Suisse-Russie : exportations en hausse

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Transcript
00:00 Et pour en parler avec nous l'historien Paul Vallée, politologue, chercheur associé au Centre de sécurité politique de Genève.
00:05 Bonjour.
00:06 Bonsoir.
00:07 La Suisse, on le sait, était déjà opposée au fait d'armer l'Ukraine jusqu'à présent.
00:13 Alors en effet, c'est vrai que bien sûr, en tenant compte des statuts de neutralité et puis en particulier d'une loi qui interdit la réexportation d'armes vers des pays en guerre,
00:27 il y a eu une application extrêmement stricte de la part des autorités suisses de cette législation,
00:34 qui a posé d'ailleurs bien sûr des problèmes en particulier aux voisins allemands,
00:40 qui à plusieurs reprises a fait des représentations au gouvernement de Berne pour obtenir l'autorisation de réexporter des munitions qui avaient été achetées en Suisse.
00:48 Oui, on a même parlé de destruction de certains matériels militaires, de certaines armes, plutôt que de les réexporter ou de les livrer à l'Ukraine.
00:59 Extrêmement extrême, si je puis dire, parce qu'effectivement, il n'y a pas longtemps, bien sûr, la Suisse connaît bien sûr ces revendications qui ont été exprimées depuis le début de l'an dernier.
01:17 Et on est à la recherche d'une certaine situation qui permettrait éventuellement, notamment à la Suisse, de revendre certains de ces vieux matériels achetés à l'Allemagne,
01:30 qui ensuite pourraient ensuite être réexportés vers l'Ukraine. Mais c'est un processus extrêmement compliqué.
01:36 Vous y voyez-vous la seule expression de la traditionnelle neutralité suisse, ou bien cela va au-delà, la volonté peut-être de ne pas fâcher Moscou ?
01:43 Alors bien sûr, il y a des pays évidemment qui vont beaucoup plus loin dans la coopération et l'apaisement de Moscou que la Suisse, il faut bien le dire,
01:54 puisque le Conseil fédéral a très rapidement repris l'essentiel des sanctions économiques qui ont été votées par l'Union européenne et par les États-Unis.
02:04 Le Conseil fédéral avait l'option de ne pas le faire, mais ils ont jugé que c'était nécessaire pour la réputation de la Suisse.
02:11 Et il y avait aussi bien sûr une certaine demande de la part de la population suisse qui ne voulait pas que sa classe politique applique la neutralité de façon trop stricte dans ce domaine.
02:23 Donc évidemment, un des gros problèmes, en particulier peut-être plus que les exportations pharmaceutiques,
02:30 c'est la recherche et le contrôle des fonds russes qui ont été déposés dans des banques suisses,
02:37 parfois avec des sociétés écrans et des personnalités prête-nom.
02:41 Et à l'heure actuelle, s'il y a 7,5 milliards de francs qui sont gelés grâce à l'action du secrétariat d'État à l'économie,
02:54 en fait il y a parfois une estimation qui est faite à la fois par les pays étrangers et par certains activistes suisses
03:02 de sommes qui sont beaucoup plus considérables et qui échappent au contrôle.
03:06 C'est le secret bancaire qui aujourd'hui fait obstacle justement à ces sanctions,
03:12 ou en tout cas à la bonne application de ces sanctions envers la Russie ?
03:15 Non, parce qu'évidemment le secret bancaire, on le sait, il a disparu à la suite des pressions internationales, à la suite de la crise de 2008-2009.
03:29 Là, le véritable problème, c'est effectivement l'enchevêtrement des canaux dont l'utilisation de moyens par des personnalités
03:40 qui sont soit au sommet de l'État russe ou alors des oligarques qui sont proches du pouvoir,
03:46 qui utilisent différents ressorts pour qu'on ne remonte pas à eux certains fonds qui sont déposés, comme je le dis, par des prête-nom.
03:56 C'est une somme qui varie. Le G7 a envoyé une lettre collective au gouvernement suisse vendredi pour s'en émouvoir.
04:07 L'ambassadeur des États-Unis à Berne est d'ailleurs très actif sur ce sujet.
04:12 Vous évoquez là un contournement des sanctions envers la Russie à l'insu des autorités helvétiques, c'est ce que vous semblez dire.
04:20 On le voit néanmoins, un certain nombre de biens voient leurs exportations augmenter.
04:24 Ce n'est pas le cas des produits qu'on associe traditionnellement à la Suisse dans l'imaginaire populaire, comme les montres par exemple.
04:29 Mais en revanche, les médicaments, oui. Il y a effectivement ces médicaments considérés comme des produits humanitaires qui sont exemptés de sanctions.
04:36 Est-ce que tout de même, cette augmentation des exportations ne va pas un peu au-delà ?
04:40 Est-ce qu'il n'y a pas en fait un contournement pur et simple des sanctions ?
04:43 On l'a vu sur le sujet de plusieurs produits ces derniers mois.
04:51 Comme l'expliquait votre reportage, il y a des pratiques de réexportation par les pays tiers qui eux ne se font absolument aucun scrupule.
05:00 La Chine joue un rôle qui est assez essentiel en la matière.
05:06 C'est vrai qu'on est quelque peu démuni face à ces pratiques.
05:14 C'est là qu'il y a un rôle pour la négociation et la recherche des justes équilibres par le gouvernement suisse.
05:25 Une partie de la classe politique penche pour une application plus ferme et plus stricte des sanctions.
05:34 Bien sûr, ça ne peut pas s'appliquer aux médicaments qui ne sont pas des produits visés par ces différentes mesures.
05:40 Mais il y a aussi une certaine partie de la classe politique qui représente parfois les intérêts du monde des affaires.
05:48 C'est un phénomène qui existe aussi dans les autres pays, y compris au G7,
05:53 où on veut le moins d'interférences possibles et une application extrêmement stricte de la neutralité.
06:00 Mais ça entraîne bien sûr des conséquences politiques et les protestations, notamment de l'Ukraine.
06:06 Merci Paul Vallée d'avoir été avec nous. Voilà ce qu'on pouvait dire sur cette augmentation des exportations suisses à destination de la Russie.
06:13 Pour ce qui est bien sûr des médicaments, pour le reste c'est rester stable malgré les sanctions.

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