Affrontements à Khartoum : "Le Soudan est une menace pour lui-même et pour ses voisins"

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00:00 Pour apporter plus de contexte et d'analyse,
00:02 vous êtes directeur du Centre d'études et de recherches sur le monde arabe et méditerranéen.
00:07 Pourquoi selon vous cette guerre entre ces deux généraux éclate maintenant ?
00:13 Parce que le général Mohamed Hamdan Deglou Diamiti
00:16 veut s'affranchir complètement de l'institution militaire.
00:19 Il veut s'affranchir aussi de la tutelle de l'homme fort de l'armée,
00:23 monsieur Al Boran, qui nourrit des ambitions présidentielles.
00:27 Ses ambitions présidentielles sont contrariées par son second, son adjoint, le général Deglou.
00:34 Et c'est pourquoi on assiste aujourd'hui à ce conflit armé,
00:38 parce que les deux hommes sont responsables de la négation complète de la politique.
00:43 Il n'existe plus d'activité politique.
00:45 Le seul langage qui reste entre les deux hommes, ce sont les armes.
00:49 Donc c'est une guerre d'égo entre deux généraux ?
00:52 C'est une guerre pour le pouvoir,
00:54 parce que Hamid Deglou Diamiti ne veut surtout pas accepter la suppression de son armée,
01:01 de ce politif, et l'armée aussi qui est forte, qui est derrière Al Boran,
01:06 ne veut pas avoir cette force parallèle qui devient de plus en plus importante,
01:11 et qui est non seulement une milice militaire,
01:14 mais qui est devenue une véritable multinationale.
01:16 Elle a des intérêts partout, des intérêts dans le commerce de l'or,
01:20 des intérêts dans la protection des frontières.
01:24 Et aussi cette milice, elle est devenue multinationale,
01:26 elle a envoyé des troupes au Yémen pour soutenir la coalition menée par l'Arabie Saoudite,
01:32 mais aussi au Sud-Yémen pour soutenir les Emirats Arabes Unis.
01:35 Vous pensez bien qu'avec une telle force, aucun de ces généraux,
01:39 et surtout Hamid Deglou Diamiti, n'est prêt à accepter le verdict de Général Al Boran.
01:44 Une milice ultra puissante, ultra armée, ultra riche aussi, dites-vous.
01:49 C'est une milice qui est héritée de l'ancien président al-Bashir ?
01:54 Al-Bashir, il était en difficulté au Darfour, il a fait appel à des groupes paramilitaires,
01:59 et M. Hamid Deglou Diamiti faisait partie d'une tribu très importante.
02:03 Vous savez, l'élément tribal est très important.
02:05 Et évidemment, il a engagé des membres de sa tribu,
02:09 mais d'autres aussi tribus qui ne sont pas forcément arabes.
02:12 Souvenez-vous donc des Janjaouides.
02:14 Ils ont mené cette guerre au Darfour, qui compte parmi les épisodes les plus douloureux,
02:22 avec les atrocités qui ont été commises dans cette zone de Darfour.
02:26 Et depuis ce jour-là, M. Hamid Deglou Diamiti a vu son accession au pouvoir très facilité par Omar al-Bashir,
02:34 qui lui a carrément réservé une force supplitive,
02:41 avec une pension de la part de l'armée et avec, bien sûr, tous les avantages d'une institution militaire.
02:47 Une guerre entre deux généraux, Asni Abidi, où sont les civils,
02:51 eux qui avaient participé à la transition après la chute d'Omar al-Bashir ?
02:57 Les premières victimes, vous savez que les deux généraux ont tenté de s'y douire, cette population,
03:03 parce que d'abord les civils ont la rue, mais aussi ils ont le soutien de la communauté internationale,
03:08 beaucoup d'aides et aussi les crédits octroyés par la communauté internationale ont été suspendus,
03:13 suite à l'arrêt du processus électoral, suite à l'arrestation de l'ancien Premier ministre,
03:18 et les deux généraux veulent se positionner proche de la population.
03:23 Aujourd'hui, on voit bien que même les civils et certains partis démocratiques ont été grugés par ces deux hommes,
03:28 parce qu'une partie a soutenu Al-Boran, d'autres au début ont soutenu M. Hamid Deglou.
03:33 Aujourd'hui, les civils, malheureusement, sont les premières victimes, avec bien sûr ce processus électoral,
03:38 puisqu'au mois de juillet, c'était prévu d'assister à des élections pour la passation de pouvoir.
03:43 Et à l'inverse, ceux qui pourraient profiter de cette crise, ce sont les islamistes ?
03:48 Les islamistes, une partie d'entre eux, sont derrière Al-Boran, parce que ce général a bien vu que leur pouvoir reste intact,
03:57 et qu'il avait aussi intérêt à les gagner.
04:01 Donc les islamistes, ils n'ont plus cette force importante qu'ils avaient auparavant sous Omar al-Bashir,
04:07 maintenant la question est internationale.
04:09 On sait qu'Hamid Deglou a d'excellentes relations avec la Russie, avec Moscou, avec les Émirats Arabes Unis,
04:15 il est soutenu avec l'Arabie Saoudite, et Al-Boran a un soutien affiché, celui de l'Égypte,
04:20 mais ce n'est pas suffisant en l'état actuel de ce équilibre de forces entre les deux généraux.
04:27 Non, le soutien de l'Égypte ne pourrait pas être déterminant selon vous alors ?
04:31 L'Égypte, elle peut jouer un rôle important, parce qu'Hamid Deglou est aussi envoyé des miliciens
04:36 pour soutenir le maréchal Haftar en Libye, vous voyez un petit peu comment il est présent partout.
04:41 Et donc jusqu'à aujourd'hui, le maréchal Sisi ne s'est pas prononcé,
04:45 mais l'Égypte d'abord par la proximité, c'est le grand état voisin,
04:51 peut faire quelque chose sans oublier bien sûr le rôle des Émirats Arabes Unis et de l'Arabie Saoudite.
04:56 On parlait tout à l'heure avec Bastien Renouilh de cet embouteillage de médiations
05:02 pour tenter de trouver une sortie de crise.
05:05 Il y a un risque de déstabilisation régionale que cette crise ne déborde du pays ?
05:12 Absolument, le Soudan, vous savez, c'est un grand, grand, grand pays avec des frontières importantes,
05:16 avec l'instabilité au Tchad et surtout en Libye,
05:19 un médiatier contrôle même une grande partie des frontières
05:22 et c'est là où un petit peu son économie prospère.
05:27 La déstabilisation du Soudan risque aussi d'être un élément déstabilisateur.
05:31 Le Soudan est encore une fois une menace pour lui-même mais aussi pour ses voisins.
05:36 Et une menace pour lui-même avec un risque d'éclatement si aucune force n'arrive à s'imposer ?
05:44 D'éclatement c'est difficile, on est déjà presque à deux Soudans, le Soudan Sud et le Soudan du Nord.
05:49 Le Soudan actuel, et d'ailleurs le paradoxe, c'est que c'est le Soudan qui offre sa médiation
05:54 pour résoudre des problèmes au sein du Soudan aujourd'hui.
05:58 Merci Asni Abidi, directeur du Centre d'études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen,

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