Nous recevions ce matin Melanie Auffret, réalisatrice et Lionel Abelanski, comédien pour parler de leur film "Les Petites Victoires".
"Ce film est politique, c'est ça qui touche les gens" selon Lionel Abelanski
"Un maire m’a vraiment chamboulée. Il ne voulait pas se représenter. Il m'a dit qu'il était arrivé plein d'espoir, mais qu'il repartait avec ce qu’il y a de plus beau : les petites victoires" raconte Melanie Auffret.
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"Ce film est politique, c'est ça qui touche les gens" selon Lionel Abelanski
"Un maire m’a vraiment chamboulée. Il ne voulait pas se représenter. Il m'a dit qu'il était arrivé plein d'espoir, mais qu'il repartait avec ce qu’il y a de plus beau : les petites victoires" raconte Melanie Auffret.
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00:00 Bonjour, on est ravis de vous accueillir.
00:02 Merci d'être là, Mélanie Offray.
00:04 Vous êtes la réalisatrice de ce film, Lionel Abelanski.
00:07 Bonjour, vous êtes l'acteur, l'adjoint du maire.
00:09 On va en parler dans quelques instants.
00:11 Bon, le film est sorti le 1er mars.
00:14 C'est un carton, on peut le dire.
00:16 On peut dire ça comme ça.
00:18 Il y a quoi, plus de 800 000 entrées, je crois.
00:21 C'est ça, c'est une surprise pour vous, Mélanie ?
00:24 - Je ne sais pas si c'est une surprise.
00:25 En tout cas, on a travaillé, on a fait des mois et des mois de tournée
00:28 pour aller présenter le film un peu partout en France.
00:31 Donc, on est content surtout que le public se retrouve et se l'approprie.
00:34 C'est une très belle petite victoire.
00:36 - Quels sont les retours les plus surprenants que vous avez eus ?
00:41 - Ce que je voudrais juste ajouter, c'est que Mélanie,
00:44 elle a fait des mois de tournée, mais presque toute seule.
00:47 C'est-à-dire avec des films. - Oui, c'est ça qu'il faut raconter.
00:49 - Elle est vraiment allée dans des villages où il n'y a pas de culture,
00:52 où il n'y a pas de cinéma, où elle a amené le film.
00:55 Et ça a été un engagement incroyable.
00:58 Elle a été admirable là-dessus.
01:00 Je lui redis encore, je lui dis, elle nous a tous bluffés.
01:04 Pour porter ce film et en fait, quel est le sens aussi du film ?
01:07 - C'est ça qu'il faut raconter.
01:08 Vous avez fait la promo dans plusieurs endroits en France pendant six mois, c'est ça ?
01:12 - Oui, c'est ça. - Est-ce que vous pouvez nous expliquer un peu comment ça s'est passé ?
01:13 - En fait, on a eu envie avec mes distributeurs de raconter vraiment une histoire
01:17 avec les petites victoires.
01:18 C'est-à-dire qu'on a tendance d'habitude à donner l'exclusivité
01:21 pour des avant-premières aux grandes villes.
01:23 Et on s'est dit, ici avec les petites victoires,
01:25 on donnait l'exclusivité aux petits villages, aux petits cinémas.
01:28 Parce que c'est vrai qu'on parle dans le film de l'importance
01:30 de maintenir les services de proximité,
01:32 mais je pense que c'est très important aussi de maintenir la culture de proximité.
01:35 Et ça a été cette idée aussi d'aller donc donner en avant-première
01:42 l'accès aux films à des petits villages, des petits cinémas
01:44 qui n'avaient jamais reçu d'équipe de film.
01:47 Et ça a été assez incroyable, oui.
01:49 - Alors on va voir tout de suite un extrait,
01:51 puis on en reparle tout de suite après.
01:54 - J'ai une bonne nouvelle.
01:55 Je me suis rangée avec la boulangerie de Boirec.
01:57 On peut vendre leur pain ici.
01:59 - Je conteste pas Alice, mais pourquoi on rouvre pas le bistrot ?
02:02 - Je crois qu'on détient le record départemental de retrait de permis par habitant.
02:05 - Tu l'as toujours ta tireuse ?
02:09 - Qu'est-ce que je vois, Madame le maire ?
02:13 Qui est enterrée à côté de Montmarcel ?
02:15 Cette garce de Georgette Moreau.
02:17 Et alors ?
02:17 Elle a toujours tourné autour de mon mari.
02:20 - Bordel, y a un trou comme ça dans la chaussée.
02:22 - On attend son tour.
02:23 - Oh, ta gueule la cocu !
02:25 J'ai failli esclater ma bagnole.
02:28 Faut me réparer ça.
02:29 - Allez, on range le vélo !
02:30 Oh non !
02:32 - Mais qu'est-ce que vous faites là ?
02:34 - Je viens apprendre.
02:35 - Pourquoi tu sais pas lire ?
02:38 - C'est jamais rentré dans ma tête et puis...
02:40 Après, j'ai oublié.
02:41 A...
02:42 U...
02:43 - Non.
02:44 A-U, ça fait O.
02:45 - Bah non, ça fait A-U.
02:47 - Bah non, ça fait O.
02:49 - Et P-H, ça fait F.
02:51 - Non, tu déconnes.
02:52 - Non.
02:54 - Tu sais même pas tenir ton crayon, bouffon.
02:56 - Et toi, t'es moche comme ton père.
02:58 - Quel nage.
02:59 - Crétin.
02:59 - T'as Émile Menoud à l'école.
03:01 - T'es trop gentil, Alice.
03:02 - Et on lève bien les genoux.
03:04 Lève les genoux, je te les pète.
03:06 - On peut vivre sans richesse...
03:08 - Oh merde, là voilà.
03:10 - Francis, t'as tiré un zaleo !
03:12 Allez les gars !
03:13 - Salut, ça va ?
03:14 - Ah Patrick, ça va toi ?
03:15 - Madame le maire.
03:18 - Dans le feu de la jeunesse naissent les plaisirs.
03:24 Et l'amour fait des prouesses...
03:26 - Vous avez vu ma dictée ?
03:28 Presque sans faute.
03:29 - Juste 12.
03:31 - Ouais !
03:33 - Monsieur Menoud, la cigarette ?
03:36 - Bah c'est le réfré.
03:37 - Voilà pour cette bande-annonce.
03:41 - Pardon.
03:42 - Pardon, c'est...
03:43 - Michel Blanc qui est extraordinaire dans ce film également.
03:45 C'est un film politique.
03:46 Vous parlez d'un film politique, engagé.
03:50 - Non, le souhait n'était pas de faire un film politique ni militant.
03:54 Après, on me demande souvent quel est le message aussi que je souhaite,
03:58 que j'ai voulu en effet mettre en avant.
04:00 Je pense que c'est l'importance de faire des choses ensemble.
04:02 Je pense que voilà, dans nos petits villages, il faut continuer à se battre
04:04 pour qu'il se passe des choses et ça passe par le lien social.
04:08 Et je pense que tant que les gens continueront à se voir,
04:10 continueront à échanger, continueront à avoir des projets,
04:14 alors il y aura ce lien et il se passera plein de choses et il y aura de l'action.
04:17 - Oui, c'est ça, c'est que même la tonalité est intéressante.
04:20 Il n'y a pas de misérabilisme, il y a une sorte d'enthousiasme.
04:23 C'est aussi pour ça que ça marche, Lionel, ce film.
04:25 - Moi, je crois.
04:26 C'est parce que ça touche profondément les gens.
04:28 Mais je pense que Mélanie, elle dit qu'elle ne fait pas de film politique,
04:31 mais ces deux films sont politiques.
04:33 Son premier film qui s'appelait Roxane,
04:35 ça parlait aussi des exploitants agricoles qui avaient du mal.
04:39 Et voilà, sa façon d'en parler, c'est la comédie.
04:41 Et je crois que c'est ce qui touche les gens.
04:43 C'est à dire qu'on ne va pas...
04:45 Alors, il ne faut pas dire que le drame, c'est du pathos,
04:47 mais elle ne va pas dans le pathos.
04:49 Elle essaye de rendre vrai, humain et beau ces gens.
04:55 Et voilà, elle est sublime et elle leur donne une motivation.
05:01 - Et pourtant, le film se déroule dans un village, Kergouen,
05:05 qui n'est pas un village facile.
05:07 C'est quoi ?
05:08 C'est le symbole, c'est un village qui est un peu le symbole de la France dite périphérique.
05:13 La France peut-être des Gilets jaunes.
05:14 On peut le résumer comme ça ou c'est un peu trop schématique ?
05:17 - Non, je pense que c'est surtout...
05:20 Les personnages de Alice, les personnages de Emi,
05:23 ce sont des personnages qui sont...
05:24 - Donc la mère, Alice.
05:25 - La mère Alice, qui est à la fois l'institutrice et en même temps la mère de son village,
05:30 elle est, je pense, un personnage qui a l'image de notre société,
05:35 de ces personnes qui sont complètement dévouées à leur fonction,
05:37 dévouées à leur administrée
05:39 et qui font partie des gens qui ont envie de changer les choses.
05:42 Et donc, je n'ai pas envie forcément de parler de Gilets jaunes.
05:47 Ce n'était pas forcément le souhait,
05:49 mais c'était une vraie envie que les gens s'identifient à elle.
05:53 C'est vrai qu'aujourd'hui aussi, un personnage comme Alice,
05:55 c'était un vrai souhait de montrer une femme qui soit indépendante,
05:59 qui soit forte, qui soit aussi célibataire,
06:02 qui ait des envies et des objectifs qui ne soient pas forcément,
06:06 voilà, je vais dire, un peu communs à ce qu'on peut voir dans les films.
06:11 Elle n'est pas dans une quête amoureuse,
06:12 elle est plutôt dans une quête de soi.
06:14 Et je pense que c'est des problématiques qui nous parlent aujourd'hui.
06:17 - Donc, il y a le personnage d'Alice et puis il y a le personnage de Saturnin.
06:21 - Ah, je croyais que vous alliez parler de Michel Blanc,
06:23 le personnage de Michel. - Votre personnage, Lionel.
06:25 - Qui est Saturnin ?
06:26 - Qui est un personnage qui est dévoué à...
06:29 - Gilets jaunes en mer ?
06:31 - Oui, donc à sa mère, à son mère, à sa mère, à sa mèresse.
06:35 - À sa mèresse. - À sa mèresse, oui.
06:36 Qui est un ami fidèle, qui lui est voué vraiment, qui lui doit énormément.
06:42 Alors, c'est pas vraiment raconté, mais nous, on s'était raconté des...
06:45 C'est Mélanie, surtout, qui m'a raconté un peu le background de ce personnage.
06:49 Et qui est prêt, voilà, qui est prêt...
06:52 Qui a des idées un petit peu... Il va un peu trop loin.
06:54 - C'est un rêveur.
06:55 - C'est un peu un rêveur, un idéaliste.
06:57 Il est un peu trop ambitieux pour son visage, pour son village, quoi.
07:01 Il a des visées un peu démesurées.
07:05 - Il en faut du rêve en politique. On peut encore rêver en politique, c'est ça ?
07:08 C'est que Saturnin, il propose de créer une sorte de Silicon Valley dans ce village.
07:14 Et on lui dit "oui, mais il vous manque la fibre, quoi".
07:17 - Oui, il manque la fibre.
07:18 Mais ce qui est très drôle, c'est que les phrases de Lionel,
07:21 elles sont tirées de vraies rencontres que j'ai eues avec des élus.
07:24 Parce que j'ai... Voilà, pour écrire le film que j'ai co-écrit avec Michael Souhaité,
07:28 mon co-auteur.
07:30 Mais avant, moi, je fais vraiment ce travail de terrain
07:32 où j'ai été passer du temps avec une vingtaine de maires partout en France.
07:35 - Un travail presque journalistique, c'est ça ?
07:37 - Exactement, oui. Il y a un travail presque journalistique
07:39 parce que je voulais surtout pas être fausse, être très juste, très sincère.
07:46 Et donc, il y a beaucoup de phrases qui sont tirées du vécu,
07:49 des phrases que j'ai vraiment entendues, la scène à la communauté de communes.
07:52 C'est vraiment des phrases que j'ai notées mot pour mot.
07:55 Et pareil aussi, j'ai rencontré un maire d'un petit village
07:59 et qui était un rêveur incroyable et qui, lui, il avait des idées folles.
08:03 Il était prêt à déplacer des montagnes.
08:04 Et il disait "Ouais, en fait, je veux que mon village soit la prochaine Silicon Valley
08:08 parce que je suis dans une vallée.
08:10 Donc il me manque juste la fille, mais quand la fille sera là, je le ferai."
08:13 - "Tout sera mieux."
08:13 - "Tout sera mieux." Et c'est ça qui est super.
08:16 - Alors l'intrigue tourne autour de la boulangerie du village qu'il faut réhabiliter.
08:20 On va revoir un petit extrait de votre film.
08:23 - J'ai une bonne nouvelle !
08:26 - C'est bon ?
08:28 - Je me suis arrangé avec la boulangerie de Boirec.
08:30 On peut vendre leur pain ici.
08:32 - Ah ! - Top, hein ? Tiens.
08:34 Voilà. Hop.
08:36 Voilà. Tiens, Patrick.
08:38 Allez !
08:43 - Oh, dis donc !
08:47 - Bon. Alors évidemment, il faudra que chaque administré donne un peu de son temps.
08:51 - Je conteste pas, Alice. Mais pourquoi on rouvre pas le bistrot ?
08:54 Le bistrot, lieu de convivialité,
08:56 nouvelle agora moderne, là où on discute des problèmes de la cité.
08:59 - C'est vrai qu'en y réfléchissant...
09:01 - Ouais. C'est vrai qu'en y réfléchissant...
09:03 Je crois qu'on détient le record départemental de retrait de permis par habitant.
09:06 Non ? - Yes !
09:08 - Ouais. Bon, on va plutôt se concentrer sur le pain.
09:10 - Ça représente quoi, une boulangerie dans un village comme Cagouen ?
09:14 - C'est indispensable.
09:16 C'est vrai qu'en faisant vraiment ce travail de terrain,
09:19 je me suis rendu compte que la perte, en fait, des commerces,
09:22 c'est le début, malheureusement, de la descente aux enfers, j'allais dire.
09:27 C'est un peu exagéré, mais c'est les prémices, en tout cas,
09:32 de difficultés que va vivre le village.
09:35 Parce qu'un commerce, une boulangerie, une boucherie,
09:38 c'est là où les gens se voient, se retrouvent,
09:40 et c'est vraiment un endroit qui est essentiel pour le lien, pour le lien social.
09:45 - Il n'y a plus de bistrot, il n'y a plus de coiffeur, il n'y a plus de docteur.
09:49 C'est un des personnages du film qui dit ça à Alice, la mère.
09:52 Mais il reste beaucoup de relations et de chaleur humaine.
09:55 C'est aussi ça qu'il fallait montrer, vous en parliez un peu tout à l'heure,
09:58 mais c'est aussi ça qui ressort du film Lionel.
10:01 - C'est vrai, et puis c'est un peu ce qu'on a ressenti, nous.
10:03 - Au moment du tournage.
10:05 - Au moment du tournage, parce que moi, je suis vraiment parisien, je suis né à Paris.
10:08 J'ai des souvenirs de province qui sont que des voyages
10:12 ou des souvenirs d'enfants, vraiment des souvenirs de vacances,
10:16 ou de travail, maintenant, aujourd'hui.
10:19 Mais on sent qu'il y a une demande, vraiment qu'il y a un manque.
10:25 Et moi, maintenant, j'ai un peu plus de 50 ans, donc j'ai vécu, j'ai connu ces villages
10:31 avec un café, avec une boucherie, avec une boulangerie,
10:34 et ce qui est très, très rare aujourd'hui.
10:37 Et ce qui était fou, c'est que dans le petit village où on tournait,
10:40 qui s'appelle Le Juc, il y a quelques années, il y avait 11 bistrots.
10:44 - On est en Bretagne, je l'en connais.
10:47 - Oui, oui.
10:49 Maintenant, grâce au film, il y en a un qui va se rouvrir.
10:52 - Ah, donc le film a eu son effet.
10:56 - Oui, ça a été marrant.
10:58 En fait, dans le film, ce que vous voyez, on le voit dans la bande-annonce,
11:00 il y a une mairie, mais c'était un bâtiment qui essaie, voilà,
11:03 de laisser son projet depuis plusieurs années.
11:06 Et puis le fait qu'il y ait eu, j'allais dire, un petit buzz médiatique
11:10 avec la présence de Lionel, de Michel, de Julia,
11:13 et bien Le Juc a fait beaucoup parler de lui dans la vallée.
11:16 Et donc ce fameux bâtiment qui était un petit peu laissé sans projet
11:20 depuis plusieurs années va redevenir un bar.
11:22 - C'est une très bonne nouvelle.
11:24 Juste pour revenir sur le maire, sur Alice,
11:27 qui est vraiment le personnage principal, le personnage fort de votre film,
11:31 elle se change en psychologue de couple.
11:34 Elle fait un peu tous les métiers.
11:36 C'est ça qui est aussi génial dans ce film.
11:38 C'est aussi un moyen de tirer la sonnette d'alarme,
11:40 de dire, vous voyez, le rôle de maire aujourd'hui est en danger.
11:43 Il y a des risques.
11:45 On connaît les risques avec les violences, mais il faut aider ces maires.
11:48 Il faut vraiment leur entendre. Il faut les écouter.
11:50 - Il faut les écouter, il faut les entendre.
11:52 Et c'est vrai qu'au début, je n'y croyais pas.
11:54 L'anecdote des confessions intimes du couple,
11:57 sur la vingtaine de maires avec qui j'ai passé du temps,
12:00 il y en a eu neuf qui m'ont raconté cette histoire.
12:02 - Donc expliquez-nous.
12:03 C'est un couple du village.
12:05 - C'est un couple qui vient raconter leurs petits problèmes intimes.
12:09 Et Julie Piaton, qui joue le rôle d'Alice,
12:13 est un peu décontenancée face à ces confessions.
12:16 Et en fait, quand on en parle aussi avec les maires, les élus,
12:19 ils nous expliquent, ils nous disent,
12:21 mais oui, mais comme il n'y a plus de docteur, comme il n'y a plus de curé,
12:23 les gens viennent nous voir pour nous parler de tout ça.
12:25 C'est là où on se rend compte vraiment de la place du rôle du maire,
12:29 qui est comme le clocher sur la place du village.
12:33 C'est vraiment une écoute, c'est vraiment une oreille.
12:37 Et qui sont indispensables aujourd'hui.
12:41 - C'est aussi un moyen de dire, bon, il y a des difficultés,
12:44 mais maire aussi, c'est quand même un job, une fonction,
12:47 qui est intéressante parce qu'on est au contact finalement de ses administrés.
12:50 - Moi, je trouve ça passionnant.
12:52 - Vous, en tant que maire adjoint, comment vous avez vécu ?
12:55 - Je trouve que l'engagement, il est au quotidien,
12:58 c'est quasiment 24 heures sur 24.
13:00 C'est à dire, c'est concret, c'est pas dans la théorie,
13:06 c'est vraiment en lien avec les gens.
13:10 - Et on est aussi à portée d'engueulades.
13:12 C'est à dire qu'on est confondé vraiment à la violence aussi
13:15 des rapports sociaux dans ces communes qui sont délaissées, disons-le.
13:19 - Oui, et puis c'est vrai que dans "Les petites victoires",
13:21 on montre que tout se passe pas non plus toujours bien.
13:24 Il y a des personnes avec qui on s'entend, d'autres avec qui on s'entend moins.
13:27 Ça aurait été faux de ne pas raconter ces rapports-là.
13:30 Et pour rebondir sur ce que vous disiez,
13:32 c'est vrai qu'aujourd'hui, un maire, c'est tout.
13:34 C'est à la fois un technicien de voirie, un technicien EDF,
13:37 un psychologue, un sexologue.
13:40 - Et en plus, il a un métier.
13:42 - Et en plus, il a un métier et que c'est beaucoup plus qu'une fonction,
13:45 c'est un dévouement.
13:47 Et c'est ça aussi qu'on a voulu mettre à l'honneur,
13:50 c'est de parler de ces héros du quotidien qui se pensent ordinaires,
13:53 alors que je pense qu'ils sont extraordinaires par leur action.
13:56 - Vous avez montré le film à des élus, vous avez eu des retours.
13:59 - On a même fait, j'allais dire, mieux,
14:01 c'est qu'au tout début de la tournée,
14:04 on l'a présenté à l'AMRF,
14:06 à l'Assemblée des maires ruraux de France.
14:08 Autant vous dire que j'étais quand même pas mal stressée.
14:11 Il y avait presque 200 maires ruraux dans la salle.
14:15 Et ça a été super parce que...
14:17 La scène de la communauté de communes n'a jamais autant ri.
14:20 Il n'y a jamais eu autant de rire dessus.
14:22 Mais c'était super parce que les gens se sont vraiment retrouvés.
14:25 Et je crois qu'ils étaient émus qu'on mette en lumière un petit peu
14:29 ce qui... Voilà, leur fonction.
14:32 - Et puis dans ce film, il y a cette question posée par Michel Blanc.
14:36 "Il va où, le pognon de nos impôts ?"
14:39 C'est la question qu'il pose quand il débarque dans l'école.
14:42 Il a 65 ans et veut tout reprendre à zéro.
14:45 On va revoir un petit extrait de votre film.
14:47 - Monsieur Monod ?
14:51 - Ah ben, je suis toujours là.
14:53 Et là, eh ben, il y a ton père.
14:56 - Oui.
14:58 - Oh, vache !
15:00 Ils ont pas changé d'étable, hein ?
15:02 Il va où, le pognon de nos impôts ?
15:04 - Qu'est-ce que vous faites, là ?
15:06 - Passez ma place.
15:08 - Mais c'est à dire ?
15:10 - Je viens apprendre.
15:12 C'est ici que ça a merdé, c'est ici que ça repartira.
15:15 - Oui, non mais non.
15:17 Non, ça va pas être possible.
15:19 Je peux pas vous garder dans ma classe, monsieur Monod.
15:21 - Pourquoi vous le pouvez pas ?
15:23 - Eh ben, pourquoi ? Parce que...
15:25 Eh ben, déjà, la loi.
15:28 Et puis aussi, parce que, vous voyez,
15:30 mon plus vieil élève ici, il a 11 ans.
15:32 - Eh ben, aujourd'hui, il a 65.
15:35 Allez !
15:37 - Michel Blanc est, j'ai déjà dit,
15:39 mais il est extraordinaire dans ce film.
15:41 - Merci.
15:43 - Il joue un rôle assez unique,
15:45 qui représente quelque chose aussi, peut-être,
15:47 dans ces villages, Lionel, Mélanie.
15:49 - Ben oui, évidemment qu'Emile, en fait,
15:51 il incarne aussi une certaine forme de solitude.
15:53 Ce genre de personne qui vit un petit peu exclue,
15:56 en Antarcie, un petit peu, qui vit dans sa bulle.
15:59 On sent très bien que c'est...
16:01 - "Je mets pas mon périmètre", c'est sa grande phrase dans son film.
16:04 C'est une manière de dire, voilà, qu'il est un peu assigné à résidence.
16:07 Il peut pas aller au-delà de son village.
16:09 Il voit pas tellement ce qui se passe au-delà de ce village.
16:12 - Et puis là, ça s'est encore plus réduit,
16:14 parce que son histoire, donc, on peut le dire, c'est que...
16:17 - Vous ne vous êtes pas dit.
16:19 - Racontez pas la fin.
16:21 - Son frère est décédé,
16:23 et dans le village, on se rend compte qu'il est illettré,
16:26 qu'il sait ni lire ni écrire.
16:28 Et lui, il décide de retourner à l'école.
16:31 Et c'est la seule solution pour survivre, en fait.
16:34 Parce qu'il peut...
16:36 Donc, il y a l'histoire de ce périmètre,
16:38 c'est-à-dire qu'il ne peut pas sortir,
16:40 parce que sinon, il est perdu. Il est perdu dans le monde.
16:43 Et donc, c'est le rapport de ces 2 personnages
16:46 qui est formidablement bien décrit et qui est très touchant,
16:49 et qui est superbement bien interprété par Michel Blanc.
16:52 - La relation entre Michel Blanc et la mère
16:55 est aussi quelque chose d'assez unique, je pense.
16:58 - Oui. - Vous l'avez constatée aussi sur le terrain,
17:00 ou c'est quelque chose que vous avez rajouté comme ça pour le film ?
17:03 Vous avez fait votre enquête journalistique,
17:05 et cette relation existe dans les faits sur le terrain ?
17:08 Vous avez pu la constater ?
17:10 - Oui, elle existe. Même, ça a été marrant,
17:12 parce que quand j'écrivais le film,
17:14 il y a eu une élue qui m'a parlé
17:16 qu'un de ses techniciens, en fait,
17:19 elle lui avait demandé de noter ses heures.
17:22 Et un jour, à chaque fois, elle lui disait
17:24 "Tu ne me donnes pas tes heures, il faut que tu me donnes tes heures.
17:26 J'ai besoin de savoir, son employé municipal,
17:28 quels sont tes horaires, en fait."
17:30 Et un matin, il l'a attendue sur sa place de parking,
17:33 et il lui a dit "Mais je ne peux pas te les noter, mes horaires."
17:36 - Parce que je ne sais pas... - Parce que je ne sais pas lire,
17:38 et je ne sais pas écrire.
17:39 - La place de l'école est aussi très importante.
17:41 On parlait de la boulangerie, l'école dans un village,
17:44 comme celui que vous décrivez dans votre film,
17:46 c'est aussi central, c'est peut-être la dernière chose qui reste,
17:49 qui connecte la population avec le monde,
17:54 pas extérieur, mais je veux dire, avec la culture,
17:56 de manière générale, la culture officielle.
17:58 - C'est la culture, et puis en même temps,
18:00 c'est ce que dit à un moment donné Marie Bunel dans le film,
18:02 en fait, son petit bon orail, c'est d'entendre les enfants jouer
18:05 dans la cour de récréation.
18:06 C'est ça aussi, c'est que ça amène de la vie,
18:10 ça amène une présence,
18:12 et la présence des enfants symbolise aussi l'avenir.
18:16 Il y a quelque chose de très fort par la présence des enfants
18:18 dans un village.
18:20 - Ça représente l'avenir.
18:21 - Ça représente l'avenir, oui.
18:22 - "Les petites victoires", c'est le nom du film.
18:25 C'est quoi, "Les petites victoires" ?
18:26 Pourquoi "Les petites victoires" ?
18:28 - Pourquoi "Les petites victoires" ?
18:29 Merci de poser cette question, parce que comme je vous le disais,
18:32 j'ai fait un gros travail de terrain,
18:34 et il y a un maire qui m'a vraiment chamboulé,
18:36 qui était un maire d'un petit village en Centre-Bretagne,
18:39 et ce monsieur a été très fatigué,
18:41 il n'allait pas repartir pour un nouveau mandat.
18:43 Je l'ai rencontré en 2019,
18:45 parce qu'il était agriculteur de vaches laitières,
18:48 en même temps que d'être maire,
18:50 et ce monsieur, tous les mois, il perdait de l'argent
18:53 à être maire et à être agriculteur.
18:56 Donc autant vous dire que c'était compliqué,
18:59 qu'il n'allait pas repartir pour un nouveau mandat.
19:03 Et je lui ai demandé "Qu'est-ce que tu as retenu de cette expérience ?"
19:07 Et il m'a répondu cette phrase, il m'a dit "Tu vois,
19:09 je suis arrivée avec l'envie de révolutionner la vie de mon village,
19:12 je suis arrivée avec plein d'espoir,
19:14 et j'ai appris une chose, c'est que je repars avec ce qu'il y a de plus beau,
19:16 c'est mes petites victoires."
19:17 – Ce que vous voulez dire, c'est que les solutions
19:19 viennent peut-être du terrain aussi, vraiment de la base,
19:21 et bien il n'y en a pas forcément de Paris,
19:23 ou du gouvernement, ou de l'État de manière générale,
19:26 question plus politique.
19:27 – Question plus politique, mais c'était intéressant,
19:29 il y a un maire qui me disait "C'est fou,
19:32 quand il y a eu justement tout ce mouvement des Gilets jaunes,
19:36 les maires étaient les premières à ressentir cette détresse."
19:39 Et c'est vrai que c'est fou, la connaissance que peut avoir un maire
19:43 face à son village, face à ses administrés,
19:45 il y avait une élue qui m'avait dit cette phrase,
19:49 que pendant le Covid, elle pouvait dire le contenu des frigos
19:52 de chacun de ses administrés.
19:54 Je trouve que c'est très fort comme phrase,
19:57 c'était un village de 100 habitants,
19:59 et donc elle était vraiment cette personne qui allait aider,
20:03 et qui connaissait tellement bien ses familles.
20:06 D'ailleurs, il y a une petite scène dans "Les petites victoires"
20:08 où on voit Alice qui se charge de faire les courses pour Marie-Pierre Cazet,
20:12 c'est un petit clin d'œil à ça, mais oui, je trouve que c'est incroyable
20:17 ce dévouement que ces personnes font pour leur village.
20:23 – Lionel, je vous donne le mot de la fin,
20:25 les petites victoires, qu'est-ce que c'est pour vous ?
20:28 – Je pense que notre petite victoire, c'est d'avoir réussi à raconter cette histoire
20:36 et que ça ait touché les gens,
20:38 c'est-à-dire que le film est une très belle vie,
20:42 au-delà de nos espérances, je pense,
20:46 et que ça continue, et j'espère que ça ne s'arrêtera jamais.
20:51 – On vous le souhaite, en tout cas merci à tous les deux,
20:53 je rappelle donc le titre du film,
20:55 "Les petites victoires", si vous ne l'avez pas encore vu,
20:58 courez dans les salles ce week-end, week-end de Pâques,
21:01 vous allez vous régaler, vous allez aussi beaucoup apprendre
21:04 sur la situation de ces villages que vous racontez très bien dans ce film.
21:08 Merci à tous les deux d'avoir répondu à notre invitation.