François Ruffin, le député LFI de la Somme, est l'invité de l'émission spéciale de BFMTV "Retraite: le moment décisif". La figure insoumise dialogue avec des Français présents en plateau. À la veille de la décision du Conseil constitutionnel sur la réforme des retraites, le quinquennat d'Emmanuel Macron est déjà à la croisée des chemins.
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00:00:00 ...
00:00:13 -Une semaine décisive.
00:00:15 -Une de plus.
00:00:16 -La réforme des retraites va connaître une sorte d'épilogue.
00:00:20 -La colère va-t-elle s'éteindre ?
00:00:22 -La tension est montée d'un cran.
00:00:24 -Certains manifestants et les forces de l'ordre
00:00:27 s'affrontent.
00:00:29 ...
00:00:34 -On doit revoir l'âge de cette réforme.
00:00:36 -Il faut pas lâcher. -C'est la 12e.
00:00:38 Jamais 12 sans 13.
00:00:40 -Le message, le voici.
00:00:41 Ce sont des déchets qui jonchent depuis ce matin
00:00:44 la rue Montpensier, pile en face du Conseil constitutionnel.
00:00:48 -La décision du Conseil constitutionnel
00:00:50 est très attendue.
00:00:51 -Je souhaite que ça puisse clarifier toutes les questions.
00:00:55 -Il est déconnecté des besoins de la population.
00:00:57 -Il y a beaucoup de suspense
00:00:59 pour ces décisions qu'on attend demain.
00:01:01 -Bonsoir à tous.
00:01:02 Bienvenue dans cette émission spéciale
00:01:05 intitulée "Le moment décisif".
00:01:07 Nous sommes à quelques heures
00:01:08 de la décision du Conseil constitutionnel.
00:01:11 Tout se joue maintenant.
00:01:12 La mobilisation contre la réforme des retraites
00:01:15 va-t-elle s'arrêter ou se renforcer ?
00:01:17 -Bonsoir et bienvenue sur BFM TV.
00:01:19 Ce soir, nous vous donnons la parole.
00:01:21 Vous, qui êtes assis dans ce public,
00:01:24 vous allez pouvoir participer.
00:01:26 Certains sont pour la réforme, d'autres, plus nombreux,
00:01:29 sont contre cette réforme.
00:01:30 Vous pourrez intervenir à tout moment
00:01:32 et poser des questions à nos invités.
00:01:34 Le premier de nos invités, François Ruffin.
00:01:37 -Bonsoir. -Merci d'être là,
00:01:39 député de La France insoumise.
00:01:41 -A nos côtés, pour vos interviews,
00:01:43 Amandine Attalaya.
00:01:44 Bonsoir, Emmanuel Lechiffre.
00:01:45 Bonsoir, Bruno Jeudy.
00:01:47 Le public pourra vous poser des questions dans un instant.
00:01:50 La 12e journée de manifestation contre la réforme se termine.
00:01:54 La mobilisation étant très forte baisse,
00:01:56 on peut le dire ce soir.
00:01:57 On regardera les chiffres dans un instant.
00:02:00 Parmi les images de cette journée,
00:02:02 le Conseil constitutionnel sous haute surveillance.
00:02:05 Les manifestations aux abords du Conseil
00:02:07 sont interdites dès ce soir et jusqu'à samedi 8h du matin.
00:02:11 On va voir cette image,
00:02:12 ce déploiement important des forces de l'ordre avec vous.
00:02:15 Amandine Attalaya, ça représente quoi ?
00:02:18 -Ca symbolise qu'il y a une grande attente des Français
00:02:21 sur la décision de demain.
00:02:22 Il y aura une censure totale du texte.
00:02:24 Ce serait une grande surprise.
00:02:26 Peut-il y avoir une censure partielle de ce texte
00:02:29 et alors une promulgation très vite ?
00:02:31 Et gros suspense aussi sur le référendum d'initiative partagée.
00:02:35 Les syndicats l'espèrent et ça donnerait,
00:02:37 si le Conseil constitutionnel l'accordait,
00:02:40 un deuxième souffle aux opposants.
00:02:42 -Autre question centrale ce soir, Emmanuel Macron.
00:02:45 Que peut faire le président de la République
00:02:47 pour sortir de cette crise ?
00:02:49 Il a enfin proposé une rencontre aux syndicats.
00:02:52 Il croit que le Conseil constitutionnel
00:02:54 se sera prononcé.
00:02:55 Le problème, c'est que les syndicats sont méfiants.
00:02:58 -Oui, les deux ont répondu.
00:03:00 D'un côté, il y a Laurent Berger de la CVT qui dit
00:03:03 qu'il faut respecter un délai de décence.
00:03:05 Et puis il y a Sophie Binet, la nouvelle patronne de la CGT,
00:03:10 qui répond, elle, "lol",
00:03:12 et elle ajoute, "si c'est je promulgue
00:03:15 "et après, il veut qu'on le rende compte, c'est non."
00:03:18 Vous êtes Tim Binet ou Tim Berger ?
00:03:21 -Vous allez répondre dans un instant,
00:03:23 François Ruffin, c'est la question jeudi.
00:03:25 Nous allons d'abord sur le terrain.
00:03:27 -C'est la question du jeudi.
00:03:29 -On va sur le terrain, puisqu'on va regarder
00:03:32 comment se termine cette 12e journée de mobilisation
00:03:35 avec notre équipe sur place.
00:03:37 Bonsoir, Clément Zibou.
00:03:38 On est à un moment décisif.
00:03:40 Il y a eu cette 12e journée de mobilisation.
00:03:42 Demain, 131 actions sont prévues partout en France.
00:03:46 Que se passe-t-il place de la Bastille ?
00:03:48 Y a-t-il encore des manifestants ?
00:03:50 -Oui, Aurélie, et c'est vrai que ça s'est concentré
00:03:53 sur la place de la Bastille,
00:03:55 parce que c'était l'arrivée des 2 cortèges de syndicalistes.
00:03:58 En ce moment, il reste encore quelques manifestants
00:04:01 qui sont encerclés par les forces de l'ordre
00:04:04 qui essayent de les déloger pour terminer cette manifestation.
00:04:07 Des manifestants plutôt jeunes qui ont commencé un sitting,
00:04:11 qui se sont assis par terre et qui sont devant l'opéra de la Bastille.
00:04:14 C'est ce qui reste de la manifestation de cet après-midi.
00:04:18 On va aller faire un tour pour voir ce qu'il en était.
00:04:21 Il y a quelques tags, pardon, juste sous la colonne de la Bastille.
00:04:25 Il y a eu quelques dégradations ici et là.
00:04:28 Il y a encore beaucoup de cars de CRS qui sont toujours ici sur place.
00:04:32 Il y a la circulation qui a repris.
00:04:34 Le point de tension, c'était autour de la Banque de France,
00:04:37 que vous avez percevue.
00:04:39 Beaucoup de casseurs ont essayé de prendre pour cible la Banque de France.
00:04:43 Quelques tensions avec les forces de l'ordre.
00:04:46 On a laissé côté forces de l'ordre également.
00:04:49 Ce qu'on a pu voir ici sur cette place,
00:04:51 c'était deux ambiances très différentes à 50 m l'une de l'autre.
00:04:55 L'une, l'arrivée des cortèges de syndicalistes
00:04:58 dans le calme, dans la bonne ambiance.
00:05:00 Des individus qui voulaient en découdre avec les forces de l'ordre.
00:05:04 Il y a eu des jets de projectiles, des feux d'artifice de mortier
00:05:07 tirés vers les forces de l'ordre.
00:05:09 Les forces de l'ordre ont répliqué avec gaz lacrymogène,
00:05:12 de grenades de désencerclement.
00:05:14 Ce soir, le calme est revenu.
00:05:16 Voilà ce qu'on pouvait dire pour cette 12e journée de mobilisation.
00:05:20 -Clémence Dibou sur les images de Camille Martin.
00:05:22 On a ces images, François Ruffin.
00:05:24 On a eu des images de violences et de manifestations
00:05:27 avec moins de monde.
00:05:29 Quand on a ces violences, quand on a des cortèges moins nombreux,
00:05:32 n'y a-t-il pas urgence, d'une certaine manière,
00:05:35 à ce que tout ça s'arrête aussi, d'une manière ou d'une autre ?
00:05:38 -Vous avez intitulé votre émission "Le moment décisif".
00:05:42 Je veux le prendre au sérieux.
00:05:44 Au sérieux, au sens large.
00:05:45 Le moment, c'est pas seulement la décision
00:05:48 du Conseil constitutionnel.
00:05:49 C'est le moment qu'on vit depuis 6 mois,
00:05:52 qu'Emmanuel Macron a annoncé que sa réforme phare
00:05:55 serait de repousser l'âge de la retraite de 62 à 64 ans.
00:05:58 "Décisif", je suis linguiste, moi, de formation,
00:06:01 dans "décivisif", ça vient de "cae d'arée",
00:06:03 ça veut dire "couper".
00:06:05 Et je veux qu'on mesure...
00:06:06 Il y a 6 mois, je disais déjà que cette réforme est une folie.
00:06:10 Je veux qu'on mesure ce que ça va produire
00:06:13 pour la société française.
00:06:14 C'est une déchirure.
00:06:16 On vit un moment de déchirure.
00:06:18 Ca veut dire que ce qui se passe là,
00:06:20 faut pas croire que ça va se réparer
00:06:23 en 15 jours, 3 semaines, 1 mois,
00:06:25 même si y a plus de manifestations.
00:06:27 Y a quelque chose de pire que les images.
00:06:29 C'est le poisson du ressentiment
00:06:32 qui s'infiltre dans le coeur social.
00:06:35 Et le sentiment que...
00:06:37 Comment on fait pour être écouté ?
00:06:39 On fait des manifestations,
00:06:41 on est 1, 2, 3 millions, on n'est pas écouté.
00:06:43 On a des syndicats qui sont unis, ils sont pas écoutés.
00:06:47 Enfin, voilà.
00:06:48 -Votre crainte, c'est quoi ?
00:06:50 -Ma crainte, derrière,
00:06:52 c'est qu'on insinue encore toujours davantage,
00:06:55 on instille dans le corps social le poison du ressentiment.
00:06:59 On produit une nouvelle déchirure.
00:07:01 Pour moi, c'est pas la première,
00:07:03 c'est au moins la 3e déchirure marquante.
00:07:05 La 1re déchirure remonte au traité constitutionnel de 2005,
00:07:09 envoyé par les Français à l'époque,
00:07:11 85 % des ouvriers,
00:07:13 qui disent non, on veut pas
00:07:14 de la libre circulation des capitaux et des marchandises,
00:07:18 on veut pas de la concurrence libre.
00:07:20 Derrière, le pouvoir fait comme si, à Lisbonne,
00:07:23 y avait pas ce message-là,
00:07:25 ça produit une déchirure profonde dans le corps social.
00:07:28 2e déchirure, le mouvement des Gilets jaunes,
00:07:31 où y a pas de compromis social qui est passé à la sortie.
00:07:34 Emmanuel Macron fait le blabla du droit de débat,
00:07:37 mais en écoutant pas ce que disent les Français,
00:07:40 en passant pas de compromis avec les Français,
00:07:43 à nouveau, on instille dans le corps social
00:07:46 le poison du ressentiment.
00:07:47 Je sais pas ce que va décider le Conseil constitutionnel,
00:07:51 ça va faire l'objet d'une petite discussion.
00:07:54 Mais derrière, même si on a l'impression que ça s'éteint,
00:07:58 on verra bien, c'est pas ce que je souhaite,
00:08:01 car quand on met le couvercle sur la marmite,
00:08:03 c'est encore pire.
00:08:05 -Il y a ce risque-là pour le mouvement ?
00:08:07 -C'est possible, on verra.
00:08:09 Le mouvement n'a pas dit son dernier mot,
00:08:11 il va y avoir les manifestations du 1er mai,
00:08:14 mais c'est le poison du ressentiment
00:08:16 que ça instille dans le corps social.
00:08:19 -Vous les avez listées ce soir,
00:08:21 elles accouchent de quoi ?
00:08:23 Vous dites que vous aussi,
00:08:24 on est dans une crise de régime, comme le dit Jean-Luc Mélenchon,
00:08:28 et ensuite, il se passe quoi ?
00:08:30 -On est dans une crise démocratique profonde.
00:08:33 On a le sentiment de ne plus être écouté.
00:08:35 Quand Emmanuel Macron dit à ses ministres
00:08:38 qu'il faut parler au pays,
00:08:40 il faudrait l'écouter, le comprendre,
00:08:42 avant de dire "allons lui parler".
00:08:45 Donc là, il y a une coupure,
00:08:47 qui est pour moi, pas seulement avec Emmanuel Macron,
00:08:50 mais qui devient plus générale.
00:08:52 -On a l'impression que la réforme des retraites
00:08:55 est presque devenue secondaire
00:08:57 par rapport à toutes les fractures provoquées par la méthode.
00:09:01 Vous dites que c'est une déchirure,
00:09:03 mais la réalité, c'est que cette réforme des retraites,
00:09:06 elle n'était pas d'une ampleur absolument considérable.
00:09:10 Ce que je comprends, c'est que c'est un problème
00:09:13 plutôt de méthode qu'un problème de fond.
00:09:15 C'était une réforme paramétrique, pas une grande réforme.
00:09:19 -Je pense que cette réforme porte une injustice profonde.
00:09:22 Mais puisque vous ne prenez pas par ce bout-là,
00:09:25 je ne le prendrai pas non plus.
00:09:27 Je pense que le moment où elle advient est terrible.
00:09:30 Elle vient après deux années de crise Covid,
00:09:33 et on a dit, en première ou deuxième ligne,
00:09:36 je le rappelle, cette phrase d'Emmanuel Macron,
00:09:39 "Il faudra se rappeler que notre pays repose aujourd'hui
00:09:42 "sur ces femmes et ces hommes que nos économies reconnaissent
00:09:46 "et rémunèrent si mal, les auxiliaires de vie,
00:09:49 "les caristes, les camionneurs."
00:09:51 A la sortie de ça, qu'est-ce qu'il y a comme reconnaissance ?
00:09:55 Il y a l'inflation qui vient gréver leurs salaires,
00:09:58 des conditions de travail déjà très difficiles.
00:10:01 Comme si ça ne suffisait pas,
00:10:03 après la crise Covid, vous avez la guerre en Ukraine,
00:10:06 les prix augmentent plus vite que les salaires,
00:10:09 les factures d'énergie, on se demande comment les payer,
00:10:12 et j'ajoute une crise démocratique.
00:10:15 Quel est le message qui sort de la dernière élection
00:10:18 à la fois présidentielle et législative ?
00:10:21 C'est une France fracturée.
00:10:22 -Le pouvoir va vous dire que ce n'est pas le bon moment.
00:10:26 -Oui, et que vous avez raison pour ne pas faire de réforme.
00:10:29 -Je pense que, je vous redis les fractures
00:10:32 qu'il y avait l'année dernière, ce moment d'usure,
00:10:35 de fatigue des Français, qui fait que même des gens
00:10:38 qui ne sont pas de gauche, qui ne sont pas de notre camp,
00:10:42 se disent que ce n'est pas le moment de faire ça.
00:10:44 -M. Ruffin avait déjà renoncé à sa réforme des retraites
00:10:48 parce qu'il avait estimé que ce n'était pas le moment
00:10:51 juste après les confinements multiples
00:10:54 de la crise de 1921.
00:10:55 Il vous a suivi sur ce point-là.
00:10:57 Il faut bien qu'à un moment...
00:10:59 En plus, il a annoncé la réforme.
00:11:02 La démocratie, c'est annoncer ce qu'on va faire
00:11:05 et le mettre en oeuvre.
00:11:06 -Il avait annoncé dans son programme
00:11:08 que les accompagnantes d'enfants en situation de handicap
00:11:12 devraient avoir un salaire décent et le minimum.
00:11:15 Il a moins d'empressement à le mettre en oeuvre.
00:11:18 Je viens parler pour l'unité de la nation.
00:11:21 Je viens parler pour un pays et une démocratie
00:11:24 pour lesquelles je suis inquiet.
00:11:25 Je viens parler pour une injustice vis-à-vis des professions
00:11:29 que j'ai énoncées, mais pour mon pays.
00:11:32 Je viens vous dire le gros souci que j'ai
00:11:34 quand, dans un moment de fracture comme celui-là,
00:11:37 dans un moment où apparaissent trois blocs clairs
00:11:40 dans la société française et dans l'hémicycle,
00:11:43 avec un bloc central-libéral qui s'effrite et qui s'effondre,
00:11:47 avec un bloc d'extrême droite et un bloc de gauche,
00:11:51 dans un moment de fracture, prenant conscience de ça,
00:11:54 que doit faire le président ? Il doit chercher à rassembler.
00:11:57 -Et s'il ne le fait pas, il se passe quoi ?
00:12:00 -S'il ne le fait pas, il se passe à la fois que ça produit,
00:12:03 je le dis, de la colère puissante dans le coeur des gens,
00:12:07 certains qui vont l'exprimer, parfois pas de la meilleure des manières,
00:12:11 et d'autres qui vont avoir le poison du ressentiment.
00:12:14 -Ce poison du ressentiment dont vous parlez depuis le début,
00:12:18 il va mener à quoi ? -Politiquement,
00:12:20 il peut mener au pire dans notre pays.
00:12:23 Il peut mener manifestement à Marine Le Pen.
00:12:26 Je viens de le dire sans fatalisme.
00:12:28 Je ne suis pas là pour commenter seulement.
00:12:31 Je suis là pour associer le pessimisme de la lucidité
00:12:34 à l'optimisme de la volonté et dire qu'il n'y a pas de fatalité à ça.
00:12:38 On voit la pente glissante, la pente dépressive.
00:12:41 Il faut réussir, ce que l'aurait dû faire le président,
00:12:45 à mettre de l'enthousiasme là-dedans,
00:12:48 pour enlever le pays d'enthousiasme.
00:12:50 C'est un peu moqué de moi quand j'ai dit ça,
00:12:53 mais il aurait dû parler au pays avec tendresse.
00:12:56 Les gens avaient besoin d'amour, qu'on les aime.
00:12:58 -Il n'aime pas les Français ? -Non.
00:13:01 La manière dont ils se comportent,
00:13:03 c'est avec une position de surplomb effrayante,
00:13:06 avec une distance énorme.
00:13:08 Quand vous voyez les forces de police devant le Conseil constitutionnel,
00:13:12 il appelle ça le cheminement démocratique,
00:13:15 mais une immense distance avec les Français.
00:13:18 Il y a toujours eu cette distance.
00:13:20 -Pourquoi vous citez spontanément Marine Le Pen
00:13:23 comme celle qui pourrait en profiter plutôt que la gauche ?
00:13:26 Pourquoi la colère, le ressentiment, ce besoin de tendresse
00:13:30 s'amènerait à Marine Le Pen ?
00:13:32 -Il n'y a pas de fatalité.
00:13:33 Je le redis, il n'y a pas de fatalité.
00:13:36 Je viens sur ce plateau ce soir et je vais partout
00:13:39 pour lutter contre cette pente.
00:13:41 Je suis convaincu que la pente du ressentiment,
00:13:44 la colère individuelle gardée dans son coin,
00:13:47 qui pourrit dans le coeur, ça ne mène pas au meilleur.
00:13:50 Nous, on a une alchimie à opérer,
00:13:52 qui est la transformation de la colère en une espérance.
00:13:56 La crise de 1929 a conduit dans le monde
00:13:59 à la fois au New Deal aux Etats-Unis,
00:14:01 elle a conduit au nazisme en Allemagne,
00:14:03 elle a conduit au front populaire en France.
00:14:06 Il n'y a pas de fatalité.
00:14:08 -Ce sont vos mots ce soir.
00:14:10 Comment vous transformez précisément
00:14:12 le poison dont on parlait en espoir ?
00:14:14 -Il faut poser ce que nous, on veut.
00:14:17 Par exemple, moi, qu'est-ce que je dis ?
00:14:19 Je dis qu'en principe, si nous étions au pouvoir,
00:14:22 si nous étions prêts, si nous étions à l'Elysée,
00:14:25 dès cet été, on fait des vacances avec plus de bonheur.
00:14:28 -Ca veut dire quoi ? -Je vais vous le dire.
00:14:31 -Dès qu'on parle de vacances, on est curieux.
00:14:33 -Ca veut dire que, là, les Français,
00:14:36 quand je les interroge, le sentiment de déclassement
00:14:39 passe d'abord par les vacances.
00:14:41 Ca se passe aussi par l'alimentation.
00:14:43 Mais ça passe aussi beaucoup par...
00:14:45 Moi, mon père était ouvrier,
00:14:47 il n'y avait qu'un seul salaire dans ma famille,
00:14:50 et pourtant, on partait en vacances.
00:14:52 Maintenant, il y a deux salaires à la maison.
00:14:55 C'est un chef de ligne dans l'industrie agroalimentaire
00:14:58 qui me raconte ça.
00:14:59 Il y a deux salaires à la maison,
00:15:02 et pourtant, je ne peux pas emmener mes enfants en vacances.
00:15:05 Je pense qu'on doit réinventer, par exemple,
00:15:08 un projet pour les vacances.
00:15:10 L'évidence, c'est quoi ?
00:15:11 L'évidence, c'est dire "péage gratuit".
00:15:14 Les autoroutes se sont gavées.
00:15:16 L'évidence, c'est de dire qu'on va mettre le train illimité
00:15:19 à 10 euros.
00:15:20 Il y a des problèmes,
00:15:22 on manque de serveurs dans les restaurants du Sud.
00:15:25 Il y a des étudiants en galère.
00:15:27 On construit le fait qu'on va mener les étudiants en...
00:15:30 -Est-ce que l'évidence, c'est pas d'abord de s'attaquer
00:15:33 aux vraies préoccupations quotidiennes des Français
00:15:36 plutôt que de les envoyer en vacances ?
00:15:39 Est-ce que vous auriez le courage,
00:15:41 ce qui n'est pas fait dans ce pays depuis 40 ans,
00:15:43 de s'attaquer au problème du logement,
00:15:46 qui est un des problèmes essentiels,
00:15:48 puisque beaucoup de cette hypersensibilité
00:15:50 sur le pouvoir d'achat vient de la place du logement
00:15:54 prise dans le budget des Français.
00:15:56 -Je suis d'accord avec vous.
00:15:57 Ce qu'on peut faire en 3 mois,
00:15:59 les lumières qu'on peut ramener...
00:16:01 -Les Français qui seront rentrés de vacances,
00:16:04 ils y retrouveront leurs problèmes.
00:16:07 -C'est-à-dire qu'ils vont avoir un salaire.
00:16:09 Je viens pour dire une chose simple,
00:16:11 les Français doivent pouvoir vivre de leur travail,
00:16:14 le travail passé, la retraite.
00:16:16 Il faut poser ça comme principe.
00:16:18 Dans un temps où on a une inflation à 6 %,
00:16:21 à 16 % sur les produits agroalimentaires,
00:16:23 la base de tout, c'est se dire qu'on indexe les salaires
00:16:27 sur l'inflation.
00:16:28 On fait que les salaires suivent l'inflation.
00:16:31 -Vous ne dites rien, parce qu'on vous contredit souvent
00:16:34 de vous proposer d'indexer les salaires sur l'inflation ?
00:16:37 Ca n'a pas marché ? Ca peut créer encore plus d'inflation ?
00:16:40 -La réalité, c'est que déjà, tous les salaires minimums
00:16:43 sont de fait indexés sur l'inflation.
00:16:46 Dans les boîtes, puisque vous allez souvent sur le terrain,
00:16:49 vous voyez bien que les discussions
00:16:51 entre les syndicats et les patrons ne se passent pas si mal.
00:16:54 Vous avez en moyenne 4 à 5 % d'augmentation de salaire en 2022,
00:16:58 vous en aurez autant en 2023.
00:17:00 Je ne dis pas que c'est bien,
00:17:02 mais dans les entreprises, ça discute.
00:17:04 -On est à 3 % d'augmentation en moyenne
00:17:06 par rapport à 6 %.
00:17:07 On a des prix qui augmentent plus vite que les salaires.
00:17:10 Je vous rejoins sur la question du logement.
00:17:13 Si on regarde ce qui a évolué dans la part du budget des ménages,
00:17:17 c'est la part des logements qui gagne
00:17:19 et c'est la part de l'alimentaire qui baisse.
00:17:21 Il y a à se demander comment on fait,
00:17:23 mais ça ne va pas se faire en 3 mois.
00:17:25 Il y a des thèmes comme ça qu'il faut sortir du marché.
00:17:29 Les logements peuvent appartenir au marché.
00:17:31 Il y a des questions sur lesquelles on doit avoir
00:17:34 un marché qui est régulé, encadré.
00:17:36 On espère que ce soit la loi de la concurrence immobilière
00:17:39 qui fasse qu'on ait une création de logements
00:17:42 et une création de logements ciblés pour ceux qui en ont besoin,
00:17:45 à commencer par les logements vacants, tous azimuts,
00:17:49 avec le Airbnb,
00:17:50 avec la multiplication des résidences secondaires
00:17:53 dans des zones où ça prime sur les résidences principales.
00:17:56 -François Ruffin, on est curieux de vous entendre
00:17:59 dialoguer avec les Français, les spectateurs,
00:18:02 des vacances et des retraites.
00:18:04 Je reviens au moment décisif qu'on vit demain à 17h40.
00:18:07 Ce sera en direct sur BFM TV,
00:18:08 une édition spéciale présentée par Aurélie Casse.
00:18:11 Je le dis, au revoir.
00:18:13 Décision du Conseil constitutionnel.
00:18:15 Est-ce que tout se joue demain ?
00:18:17 -Non.
00:18:18 Pour moi, ça se joue dans la durée.
00:18:21 Je ne pense pas qu'on puisse laisser le sort
00:18:23 d'une réforme comme celle-là
00:18:25 à, entre les mains, neuf sages.
00:18:27 C'est pas vrai.
00:18:28 Donc, il y a là une déclaration juridique.
00:18:31 Est-ce que c'est constitutionnel ? Est-ce que c'est pas ?
00:18:34 Ça n'enlève rien au fait que ça puisse être illégitime
00:18:37 quand des millions de Français se sont multipliés dans la durée.
00:18:41 -Sauf que le président doit la promulguer dans les 15 jours.
00:18:45 -D'accord, mais lui, il fera ça, peut-être,
00:18:47 mais c'est pas le dernier mot.
00:18:49 Derrière, il va y avoir des luttes,
00:18:51 il y aura peut-être un référendum et d'autres élections.
00:18:55 -C'est une porte de sortie ?
00:18:56 -En tout cas, c'est pas une porte de sortie,
00:18:59 c'est au Conseil constitutionnel de décider.
00:19:01 -C'est le Conseil valide ?
00:19:03 -En tout cas, je suis très preneur du fait
00:19:05 qu'on aille chercher 5 millions de signatures.
00:19:08 -Pourquoi il y en a un deuxième ?
00:19:10 On apprend que la gauche a déposé un deuxième référendum
00:19:13 d'initiative partagée.
00:19:15 Le Conseil constitutionnel dit qu'il l'a reçu.
00:19:17 Jusqu'ici, tout va bien ou pas.
00:19:19 Pourquoi le premier n'allait pas ?
00:19:22 -Je crois qu'il n'y avait pas une notion fiscale
00:19:24 insuffisante dans le premier RIP
00:19:26 qui était adressé au Conseil constitutionnel.
00:19:29 -Le Conseil constitutionnel pourrait invalider
00:19:32 la première demande de référendum.
00:19:34 -Oui, oui.
00:19:35 Maintenant, là, il y a un rôle,
00:19:37 on voit très bien qu'il y a un rôle du Conseil constitutionnel
00:19:40 qui ne se limite pas à la Constitution.
00:19:43 C'est-à-dire qu'il y a...
00:19:44 Dans le pays, quelle corde de rappel il va y avoir
00:19:47 pour dire à un homme qui est très seul là-haut ?
00:19:50 Quand ils en sont à dire au Conseil d'orientation des retraites
00:19:54 "C'est vous qui faites du mauvais travail",
00:19:56 ça va, stop. Avec qui ils ne sont pas fâchés ?
00:19:59 On les voit côte à côte, mais ils se tournent le dos.
00:20:02 -D'Elisabeth Borne et d'Emmanuel Macron.
00:20:04 -Je veux dire, un homme seul qui décide là-haut
00:20:08 contre un pays presque tout entier,
00:20:10 moi, chez moi, ce sont les artisans
00:20:12 qui étaient contre cette réforme.
00:20:14 -Mais vous, député France Insoumise de la Somme,
00:20:17 est-ce que vous faites confiance
00:20:19 au Conseil constitutionnel ?
00:20:21 Est-ce que vous respecterez demain la décision
00:20:24 du Conseil constitutionnel ?
00:20:25 -Le volet juridique, constitutionnel,
00:20:28 c'est conforme ou pas à la Constitution.
00:20:30 Il y a des très forts éléments, il faut les signaler,
00:20:33 qui plaident pour dire que ça n'est pas conforme à la Constitution.
00:20:37 Quand on a introduit le plan de loi de finances
00:20:40 rectificatif de la Sécurité sociale en 1996,
00:20:42 c'était très encadré par le rapporteur Pierre Mazot,
00:20:45 un homme de droite, qui disait qu'on pouvait rectifier
00:20:49 la loi de finances si ça impliquait les finances de l'année.
00:20:52 On voit qu'on est partis pour des décennies
00:20:55 dans cette direction-là.
00:20:56 Il pouvait y avoir de la rectification
00:20:59 si il y avait un changement de gouvernement.
00:21:01 La deuxième cause, c'est si jamais il y avait un dépassement
00:21:05 des comptes sociaux, que malinifestement,
00:21:07 ils n'allaient pas dans le bon sens.
00:21:10 La troisième, c'est si jamais il y avait une crise sanitaire majeure.
00:21:14 Il y a déjà, sur le véhicule législatif,
00:21:17 des problèmes de santé, il faut du courage.
00:21:19 Il faut du courage au sage pour balayer la loi dans sa totalité,
00:21:23 mais il y a un argument important pour dire
00:21:25 que cette loi n'est pas constitutionnelle.
00:21:28 -Vous ne faites pas partie de ceux qui disent
00:21:31 que c'est un organe politisé.
00:21:33 Sophie Binet de la CGT dit "je crains une décision politique",
00:21:37 plus que fondée en droit.
00:21:38 -Je crois que tout est politique.
00:21:40 Je crois que c'est pas vrai que le droit se tord.
00:21:43 Il n'y a rien de pur dans ce...
00:21:46 Dans cette société.
00:21:47 Conforme ou non à la constitution,
00:21:49 ils ont le moyen de faire tomber la pièce sur pile ou surface.
00:21:53 Je vous le redis, c'est pas...
00:21:55 Ils vont déclarer que c'est constitutionnel
00:21:58 ou pas, mais ça n'empêche pas que la légalité est une chose,
00:22:01 la légitimité en est une autre.
00:22:03 -Peu importe la décision du Conseil.
00:22:06 -C'est pas peu importe.
00:22:07 Il est évident que ça aura un impact majeur.
00:22:10 Si ils disent qu'il y a une porte ouverte
00:22:13 ou que c'en est fini avec cette loi sur les retraites,
00:22:16 je le dis, c'est entaché de légitimité,
00:22:18 on le voit bien, c'est entaché de légitimité dans la durée.
00:22:22 Il va y avoir des partis politiques qui, dans les prochaines années,
00:22:26 vont dire qu'ils ont le retour sur cette réforme.
00:22:28 Ce sont ces partis-là qui vont gagner.
00:22:31 Ce sont ces partis-là qui vont gagner.
00:22:33 -Vous le direz aussi ?
00:22:35 -Bien sûr qu'on le dira.
00:22:36 Bien sûr que nous le dirons.
00:22:38 Je pense que ça fera partie des choses
00:22:41 qui vont être un marqueur important pour les Français.
00:22:44 Dans la durée, sur le plan politique,
00:22:46 il se passe un effondrement,
00:22:48 un effritement du Bloc libéral central.
00:22:50 La question, c'est les particules qui décrochent
00:22:53 de ce Bloc libéral central, où vont-elles ?
00:22:56 Basculent-elles à l'extrême droite
00:22:58 dans un programme autoritaire ou à gauche dans un programme progressiste ?
00:23:02 La bataille, elle est là.
00:23:04 -On l'a évoqué tout à l'heure avec Amandine.
00:23:06 Vous l'avez évoqué rapidement.
00:23:08 C'est ce Conseil constitutionnel protégé tout à l'heure
00:23:12 par des rangs de CRS ou de gendarmes mobiles.
00:23:16 Cette image-là, qu'est-ce qu'elle raconte pour vous
00:23:19 du moment décisif que nous vivons ?
00:23:21 -Je sais pas si bientôt ils vont envoyer
00:23:24 les casques bleus de l'ONU en France.
00:23:26 Qu'est-ce que ça dit d'une démocratie
00:23:28 qui doit déployer cette force-là
00:23:30 devant le Conseil constitutionnel ?
00:23:32 Ça monte un grand état de tension, la société.
00:23:36 Moi, je viens pas m'en réjouir.
00:23:38 Je viens demander qu'on retrouve le chemin de l'apaisement.
00:23:42 Mais les moyens de l'apaisement sont entre les mains du pouvoir.
00:23:46 -Ca peut aussi dire qu'en face, il y a de la violence.
00:23:49 -Il y a une tension évidente aujourd'hui dans le pays.
00:23:52 Comment on sort de cette tension-là ?
00:23:54 Comment on apaise le pays ? Quel message...
00:23:57 Le message le plus simple qui aurait été envoyé
00:24:00 par le président de la République, c'était de dire
00:24:03 "J'abandonne cette réforme et je passe à autre chose."
00:24:06 Il y a un rapport sur les mille premiers jours
00:24:08 qui vient de paraître, sur les crèches,
00:24:11 où il y a de la maltraitance.
00:24:13 -Notre équipe a aussi enquêté dessus.
00:24:15 -On aurait dû avoir un programme sur comment on fait
00:24:18 au début et à la fin de la vie.
00:24:20 J'avais proposé un projet sur les métiers du lien
00:24:23 au fil de l'existence, sur les assistantes maternelles,
00:24:26 les accompagnantes d'enfants en situation de handicap,
00:24:29 les auxiliaires de vie sociale.
00:24:31 Dans tous ces métiers, les ADSEM,
00:24:34 les femmes, qui exercent massivement ces métiers,
00:24:36 comment ça se fait qu'elles soient maltraitées ?
00:24:39 Sur le terrain des salaires et des horaires.
00:24:42 Je pense que ça, c'était un fil pour réparer le pays.
00:24:45 Pour réparer le pays politiquement,
00:24:47 avec des classes populaires qui travaillent
00:24:50 mais qui se voient méprisées, et pour réparer le pays.
00:24:53 -Il y a un bras de fer qui va continuer.
00:24:55 On comprend bien quand on vous entend,
00:24:58 mais combien de temps les Français vont pouvoir
00:25:01 manifester ? Laurent Berger dit qu'on ne pourra pas
00:25:04 encore tenir six mois. -Je ne suis pas
00:25:06 responsable syndical. Si vous voulez recevoir
00:25:09 Sophie Binet ou Laurent Berger, vous le ferez.
00:25:11 Je ne suis pas responsable syndical.
00:25:14 Ma responsabilité est de dire qu'à tout mouvement social
00:25:17 qui soit vainqueur ou vaincu, il faut offrir
00:25:19 un débouché politique. Mai 68, c'est mai 81.
00:25:22 Décembre 95, c'est la gauche plurielle 1997.
00:25:25 2010, les grèves contre les retraites sous Sarkozy,
00:25:28 et 2012, Hollande. Je ne plébiscite pas
00:25:31 tous les débouchés politiques qu'il y a pu y avoir.
00:25:34 Mais nous devons construire un débouché politique
00:25:37 qui fait que, naturellement, je pense à ces centaines
00:25:40 de personnes qui se sont manifestées à Friville-Escarbotin.
00:25:43 -La suite ne se joue pas dans la rue.
00:25:46 Le prochain agenda sera politique.
00:25:48 -Je ne déconnecte jamais la rue et les urnes.
00:25:50 Je ne suis pas maître de la rue.
00:25:52 Ce sont les syndicats qui ont la main là-dessus.
00:25:56 Mais nous devons construire un chemin d'espérance
00:25:58 qui fait que les 300...
00:26:00 Les 300, 400 personnes qui se sont réunies
00:26:02 à Friville-Escarbotin, à Albert, à Perronne,
00:26:05 dans des bleds, où d'habitude, il y a pas grand-chose qui bouge,
00:26:09 partout en France, ils se disent
00:26:11 "Non seulement je retrouve le chemin de la gauche,
00:26:14 "mais je vais porter ce programme-là dans mon coin."
00:26:17 -Vous nous avez dit à plusieurs reprises
00:26:19 que vous étiez inquiet du climat dans le pays.
00:26:22 Est-ce que vous, collectivement,
00:26:24 votre groupe politique n'avait pas contribué
00:26:27 à cette hystérisation, à la fois de ce qui s'est passé
00:26:30 à l'Assemblée et accentué la tension dans le pays ?
00:26:33 -Ce n'est pas comprendre ce qui se passe dans le pays.
00:26:36 Ca ne veut pas dire que tout ce qui a été fait
00:26:39 à l'Assemblée nationale est parfait.
00:26:41 Vous connaissez le discours critique que je peux avoir.
00:26:44 Mais ce n'est pas comprendre ce qui se passe.
00:26:47 Les gens n'ont pas été le nez sur l'Assemblée nationale
00:26:50 pour se dire "il faut qu'on s'énerve".
00:26:53 On peut mesurer la colère des gens
00:26:55 quand ils sont en situation d'usure dans une boîte,
00:26:58 peut-être les gens de chez Mersenne, par exemple,
00:27:01 dans mon coin, chez moi, qui se disent
00:27:03 "on fait des gestes répétitifs pour la journée".
00:27:06 Ils me décrivent leur travail, les postures dans lesquelles
00:27:10 ils se trouvent. Tout ça, c'est pas compris.
00:27:12 On a des copains qui se font virer avant 60 ans
00:27:15 pour inaptitude et on leur propose aucun emplacement.
00:27:18 Et pourtant, on va nous dire qu'il faut aller jusqu'à 64 ans.
00:27:22 -On parlait de l'attitude des responsables politiques.
00:27:25 -Ce que je vous dis, parce qu'il dit,
00:27:27 c'est par effet miroir que les Français se sont énervés.
00:27:30 -Ils avaient contribué.
00:27:32 -Je crois pas du tout que ça ait cet impact-là.
00:27:35 Ca veut pas dire que je suis heureux de tout ce qui s'est passé.
00:27:39 -Vous l'avez dit plusieurs fois. -En revanche, je vous dis,
00:27:42 faut pas croire que c'est par mimétisme
00:27:44 des responsables politiques.
00:27:46 Aujourd'hui même, on est en deçà de la colère éprouvée
00:27:50 de nos coeurs par les Français qui travaillent
00:27:52 dans des conditions, je dis, la France qui se lève tôt,
00:27:55 qui va au boulot, qui a mal au dos.
00:27:57 Cette France-là, aujourd'hui, elle se sent méprisée,
00:28:01 elle se sent humiliée, elle se sent écrasée.
00:28:03 Et alors, il y a ceux qui se résignent,
00:28:05 et franchement, c'est pas le meilleur des chemins,
00:28:08 et il y a ceux qui éprouvent une forme de révolte.
00:28:11 Il faut comprendre qu'il y a ça très profondément ancré
00:28:15 dans le pays. Pour moi, la résignation
00:28:17 est une espérance. Comment on fait pour passer
00:28:20 de la résignation à l'espérance ?
00:28:22 -Comment vous construisez des débouchés politiques
00:28:25 si plusieurs responsables de gauche ne veulent pas voir
00:28:28 Elisabeth Borne, si le dialogue est rompu,
00:28:31 s'il n'y a plus de discussion ?
00:28:33 -C'est pas avec Elisabeth Borne
00:28:35 que se construit un débouché politique aujourd'hui.
00:28:38 Vous voyez, on peut avoir des débats dans l'hémicycle,
00:28:41 on continuera de les avoir.
00:28:43 S'ils nous amènent un projet vraiment appétissant
00:28:46 et qu'ils veulent pas nous balader avec des cacahuètes,
00:28:49 ils nous font un projet de loi bien vieillir.
00:28:52 L'enseigne lumineuse sur la devanture,
00:28:54 elle est très jolie. Derrière, tout le monde dit
00:28:57 qu'il y a rien dedans, y compris la rapporteure En Marche.
00:29:01 Pourtant, il nous faudrait un projet de loi grand âge
00:29:04 pour les personnes âgées, dont on a vu à travers le scarnal
00:29:07 comment elles pouvaient être maltraitées,
00:29:09 mais il nous faut aussi un projet de loi grand âge
00:29:12 pour tous les salariés de ces secteurs-là,
00:29:15 qui sont les personnes au domicile,
00:29:17 qui demandent à avoir des horaires,
00:29:19 pas de 8h du matin à 8h du soir, avec des journées à tout,
00:29:23 et à la fin, des salaires de miettes.
00:29:25 Et là, il n'y a rien de proposé.
00:29:27 Pendant les 5 années que j'ai passées dans le mandat précédent,
00:29:31 chaque fois que je trouvais quelque chose de positif,
00:29:34 je le prenais.
00:29:35 Maintenant, il s'agit de passer à quelque chose d'ambitieux.
00:29:39 -François Ruffin, il y a une fenêtre qui se referme
00:29:42 et dont vous aviez profité, c'était l'argent pas cher,
00:29:45 les taux d'intérêt nuls, la dette publique
00:29:47 qu'on pouvait augmenter pendant le Covid,
00:29:50 car il y avait un financement particulier.
00:29:52 Là, c'est terminé.
00:29:54 Est-ce que vous pensez qu'on est toujours dans ce même monde
00:29:57 d'argent facile, celui du programme de Jean-Luc Mélenchon,
00:30:01 et qui le rendait presque crédible ?
00:30:03 Est-ce qu'on a encore les moyens de dépenser
00:30:06 quand le FMI dit que la France ne tient pas ses finances publiques ?
00:30:09 -Je veux être sérieux sur les finances publiques,
00:30:13 et sur le déficit commercial de la France.
00:30:15 Quand je vois que le déficit commercial de la France
00:30:18 est de 164 milliards d'euros,
00:30:20 la première chose à se résoudre, ce n'est pas ce qui va arriver
00:30:24 avec le déficit de retraite à hauteur de 12 milliards d'euros,
00:30:27 c'est ce qui se passe avec ces 164 milliards d'euros.
00:30:31 Je ne vois pas le gouvernement parler.
00:30:33 Emmanuel Macron est allé en Chine,
00:30:35 le pays avec le plus de déficit commercial,
00:30:38 c'est un quart de notre déficit commercial,
00:30:41 et ce dont je parle, en termes de chiffres,
00:30:43 c'est très concret pour les Français.
00:30:46 On n'a plus de pilules abortives dans certains pharmacies.
00:30:49 On a perdu notre savoir-faire en matière de médicaments.
00:30:53 La semaine dernière, j'étais dans l'usine Eurolysine,
00:30:56 sur la zone industrielle d'Amiens,
00:30:58 qui a fabriqué la totalité d'une molécule,
00:31:01 la lysine, un acide aminé qui sert pour nourrir les volailles,
00:31:04 mais qui sert aussi dans la pharmacie,
00:31:07 qui avait 100 % du marché européen.
00:31:09 Il leur reste 15 %.
00:31:10 On a mis à bas les droits de douane,
00:31:13 à hauteur de 6 %, ils ont été démolis,
00:31:15 et ça vise 100 % du marché dévolu au chinois.
00:31:18 Je veux la prendre au sérieux, monsieur Euchy,
00:31:21 mais la 1re question à se poser, c'est celle du déficit commercial.
00:31:25 Le 2e point, c'est l'énergie.
00:31:27 Comment on fait pour ne plus avoir une facture d'énergie ?
00:31:30 80 milliards d'euros de déficit commercial sur l'énergie.
00:31:34 Ca fait 5 ans que je le dis en Commission des affaires économiques.
00:31:38 C'est la rénovation thermique des bâtiments.
00:31:41 Ca va être gagnant sur les factures, sur l'emploi local,
00:31:44 sur la planète, sur la santé,
00:31:48 parce que si on a des ménages avec des personnes de l'humidité,
00:31:52 ça nuit à la santé des gens,
00:31:53 et ça va être gagnant sur l'indépendance nationale.
00:31:57 Faisons ça pour gagner sur le plan du déficit commercial.
00:32:01 Au rythme où on va...
00:32:02 -Et ensuite, il faut en retraite.
00:32:05 -Au rythme où on va sur les passoires thermiques,
00:32:08 on en a pour 2000 ans à éliminer les passoires thermiques.
00:32:11 -Pourquoi vous êtes pas plus ambitieux ?
00:32:14 -Manuel Lechypre !
00:32:15 -C'était le français qui avait parlé.
00:32:17 -Je l'ai déjà dit.
00:32:19 -Manuel Lechypre, indiscipliné.
00:32:21 -Roosevelt, 1942.
00:32:22 Il entre en guerre aux Etats-Unis
00:32:24 en se demandant comment on fait pour mettre les capitaux,
00:32:28 la main-d'oeuvre, les savoir-faire, l'intelligence du pays
00:32:31 au service d'une cause, l'économie de guerre.
00:32:35 Je veux savoir faire les capitaux, l'énergie,
00:32:37 au service d'une cause, l'économie de guerre climatique.
00:32:41 C'est lié aux retraites, pour moi.
00:32:43 -On y vient.
00:32:44 -Je vous dis pourquoi c'est lié aux retraites.
00:32:47 Ce qui me navre le plus là-dedans, c'est le gâchis.
00:32:50 L'immense gâchis.
00:32:51 On devrait être en train de se demander
00:32:54 comment on fait pour remettre sur pied l'école.
00:32:56 On a un hôpital en Lombo, comment on fait ?
00:32:59 On a un rail qui déraille, comment on fait ?
00:33:02 On va avoir des sécherettes, comment on fait ?
00:33:04 On devrait se retrousser les manches ensemble,
00:33:07 côte à côte, pour faire ça.
00:33:09 On a mis les brandons de la discorde dans le pays,
00:33:12 on a créé la désunion et la division.
00:33:14 C'est pas le chemin qu'il nous faut.
00:33:16 -Il faut que vous dialoguiez avec les Français qui sont dans ce studio.
00:33:21 J'y vais, Aurélie Casse.
00:33:22 Je vais retrouver ceux qui sont avec nous ce soir.
00:33:25 Je vais me faufiler dans le public.
00:33:28 Qui veut poser la 1re question à François Ruffin
00:33:31 autour de moi ce soir ?
00:33:32 Pardon, je suis obligé de vous pousser.
00:33:35 Qui veut poser la 1re question ?
00:33:37 Stéphanie, voulez-vous poser la 1re question ?
00:33:40 Je vous présente rapidement.
00:33:41 Vous avez 2 instituts de beauté.
00:33:44 Vous êtes clairement pour la réforme des retraites.
00:33:47 Quelle question avez-vous envie de poser à Ruffin
00:33:50 après l'avoir entendue pendant cette 1re demi-heure ?
00:33:53 -Je vais revenir à des fondamentaux très basiques.
00:33:58 En tant que commerçante,
00:34:00 je parle pour les commerçants, les artisans,
00:34:03 notamment parisiens, dans les grandes villes,
00:34:07 on souffre beaucoup de toutes ces manifestations,
00:34:12 ces grèves.
00:34:13 Ca perturbe beaucoup le commerce.
00:34:17 Alors, j'aurais une question...
00:34:22 J'aurais une question à vous poser.
00:34:24 -Rien que là-dessus ?
00:34:27 -Peut-être que Ruffin peut vous répondre.
00:34:30 Sur le fait, qu'après 3 mois de manifestations,
00:34:33 3 mois de manifestations qui ont parfois été rudes
00:34:37 et qui ont perturbé le commerce
00:34:39 et un certain nombre de secteurs économiques,
00:34:42 est-ce qu'il n'est pas le temps,
00:34:44 je ne sais pas ce que vous en pensez,
00:34:46 que ça s'arrête pour l'économie du pays ?
00:34:48 -Il n'y a pas de doute.
00:34:50 J'aurais préféré que ça ne démarre pas.
00:34:53 J'aurais préféré que les gens n'aient pas fait
00:34:56 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12 manifestations
00:34:59 pour être entendus.
00:35:00 J'aurais préféré, parce que vous dites souffrir,
00:35:03 madame, et je le comprends parfaitement,
00:35:06 mais les gens qui font grève aujourd'hui,
00:35:08 je ne vois pas de gens qui font grève par plaisir.
00:35:11 D'abord, les gens aiment leur travail.
00:35:13 Parfois, ils n'aiment pas la manière dont on leur fait faire.
00:35:17 Mais ils aiment leur travail.
00:35:19 Ils préféraient travailler, être payés sur ces journées-là.
00:35:22 Je ne connais personne qui a perdu 12 journées de salaire
00:35:26 en ce moment.
00:35:27 En effet, je souhaite qu'on sorte de cette tournière,
00:35:30 qu'on sorte de cette impasse, mais je le dis,
00:35:33 c'est le président qui a la main sur l'apaisement de ça.
00:35:36 Madame, j'entends que vous êtes pour cette réforme.
00:35:39 Je veux juste vous demander
00:35:41 si vous êtes pour cette réforme dans ce tempo-ci,
00:35:44 c'est-à-dire, est-ce que vous vous dites,
00:35:46 de ce que vous percevez de votre entourage,
00:35:49 après deux années de crise Covid,
00:35:51 après ce que les Français ont traversé,
00:35:54 c'était le moment de faire ça ou pas ?
00:35:56 Je vous pose des questions très ouvertes,
00:35:59 si vous permettez.
00:36:00 Est-ce que vous vous dites,
00:36:02 compte tenu de l'opposition dans le pays,
00:36:04 qui disent que 2/3 des Français, 4/5 des salariés,
00:36:07 demeurent hostiles à cette réforme,
00:36:10 dans ces conditions-là, même si je suis pour,
00:36:12 il faudrait mettre de la tempérance, de la modération
00:36:16 et pas passer en force sur le corps social ?
00:36:18 -Là, on est en train d'essayer de passer en force.
00:36:21 On voit bien que le mouvement s'essouffle,
00:36:24 heureusement pour nous,
00:36:26 mais moi, je vois les employés souffrir,
00:36:30 qui viennent travailler sur Paris, qui prennent les transports,
00:36:34 qui prennent les transports à des heures pas possibles,
00:36:37 le matin, pour entrer le soir, c'est infernal.
00:36:40 C'est honteux de leur faire subir ça.
00:36:43 C'est difficile, c'est très difficile.
00:36:45 Il faut que ça cesse.
00:36:49 Mais moi, je suis pour que ça cesse, que les choses soient claires.
00:36:53 Non, mais si, il n'y a pas de doute.
00:36:55 Maintenant, j'entendais l'autre souffrance aussi,
00:36:59 c'est les gens qui vont partir avec deux années de plus au bout.
00:37:03 Il y a une souffrance dans le monde du travail aujourd'hui
00:37:07 qui est là.
00:37:08 Quelque part, ce refus aussi massif de prolonger de deux ans
00:37:13 vient dire cette souffrance au travail.
00:37:15 Je dis toujours que le travail doit être l'effort et le réconfort.
00:37:19 Tout ne se passe pas dans la joie et la bonne humeur.
00:37:22 Je vous donne des stats comme ça,
00:37:24 parce que je les ai vues être incarnées.
00:37:27 On pourrait penser qu'après 40 ans d'automatisation,
00:37:30 de robotisation, de numérisation de la société,
00:37:33 la pénibilité a reculé.
00:37:34 Or, d'après la Dares, le ministère des Affaires sociales,
00:37:38 la contrainte physique est passée de 12 % des salariés
00:37:41 à 34 % des salariés.
00:37:42 Les contraintes psychiques sont passées de 6 % des salariés
00:37:46 à 35 % des salariés.
00:37:47 Il y a une souffrance, puisque vous prononcez le mot souffrance,
00:37:51 inscrite profondément dans le monde du travail
00:37:54 et dont il s'agit de se demander comment on fait pour en sortir.
00:37:57 Comment on fait pour en sortir avec les chefs d'entreprise,
00:38:01 le ministère du Travail, pour en sortir ensemble
00:38:04 et pour que les gens qui aiment leur travail soient heureux ?
00:38:07 -Stéphanie, je vous reprends le micro.
00:38:10 Ce que vous venez de dire a fait réagir une autre Stéphanie.
00:38:13 Bonsoir, Stéphanie. Vous êtes prof.
00:38:16 de CGT, affiliée à la CGT ? -Oui.
00:38:18 -Contre la réforme.
00:38:20 Vous avez réagi tout de suite quand l'autre Stéphanie,
00:38:23 qui est à ma droite, disait que le mouvement s'essouffle
00:38:26 et vous aviez aussi une question pour François Ruffin.
00:38:30 -Au risque de vous décevoir, le mouvement ne s'essouffle pas.
00:38:34 Il se diversifie, il s'étend, il se...
00:38:37 Par exemple, je suis enseignante en grève reconductible.
00:38:41 J'ai repris le travail,
00:38:43 parce que mes élèves ont besoin d'avoir des cours aussi.
00:38:46 Mais je me suis beaucoup engagée, par exemple, à la Thiru d'ici,
00:38:49 où j'ai rencontré d'ailleurs M. Ruffin.
00:38:52 -La caisse donc ? -C'est l'incinérateur d'ici.
00:38:55 Et là, on peut observer une interprofessionnelle,
00:38:59 une intersectionnelle aussi, et une grève qui est tournante.
00:39:03 -Vous dites que le mouvement ne s'essouffle pas.
00:39:06 Les chiffres sont en train de baisser.
00:39:08 Vous pourrez dialoguer ensemble ?
00:39:10 -Il y a eu des chiffres de mobilisation
00:39:12 les jours de grandes manifestations.
00:39:14 Je reviens à ce qu'on disait.
00:39:16 C'est fatigant, c'est dur, la grève.
00:39:18 C'est très difficile, c'est beaucoup de sacrifices,
00:39:21 c'est beaucoup de fatigue.
00:39:23 Donc oui, les gens sont fatigués,
00:39:25 mais les gens qui sont allés jusque-là...
00:39:27 Il ne faut pas oublier que ça fait 3 mois que ça dure.
00:39:30 C'est un mouvement historique.
00:39:32 On n'a jamais vu une unité syndicale pareille.
00:39:35 De mon expérience à moi,
00:39:36 je n'ai jamais vu une interprofessionnelle pareille.
00:39:40 -Quelle est votre question à François Ruffin ?
00:39:42 -Ma question à François Ruffin...
00:39:44 Je n'en ai pas vraiment.
00:39:46 Je suis totalement d'accord avec ce que dit Néstor Pouy.
00:39:49 -Vous pouvez malgré tout la déronger.
00:39:51 Vous aviez une question sur le débouché politique de tout ça.
00:39:55 -Parce qu'en effet, tout ça est politique.
00:39:58 Quel espoir la gauche peut nous donner ?
00:40:00 On a encore 4 ans.
00:40:02 En même temps, une véritable démocratie,
00:40:04 on ne vote pas une fois tous les 5 ans et c'est terminé.
00:40:08 Une des véritables démocraties, c'est le peuple aussi.
00:40:11 C'est la voix du peuple.
00:40:13 Mais ça, il en est bien conscient, M. Ruffin.
00:40:16 -Quel espoir, François Ruffin ?
00:40:18 -Quelle stratégie comptez mettre en place ?
00:40:20 Même s'il ne s'agit pas de dévoiler.
00:40:23 Quelle stratégie pour gagner et faire reculer le FN ?
00:40:26 -Alors, dans ce que vous avez dit,
00:40:28 je me souviens d'un gilet jaune sur lequel il était inscrit.
00:40:32 "Faire à l'amour une fois tous les 5 ans,
00:40:34 "ce n'est pas une vie sexuelle.
00:40:36 "Voter une fois tous les 5 ans, ce n'est pas une vie démocratique."
00:40:40 C'est une expression de ce qui se passe aujourd'hui.
00:40:43 Quel est le moyen qu'a le peuple d'intervenir
00:40:46 dans la vie politique pour ne pas que ça lui passe au-dessus,
00:40:50 quand il a envie d'avoir prise là-dessus
00:40:53 et qu'il ne trouve pas le levier ?
00:40:55 J'aurais souhaité qu'on sorte du mouvement du gilet jaune
00:40:58 avec une conquête démocratique,
00:41:01 le référendum d'initiative citoyenne,
00:41:03 et ne pas attendre la décision des 9 sages du Conseil constitutionnel
00:41:07 pour avoir un outil, et ce n'est pas révolutionnaire,
00:41:10 c'est faire ce que fait la Suisse.
00:41:13 -Les votations.
00:41:14 -Les votations.
00:41:15 -Pour prolonger sa question, comment vous expliquez
00:41:19 le fait que quand on regarde les sondages,
00:41:21 il faut se méfier des sondages, c'est une photographie.
00:41:24 Le dernier sondage de Bernard Sananès montrait
00:41:27 que si l'élection avait lieu demain,
00:41:29 c'est à Marine Le Pen que cette crise profiterait,
00:41:33 c'est la présidentielle, pas vous ?
00:41:35 -La messe n'est pas dite, il n'y a pas de fatalité dans tout ça,
00:41:38 je viens pour retrousser les manches et combattre.
00:41:41 Il y a une pente qui est prise,
00:41:43 les gens se saisissent du plus gros bâton,
00:41:46 et le plus gros bâton est le RN.
00:41:48 Il faut inverser ça.
00:41:49 Il y a une bataille qui est menée là-dessus,
00:41:52 on doit s'interroger sur... -Pourquoi ?
00:41:54 -Je pense, parce que, je le dis, la pente,
00:41:59 elle va dans ce sens-là.
00:42:00 Nous, on a un travail à faire contre cette pente-là,
00:42:03 qui est de venir dire aux gens, simplement, là, aujourd'hui,
00:42:08 d'abord, le RN, quand est-ce qu'il a porté
00:42:11 les conquêtes aux salariés dans notre pays ?
00:42:13 Ou bien, l'extrême droite,
00:42:15 de quand il y a eu une conquête sociale
00:42:17 qui est venue de ce côté-là ? Jamais ça s'est produit.
00:42:21 Toutes les conquêtes, les congés payés,
00:42:23 la sécurité sociale, les retraites,
00:42:25 elles sont venues de la gauche, pas de l'extrême droite.
00:42:29 On a un outil, puisque la gauche est rassemblée,
00:42:32 on a un outil qui fait qu'on a du travail devant nous,
00:42:35 parce qu'on part de loin.
00:42:36 Quand la gauche a signifié Hollande,
00:42:39 puis Emmanuel Macron sur le trône,
00:42:41 c'est quand même un sacré handicap, un sacré boulet.
00:42:44 Il y a une pente qui a remonté.
00:42:46 -Tout le monde doit vous poser des questions.
00:42:49 Je vais laisser d'abord Sébastien vous poser la question.
00:42:52 Certains mots, que vous avez prononcés,
00:42:55 le font réagir ce soir, et on va en reparler en 2027.
00:42:58 -Bonsoir, monsieur Ruffin.
00:43:00 C'était intéressant, parce que moi,
00:43:02 je ne partage pas vos idées, mais on est là pour débattre.
00:43:05 Ce qui m'intéresse, c'est que tout à l'heure,
00:43:08 vous avez parlé de la méthode Macron.
00:43:10 Même s'il y a des avis divergents,
00:43:12 tout le monde est d'accord sur cette méthode,
00:43:15 qui a été assez lamentable,
00:43:17 qu'on soit pour ou contre cette réforme.
00:43:19 Vous avez proposé, vous avez dit,
00:43:21 "Les Français ont besoin de câlins."
00:43:24 -De tendresse. -De tendresse.
00:43:26 -On n'était pas là pour les câlins.
00:43:28 -Pourquoi pas ? Vous les prendrez tous dans les bras.
00:43:31 Mais, OK, ça, c'est bien,
00:43:33 Emmanuel Lechypre a rebondi dessus en disant,
00:43:35 "Quand ils rentrent de vacances, il se passe quoi ?"
00:43:38 Et c'est vrai que, sur le terrain,
00:43:40 je suis un petit chef d'entreprise,
00:43:43 et je me rends compte que la plupart de mes collaborateurs,
00:43:46 c'est mettre de l'essence, c'est se chauffer,
00:43:49 parce qu'aujourd'hui, ce chauffer est devenu un luxe.
00:43:52 Donc, une fois que vous aurez offert
00:43:54 une semaine dans un camping, à un endroit ou ailleurs,
00:43:57 qu'est-ce qui va se passer pour les Français ?
00:44:00 Puisque Mélenchon, entre guillemets,
00:44:02 aujourd'hui, vous a en partie adoubé
00:44:04 pour potentiellement... Vous comprenez ?
00:44:06 Vous mettrez le mot que vous préférez.
00:44:09 Mais pour, en tout cas, éventuellement,
00:44:11 incarner son mouvement, peut-être, pour la présidentielle.
00:44:15 Donc, au-delà de cette semaine de vacances,
00:44:17 quelle est la place du travail et des retraites derrière
00:44:20 que vous allez mettre en place ? C'est ça, ma question.
00:44:24 -Que les choses soient claires,
00:44:25 je parle quand même d'abord des conditions matérielles d'existence,
00:44:29 que, de par mon métier et là où je me trouve,
00:44:32 je connais très bien et parfois trop bien
00:44:34 des salariés de ce pays.
00:44:36 Donc, il y a une chose à régler, c'est les salaires.
00:44:39 Les Français doivent pouvoir vivre de leur travail.
00:44:42 Ça relève de l'évidence.
00:44:43 Et avec une fierté, je veux dire, les gens sont fiers
00:44:46 de gagner leur vie.
00:44:47 Maintenant, il y a aussi un droit au repos
00:44:50 et les deux doivent se conjuguer.
00:44:52 Donc, là, je veux dire que c'est la première chose.
00:44:56 On doit poser ça.
00:44:57 Il y a un certain nombre de métiers
00:44:59 où ça ne va pas de soi.
00:45:00 Je parlais des auxiliaires de vie sociale,
00:45:03 des femmes de ménage,
00:45:04 il y a un tas de métiers où les gens,
00:45:06 on veut travailler, on veut cumuler les contrats,
00:45:09 ils demeurent quand même à la fin en dessous du seuil de pauvreté.
00:45:13 Là, il y a quelque chose à régler.
00:45:15 La limitation des temps partiels,
00:45:17 un certain nombre de règles à mettre dans ces métiers-là.
00:45:20 Et ensuite, vous parlez de se chauffer.
00:45:23 J'y suis très sensible.
00:45:24 Les factures d'électricité, aujourd'hui,
00:45:27 c'est absolument une aberration.
00:45:29 C'est une aberration.
00:45:30 Qu'est-ce qui se passe ?
00:45:32 Alors que le coût du kWh sorti des centrales nucléaires,
00:45:36 il n'a pas augmenté, lui.
00:45:37 - On est d'accord. - Il n'a pas augmenté.
00:45:40 - Y a-t-il une politique à un levier ?
00:45:42 Par exemple, de désindexer l'électricité avec le gaz ?
00:45:45 - Il y aurait des choses à faire. - Si vous le dites à ma place.
00:45:49 - Vous n'étiez pas d'accord ? - J'ai dit qu'on avait des points
00:45:52 de convergent.
00:45:53 - Là, on a une folie complète.
00:45:55 On a une folie complète,
00:45:57 puisqu'il a fallu, dans des univers où il n'y avait pas de concurrence,
00:46:01 on a des dogmatiques à la tête du pays.
00:46:03 On le voit là, on a un jusqu'au-boutiste à l'Élysée.
00:46:06 - Je vous interromps sur ça.
00:46:08 Ce qui est intéressant, c'est qu'il y a une vision comptable
00:46:11 en permanence, faite par Macron, mais d'autres technocrates.
00:46:16 Ce qui serait intéressant chez les politiques,
00:46:18 c'est qu'ils amènent un peuple avec un projet, une utopie.
00:46:22 C'est là-dessus qu'on emmène les gens.
00:46:24 La plupart des gens ont envie de vivre de leur travail.
00:46:29 Mais quand vous dites qu'on va indexer,
00:46:31 je suis pour vous dire, indexer les salaires sur l'inflation.
00:46:35 En tant que chef d'entreprise, ça me pose aucun problème.
00:46:38 Au niveau du Cortex, je n'ai pas de problème.
00:46:41 Mais aujourd'hui, les situations de certaines entreprises,
00:46:45 dont la mienne, ne sont pas catastrophiques,
00:46:48 je ne peux pas appliquer ça.
00:46:49 Or, beaucoup de gens ont envie de vivre de leur travail,
00:46:52 et pas forcément qu'on leur fasse des chèques.
00:46:55 - Oui, mais justement, le remplacement des chèques
00:46:58 par des primes, des aides sous azimut,
00:47:01 il faut en finir avec ça.
00:47:02 Il faut que les gens vivent de leur salaire
00:47:05 et pas d'aumônes successives.
00:47:08 Du coup, pour les petites entreprises,
00:47:10 se pose la question de la justice fiscale.
00:47:13 Je rappelle qu'il y a des grands mouvements
00:47:15 qui sont nés dans notre pays sur des questions de justice fiscale.
00:47:19 La Révolution française, le point de départ,
00:47:22 c'est qui paye les impôts.
00:47:24 Est-ce que le tiers Etat doit être en charge de ça
00:47:27 ou est-ce que le clergé et la noblesse doivent en payer ?
00:47:30 Même la crise des Gilets jaunes, c'est une crise sur le prix du gasoil,
00:47:34 une crise fiscale au départ, puis une crise démocratique.
00:47:38 Quand on prend la situation des chefs d'entreprise,
00:47:41 se pose la question de la justice fiscale.
00:47:44 Comment les TPE et PME sont taxés à hauteur de 24 %,
00:47:47 que les entreprises du CAC 40 en moyenne devront être à 4 %
00:47:50 et qu'on a un total qui va réussir à payer 0 % d'impôt ?
00:47:53 -C'est l'optimisation fiscale qu'une petite entreprise
00:47:57 doit faire.
00:47:58 -Ce qui est vrai pour les entreprises
00:48:00 avec les petits payent gros et les gros payent petits,
00:48:03 est vrai aussi au niveau des individus,
00:48:06 puisqu'on va avoir une taxation des grandes fortunes de ce pays
00:48:10 qui va être inférieure à ce que vous pouvez payer
00:48:13 en tant qu'individu. Pourquoi ?
00:48:14 Je ne vais pas faire un cours, je ne vais pas remplacer Manuel Le Chip,
00:48:19 mais il y a eu un déplacement des bases fiscales.
00:48:22 Auparavant, c'était ce qui était mobile qui était taxé.
00:48:25 L'impôt sur les centralités était de 50 % au milieu des années 80.
00:48:29 Aujourd'hui, on est passé à 25 %, et le total est à 0 %.
00:48:32 Ca s'est déplacé vers les bases immobiles.
00:48:35 Vous, vous n'allez pas aller situer le siège de votre entreprise
00:48:39 au Luxembourg, au Bahamas, aux îles Caïmans.
00:48:42 Vous n'allez pas déménager en Andorre pour avoir une meilleure fiscalité.
00:48:46 Donc là, se pose la question de sur qui repose l'impôt.
00:48:49 Je pense que c'est la première des questions
00:48:52 qu'on aura à affronter sur le terrain comptable
00:48:54 quand nous serons à l'Elysée et dans les ministères.
00:48:57 Ca sera la question de qui doit payer l'impôt.
00:49:00 Il doit y avoir un mouvement vers davantage de justice fiscale.
00:49:04 -Il y a quand même un problème de cohérence.
00:49:07 Je ne voudrais pas gâcher l'ambiance,
00:49:09 mais on a un déficit commercial colossal.
00:49:12 Il faut retrouver d'une certaine façon la compétitivité
00:49:15 et appliquer la politique qui nous a ruinés dans les années 70,
00:49:19 qui était d'augmenter les salaires au même rythme que l'inflation.
00:49:23 On voit très bien où ça nous amenait.
00:49:25 Ca n'est pas le chemin.
00:49:26 Vous ne pouvez pas dire qu'il faut augmenter le coût du travail
00:49:30 et qu'il faut être compétitif.
00:49:32 -Monsieur Le Chypre, je le dis.
00:49:34 -Ca s'est produit nulle part, jamais.
00:49:37 -Je le dis et je vais vous l'expliquer brièvement.
00:49:40 J'espère que nous aurons une conversation plus longue
00:49:43 sur comment on résolve le déficit commercial.
00:49:46 Vous prenez une recette qui, finalement, est vieille.
00:49:49 Dans tout ce débat, toutes ces questions qu'on a là,
00:49:52 on a affaire au fond,
00:49:54 ce qui est le mouvement le plus profond dans les têtes de Français.
00:49:58 Il y a un détachement des mots de l'idéologie dominante,
00:50:01 concurrence, compétitivité, mondialisation,
00:50:04 qui étaient l'alpha et l'oméga des dirigeants dans les années 80.
00:50:08 Maintenant, ils ne suscitent plus que de l'inquiétude et de l'angoisse.
00:50:13 Vous reprenez ce vocabulaire sans vous faire offense.
00:50:16 Quand vous dites compétitivité,
00:50:18 est-ce que vous pensez que c'est en diminuant les salaires,
00:50:21 les normes environnementales,
00:50:23 les normes fiscales,
00:50:25 qu'on va être compétitif avec la Chine
00:50:27 sur la molécule que je citais tout à l'heure, la lysine ?
00:50:33 -Il n'y a pas de réponse ? -Je vous interroge.
00:50:36 -Non, mais François Ruffin,
00:50:38 ce que je vous dis, c'est que vous ne pourrez pas...
00:50:41 -Bruno Gédy a dit que vous avez séché.
00:50:43 -Je pensais que vous alliez continuer.
00:50:46 -Je lui ai apporté ma réponse.
00:50:47 -Si vous voulez qu'on s'en sorte,
00:50:50 il va falloir arrêter, si vous voulez,
00:50:52 de vendre des produits à des prix allemands
00:50:55 avec une qualité de produits espagnols.
00:50:57 Il va falloir faire de la recherche, de l'innovation.
00:51:00 Ce n'est pas qu'en pensant qu'on va rapatrier
00:51:03 des productions de vieux produits, qu'on s'en sortira.
00:51:06 Il va falloir aller sur des produits nouveaux.
00:51:09 Mais ce n'est pas en faisant fuir les entreprises
00:51:12 et les chefs d'entreprise.
00:51:14 Avec votre fiscalité, c'est ce qui va se passer.
00:51:17 Par exemple, sous François Hollande,
00:51:19 ce qui s'est passé avec ces menaces de fiscalité à 75 %,
00:51:22 le nombre de créateurs d'entreprises
00:51:24 qui gagnent beaucoup d'argent a triplé.
00:51:28 Si vous prenez 2012-2016, le nombre de créateurs d'entreprises,
00:51:31 de richesses, d'emplois, de payeurs de taxes,
00:51:34 de cotisations sociales a triplé
00:51:36 par rapport à la période précédente.
00:51:38 -Je vais vous apporter ma réponse,
00:51:40 si ça ne vous dérange pas.
00:51:42 -Je ne sais pas, vous me reprochez de ne pas parler.
00:51:45 -Qui vous a fait ce reproche ?
00:51:47 -Comment on résout le déficit commercial ?
00:51:50 Il y a deux solutions.
00:51:51 Soit on vise à exporter davantage,
00:51:53 et donc il nous faut de la compétitivité,
00:51:56 donc il nous faut baisser les normes sociales,
00:51:59 c'est ce qu'on fait depuis 40 ans, avec un échec chronique.
00:52:02 Soit on se dit que notre objectif est d'importer moins.
00:52:06 Et c'est là ce qui devrait être la clé du problème.
00:52:09 Sur, par exemple, la molécule que j'ai citée tout à l'heure,
00:52:12 la zine, si on veut garder une certaine autonomie,
00:52:15 si on veut garder une base industrielle,
00:52:17 si on veut garder un certain savoir-faire
00:52:20 qui fait qu'en cas de problème, on est encore capable de la produire.
00:52:24 Si on met des salaires des ouvriers de Picardie
00:52:27 sur ceux de Shanghai, on va s'en sortir.
00:52:29 C'est en se disant qu'il y a à rétablir
00:52:32 une certaine protection aux frontières de l'Union européenne
00:52:35 qui fait qu'on va modérer un libre-échange
00:52:38 qui est devenu complètement fou.
00:52:40 Je pense que cette option doit être posée sur la table.
00:52:43 -Vous savez que vous êtes le consommateur qui paye.
00:52:46 -Je suis pas d'accord.
00:52:48 -On refera une émission, ce sera le Chypre face à Ruffin.
00:52:51 -Je suis preneur.
00:52:53 -Ca peut être intéressant. On va retourner voir nos Français.
00:52:56 -Je voudrais donner la parole à Jérémy.
00:52:59 Jérémy, qu'on a déjà croisé sur les plateaux de BFM TV.
00:53:02 Vous êtes boulanger.
00:53:04 Vous étiez venu nous voir au moment où il y avait des problèmes
00:53:08 d'inflation. Il se trouve que votre boulangerie va fermer.
00:53:11 Je voudrais que vous nous racontiez pourquoi.
00:53:14 Posez une question à François Ruffin.
00:53:16 -Merci beaucoup. Je vais commencer par ma question à M. Ruffin.
00:53:20 Êtes-vous ici pour défendre vos intérêts
00:53:23 ou l'intérêt des Français ?
00:53:25 -Mon intérêt...
00:53:26 Est-ce que vous pourriez le définir de manière plus...
00:53:29 -Je vais attendre votre réponse.
00:53:31 -Moi, mon intérêt, vous savez, j'ai eu une carrière avant ça
00:53:35 sans vouloir... Je suis rentré en politique
00:53:38 presque par inadvertance et sans avoir un plan,
00:53:40 passé la quarantaine en n'ayant jamais été
00:53:43 dans un parti politique et en me disant que,
00:53:46 compte tenu de ce que j'avais entendu de l'avis des Français
00:53:50 dans mon coin et ailleurs, puisque j'avais eu la chance
00:53:53 d'aller faire des reportages partout,
00:53:55 j'avais peut-être quelque chose à apporter.
00:53:58 -Pourquoi vous posez cette question ?
00:54:00 -Je vais la préciser. On s'était vus sur une chaîne concurrente
00:54:04 et vous défendiez bec et ongle la renationalisation...
00:54:08 Un, deux, trois.
00:54:09 La renationalisation d'EDF.
00:54:11 Sauf erreur de ma part, le 9 février,
00:54:13 vous n'étiez pas présent à l'hémicycle
00:54:16 quand cette loi a été votée.
00:54:18 -Je me souviens plus si j'étais là le 9 février.
00:54:21 -Je vous confirme que vous n'y étiez pas.
00:54:23 -J'étais en commission et vous avez vu que si la loi
00:54:27 allait passer en commission, c'est parce que j'ai contribué
00:54:30 à la porter en commission.
00:54:32 -Si elle a été portée et votée,
00:54:34 c'est que les macronistes ont quitté l'hémicycle.
00:54:37 -J'étais pas membre de la commission des affaires économiques
00:54:41 et j'ai fait un switch pour soutenir la proposition de Brun.
00:54:44 Revenons au fond du problème.
00:54:46 Le fond de votre problème, c'est les difficultés
00:54:49 avec l'électricité.
00:54:50 -Il faut nous en raconter ça.
00:54:52 -Les difficultés sont hyper simples.
00:54:55 Du fait des hausses de matières premières
00:54:57 et de l'explosion du prix de l'électricité,
00:55:00 nous sommes forcés de fermer notre établissement.
00:55:03 -C'est une boulangerie ?
00:55:05 -Oui, avec mes parents.
00:55:06 Ce qui se passe à cause des réformes de retraite,
00:55:10 mon père, qui devait partir à la fin de l'année en retraite,
00:55:13 va devoir faire 2 ans supplémentaires.
00:55:16 Vous payez un double prix.
00:55:18 Je veux être responsable de ne pas avoir été dans l'hémicycle,
00:55:22 mais les décisions dont vous souffrez,
00:55:24 je n'en suis nullement responsable.
00:55:26 Votre père doit faire 2 ans de plus,
00:55:29 alors qu'on sait que être dans la farine, la respirer,
00:55:32 c'est un facteur de pénibilité
00:55:34 et qui nuit à votre espérance de vie.
00:55:37 La deuxième chose, c'est...
00:55:39 On a déjà eu un échange à ce sujet,
00:55:41 mais là, ce qu'il nous faut d'urgence...
00:55:44 Regardez l'unanimité qu'il y a dans le pays,
00:55:47 et pourtant, ça ne se fait pas.
00:55:49 Les artisans sont touchés par cette explosion
00:55:52 des prix de l'électricité,
00:55:54 mais je vais dans les sous-traitants
00:55:56 de l'industrie automobile.
00:55:58 Leur facture pèse de 70 000 euros par mois
00:56:01 à 700 000 euros par mois.
00:56:02 On a le président du MEDEF,
00:56:04 M. Geoffroy-Roude-Bézieux,
00:56:06 qui dit que c'est une folie, ces prix de l'électricité.
00:56:10 On a les maires qui ne peuvent plus chauffer leur piscine,
00:56:14 qui ont des problèmes sur l'électricité,
00:56:16 qui disent que ça ne va plus du tout.
00:56:18 On a quasiment tout le monde réuni
00:56:21 qui dit que ça ne va plus du tout.
00:56:23 Là, il y a une chose simple à faire,
00:56:25 de rompre avec un tarif européen de l'électricité.
00:56:28 Dire la folie de mettre de la concurrence dans tout ça,
00:56:32 c'est-à-dire qu'on a une production nationale d'électricité,
00:56:36 vendue ici, et pourtant,
00:56:37 le prix doit être fixé au niveau européen.
00:56:41 Ça existe aussi sur les prix agroalimentaires.
00:56:43 Le prix de la betterave, par exemple.
00:56:46 Je viens de Picardie, donc je connais bien la betterave.
00:56:49 Le prix de la betterave est passé de 500 à 250 euros,
00:56:53 puis à plus de 1 000 euros.
00:56:54 Ça n'a aucun sens pour transformer dans les sucreries localement.
00:56:58 La lisine est fabriquée avec de la betterave.
00:57:01 C'est un produit qui est fabriqué localement,
00:57:04 vendu localement, et pourtant, c'est à la bourse de Chicago
00:57:08 qu'on a fait, et que la betterave, le blé,
00:57:11 un certain nombre de matières premières
00:57:13 ne doivent pas être traitées comme juste des marchandises
00:57:17 financières, mais bien comme des biens de première nécessité.
00:57:21 Là, il y a une réponse qui est...
00:57:23 Si on rompt avec un certain dogmatisme,
00:57:25 il faut voir ce qu'il y a comme dogmatisme dans la société.
00:57:29 Je pense que nous sommes le camp du pragmatisme.
00:57:32 Nous devons rompre avec ces prix de l'électricité
00:57:35 qui sont délirants, qui bondissent dans tous les sens
00:57:38 du yo-yo. C'est de l'ordre du pragmatisme,
00:57:41 et d'un pragmatisme assez évident.
00:57:43 -François Ruffin, je voudrais qu'on voit une des images du jour.
00:57:47 En marge des manifestations, il y a eu
00:57:49 quelques centaines de manifestants qui se sont invités,
00:57:53 on va dire ça comme ça, chez LVMH, au siège de LVMH.
00:57:56 C'était en milieu de journée.
00:57:58 On a appris, ce soir, juste avant de démarrer l'émission,
00:58:01 que, Jacques, qui est à côté de moi, vous y étiez.
00:58:04 Vous étiez là, chez LVMH.
00:58:06 Vous nous expliquez ce que vous avez vécu,
00:58:09 pourquoi vous y êtes allé, ce symbole-là ?
00:58:11 Quelle est votre question ?
00:58:13 -Oui, effectivement, j'étais parmi les manifestants.
00:58:17 Moi, je suis rentré à peine deux minutes dans LVMH,
00:58:20 parce que j'ai un problème ophtalmique,
00:58:22 comme il y avait des fumigènes.
00:58:24 C'était pas pour moi.
00:58:26 Donc, le symbole, c'était effectivement
00:58:29 le fait que, l'année dernière, LVMH a fait
00:58:33 16 milliards de bénéfices.
00:58:35 Et donc, c'était un symbole très fort
00:58:37 pour les syndicalistes d'aller à cet endroit-là.
00:58:40 Alors, moi, j'ai une question pour François Ruffin.
00:58:44 Tout d'abord, François Ruffin,
00:58:46 je vous félicite pour votre engagement
00:58:49 pour les AESH.
00:58:51 -Il faut les aide dans les écoles.
00:58:53 -Les aide dans les écoles, effectivement.
00:58:55 Ma question est une question
00:58:58 qui me pose un petit peu un problème
00:59:01 d'un point de vue...
00:59:05 Ca concerne, en fait, la retraite des sénateurs.
00:59:08 -Ha ! Quel est votre problème ?
00:59:11 -Alors, il faut savoir que les sénateurs de droite
00:59:15 ont voté
00:59:18 pour la suppression
00:59:20 des régimes spéciaux.
00:59:22 Ensuite, ils ont voté une loi,
00:59:26 donc, pour...
00:59:28 les travailleurs
00:59:31 qui feront 43 ans au SMIC,
00:59:34 auront une retraite de 1 200 euros.
00:59:37 -Ca, c'est ce qui est dans la réforme.
00:59:39 -C'est ce qui est dans la réforme.
00:59:41 Je crois savoir que les sénateurs,
00:59:44 quand un sénateur fait un mandat de 6 ans,
00:59:48 ça lui ouvre un droit à la retraite de 2 190 euros.
00:59:53 Si...
00:59:56 Si je sais...
00:59:59 Enfin, d'après ce que je sais,
01:00:01 vous avez des sénateurs qui auront fait 3 mandats.
01:00:04 -Quelle est votre question ?
01:00:06 -Est-ce que je vais me présenter au Sénat
01:00:08 pour avoir une meilleure retraite ?
01:00:11 -Pas du tout.
01:00:12 Vous aviez dit, tout à l'heure,
01:00:14 si on est aux affaires en 2027...
01:00:16 Est-ce que vous allez revenir là-dessus ?
01:00:18 -Ca pose assez peu de difficultés.
01:00:20 On va revenir sur la retraite des sénateurs.
01:00:23 On aura des éléments plus probants.
01:00:26 Il y aura une question, c'est qu'est-ce qu'on fait du Sénat
01:00:29 et comment on fait pour qu'on ait une démocratie française
01:00:33 et le sentiment d'être mieux représenté ?
01:00:35 Je veux dire quelque chose sur les régimes pionniers.
01:00:38 Sur ces régimes.
01:00:39 -On parlait pas de régimes spéciaux.
01:00:42 -Oui, les régimes spéciaux, à la limite.
01:00:44 Mais c'est qu'elles sont, aujourd'hui...
01:00:46 On devrait se demander quelles sont les professions
01:00:49 auxquelles il faut étendre ces régimes spéciaux.
01:00:52 Je parlais tout à l'heure qu'on voulait avoir du monde
01:00:55 dans le bâtiment.
01:00:56 Ce qui me reprochait par la Macronie,
01:00:59 c'est de ne jamais avoir ces centaines de milliers
01:01:02 de milliers de milliers de milliers de milliers de milliers de milliers.
01:01:05 On devrait avoir des publicités à la télé.
01:01:08 On a des publicités pour l'armée de l'air.
01:01:10 "Engagez-vous, défendez votre pays."
01:01:13 On devrait avoir des publicités à la télé pour dire
01:01:15 "Devenez maçon, devenez couvoir, devenez zingueur,
01:01:18 "engagez-vous pour votre pays, venez sauver la planète."
01:01:22 Mais derrière, il faudrait que les gens qui s'engagent
01:01:25 dans ces métiers-là, ils aient la garantie qu'à partir du moment
01:01:28 où ils souffrent du dos, des problèmes au lombaire,
01:01:31 50 ans, 55 ans, dans ces métiers-là, c'est bien compliqué.
01:01:34 Il faudrait se demander pour quels métiers
01:01:37 on doit aujourd'hui faire des régimes spéciaux.
01:01:40 Les travailleurs du bâtiment devraient appartenir
01:01:42 à ce registre-là.
01:01:44 On parle d'attractivité, d'attractivité,
01:01:46 d'attractivité dans ces métiers-là.
01:01:48 Comment on rend des métiers attractifs
01:01:50 en disant "dans ces métiers pénibles,
01:01:53 "vous aurez deux ans de plus à faire."
01:01:55 -Quand vous voyez cette image de ces manifestants
01:01:58 qui ont envahi le siège de LVMH,
01:02:00 où pourriez-vous lui être ?
01:02:01 Vous dites que la solution est aussi là-bas.
01:02:04 -Je dis qu'il faut que Bernard Arnault appelle...
01:02:07 Comme manifestement, Emmanuel Macron a beaucoup de mal
01:02:10 à entendre les Français, ce qui serait bien,
01:02:12 c'est que les patrons l'appellent.
01:02:14 Ils sont au bout du fil quand il leur remet la Légion d'honneur.
01:02:18 En France, on est dans une situation...
01:02:20 Avant les Jeux olympiques, on a déjà, sur le terrain
01:02:23 des grandes fortunes, remporté la médaille d'or et d'argent
01:02:26 avec Bernard Arnault et la famille Bettencourt.
01:02:29 Ce que je demande, simplement,
01:02:31 moi, je suis pour la concorde nationale,
01:02:33 c'est que ces gens appartiennent pleinement à la patrie
01:02:37 et qu'ils payent leur impôt en France.
01:02:39 -Les taxés, ça comblerait le déficit des recettes ?
01:02:42 -Ecoutez, est-ce que le IOT peut pas être immatriculé ailleurs
01:02:45 qu'à Mali ? -Si, très bien.
01:02:47 Vous voulez que je vous rappelle les chiffres LVMH ?
01:02:50 On arrête pas de les rappeler.
01:02:51 C'est 4,5 milliards de prélèvements obligatoires,
01:02:54 c'est les cotisations sociales, c'est le 1er employeur de France.
01:02:58 C'est la plus grande entreprise qui crée le plus d'emplois en France.
01:03:02 15 000 chaque année.
01:03:03 Vous savez combien ça gagne un employé chez LVMH ?
01:03:06 Ca gagne presque deux fois ce que gagne un employé ailleurs.
01:03:09 J'en ai marre, les grainer,
01:03:11 comme si j'étais le dire-com de LVMH.
01:03:14 Vous ne pouvez pas critiquer une boîte
01:03:16 qui apporte autant à l'économie française.
01:03:18 -Vous savez, j'ai fait vœu d'essayer de me désarnotiser
01:03:22 et de pas parler de Bernard Arnault toutes les 30 secondes.
01:03:26 -Monsieur Le Chip, quand vous parlez de LVMH,
01:03:28 ne parlez pas d'LVMH, parlez de tous les sous-traitants.
01:03:31 Il y a peu de salariés directement de LVMH,
01:03:34 mais il y en a énormément dans la sous-traitance.
01:03:37 C'est là qu'on peut aller ensemble rencontrer les salariés.
01:03:40 C'est pas le paradis sur terre, c'est des petits salaires.
01:03:43 On se paye pas les sacs de luxe.
01:03:45 Mais je le dis encore une fois avec la volonté
01:03:48 que notre pays soit tiré vers le haut,
01:03:50 y compris par Bernard Arnault et par Liliane Bettencourt.
01:03:54 Et que, quand il y a un scandale comme Open Lux qui éclate,
01:03:57 on voit qui a ouvert des comptes au Luxembourg.
01:04:00 On a quand même Hermès, Arnault, Mullier
01:04:02 et quasiment la totalité des grandes fortunes
01:04:05 qui sont dans les listings de là-bas.
01:04:07 -Une toute dernière question, François Ruffin.
01:04:10 C'était présent dans l'émission,
01:04:12 mais on va quand même le montrer, ce tweet de Jean-Luc Mélenchon
01:04:16 qui écrit "François est prêt en avant".
01:04:18 Vous êtes prêt pour quoi ?
01:04:20 -Je pense que l'objectif, c'est que nous soyons prêts.
01:04:23 -On a la réponse. L'émission nous a donné une réponse.
01:04:26 Vous êtes prêt pour 2027. Vous l'avez dit sans le dire.
01:04:29 -Ce qui m'importe, je vous le dis franchement,
01:04:32 c'est qu'on construise une équipe.
01:04:34 J'ai dit, il me semble, la conscience que nous devons avoir
01:04:38 des défis que nous avons à affronter.
01:04:40 Un défi moral. Les Français sont démoralisés, déprimés.
01:04:44 Un défi démocratique. Ca va pas bien sur ce point-là dans le pays.
01:04:47 Un défi avec tous les services publics à relever.
01:04:51 Un défi climatique qui est devant nous
01:04:53 et qu'on devrait prendre à bras le corps.
01:04:55 C'est pas un homme seul,
01:04:57 avec ses deux petits bras musclés et son cerveau,
01:05:00 qui résout ces problèmes-là.
01:05:02 Ils sont résolus s'il y a une équipe entière.
01:05:05 Il faudra un capitaine. -Et ce serait vous ?
01:05:07 -Non, pas forcément.
01:05:09 Je joue au foot le dimanche,
01:05:10 et quand le coach me dit "tu joues arrière-droit",
01:05:13 je joue arrière-droit, même si c'est pas mon poste préféré.
01:05:17 Et encore une fois, même si c'est pas cette équipe-là
01:05:21 de 11 bonhommes ou de 50-100 bonhommes
01:05:23 qui va résoudre les problèmes,
01:05:25 si jamais on n'arrive pas à mettre en branle la société française
01:05:29 et qu'elle ait l'envie, la chanson de Johnny,
01:05:32 c'est ce qui manque dans le pays.
01:05:34 Les gens ne savent pas...
01:05:35 -On a la chanson de votre campagne en 2027.
01:05:38 -Ca va me faire beaucoup de grand-dame.
01:05:40 Mais voilà, je pense que ce qui a rallumé dans le pays,
01:05:45 c'est qu'on se dise qu'on a envie de faire ensemble,
01:05:48 de tirer notre pays ensemble dans la même direction,
01:05:51 et aujourd'hui, le pays est dans l'impasse,
01:05:53 et il est en panne. -Merci, François Rufin.
01:05:56 invité de cette émission.