• l’année dernière
Transcription
00:00 Je m'appelle Pauline Blumenfeld, j'ai été mariée à Albert Safars.
00:06 Je suis née le 9 octobre 1933.
00:11 Je suis une enfant cachée et ma maman qui avait le goût de prévoir était en cheville
00:21 avec une dame qui faisait du marché noir et c'est par l'intermédiaire de cette personne-là
00:27 qu'on a trouvé une personne qui voulait me prendre, c'est-à-dire la personne que j'ai
00:33 appelée Marenne, donc Marenne-Élise de Meuldre, venait régulièrement à Bruxelles, elle
00:38 faisait le transport de nourriture pour le compte de riches paysans, elle n'était pas
00:44 très riche, elle faisait uniquement le transport.
00:46 Et c'est chez elle que j'ai finalement été placée de 1942 à 1944.
00:52 Nous habitions rue Barat, à Anderlecht et un matin de l'été 1942, nous avons appris
01:02 qu'il y avait eu une grande rafle à Saint-Gilles notamment et ont été raflées ce jour-là
01:10 ma tante, mon oncle et leurs deux enfants qui ne sont pas revenus.
01:13 Ma maman qui avait prévu un appartement à Reusbruck, Hitreistraat n°78 à Reusbruck,
01:21 un appartement qui était une cage à lapin plutôt, nous sommes parties le lendemain
01:27 nous cacher à Reusbruck.
01:29 Et ma maman qui était en relation avec une personne qui lui fournissait des produits
01:37 du marché noir et ma maman qui vendait, mais j'ai déjà raconté ça je crois, et en
01:42 fait c'était la personne qui faisait le transport de produits interdits, beurre, jambon,
01:49 etc. qui une fois par 15 jours transportait, pas pour son compte, elle ne faisait que le
01:56 transport parce qu'elle n'avait rien.
01:57 J'ai honte un peu de dire que ça se passait normalement, pas mal du tout, j'ai vécu
02:04 calmement avec cette idée.
02:07 Je m'appelais aussi Marcella Carlier, je savais que je n'avais plus mon nom, je n'avais
02:14 plus mes antécédents, j'étais Marcella Carlier.
02:17 Mes parents travaillaient en Allemagne et c'était la version qu'il fallait maintenir.
02:23 Comme ceci est un café, il m'arrivait très souvent de servir à boire de la bière, notamment
02:29 du faro.
02:30 Et de temps en temps, le gardien-paître, qui était semblant-il un joyeux loustique,
02:37 mais je ne m'en souviens pas plus que ça, faisait des allusions "haha, Marcella, t'es
02:42 ma mère, t'as pas honte d'Allemagne".
02:44 C'était la blague du jour et moi je savais que je ne pouvais absolument pas donner suite.
02:49 Ça, c'était la salle du café.
02:51 Il y avait un comptoir là, là où il y a le fond, là il y avait un comptoir.
02:57 Vous voyez la porte là à droite ? On allait sur la cuisine.
03:01 À droite il y a un passage.
03:05 Derrière ce passage, il y avait la cuisine et notamment l'armoire où ma marraine cachait
03:15 un peu une bouteille de Genièvre et ceux qui avaient les moyens passaient à la cuisine
03:21 et buvaient un Drupelke, ce qui était strictement interdit.
03:23 C'était le Drupelke.
03:24 Ah oui, c'est le comptoir.
03:25 Vous l'avez connu ce comptoir ? Non, je n'ai pas connu le comptoir, mais la
03:33 maison, on m'a dit que je pense que c'était les anciens propriétaires, enfin les enfants
03:39 des anciens propriétaires.
03:40 Je peux ? Oui, oui, allez-y.
03:41 Là, l'ancienne cuisine est encore dans son jus.
03:45 Ah, l'escalier.
03:46 Moi, je dormais à gauche.
03:47 Il y a une pièce à gauche.
03:48 Je peux ? Ah oui, c'était la cuisine.
03:49 C'était la cuisine.
03:50 Et là, il y avait un long, vous savez, ces poils très longs avec ici le truc où on
04:10 mettait les pieds pour se réchauffer les pieds.
04:12 Le Drupelke se trouvait là.
04:15 Alors, je suis arrivée ici, je ne connaissais pas un mot de flamand.
04:19 Suivant mes performances d'avant, j'avais terminé la troisième primaire.
04:24 On m'a donc mise dans la classe là qui faisait 4, 5 et 6.
04:29 Et puis, je suis très vite passée en sixième, la troisième rangée.
04:33 Et je suis très vite passée à la classe supérieure qui était la classe 7 et 8.
04:39 Parce que dans cette école primaire, assez curieusement, il y avait une septième et
04:43 une huitième.
04:44 J'étais donc une excellente élève du catéchisme et je devais faire ma communion
04:48 solennelle en vain.
04:50 Et le curé s'y est opposé.
04:53 Des années après, je me suis dit qu'il a fait ça parce qu'il savait que je n'étais
04:59 pas baptisée et qu'il ne pouvait pas me baptiser puisqu'officiellement, je l'étais déjà.
05:03 Et moi, j'avais beaucoup de conversations avec l'enfant Jésus.
05:05 Comme ça, on discutait à deux.
05:07 Et je lui disais, oh mon Dieu Jésus, qu'est-ce qu'on va faire ? Je ne suis pas baptisée.
05:11 Qu'est-ce que tu vas faire de moi ? Et le curé m'a dit que non, on ne peut pas faire
05:17 ça, tu n'as pas les vêtements, tu n'as pas les souliers vernis, ni la robe.
05:21 Alors j'étais un peu furieuse et je n'ai pas répondu sur place.
05:24 Après, je suis rentrée et je me suis dit, mais c'est dégueulasse pour une robe.
05:29 Et puis après, je me suis dit que la nièce qui habitait à Vian, qui s'appelait Marcela,
05:34 l'autre Marcela, avait fait sa communion une année avant.
05:37 Elle aurait pu me prêter sa robe.
05:39 Bref, j'étais très furieuse.
05:40 [Musique]

Recommandations