Mardi 18 avril 2023, SMART BOURSE reçoit Stéphane Prévost (Directeur général, La Financière Responsable)
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00:00 (Générique)
00:10 Parlons industrie à présent et je parle bien de l'industrie de la gestion d'actifs
00:14 qui est une industrie comme les autres et qui a son actualité également et toute sa place dans Smart Bourse.
00:20 Stéphane Prévost est à mes côtés en plateau, directeur général de la Financière Responsable.
00:23 Bonjour et bienvenue Stéphane.
00:24 Bonjour Grégoire.
00:25 Oui, on ne va pas parler du marché ou du record à nouveau du CAC 40.
00:29 Non, ce qui m'intéressait c'était cette logique de consolidation qu'on retrouve au sens large
00:34 dans l'industrie de la gestion d'actifs aujourd'hui, à Paris notamment.
00:38 Vous en êtes un exemple avec ce rapprochement, ce resserrement encore un peu plus intense
00:44 entre votre actionnaire depuis 2017, l'assuréeur espagnol Mapfrey,
00:48 qui était entré à 25% du capital et qui est monté ces dernières semaines.
00:52 L'annonce a été faite fin février je crois.
00:54 Janvier.
00:55 Janvier, qui est monté au-delà de 50% du capital, qui devient donc votre actionnaire majoritaire.
01:02 Comment on peut raconter un peu cette histoire ?
01:04 Qu'est-ce qui vous intéresse vous avec cet actionnaire espagnol Mapfrey,
01:08 que vous connaissez bien j'imagine depuis ces années ?
01:11 Et quelle est la logique de voir cet assuré espagnol prendre le contrôle de la Financière Responsable aujourd'hui ?
01:18 Il y a effectivement de logiques différentes pour chacun des deux acteurs.
01:24 Pour Mapfrey, j'aime pas trop parler à leur place, mais je peux en dire quand même quelques mots,
01:29 il s'agissait de consolider l'ouverture de la culture du groupe qui vienne du milieu de l'assurance
01:37 et d'ouvrir la culture du groupe sur les métiers de l'asset management.
01:41 Avec une particularité non négligeable, c'est que le groupe Mapfrey,
01:45 cotant bourse, vous avez raison, c'est l'un des géants mondiaux de l'assurance,
01:49 moins connu en France qu'en Amérique latine ou qu'en Europe, en péninsule ibérique,
01:53 mais qui est détenu par une fondation à 65%.
01:56 Ce qui vous pose quand même un certain nombre de sujets dans la façon dont le groupe va approcher
02:03 ses logiques d'investissement dans tous les métiers de la gestion d'actifs.
02:06 Il y a une culture particulière liée à cette structure de capital historique et spécifique.
02:13 Absolument, et le groupe, via sa fondation, est extrêmement présent dans le soutien de la société civile
02:20 dans le domaine du social, de l'éducation, du culturel, mais aussi de l'économique.
02:24 Cette fondation n'est pas très connue en France, mais si vous allez en Amérique du Sud, vous la verrez à peu près partout.
02:30 La marque Mapfrey, qui est un groupe d'assureurs nés de propriétaires fonciers agricoles
02:37 qui se sont réunis dans les années 30 pour couvrir le prix de matières premières de leur récolte,
02:44 a petit à petit agrandi ses activités dans le domaine de l'assurance.
02:49 C'est un assureur de voitures très important aux États-Unis.
02:53 Il y a une diversification mondiale qui s'est opérée, mais il y avait dans l'ADN de Mapfrey
02:58 de rapprocher et d'ajouter une expertise technique.
03:02 Ils avaient de l'ESG, mais ils n'avaient pas de l'ISR.
03:05 Mapfrey avait bien perçu ce mouvement d'augmentation de barrières à l'entrée
03:11 qui monte dans le domaine de l'investissement durable et particulièrement de l'investissement socialement responsable.
03:16 En 2017, quand ils viennent nous voir, forts de cette motivation,
03:20 il y aura d'autres acquisitions dans le futur pour Mapfrey, il y aura d'autres mouvements.
03:25 L'idée était pour nous, de notre côté, outre les apports que je pourrais vous détailler au niveau du groupe au quotidien,
03:33 en termes de produits, en termes de développement en cours et d'activité,
03:36 il y avait aussi pour nous cette nécessité de s'adosser à un partenaire qui allait accélérer notre développement.
03:42 On n'était pas du tout dans une situation où on cherchait des fonds propres.
03:47 On cherchait vraiment un partenaire, la petite souris qui voulait faire plus de poussière et plus de bruit avec un géant de l'industrie.
03:54 Et on a là trouvé le partenaire idéal parce que les deux temps d'acquisition permettent à la fois de laisser le temps aux équipes de travailler ensemble,
04:02 d'échanger leurs expertises, de jeter des bases d'une collaboration et dans un deuxième temps,
04:08 comme l'entente a été bonne, que tout a bien fonctionné, il y a une montée naturelle qui se fait à 51%.
04:15 Qu'est-ce que ça vous a fait gagner depuis 2017 ?
04:18 Comme temps peut-être, et c'est important, le temps de développement, c'est des temps longs qui peuvent s'accélérer avec un actionnaire comme celui-là aujourd'hui.
04:27 Et le passage de 25% à 51%, qu'est-ce que ça peut changer pour vous dans les prochaines années, dans le plan de marche que vous avez en tête ?
04:35 D'abord, si on regarde les encours de la financière responsable, on est passé de 170 millions en fin 2017 sous gestion et conseillers,
04:42 et aujourd'hui on est à plus de 600 millions. Alors, ça s'est fait de plusieurs façons.
04:47 La première, c'est que Mapfrey a investi dans le fonds historique et le fonds phare à l'affaire Euro Développement Durable de la financière responsable,
04:54 qui l'a permis de porter à 100 millions et qui le rend investissable au-delà de son track record, qui a été lancé en 2008,
05:02 le rend bankable auprès des investisseurs institutionnels. Donc, ça nous renforce sur notre marché.
05:07 Ensuite, Mapfrey nous a apporté des clients, et donc on gère des fonds pour des clients du groupe Mapfrey, pour des institutionnels.
05:14 Et on a un modèle d'advisory qui s'est développé. Donc là, il y a aussi beaucoup de souplesse dans les pratiques.
05:19 Ce ne sont pas des fonds dédiés qu'on a en direct, etc., mais la gestion est assurée par la financière responsable.
05:24 Troisième aspect, c'est qu'on a mis les expertises en commun et nous avons lancé des produits ensemble.
05:29 Donc, on a lancé, par exemple, Mapfrey Capital Responsable, dès 2018, où Mapfrey fait l'allocation, fait la gestion obligataire,
05:37 parce qu'ils sont des expérimentés très forts sur le sujet.
05:40 Vous êtes Action, bien sûr.
05:41 Nous, on est Action et ISR. Et nous, on amène cette gestion Action et cette gestion de l'extra financier et cette gestion de l'investissement durable.
05:50 Et ça, c'est pour des clients particuliers, ça ?
05:52 Alors, ça, c'est pour des clients institutionnels et particuliers. Parce qu'effectivement, on a lancé un autre fonds aussi à thématique sociale,
06:00 sur un projet qui, à l'origine, avait été lancé par la Fondation. Il s'agit de l'FA Inclusion Responsable,
06:05 où le but est de sélectionner des entreprises de qualité à partir de leur politique d'intégration et d'inclusion de personnes en situation de handicap.
06:13 Donc, une thématique sociale, vous voyez, je reviens à cette référence.
06:17 Donc, sur ces fonds, on a collecté 250 millions en 3 ans, à peu près.
06:22 Et aujourd'hui, on gère, on a le fonds inclusion pour le marché français, mais on le gère également pour Mapfrey, qui le vend dans son...
06:29 Pour l'Amérique latine et/ou pour l'Espagne ?
06:31 Et pour l'Espagne. L'Amérique latine, je pense que ça va arriver d'ici quelques années, effectivement.
06:37 On va avoir une ouverture de notre distribution sur l'Europe.
06:40 LFR Euro Développement Durable va être intégré dans la CICAV Luxembourgeoise de Mapfrey.
06:45 Donc ça va nous ouvrir aussi un passage sur l'Europe et puis plus tard, effectivement, dans le réseau Mapfrey, où qu'il soit, nous l'espérons.
06:53 Et d'ailleurs, je pense que ce point-là est intéressant pour Mapfrey, parce que tous nos fonds aujourd'hui sont articles neufs.
07:00 Et aujourd'hui, ils sont accessibles aux clients du groupe Mapfrey.
07:04 Et enfin, le fait d'avoir un acteur comme Mapfrey dans notre capitale, le fait d'avoir atteint une certaine dimension au sein des boutiques de gestion,
07:14 ce n'est pas la même chose quand on passe de 100 à 500 millions, on franchit les paliers, on devient éligible.
07:18 Ça nous a permis de rencontrer des acteurs dans le marché de la distribution et de faire rentrer ensuite le groupe Olifant,
07:25 qui est un groupe de CGP, qui nous a permis aujourd'hui, très concrètement, de rentrer sur le marché du retail,
07:32 de faire référencer notre flagship auprès de 16 assureurs et 16 distributeurs.
07:38 Et aujourd'hui, on est présent dans, je crois, pas loin de 70 contrats d'assurance vie.
07:43 Chose qui nous aurait été très difficile si on avait dû le faire avec nos petits bras.
07:48 Tout aurait pris plus de temps.
07:49 Tout aurait pris plus de temps. C'est donc un accélérateur.
07:53 Et cet accélérateur, je dois le... Mapfrey a le sens du temps.
08:00 Ce qui était très important pour les équipes en place, à la fois dans le personnel de la financière responsable,
08:06 à qui cette ouverture internationale amène de l'intérêt, mais aussi pour l'équipe dirigeante en place,
08:11 parce que, très clairement, dès le départ, il s'agissait pour Olivier Johanné et moi-même de continuer à faire ce qu'on faisait.
08:18 Et de le faire peut-être avec mieux et...
08:21 Et des moyens supplémentaires.
08:22 Et des moyens supplémentaires et un appui de taille.
08:25 Donc vous voyez, c'est ce qui explique cette temporisation et puis cette accélération dans notre développement.
08:33 Derrière ce gain de temps, Stéphane, en matière de développement, il y a la question également de cette phase d'investissement
08:41 à laquelle fait face l'ensemble de l'industrie de la gestion d'actifs et qui est notamment tirée par ces considérations extra-financières.
08:48 Alors c'est le modèle, l'ADN natif de la financière responsable.
08:53 Mais pour bien faire son travail, on va parler des articles 9 dans un instant,
08:57 tout ça demande de plus en plus d'investissement.
09:01 L'accès à la donnée, trouver la bonne donnée auprès du bon fournisseur,
09:06 bâtir des modèles internes, des modèles propriétaires.
09:09 Je pense que, dans un avenir proche, le budget extra-financier d'une société de gestion sera au moins équivalent,
09:18 voire supérieur peut-être au budget d'analyse financière traditionnel.
09:22 Vous avez raison, si on fait sérieusement les choses, c'est probablement un empendérable pour tout patron de société de gestion.
09:29 Il est clair qu'on a apporté nos outils également à Mapfrae,
09:35 et notamment notre base de données d'empreintes écosociales et notre base de données handicap
09:40 sont des outils sur lesquels on va essaimer nos pratiques, mais à la fois la donnée.
09:46 Et il est vrai qu'avec la réglementation qui est en train de se mettre en place,
09:50 la donnée coûte plus cher et on a fait ce choix nous dès 2010 de tout intégrer,
09:55 ce qui demande plus d'efforts, plus de travail, plus de développement,
09:59 mais qui dans la durée vous donne un avantage concurrentiel
10:03 et vous permet aujourd'hui avec ce durcissement de la réglementation, des exigences,
10:09 d'apporter des réponses assez rapidement.
10:12 Simplement, il faut quand même prendre le temps de faire les choses,
10:15 de vérifier qu'on est bien conforme au texte et qu'on a bien les outils en place,
10:19 parce que je crois que notre copie stratégique depuis l'origine avec Olivier Johanné,
10:24 c'était de montrer qu'on pouvait avoir une approche professionnelle, sérieuse et structurée de l'ISR.
10:29 On n'est pas forcément les meilleurs gérants de la Terre,
10:31 mais par contre ce qu'on fait, on le fait sérieusement et avec des moyens,
10:34 et je crois que c'est ce qui nous permet aujourd'hui d'arriver à nous positionner
10:39 et d'avoir des réponses opérationnelles très rapides
10:42 et complètes sur le niveau le plus exigeant de la réglementation SFDR,
10:47 étant entendu que tout n'est pas sorti, tous les textes ne sont pas encore parus.
10:52 Il y a encore un consultation paper qui est sorti la semaine dernière.
10:55 Donc les régulateurs jettent des bases et expliquent au fil de l'ose à cette manager
11:00 comment ils doivent approcher le sujet.
11:02 Donc il y a encore du travail à faire là-dessus.
11:04 En matière de réglementation, quelle est la prochaine étape ou la prochaine séquence ?
11:08 On est en pleine revue stratégique, effectivement, on va dire ça comme ça,
11:11 de la réglementation SFDR, qui est déjà appliquée évidemment
11:14 par les sociétés de gestion en France et en Europe,
11:17 qui les oblige à déclarer leurs intentions, voire leurs impacts, en matière d'investissement.
11:24 Donc il y a trois grandes catégories, article 6, article 8, article 9.
11:28 Tous vos fonds sont en article 9.
11:31 Quand je regarde le nombre de déclassements qu'il y a eu ces derniers mois,
11:35 depuis six mois pour dire les choses, il y a plus de 300 fonds en Europe
11:37 qui ont été rétrogradés d'article 9 vers article 8 en général.
11:42 C'est 40% quand même des encours sous gestion en Europe.
11:47 Les fonds qui sont restés en catégorie article 9 ne représentent plus que 3% du marché
11:54 contre près de 35% pour la catégorie article 8, qui devient le mass market d'une certaine manière.
12:01 Quel est l'avenir de cette réglementation ?
12:03 Est-ce que l'article 9 a encore un avenir en tant que tel, en tant que catégorie spécifique de cette réglementation ?
12:09 J'en suis absolument persuadé. Je ne vois pas de raison à ce que les autorités de sûreté européennes et le législateur...
12:17 Parce que ça ne représente plus rien et que tous les asset managers vous disent que ce sont des règles inapplicables ?
12:23 Oui mais non, elles sont applicables.
12:25 Simplement, je pense qu'il y a deux choses.
12:27 Côté régulateur, il y avait une volonté vraiment d'amener à l'industrie un cadre dans lequel ça suffit,
12:34 on ne peut plus juste dire et prétendre, il faut démontrer.
12:37 Et il faut déployer une capacité à rendre compte de l'intégration de l'extra financier.
12:43 Il suffisait de marquer ISR, ESG ou durable sur n'importe quoi pour que ça le devienne,
12:48 sans qu'on ait vraiment une capacité pour le client final à se rendre compte de l'intérêt,
12:53 de la valeur ajoutée que pouvait avoir cette intégration d'extra financier.
12:56 Je ne parle même pas des moyens, je ne parle même pas des degrés d'intégration, je parle du résultat final.
13:01 Il y a une promesse client.
13:03 Je crois que le régulateur en avait assez de l'eco-washing, du social-washing et du green-washing en général.
13:10 D'ailleurs, on voit bien que pour une bonne partie de l'industrie,
13:15 être vert ou mettre une dose de social était censé permettre de vendre mieux un certain nombre de produits financiers.
13:21 Et d'ailleurs, moi j'étais surpris de voir autant de sociétés de gestion et autant d'acteurs positionnés immédiatement en article 9,
13:28 sans qu'on ait les textes.
13:29 Nous, on a eu la démarche inverse, pour être tout à fait franc.
13:32 On est resté en 8, qui est aujourd'hui le ventre mou qui englobe le label ISR de la réglementation ESG,
13:39 où là il y a une énorme diversité des pratiques et des acteurs,
13:42 ce qui au demeurant n'est pas un problème, mais plutôt la réalité et l'état du marché.
13:47 En se disant, on va prendre le temps de vraiment vérifier qu'en un terme on est prêt,
13:51 qu'on a bien tous les outils et qu'on a tous les moyens de répondre aux exigences.
13:55 Et du coup, ce travail, une fois qu'il a été fait en fin d'année,
13:58 en début d'année on a passé tous nos fonds, les fonds de LFR, qui sont tous passés à article 9,
14:03 au premier trimestre 2023.
14:05 On ne voulait surtout pas prendre ce risque de rétrogradation.
14:08 Maintenant, je dois vous dire une chose que je sens depuis quelques semaines,
14:11 c'est qu'il y a une demande de clients aussi.
14:13 Et ça va être le juge de paix in fine avec les performances.
14:17 Que ce soit dans le retail, pour les CGP, les family office ou les réseaux de distribution,
14:23 le client a bien compris que 9 c'était mieux que 8.
14:26 Il n'a pas besoin de rentrer dans le détail, je parle du client en particulier,
14:29 mais il veut que vous lui proposiez un produit qui soit sur les meilleurs standards.
14:34 Donc là, on répond présent et je pense qu'on va avoir,
14:39 compte tenu des barrières à l'entrée qui sont en place,
14:42 des perspectives de développement relativement intéressantes.
14:46 Chez l'investisseur institutionnel, la complexité de la réglementation ne lui a pas échappé non plus.
14:51 Et il y a aussi également un appétit pour aller vers des méthodologies,
14:56 pas que la nôtre, mais qui peuvent être intéressantes
14:59 et qui collent bien avec la philosophie de chacun des investisseurs institutionnels.
15:04 Et toute la technicité qu'on va apporter derrière pour permettre à l'investisseur institutionnel
15:10 de valoriser et de rendre compte de ces aspects extra financiers,
15:15 la réponse qui est faite à travers ces investissements financiers
15:18 aux enjeux de développement durable.
15:20 Donc je crois vraiment que malgré le scepticisme qu'on peut lire dans la presse anglo-saxonne
15:26 ou de l'autre côté de l'Atlantique aux Etats-Unis,
15:29 je crois vraiment que la réglementation européenne est là pour durer et qu'elle va rester.
15:33 Merci Stéphane, merci pour cet éclairage sur les enjeux industriels de votre secteur
15:39 et sur cet enjeu réglementaire dont on n'a pas fini de parler avec vous et avec d'autres.
15:44 Stéphane Prévost, directeur général de la Financière Responsable,
15:46 qui était le grand invité de Smart Bourses à la mi-journée sur Bsmart.
15:50 On se retrouve à 17h en direct.
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