La France est-elle en déclin énergétique ?

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00:00 rapport d'une commission d'enquête parlementaire en France, rendu public hier,
00:03 il accable les choix énergétiques du pays de ces 30 dernières années, fruit de
00:08 six mois de travail et de dizaines d'auditions d'experts, de régulateurs ou
00:12 encore d'anciens hommes politiques. Ce rapport montre comment la France a perdu
00:16 sa souveraineté et son indépendance énergétique au fil des ans, conséquence
00:20 visiblement d'un manque de courage politique, d'erment et parfois même de
00:24 calcul politique. On en parle aujourd'hui avec notre invité Andréas Rudinger,
00:28 chercheur et coordinateur Transition Énergétique France à Lydry, l'Institut
00:33 du Développement Durable et des Relations Internationales. Merci beaucoup
00:36 d'être avec nous sur France 24. Ce rapport de cette commission
00:40 parlementaire parle, je cite, d'un échec collectif qui a fait de la France un pays
00:45 dépendant énergétiquement. Comment est-ce qu'on en est arrivé là ?
00:48 Bonjour, alors il faut je pense commencer l'analyse de ce rapport en
00:54 évoquant deux paradoxes dans lesquels il s'inscrit. Le premier, qui est bien
01:01 connu, du débat politique sur l'énergie en France, c'est qu'on finit très
01:05 rapidement par parler que d'électricité et que de nucléaire alors que l'enjeu est
01:08 ailleurs. Et d'ailleurs le rapport note qu'aujourd'hui le vrai sujet en termes
01:12 d'indépendance énergétique et de souveraineté énergétique pour la France,
01:15 c'est que notre consommation d'énergie finale reste à 65% dépendant des
01:20 énergies fossiles importées. Et le deuxième paradoxe, c'est qu'en fait le
01:25 taux d'indépendance énergétique de la France n'a pas baissé ces
01:29 30 dernières années. Donc en fait déjà on part un peu sur une fausse idée.
01:32 Par contre, on est aujourd'hui pleinement impacté, tout comme d'autres pays
01:37 européens, par les conséquences de la crise énergétique qui avait commencé un
01:42 peu avant la guerre en Ukraine et qui a notamment touché l'approvisionnement en
01:47 gaz. Donc voilà, il y a quand même des choses à pas mélanger là-dedans. On
01:51 essaie un rapport qui avant tout traite de la question du nucléaire dans le mix
01:56 énergétique français et des décisions politiques qui ont été prises à ce
02:00 sujet ces 30 dernières années. En tout cas c'est en 2022, donc l'an dernier,
02:04 seulement qu'on a véritablement pris conscience de notre vulnérabilité sur le
02:09 plan énergétique avec justement, vous l'évoquiez, l'explosion des prix liés à
02:12 la guerre en Ukraine. Je ne pense pas. Il y a quand même eu énormément de
02:17 travail de fait et de ce qu'on appelle la gouvernance des politiques énergétiques
02:21 et climatiques en France. On a quand même une programmation pluriannuelle
02:24 de l'énergie, on a une stratégie nationale bas carbone, on avait en 2012 un grand
02:30 débat national sur la transition énergétique.
02:32 Donc tous ces sujets sont connus. Je rappelle qu'en 2012 déjà, l'autorité de
02:38 sûreté nucléaire avertissait face au risque de ne plus disposer de marge de
02:44 manœuvre pour le mix électrique français et au besoin justement de
02:48 diversifier le mix face au risque de rencontrer des défauts génériques sur
02:53 une grande partie des réacteurs existants liés en fait à leur durée de
02:57 vie. Et c'est exactement ce qu'on a expérimenté en 2022. Les défauts
03:03 de corrosion sur circuit primaire qui ont touché une grande partie du
03:08 parc nucléaire français et donc qui ont fortement réduit la production n'ont pas
03:13 pu être anticipés, ne sont pas directement liés à des décisions
03:16 politiques des gouvernements passés mais effectivement ils illustrent une forme de
03:22 vulnérabilité de notre mix énergétique aujourd'hui.
03:24 Le rapport dit justement que la France n'a pas assez anticipé et accompagné la
03:28 prolongation de ses centrales ainsi que leur renouvellement qui était pourtant
03:31 enfin disons dont les échéances étaient connues. Comment l'expliquer ?
03:36 Alors je ne suis pas sûr que ces constats soient partagés par tout le monde notamment
03:40 si vous demandez à l'opérateur EDF. EDF aujourd'hui poursuit une stratégie de
03:46 gestion de ce qu'on appelle le grand carénage donc la rénovation du parc
03:51 nucléaire existant et la préparation de la prolongation de la durée de vie de
03:54 l'ensemble des réacteurs qui sont actifs aujourd'hui et c'est un défi
03:58 industriel majeur. On a des dizaines de réacteurs qui doivent faire l'objet de
04:03 ce qu'on appelle les visites décennales donc des travaux d'entretien extrêmement
04:07 lourds en même temps. C'est des milliers et des milliers de travailleurs mobilisés
04:13 donc en fait ce travail a été largement anticipé et engagé depuis dix ans donc
04:17 je pense qu'en fait on est aussi un peu devant un effet d'annonce suite au fait
04:23 qu'on a traversé une année extrêmement difficile sur le plan énergétique mais
04:26 je le répète encore une fois qui était liée à une crise énergétique exogène
04:32 donc qui avant tout illustre notre dépendance aux énergies fossiles
04:36 importées, doublée pour le cas de la France, d'un défaut générique sur le
04:41 parc nucléaire existant qui encore une fois même si on l'avait anticipé
04:45 davantage on aurait pu en être victime. Donc en fait ça nous montre avant tout
04:50 qu'il y a un certain besoin de réfléchir en termes de diversification du mix
04:54 énergétique et surtout de ne pas tout réduire sur la question électrique.
04:57 Vous diriez que la France a pris le train de la transition énergétique avec beaucoup
05:01 de retard ?
05:03 Alors c'est ce que dit ce rapport en tout cas, par rapport à des pays qu'on gâchit.
05:07 Oui, la France a pris de l'avance sur certains domaines et du retard dans
05:13 d'autres donc en fait il faut éviter au mieux possible les caricatures.
05:18 Alors dans le détail, comment vous caractérisez les politiques ?
05:22 Dans le détail, grosso modo, la France a effectivement l'avantage d'avoir un mix
05:25 électrique très décarboné depuis longtemps mais qui fait aujourd'hui
05:28 l'objet de vulnérabilité comme on vient de le voir. Par contre en fait en se
05:32 reposant un peu trop sur ces lauriers du fait justement d'avoir cet avantage
05:35 historique d'une électricité compétitive très décarbonée, on a quand même eu du mal
05:41 à agir dans d'autres secteurs. On se disant on est déjà en avance par rapport à
05:44 d'autres et donc on a fait très peu de choses au final pour décarboner
05:47 le secteur de la mobilité, les transports. On a fait très peu de choses dans la
05:52 rénovation énergétique. Juste un élément pour illustrer ça, si la France avait
05:57 respecté les objectifs qu'elle s'était elle-même fixé lors du grenelle de
06:00 l'environnement 2008 en matière de rénovation énergétique, on n'aurait plus été
06:04 dépendant du gaz russe en France en 2020. Donc ça montre en fait l'importance de
06:08 tous ces sujets là sur lesquels effectivement on a accumulé un énorme
06:12 retard. Autre exemple, sur la seule question des énergies renouvelables, pas
06:16 uniquement dans le secteur de l'électricité mais surtout dans la
06:18 chaleur, le retard face à l'objectif 2020, il équivaut à l'équivalent de 6 à 9
06:25 milliards d'euros d'importation de gaz additionnels. Donc tout ça a un coût
06:29 extrême aujourd'hui. Quelles recommandations est-ce que vous feriez
06:31 pour accélérer cette transition énergétique et recouvrer une
06:36 indépendance réelle ? Alors le rapport le note assez justement en fait
06:41 l'indépendance énergétique en tant que telle n'est pas un objectif qu'il faut
06:44 rechercher aujourd'hui. Par contre la souveraineté énergétique peut l'être et
06:48 la souveraineté elle englobe aujourd'hui des dimensions beaucoup plus larges et
06:52 en fait quand on réfléchit à la transition énergétique et au fait d'aller
06:55 vers des énergies bas carbone et de plus en plus renouvelables,
06:57 il faut penser aux filières industrielles qui vont avec et on a eu
07:01 énormément de retard là dedans, on a loupé le train sur la majorité des
07:04 filières renouvelables et c'est fortement dommage, il faut espérer qu'on y arrive.
07:07 Il faut relancer la filière du nucléaire mais tout en reconnaissant
07:10 qu'elle ne peut faire qu'une partie du travail. Derrière il y a un énorme
07:14 travail à faire, je le disais, sur la mobilité et sur le fait d'engager
07:18 l'industrie française vers justement une mobilité décarbonée. Donc tout ça
07:23 demande une planification et demande des décisions politiques assez fortes.
07:28 Je rappelle juste un fait sur la gestion de la crise énergétique, la France a très
07:32 rapidement dépensé jusqu'à 30 milliards d'euros d'argent public en 2022 pour
07:37 bloquer les tarifs de l'électricité et du gaz pour les consommateurs, par contre
07:42 il n'y a pas eu un euro additionnel dans les investissements pour la transition
07:45 bas carbone, notamment en ce qui concerne l'efficacité énergétique des
07:48 bâtiments, les véhicules électriques ou encore le développement des énergies
07:52 renouvelables. Donc aujourd'hui il faut vraiment qu'on agisse très très fortement pour
07:56 favoriser cette résilience là.
07:57 Merci beaucoup Andréas Ruedinger pour vos
08:00 explications et votre intervention aujourd'hui sur notre antenne.

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