Samuel Benchetrit, écrivain

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Dans la deuxième heure de son émission consacrée à la culture, Philippe Vandel reçoit chaque jour un invité.
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Transcript
00:00 - Bonjour Samuel Benchetrit ! - Bonjour !
00:04 - Vous êtes écrivain et vos livres se vendent, vous êtes cinéaste et vous faites des films qui font des entrées,
00:08 vous êtes dramaturge et les salles sont pleines et même ça va être rejoué !
00:12 Vous êtes ce qu'on appelle une figure du tout Paris, vous êtes considéré comme un génial touche-à-tout,
00:16 mais aussi un séducteur, un dandy, ce sont des mots que j'ai lus dans la presse.
00:18 Vous faites la joie des magazines People et des magazines Glamour,
00:21 mais la vie privée ici c'est pas notre sujet.
00:23 Peu de gens savent que vous venez de banlieue, pas de la banlieue chic,
00:26 mais d'une cité HLM à Champigny, vous habitez dans une tour, votre père était serrurier, votre maman était coiffeuse,
00:31 on apprend tout ça quand on lit vos chroniques de l'asphalte qui font ma joie.
00:34 C'est en 5 tomes, c'est publié chez Grasset, le 3ème tome était sorti en 2010 et voici le 4ème.
00:41 Chroniques de l'asphalte, c'est une série de nouvelles, des scénettes, c'est tendre, c'est drôle, c'est cruel parfois.
00:47 La série a démarré en 2005, la première publication, donc il y a 18 ans,
00:51 mais vous racontez toujours la même période, c'est-à-dire l'enfance, l'adolescence,
00:54 vous avez pris des notes, vous avez écrit à quel moment ?
00:58 C'est des textes que vous avez retrouvés ou vous écrivez maintenant au fil de la plume si j'ose dire ?
01:02 Non, non, non, c'est au fil de la plume, c'est l'enfance, l'enfance elle ne quitte personne,
01:06 donc je l'ai moi, j'y pense, j'y retourne, je me suis inventé une sorte de cabane d'enfant,
01:11 dans laquelle je retourne régulièrement, retrouver un peu de force.
01:15 L'enfance ne change pas, mais la vision de l'enfance change, c'est pour ça que je vous posais la question,
01:18 c'est pas la même chose d'écrire sur son enfance maintenant ou il y a 20 ans.
01:22 C'est très vrai, oui c'est vrai. Disons qu'aujourd'hui elle est peut-être encore plus mélancolique
01:27 ou avec plus de légèreté, elle est plus lointaine, elle est encerclée de plus de brouillard on va dire.
01:33 Mais quand même, justement, j'ai l'impression moi en vieillissant aussi de retrouver un peu de goût de l'enfance.
01:39 Il y a quelque chose qui est bien fait dans la vie, c'est qu'en vieillissant on a une sorte d'innocence, de choses comme ça.
01:45 On a un filtre, on ne garde que les bonnes choses.
01:46 Oui c'est vrai.
01:47 Alors c'est très très drôle, c'est souvent cynique, c'est souvent cruel, mais c'est en même temps très très drôle.
01:51 Ça démarre très fort. Première page, vous racontez l'histoire de, je mets devant moi le livre, vous pouvez le voir sur europe1.fr,
01:59 Philippe Blarewski qui aidait ses parents au pressing où ils passaient leur journée à écouter Europe 1.
02:04 Je me suis dit, ça ne peut pas être un mauvais livre, ça démarre très très fort.
02:07 C'est l'histoire d'un pote.
02:09 C'est vrai, je n'avais pas pensé à ça.
02:10 Ben voilà.
02:11 C'est vraiment une pute en fait.
02:13 Je vais peut-être citer une page 14, RTL je crois.
02:17 Non non non, justement non.
02:19 Ils passaient la journée à écouter Europe 1 et on le félicite.
02:22 Mais là vous racontez l'histoire d'un autre pote dont le nom m'échappe à l'instant.
02:24 C'est Abdelkrim Bouglaoui.
02:28 D'abord c'est les vrais noms ou c'est pas les vrais noms ?
02:29 Non, c'est pas les vrais noms.
02:30 Abdelkrim, il a été choisi pour tourner dans un clip de Balavoine.
02:35 Pourquoi vous avez décidé de commencer par ce chapitre ?
02:38 Qu'est-ce que ça dit de cette époque ?
02:41 C'est une histoire que j'aime beaucoup.
02:43 Déjà, je voulais commencer par cette nouvelle.
02:45 L'ordre, on le fait toujours après avec mon éditeur parce qu'il y a toute la bande.
02:48 Et parfois on s'éloigne de la bande.
02:50 C'est un gars qui est pris pour jouer dans le clip "La zizade" d'Agnès Balavoine.
02:54 Un casting sauvage.
02:55 Mais c'est une histoire vraie ça.
02:56 Alors je vais vous dire ce qui m'a touché.
02:58 J'aimerais qu'on entende quelques notes et dire que ce qui est évidemment touchant,
03:01 c'est qu'on sent que tout est vrai.
03:02 Pas tout, mais ça oui.
03:04 Des fois ça est extrapolé forcément.
03:06 Mais ça c'est une histoire vraie.
03:08 Donc il est choisi pour être dans le casting.
03:09 Il choisissait surtout des mômes qui allaient au Maroc,
03:11 donc ils n'avaient pas de billets à payer je crois.
03:13 Et il disparaît tout en été parce qu'il se passe quelque chose pour lui.
03:16 Ça dit quelque chose de l'époque.
03:17 C'est le rapport à la notoriété, même à la célébrité.
03:21 Il devient célèbre.
03:22 Les mecs ne le supportent plus.
03:24 Ils le traitent de tous les noms parce que c'est lui qui a été choisi et pas eux.
03:26 Vous avez raison, ça a beaucoup changé.
03:29 Et puis les filles se mettent à lui parler.
03:32 Il est entouré de filles.
03:33 Et ici même des autographes.
03:35 Alors qu'il n'a encore rien fait.
03:37 Nous on avait un rapport à la célébrité extraordinaire quand j'étais gamin.
03:40 Parce que dans notre cité, c'est vrai, je le dis à un moment donné,
03:43 si on connaissait quelqu'un qui connaissait quelqu'un qui connaissait Marthe Villalonga,
03:46 c'était une star pour nous.
03:47 On se disait "mais elle c'est vraiment une star".
03:49 Alors qu'aujourd'hui, on est avec les réseaux sociaux, tout ça,
03:52 on a quand même plus d'accès à tout ça.
03:54 Je veux qu'on raconte quand même la suite, ce qui se passe.
03:56 C'est qu'en fait, ton clip, on ne le voit même pas.
03:59 Non, le pauvre, il est parti au Maroc,
04:01 il a attendu deux jours qu'on tourne et puis on l'a à peine vu.
04:03 Donc il revient, il regarde le clip et il dit "mais tu nous as baratinés en fait,
04:06 tu nous as dit que t'embrassais une meuf, que tu faisais des trucs".
04:09 Il a dit "c'est ce que je pensais que je ferais, mais ça s'est pas du tout passé comme ça".
04:12 Et le pitch du livre, sans le savoir, il est page 36,
04:15 donc il s'appelle Abdelkrim et il y a votre pote Dédé qui va le voir,
04:18 vous écrivez ceci "Dédé à l'avert Abdelkrim,
04:21 il avait transformé sa colère en tendresse,
04:23 c'est ce qu'il faisait de mieux".
04:25 Et je trouve que c'est un très très bon résumé
04:28 de ces chroniques de l'asphalte.
04:30 Vous restez avec nous, Samuel Becchetrit,
04:31 musique quand même pour se quitter.
04:33 - Et sur Europe 1, votre invité,
04:40 culture Philippe Vontael et Samuel Becchetrit.
04:43 - Samuel Becchetrit qui publie les chroniques de l'asphalte,
04:46 c'est chez Grasset, ce sont des chapitres, des scénettes
04:48 qui racontent votre enfance, votre adolescence.
04:51 Il y a un chapitre consacré à Bono,
04:53 l'entame, c'est un écrivain qui écrit ça
04:57 "Nanesse Gomez était amoureuse de Bérangère Crémieux,
05:00 qui était amoureuse de Bono, le chanteur de U2,
05:02 qui était sûrement lui-même amoureux,
05:04 mais on ne savait pas de qui".
05:06 Et j'ai l'impression que ça résume toute une époque,
05:08 et un groupe d'amis, et une mentalité.
05:10 - Oui, c'est vrai.
05:11 - En même temps, je suis désolé, j'avais pas de questions.
05:13 Je voulais juste lire ce passage,
05:14 en me disant "ce passage m'a beaucoup plu,
05:16 ce passage m'a beaucoup touché".
05:17 Alors là, on sent que c'est du vécu,
05:19 vous êtes ici dans les locaux historiques,
05:21 c'est la fascination de votre bande de potes
05:25 pour Canal+, même pas tout à fait pour Canal+,
05:27 pour Canal+ en crypté.
05:29 Alors déjà, je ne savais pas ceci,
05:31 le décodage de Canal+ par Benchetrit,
05:34 en général, ceux qui avaient Canal+ faisaient allemand première langue.
05:38 - Parce que c'était un truc...
05:40 - Je me suis dit "quel rapport" !
05:42 - Mais parce que ça coûtait cher, c'est 120 francs par mois,
05:45 et en général, ceux qui faisaient allemand,
05:47 ils venaient dans le collège,
05:48 ils avaient un peu plus de fric que nous,
05:49 qui faisions italien, espagnol...
05:51 - C'était les parents qui connaissaient le système éducatif,
05:53 donc plus aisés, c'est ça, et eux, ils avaient Canal+.
05:56 - Exactement, donc voilà.
05:57 - Donc voilà pour Canal+, et maintenant,
05:59 la référence Canal+ en crypté,
06:01 il y a un son que vous ne pouvez pas faire, évidemment,
06:03 alors vous, vous le faites avec des F,
06:05 moi je ne le ferais pas avec des F,
06:07 ça ne fait pas "ffff", ça fait "chhh".
06:10 - Il y a quelqu'un qui m'a plutôt dit de le faire avec des S.
06:12 - Alors moi je le ferais plutôt avec des "chhh",
06:14 mais vous savez quoi, Jérémy Hébert, il a le vrai son.
06:16 - Je vais écouter.
06:17 [son du son de Canal+]
06:22 - C'est émouvant, j'ai envie de pleurer.
06:24 - Pourquoi ça vous touche ?
06:25 - Parce que c'est hyper mélancolique,
06:26 parce que moi j'ai vu Canal+ comme ça,
06:28 et ça me ment maintenant, parce qu'il y a plus ce truc,
06:30 maintenant il y a "abonnez-vous à Canal+".
06:32 - Non, non, non, il y a ça, mais il n'y a plus le son.
06:34 Quand vous allez sur la page de garde,
06:36 quand vous êtes sur la TNT, le Canal+, c'est crypté,
06:39 mais il n'y a plus ce son-là qui vous plaisait tant.
06:41 - Non, mais moi j'ai des copains qui passaient la tronche
06:43 dans l'écran pour essayer de voir,
06:45 dans un match de foot ou un film porno,
06:48 essayer de voir, et il y avait même une légende qui disait
06:51 qu'il y a des familles qui avaient été touchées de grâce
06:54 qui avaient réussi à voir Canal sans déconner,
06:56 comme ça, en se réveillant un matin,
06:58 boum, Canal+.
06:59 - Et on se racontait ça...
07:00 - C'était des légendes urbaines.
07:01 - Des légendes urbaines de l'époque.
07:03 Et donc il n'y avait pas, en revanche, la légende du saladier,
07:05 la passoire pour regarder, vous n'avez pas vécu.
07:07 - Non, mais vous, vous avez fait la grande époque, Canal+.
07:09 Quand on avait Canal+ en clair,
07:11 on était riches une heure.
07:12 On avait l'impression d'être riches, c'était assez magnifique,
07:14 et en plus, il faisait un truc de salaud,
07:16 il mettait le cryptage, il laissait deux secondes du film.
07:19 - Ah, je suis frustrée.
07:20 - Et les Français, ils nous ont oubliés.
07:22 Ils nous ont oubliés, et non, tac, ça arrivait.
07:24 - Et l'avant-match, il y avait tout l'avant-match,
07:26 les types engageaient, et on faisait combien de temps ça va durer.
07:29 - C'est fou.
07:30 Ça y est, je suis béni.
07:31 Non.
07:32 - On avait toujours cet espoir.
07:34 Autre star emblématique de l'époque qui dit quelque chose,
07:36 parce que sur l'arrivée, l'irruption de l'humour,
07:40 avant, les humoristes, c'était pas...
07:42 Il y avait Fernand Reynaud, mais tout d'un coup,
07:44 l'humoriste star, le premier gros nom,
07:46 et qui arrive de banlieue, c'est Smaïn,
07:48 et vous lui consacrez un chapitre,
07:50 sinon à Smaïn, en tout cas, à l'aura
07:52 et à ce qui génère autant de lui.
07:54 - Oui, Smaïn, c'était très important,
07:56 parce que c'était un peu le premier, comme ça,
07:58 presse de stand-up, quoi, qui arrivait.
08:00 Il avait un look incroyable, il était délicieux,
08:02 et puis surtout, il venait dans les Cités HLM.
08:04 Moi, je viens de faire une tournée de théâtre,
08:05 pas une seule fois, on était allé en banlieue.
08:07 On joue dans des villes ou des banlieues chics.
08:09 Il avait quand même un accès à ce qui se faisait à Paris.
08:11 C'était la tranche d'après, on venait en banlieue.
08:13 Moi, j'ai vu plein de pièces de théâtre
08:15 avec mes parents, des comiques.
08:17 Et Smaïn, en fait, il a révélé tellement de Smaïn
08:19 et des génies, parce que je suis certain
08:21 que Jamel, des gens comme ça, se réclament de Smaïn.
08:23 - Bien sûr, mais moi, ce qui me fait marrer
08:25 dans vos chroniques, c'est le Smaïn pas drôle,
08:27 qui a vu Smaïn sur scène et qui pense qu'il est Smaïn.
08:29 - Voilà. En fait, Smaïn révèle
08:31 des milliers de Smaïn qui sont pas drôles du tout.
08:33 Comme Smaïn se moque de mecs,
08:35 il y a des mecs qui se regardent en se disant
08:37 "Il se moque de moi, donc je suis très drôle."
08:39 Comme Coluche l'a fait, des gens comme ça.
08:41 Et en fait, oui, ce jeune
08:43 pense qu'il a de l'humour,
08:45 et il en a pas du tout. C'est sa mère qui a de l'humour.
08:47 - On va continuer
08:49 à parler avec Samuel Bédchétrite.
08:51 On va parler de cinéma et après, on va parler
08:53 de comique, d'un immense, immense
08:55 dessinateur comique, peut-être le plus drôle français.
08:57 C'est Gotlib. Culture Média continue sur Europe 1.