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Transcription
00:00 C'est vous, Roland Marshall, vous êtes chargé de recherche au CNRS et vous êtes spécialiste de la Corne de l'Afrique.
00:05 Bonjour à vous, merci d'avoir accepté l'invitation de France 24.
00:08 Roland Marshall, on est face à deux hommes puissants, deux généraux.
00:12 L'un dirige une armée, l'autre un groupe paramilitaire.
00:15 Ils combattent à armes égales. Jusqu'où peuvent-ils aller l'un et l'autre, selon vous ?
00:21 Disons que les combats peuvent durer. Je ne crois pas que les combats dureront plus que quelques semaines.
00:29 On n'est pas dans une situation disons somalienne.
00:33 Mais très certainement, il y a de très fortes inquiétudes sur les dommages collatéraux, la population civile.
00:40 Car les chiffres que vous mentionnez sont des chiffres évidemment sous-estimés,
00:44 compte tenu des difficultés à se déplacer dans Khartoum même,
00:50 et puis évidemment dans les autres villes du pays, puisque rappelons-le,
00:53 les combats ont lieu dans plusieurs grandes villes du pays et pas simplement dans la capitale.
00:58 Ce sont des combats de rues, des bombardements aériens aussi,
01:02 puisque vous le soulignez à l'instant, très difficile de se rendre compte précisément
01:05 de ce qui est en train de se jouer dans la capitale.
01:07 Ce qui est très difficile, c'est que des deux côtés, on a une guerre de l'information,
01:13 avec des gens qui sont extrêmement bien formés.
01:16 Je pense qu'on peut remercier notamment les Russes ou des sociétés cises à Abu Dhabi,
01:23 aux Émirats Arabes Unis, qui sont devenus spécialistes de ça.
01:26 Et donc il est assez difficile de démêler le vrai du faux.
01:30 Ce qu'il me semble, en parlant avec des amis à Khartoum ce matin,
01:34 c'était que depuis quatre jours, les forces de soutien rapide
01:38 contrôlent un certain nombre de sites, vous les avez mentionnés,
01:42 qui sont surtout à valeur symbolique, beaucoup plus que militaires.
01:45 Contrôler le siège du ministère de la Défense ou l'état-major des armées,
01:49 en soi ne représente pas grand-chose d'un point de vue militaire,
01:52 mais évidemment symboliquement c'est très fort.
01:54 Il y a visiblement également, en parlant avec des membres de grands partis traditionnels soudanais,
02:03 il y a des tractations qui sont en cours, vous avez mentionné les tractations internationales,
02:07 il y a aussi des tractations au sein des forces politiques soudanaises.
02:12 Et le message qu'envoie le camp de Burhan, c'est en fait un message très contradictoire,
02:18 puisque d'un côté on refuse le cessez-le-feu,
02:21 de l'autre côté ses proches, discutant avec les partis traditionnels,
02:25 disent qu'ils sont prêts à revenir à la table des négociations.
02:28 Et il faut toujours le rappeler, l'enjeu ce n'est pas simplement
02:33 la fin des affrontements entre Hemeti et Burhan, les deux chefs de guerre comme vous les appelez,
02:40 c'est aussi la reprise du processus politique qui devrait permettre aux civils,
02:45 enfin, de gouverner ce pays.
02:48 Et disons, quand je vois, et vous avez eu raison d'insister là-dessus,
02:52 l'insécurité qui frappe aujourd'hui les diplomates internationaux,
02:57 je voudrais rappeler que quand même il y a eu dans les derniers mois
03:01 des appels au meurtre lancés contre le représentant du secrétaire général des Nations Unies,
03:06 et que les islamistes sont présents, ils ne sont pas simplement présents à l'intérieur de l'armée,
03:12 vous avez également des ministres islamistes qui existent,
03:16 qui ont réémergé à la faveur de ces tensions,
03:19 et qui sans doute ont joué un rôle déterminant dans l'éclatement des combats samedi.
03:25 Et il est pourtant pour leur part question d'évacuer le personnel étranger,
03:28 en tout cas les États-Unis n'ont pas avancé cette option,
03:31 ce serait une bascule en tournant si des chancelleries étrangères venaient à évacuer leur personnel ?
03:37 Oui, parce que pour l'instant l'essentiel des combats, pour ce que je peux en savoir,
03:41 se déroule quand même dans les périphéries, les banlieues de Khartoum, Khartoum Nord et Omdurman.
03:49 Donc il y a des combats à Khartoum qui sont relativement localisés,
03:52 alors comme je le disais il y a des dommages collatéraux importants,
03:56 mais fondamentalement on n'est pas à Mogadiscio en novembre 1991,
04:03 donc quand même il faut raison garder, ça reste très localisé,
04:07 et puis surtout il y a cet espoir qui n'est pas simplement un vœu pieux,
04:12 que la raison prévaudra et que les pressions régionales et internationales
04:18 vont finalement obliger à un cessez-le-feu et très rapidement après à des négociations.
04:26 Je reviens à ce que vous disiez tout à l'heure Roland Marshall sur le processus de transition politique,
04:31 cette guerre qui n'est pas une guerre civile,
04:34 mais cette guerre que sont en train de se livrer Hameti et Al Burhan,
04:37 est-ce qu'il y a aussi des ambitions politiques derrière, pour l'un ou pour l'autre ?
04:42 Est-ce qu'ils tentent de supplanter ce processus ?
04:44 Et peut-être Al Burhan en tout cas semble avoir plus d'ambition politique.
04:48 Ce qui est très clair, c'est que très souvent les médias représentent ça
04:53 comme la conséquence d'une compétition entre deux égaux.
04:57 Peut-être cette dimension existe mais elle ne me paraît pas fondamentale.
05:01 On a deux projets politiques très différents.
05:05 Ce sont des projets politiques selon vous, pas militaires ? Il y a une dimension politique ?
05:09 Il y a une dimension politique. Burhan veut gérer la transition à l'égyptienne
05:14 de façon à ce que d'une part la transition lui permette de contrôler l'essentiel du pouvoir d'État
05:22 et quitte à enlever son uniforme pour l'élection,
05:26 comme Omar El-Bashir l'avait d'ailleurs fait à plusieurs moments,
05:30 être élu au bout de deux ans de transition.
05:32 Hemeti, qui est quelqu'un qui part avec d'énormes déficits compte tenu de son passé au Darfour,
05:39 du manque d'ancrage politique qu'il a à l'intérieur du pays,
05:44 a fait le pari de la transition civile et c'est pour ça que dans les dernières semaines
05:49 il a multiplié les critiques contre Burhan, mais pas simplement contre l'armée.
05:54 Il a multiplié les critiques en disant 1) il faut rendre le pouvoir au civil le plus vite possible
06:00 pour que des élections aient lieu, 2) l'armée ne veut pas parce que l'armée est aujourd'hui
06:05 sous la pression des islamistes et des nostalgiques d'Omar El-Bashir.
06:10 C'est peut-être un argument qui est un peu surévalué,
06:13 mais très certainement les ambitions politiques de Burhan sont là
06:17 et très clairement il l'a dit à de multiples reprises officiellement et officieusement
06:22 aux représentants de la communauté internationale.
06:25 Donc ne transformons pas ça simplement en une guerre de deux coques
06:30 dans une ville avec des conséquences désastreuses.
06:32 Alors justement, quelle place la société civile peut-elle prendre ?
06:36 On se souvient que cette société civile s'était illustrée entre 2019 et 2021,
06:40 on ne l'entend pas ces derniers jours, pourquoi ?
06:43 Disons, la société civile, elle est civile,
06:46 donc c'est assez difficile pour elle de peser dans des affrontements militaires.
06:50 Comme je vous le disais, j'entends d'amis soudanais qui appartiennent vraiment à des...
06:58 qui se situent de façon très différente sur le spectre politique soudanais,
07:02 j'entends une volonté et des tentatives de médiation,
07:07 de discuter avec l'un et l'autre, ou l'un ou l'autre et leurs proches,
07:11 pour arriver à les convaincre d'aller au cessez-le-feu.
07:15 Je crois qu'il ne faut pas mésestimer ces efforts-là,
07:18 même si à la fin, ces efforts-là se traduiront plutôt au moment d'une visite
07:23 d'une délégation internationale ou régionale de haut rang.
07:27 Mais la société civile s'active,
07:30 elle se rend compte que ce qui est en jeu c'est sa marginalisation absolue,
07:34 et puis surtout, il faut aussi que les gens le comprennent,
07:38 c'est que derrière, quelle que soit l'issue des affrontements,
07:41 s'il n'y a pas de cessez-le-feu rapidement,
07:44 on est vers une dégradation massive de la sécurité dans ce pays,
07:49 bien au-delà des centres-villes et bien au-delà des corps diplomatiques.
07:53 Beaucoup de gens vont être concernés,
07:56 et la population ordinaire risque de souffrir encore plus de la crise
08:00 et de son volet d'insécurité qu'elle ne l'a souperé jusqu'à présent.
08:05 Et justement, vous parlez tout à l'heure de ce bilan,
08:08 de 200 morts au moins, ce sont les chiffres des Nations Unies,
08:11 mais encore une fois, il est très difficile d'avoir des chiffres précis.
08:14 Dans tous les cas, il y a une médiation de plusieurs États voisins et étrangers.
08:17 Est-ce qu'en attendant une trêve,
08:19 est-ce qu'il peut y avoir l'instauration de couloirs humanitaires,
08:22 permettre au moins aux civils pris au pliage de quitter la région de Trartum et d'autres villes ?
08:26 Écoutez, les deux leaders l'affirment,
08:30 mais en même temps, ça n'a pas tenu très longtemps,
08:33 et des employés du programme alimentaire mondial ont payé de leur vie,
08:37 sans doute leur volonté d'aider la population.
08:41 Donc, on est dans une situation de crise extrême,
08:44 donc évidemment qu'il faut reposer la question,
08:47 et il faudra la reposer sans doute dix fois avant d'aboutir à une solution satisfaisante
08:52 pour ne pas mettre en danger la vie des employés humanitaires qui apporteront cette aide.
08:59 Mais encore une fois, c'est un travail qui est d'abord en cours.
09:03 Les diplomates internationaux s'activent à Khartoum
09:06 de la mesure où ils peuvent le faire, la société civile aussi.
09:10 Donc, il ne faut pas désespérer, je crois que ce qui est important,
09:12 c'est de multiplier les pressions sur les acteurs armés à ce stade,
09:17 ne pas oublier que l'enjeu, c'est quand même la transition de ce pouvoir militaire
09:22 à un pouvoir civil et à une démocratisation dont ne veut pas l'Égypte
09:27 et peut-être quelques autres pays de la région, de la grande région, notamment dans le Golfe.
09:32 Le parrain notamment du général Al-Boulhan.
09:34 Merci beaucoup Roland Marshall, merci d'avoir pris le temps de nous éclairer sur la situation en cours au Soudan.

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