06 surtout quand ils se sont mis le pays entier à dos.
02:09 Le plus sage reste donc d'en dire le moins possible.
02:11 Marine Le Pen, elle parle peu,
02:13 surtout parce qu'elle ne veut rien dire ou qu'elle pense n'avoir pas besoin de trop en dire.
02:17 L'exercice du pouvoir, se dit-elle, use petit à petit son adversaire
02:21 et puis l'usage tonitruant de la parole par les oppositions,
02:23 en particulier Jean-Luc Mélenchon à gauche, eh bien les affaiblit.
02:28 Alors elle, à deux reprises, elle n'a pas su faire la différence dans un débat,
02:31 mais elle se dit que maintenant, ce sont les faits qui vont parler pour elle.
02:34 Vous, Paul Sujit, qu'est-ce que vous en pensez ?
02:37 C'est la bonne stratégie ou pas ?
02:39 Disons Romain qu'il y a un point sur lequel on ne peut pas leur donner tort,
02:41 c'est que l'exercice de la parole publique est devenu de plus en plus contraignant
02:46 et piégeux même en un sens.
02:47 L'information en continue, la chasse aux petites phrases sur les réseaux sociaux,
02:50 l'épuisement du débat politique aussi en commentaire, en commentaire de commentaire,
02:54 bon eh bien tout ceci contribue à guelvoder la parole publique politique,
02:58 à l'affaiblir jusqu'à la fondre dans un bavardage incessant
03:01 qui fatigue les lecteurs, on le voit bien,
03:02 et puis qui dilue peu à peu son intérêt pour la conversation civique.
03:06 La médiocrité aussi des uns et des autres a fait le reste, notamment à l'Assemblée nationale.
03:10 Mon confrère Sébastien Schneegans dans Le Point observe que par exemple,
03:13 la côte de popularité de Nicolas Sarkozy, qui parle beaucoup moins dans les médias,
03:16 eh bien reste supérieure à celle de François Hollande,
03:18 qui donne une interview très régulièrement pour donner son point de vue sur la situation politique.
03:22 Maintenant Romain, la discrétion ce n'est pas le silence absolu.
03:25 Il faut distinguer par exemple la rareté d'une Marine Le Pen qui reste à l'avant du front,
03:29 qui ne fait évidemment pas mystère de ses convictions sur tous les grands sujets politiques du moment,
03:34 à celle par exemple d'un Laurent Wauquiez ou même d'un Édouard Philippe,
03:37 à qui on a pu reprocher dans leur camp de déserter dans une certaine mesure le champ de bataille,
03:41 alors que leurs amis eux faisaient face à la mitraille.
03:44 Le risque c'est de paraître manqué de courage dans son propre camp
03:47 et voire de se faire oublier.
03:49 N'oublions pas que l'adage dit aussi que lorsque l'on reste loin des yeux, on est aussi loin du cœur.
03:53 Merci beaucoup Paul Sugivo.
03:56 Sous-titrage Société Radio-Canada
03:59 [SILENCE]