Métiers féminisés : des risques pour la santé plus importants, mais moins connus

  • l’année dernière
Depuis novembre 2022, la délégation aux droits des femmes du Sénat réfléchit sur la santé des femmes sur leur lieu de travail. Jusqu'à présent, les auditions de la délégation mettent en lumière les inégalités qui persistent entre les femmes et les hommes en termes de prise en compte de leur santé au travail. Cancers, troubles musculosquelettiques, charge mentale et violences sexistes constituent tout autant de spécificités qui concernent les travailleuses.


Le 6 avril, la délégation menait deux auditions, ciblées sur les métiers féminisés, et en particulier les métiers du “care” et ceux du ménage et de la grande distribution. Un moyen pour les sénatrices et les sénateurs d’en comprendre davantage sur les conditions de travail de ces métiers, difficiles et mal reconnus.


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Transcript
00:00:00 Madame la Présidente, Mesdames les rapporteurs, Mesdames,
00:00:02 très heureux d'être parmi vous aujourd'hui.
00:00:06 Merci pour cette invitation et pour l'attention que vous avez pu
00:00:08 porter à notre étude, mais plus globalement pour l'attention
00:00:10 que vous allez porter à la santé des femmes du CAIR.
00:00:12 Vous l'avez dit, Madame la Présidente, en introduction,
00:00:15 elle représente entre 70 et 90% des personnels qui prennent
00:00:21 soin des Françaises et des Français au quotidien et qui,
00:00:24 mécaniquement, à travers leur implication dans le service
00:00:27 public de santé, participent à la cohésion nationale et à un
00:00:30 sujet qui est un sujet de préoccupation majeure de nos
00:00:32 concitoyens, qui est l'accès à la santé.
00:00:34 Et donc, on sait très bien, des études le prouvent et on y
00:00:37 reviendra, que des professionnels de santé en bonne santé
00:00:40 prennent mieux en charge leurs patients.
00:00:42 L'inverse étant exact également, il est intéressant de s'intéresser
00:00:45 à leur état de santé.
00:00:46 Alors, je vais rentrer un peu directement dans le vif du sujet.
00:00:50 Vous avez déjà planté le décor.
00:00:53 Oui, l'état de santé des femmes qui travaillent dans le secteur
00:00:56 de la santé ou plus largement dans le secteur du CARE est
00:00:59 préoccupant, voire très préoccupant.
00:01:03 Je pense que préoccupant est encore un euphémisme quand on
00:01:05 regarde les indicateurs qu'on peut ressortir des différentes
00:01:08 études dont on va être amené à parler.
00:01:10 Alors, moi, je vais axer mes propos sur une population en
00:01:12 particulier, qui est celle des hospitalières, parce que la
00:01:15 mutuelle que je représente protège les agents du service
00:01:17 public hospitalier et donc, mécaniquement, on a une
00:01:20 visibilité particulière sur cette population-là.
00:01:22 Et donc, mon propos ne traitera pas d'autres populations comme
00:01:26 les aides à domicile, où là, pour le coup, je n'ai pas de
00:01:29 données à vous partager.
00:01:30 Et donc, ça mériterait peut-être d'être creusé avec des acteurs
00:01:33 complémentaires.
00:01:34 Alors, pour nous, vous l'avez rappelé, la santé au travail,
00:01:40 vous avez rappelé l'étude de l'Anacte et l'étude de la Dares.
00:01:43 L'hôpital, en réalité, c'est un miroir grossissant de la
00:01:45 société sur les difficultés de santé que peuvent rencontrer
00:01:48 les femmes au travail et sur, vous l'avez dit, la sous-évaluation,
00:01:52 ou en tout cas, le manque de considération qu'il peut y avoir
00:01:55 aux risques spécifiques auxquels elles peuvent être exposées dans
00:01:56 le cadre de leur exercice professionnel.
00:01:58 Au-delà de ça, si on note des différences dans les études
00:02:04 qu'on mène sur l'état de santé entre les femmes hospitalières
00:02:06 et les femmes actives en général, il faut bien prendre en
00:02:09 considération qu'on a aussi des inégalités de santé au sein même
00:02:12 de la population féminine à l'hôpital.
00:02:13 La réalité de la santé d'une médecin n'est pas la même que
00:02:17 la réalité d'une femme qui est aide-soignante, ce n'est pas la
00:02:19 même que la réalité d'une femme qui est infirmière.
00:02:22 Qui est agent de service hospitalier ou qui est
00:02:26 agent administrative.
00:02:27 Et donc, c'est avec cette complexité-là qu'il va falloir
00:02:29 regarder les choses et on va voir que si des études scientifiques
00:02:34 traitent du sujet de la santé des médecins, et même si c'est
00:02:38 encore parcellaire à ce stade, la santé de certaines professions
00:02:42 comme les aide-soignants, comme les agents de service
00:02:43 hospitalier sont à peu près complètement inexplorées par
00:02:47 la recherche scientifique et donc manque totalement de données
00:02:51 objectivées sur leur état de santé.
00:02:53 On y reviendra.
00:02:54 Alors, vous avez cité l'observatoire qu'on a été amené
00:02:58 à publier avec l'Institut Odoxa et le Figaro.
00:03:03 Je vais revenir sur quelques enseignements clés.
00:03:06 Déjà, deux enseignements généraux qui concernent à la fois
00:03:09 les hospitalières et les hospitaliers.
00:03:11 Quand on interroge la population hospitalière sur leur appréhension
00:03:16 de leur propre santé, avec le biais que peut représenter
00:03:18 un sondage, mais en tout cas, c'est une interrogation
00:03:20 qu'on leur a adressée, un quart des hospitaliers se déclarent
00:03:24 être en mauvaise santé.
00:03:25 Et quand on les met en miroir avec la population active,
00:03:28 c'est deux fois plus que la population active.
00:03:32 Quand on annonce à un panel représentatif d'actifs de nous dire
00:03:35 dans quel état de santé ils se trouvent, ils ne sont que 13%
00:03:37 à nous dire qu'ils se sentent en mauvaise santé, contre 25%,
00:03:39 enfin 24% pour les hospitaliers.
00:03:41 Et quand on interroge des populations plus spécifiques,
00:03:44 on voit que le risque augmente.
00:03:45 La population aide-soignante nous déclare être à un tiers
00:03:48 en mauvaise santé.
00:03:49 Donc c'est au-delà de la moyenne des hospitaliers.
00:03:51 Donc vous voyez, plus on descend, je parlais tout à l'heure
00:03:52 des inégalités socioprofessionnelles qu'on va pouvoir
00:03:54 retrouver à l'hôpital, on le retrouve dans les données
00:03:57 quand on explore des questions plus spécifiquement
00:04:00 avec certaines populations.
00:04:00 Ils sont plus de 70% à nous dire que leur métier est fatigant.
00:04:04 C'est 25% de plus que la moyenne générale.
00:04:07 Et là encore, quand on regarde les différentes professions
00:04:11 et qu'on interroge la population, encore une fois, aide-soignante,
00:04:15 on n'est plus à 70% qui nous disent que leur métier est fatigant.
00:04:18 On approche les 90%.
00:04:20 Et donc on voit bien que là, on a une réalité qui est différente
00:04:25 et diverse en fonction de la population interrogée.
00:04:27 Alors, si on fait un zoom sur les hospitalières et qu'on les met
00:04:30 en regard des actifs en général, puisque c'est le sujet
00:04:32 qui nous préoccupe aujourd'hui,
00:04:34 vous l'avez dit, 73% des hospitalières qu'on a interrogées
00:04:38 déclarent que leur travail a un impact négatif
00:04:40 sur leur état de santé.
00:04:41 C'est 36 points de plus que les actifs en emploi en général.
00:04:47 Elles sont 82% à nous dire qu'elles sont victimes ou ont été victimes
00:04:51 d'incivilité, d'agressivité et de violence au travail.
00:04:53 C'est deux fois plus que les actifs en emploi en général.
00:04:56 Donc, on a vraiment des indicateurs très clairs sur le sujet.
00:05:00 Et quand on les interroge sur est-ce que l'impact de votre travail
00:05:04 sur votre santé vous amène à réfléchir sur votre parcours
00:05:06 professionnel, elles sont 60% à nous dire qu'elles ont envisagé
00:05:09 de quitter leur travail à cause de l'impact que ça a sur leur santé.
00:05:12 Et quand on voit la réalité de la composition démographique
00:05:17 des professions de santé composées très majoritairement
00:05:19 d'effectifs féminins et qu'on voit qu'on est à des proportions telles
00:05:23 qu'elles sont plus de la moitié à envisager de quitter leur métier
00:05:26 à cause de l'impact qu'il a sur leur santé,
00:05:29 on a des interrogations à avoir quand on compare ces 20% de plus
00:05:32 avec les actifs en emploi en général, toutes populations confondues.
00:05:35 Alors, moi, je ne vais pas faire une longue liste,
00:05:39 une longue litanie de chiffres, mais je tiens à votre disposition
00:05:41 tous les chiffres de l'observatoire et les analyses qu'on peut être
00:05:43 amenés à faire sur les différentes questions
00:05:46 qu'on a pu être amenés à poser.
00:05:47 Je vous les adresserai si vous le souhaitez
00:05:49 à posteriori de notre réunion.
00:05:50 Nous, on a essayé de regarder, finalement,
00:05:54 c'est intéressant des sondages, mais ça présente un certain nombre de biais.
00:05:56 On a essayé de creuser un petit peu ce que la littérature scientifique
00:05:59 pouvait nous dire sur l'état de santé de cette population-là,
00:06:02 en partant du principe que si elle déclarait être en mauvaise santé,
00:06:05 il était possible qu'on retrouve dans la littérature scientifique
00:06:07 des éléments qui corroboraient les constats qu'on était amenés à faire
00:06:11 via des sondages.
00:06:13 Alors là, on a été un peu étonnés,
00:06:16 enfin, même grandement étonnés.
00:06:18 On a missionné notre fondation d'entreprise
00:06:20 pour mener ces études bibliographiques.
00:06:22 Et en réalité, il n'y a quasiment aucune étude
00:06:24 sur la population professionnelle de santé qui existe.
00:06:28 Il y a quelques études à l'international qui commencent à dater un petit peu
00:06:31 que sur la population féminine à proprement parler,
00:06:34 la santé des femmes de santé.
00:06:36 On a quelques études, notamment une étude à Taïwan
00:06:38 sur la question du cancer des médecins.
00:06:40 On a eu une étude américaine sur la surexposition au burnout.
00:06:43 On a quelques publications, mais en réalité,
00:06:47 rien de bien n'est ayé quand on compare à d'autres populations
00:06:49 exposées à des risques particuliers.
00:06:51 Et ce qui nous interroge, c'est-à-dire que les professionnels de santé
00:06:56 sont toute la journée en train de produire avec leur équipe
00:07:00 hospitalier-universitaire des études sur l'état de santé de différentes populations.
00:07:03 Et sur ces populations-là, on sèche un petit peu.
00:07:06 Alors, les quelques études qui existent corroborent
00:07:08 ce qu'on peut noter dans les observatoires qu'on est amené à faire.
00:07:12 Mais en réalité, on retrouve les mêmes problématiques
00:07:15 socio-professionnelles, c'est que plus
00:07:17 on essaye de creuser certaines strates professionnelles de l'hôpital,
00:07:22 moins on trouve d'études.
00:07:23 Il y a quelques études sur la population médicale, les internes.
00:07:25 Il n'y a quasiment aucune étude sur la profession infirmière.
00:07:28 Il n'y a absolument aucune étude sur les aides-soignantes.
00:07:31 Et je ne vous parle même pas des agents hospitaliers,
00:07:33 enfin des agents de services hospitaliers, etc.
00:07:36 Donc, ça nous a amené à réfléchir sur le sujet et à se dire qu'en fait,
00:07:39 il fallait peut-être étayer et accompagner la recherche sur ces sujets.
00:07:44 Et ce qui nous a amené dernièrement à publier un appel à manifestation
00:07:47 d'intérêts communs entre notre fondation et l'adresse
00:07:49 pour que des équipes hospitalier-universitaire puissent croiser
00:07:53 deux bases de données, l'INSEE et le SNDS,
00:07:56 pour mener des études exploratoires sur un certain nombre d'items,
00:07:58 dont la santé des femmes de santé, pour essayer d'étayer avec des données,
00:08:04 on va dire scientifiques, à proprement parler,
00:08:07 avec la réalité des chiffres de ce qui va pouvoir sortir
00:08:11 de la base SNDS, notamment.
00:08:14 On va essayer de sortir un petit peu.
00:08:17 Est-ce que les constats qu'on a amené à faire dans les sondages
00:08:19 et dans les quelques études qui peuvent être publiées,
00:08:21 soit spécifiquement sur quelques professions de santé,
00:08:24 soit sur la population générale, sont cohérentes avec ce qu'on peut constater
00:08:28 vis-à-vis d'une population spécifique, qui est celle des professions de santé ?
00:08:32 Et là encore, si jamais ces revues bibliographiques vous intéressent,
00:08:35 on peut les mettre à votre disposition.
00:08:36 Elles ont déjà été rendues publiques et on peut vous les adresser,
00:08:38 si vous le souhaitez, pour avoir un peu un état des lieux sur quelques items,
00:08:42 la dictologie, la santé mentale ou encore la santé des femmes de santé,
00:08:47 les résultats des quelques études qu'on a pu être amenés à constater.
00:08:53 Alors, maintenant qu'on a dit ça, finalement,
00:08:57 on est sur un tableau assez pessimiste ou assez négatif.
00:09:02 C'est dommage de commencer une journée comme ça,
00:09:04 mais qui pointe un élément, c'est qu'en fait,
00:09:07 le temps du constat est un peu dépassé aujourd'hui.
00:09:09 Et la question, c'est qu'est-ce qu'on fait et comment on agit efficacement
00:09:13 pour améliorer la situation ?
00:09:15 Nous, récemment, on est en train de produire un ouvrage
00:09:18 qui vous sera adressé à l'été à peu près,
00:09:21 où on est allé interroger une douzaine de professionnels LES de santé
00:09:26 avec la diversité des métiers à l'hôpital pour leur demander,
00:09:29 pour les interroger.
00:09:30 Donc, c'est un cahier d'interview que vous allez recevoir
00:09:33 de personnels qui vivent l'hôpital au quotidien.
00:09:35 Et en réalité, leur parole que je relaie ici,
00:09:40 c'est de nous dire que finalement, tout ça, on le savait.
00:09:44 C'est peut-être pas été yé, ça mérite peut-être d'être précisé.
00:09:47 Enfin, on y reviendra, vous y reviendrez peut-être
00:09:49 tout à l'heure dans vos propos.
00:09:50 Ça mérite des éléments complémentaires, mais que tout ça, on le sait.
00:09:53 Maintenant, la question, c'est l'attente des professionnels
00:09:55 d'une véritable action véritable et d'une véritable politique publique.
00:09:59 En réalité, d'amélioration de leur état de santé.
00:10:01 Et ça, nous, à la Mutuelle, vous avez dû le recevoir il n'y a pas longtemps.
00:10:06 On a produit quelques propositions sur le sujet de la santé,
00:10:09 des professionnels de santé.
00:10:09 Vous avez peut-être dû le recevoir, il me semble, la semaine dernière.
00:10:13 Et si jamais vous souhaitez qu'on vous le réadresse,
00:10:15 je vous le réadresse sans difficulté.
00:10:18 On essaye de mettre sur la table justement comment pourrait se structurer
00:10:21 cette politique de santé pour les hospitalières,
00:10:24 en tout cas pour la population qui nous concerne,
00:10:27 parce qu'on ne pourra pas compter indéfiniment sur leur résilience
00:10:30 incroyable et incontestable.
00:10:33 Aujourd'hui, on travaille dans des conditions assez particulières
00:10:37 avec un faisceau de déterminants qui aboutit à cette situation.
00:10:40 Alors, qu'est ce qu'on fait finalement ?
00:10:43 Nous, ce qu'on constate, c'est qu'il y a une pluralité d'initiatives
00:10:46 qui sont déjà en place.
00:10:47 En réalité, quand on va fouiller un peu à l'hôpital et qu'on essaie
00:10:50 d'interroger les hospitaliers sur les initiatives qui sont prises
00:10:52 pour améliorer la santé des professionnels, il y a déjà des initiatives.
00:10:56 L'hôpital n'est pas muet sur le sujet.
00:10:58 La question centrale qui nous occupe aujourd'hui, c'est qu'en réalité,
00:11:00 il n'y a pas de priorité fixée sur les actions qu'il faut mener.
00:11:05 Quels sont les trois ou quatre sujets prioritaires
00:11:07 qu'il faudrait mener sur la santé des femmes hospitalières ?
00:11:10 Est ce que c'est le cancer du sein et du utérus ?
00:11:12 Et du coup, la question du travail de nuit ?
00:11:14 Est ce que c'est la grossesse et l'incidence du travail sur la grossesse ?
00:11:19 Est ce que c'est l'endométriose ?
00:11:21 Est ce que c'est des pathologies partagées entre les femmes et les hommes ?
00:11:26 Etc.
00:11:27 Est ce que c'est la santé psychologique ?
00:11:30 Bref, la question, c'est qu'aujourd'hui, on a besoin de savoir
00:11:32 et d'avoir une politique publique qui est tournée très clairement sur l'action,
00:11:35 sur quelles sont les quatre, cinq priorités que vont se fixer
00:11:38 l'ensemble des acteurs pour essayer d'arrêter la déperdition d'énergie
00:11:42 qu'on peut constater un peu partout,
00:11:44 qu'il y ait tout le monde qui fait un peu une initiative dans son coin
00:11:46 et qu'en réalité, on n'a pas de direction commune
00:11:48 sur lesquelles l'assurance maladie, les complémentaires santé,
00:11:52 les employeurs, les partenaires sociaux, les pouvoirs publics
00:11:54 orientent l'action pour essayer d'analyser un état des lieux,
00:11:59 mener des actions, expérimenter et analyser l'impact qu'on peut avoir.
00:12:04 Ça, pour ça, nous, on appelle à ce qu'on ne crée pas de nouveaux outils.
00:12:07 Il existe déjà des outils, j'y reviendrai pour terminer mon propos introductif
00:12:10 avant qu'on puisse passer à la suite des interventions.
00:12:15 Mais en réalité, il y a déjà des outils qui existent à l'hôpital
00:12:19 et qui peuvent être utilisés au service de cette politique de santé.
00:12:24 Nous, globalement, quand on regarde et c'est l'objet de la documentation
00:12:28 qu'on vous a produit, nous, on appelle à ce qu'il y ait quatre priorités
00:12:29 qui soient fixées.
00:12:31 La première, c'est, je reviens, la recherche,
00:12:34 qui a eu un vrai effort fait sur la recherche,
00:12:36 non pas pour reconstater que les hospitaliers vont mal,
00:12:39 mais pour comprendre quels sont les déterminants
00:12:40 sur lesquels on peut prioritairement agir.
00:12:43 Typiquement, est-ce que le cancer du sein,
00:12:44 on sait, les études internationales nous démontrent
00:12:47 qu'il y a un sur-risque d'être diagnostiqué tardivement
00:12:50 pour les femmes de santé ?
00:12:53 Est-ce que c'est corroboré par de la recherche qui nous indique
00:12:55 que oui, les femmes de santé sous-consomment
00:12:58 les politiques de prévention de l'assurance maladie
00:13:00 en matière de dépistage du cancer du sein à partir de 50 ans ?
00:13:03 Si oui, comment on fait pour que tous les acteurs
00:13:05 adressent les éléments sur le sujet ?
00:13:07 Donc ça, c'est le premier élément, c'est la recherche.
00:13:09 Le deuxième, vous en avez parlé, le virage préventif.
00:13:12 Je pense qu'il faut aller plus loin que la LFSS,
00:13:14 telle qu'elle a été définie pour 2023.
00:13:15 Elle enclenche le virage préventif.
00:13:17 Il faut aller plus loin à travers une vraie politique de prévention
00:13:20 et des dispositifs qui facilitent la prévention au travail.
00:13:23 Et ça, on a un vrai sujet de complémentarité,
00:13:24 assurance maladie et complémentaire santé sur le sujet.
00:13:28 On a un troisième sujet qui est,
00:13:30 je vais y revenir sur la santé des hospitalières,
00:13:33 à propos de ce dont vous en parlez,
00:13:34 et la quatrième priorité pour nous qui est commune
00:13:35 aux hospitalières, aux hospitaliques
00:13:36 et leur santé psychologique.
00:13:39 Et là, nous, le constat, c'est qu'on est en surconsommation.
00:13:42 Mais je pense que Madame Kornhieber pourrait y revenir
00:13:44 plus précisément que moi, parce que c'est un sujet
00:13:46 qu'elle regarde avec beaucoup d'attention.
00:13:50 Aujourd'hui, nous, en termes de consommation de soins,
00:13:53 on note sur la santé psychologique qu'on a une surconsommation,
00:13:55 une explosion des consultations de psychologues,
00:13:57 des hospitalisations en psychiatrie, etc.
00:14:00 sur la population qu'on couvre versus la population générale.
00:14:03 Alors, qu'est-ce qu'on peut utiliser ?
00:14:05 Finalement, on peut utiliser déjà ce qui existe.
00:14:07 On en a parlé des campagnes de dépistage aujourd'hui.
00:14:09 Nous, on suppute qu'il puisse y avoir une sous-consommation
00:14:14 des campagnes de dépistage.
00:14:15 Donc, la question du aller vers les professionnels de santé,
00:14:18 et on parle notamment des professionnels de nuit,
00:14:21 est un vrai sujet.
00:14:22 Comment on met en place une action qui permet de promouvoir
00:14:24 les campagnes de dépistage du cancer du sein,
00:14:26 du cancer du col, du utérus, etc.
00:14:28 vis-à-vis de populations qu'on sait être surexposées à ce risque ?
00:14:32 Vous avez les plans Égalité Femme Homme aujourd'hui
00:14:33 qui sont en cours de déploiement à l'hôpital public,
00:14:35 qui peuvent être de véritables outils
00:14:36 dans lesquels on peut traiter de la santé.
00:14:39 Alors, soit par un prisme parcours professionnel,
00:14:42 soit par un prisme de moment de vie.
00:14:44 Typiquement, les plans Égalité Femme Homme
00:14:46 peuvent traiter du sujet de la grossesse,
00:14:47 du moment de la grossesse,
00:14:48 et son impact sur l'évolution professionnelle.
00:14:50 On peut très bien envisager qu'on puisse traiter
00:14:52 de la prévention santé de la femme enceinte
00:14:55 dans ces plans-là, au travail,
00:14:57 et faire en sorte que le travail des femmes de santé
00:15:00 ne soit pas un obstacle à leur projet familial,
00:15:02 ou en tout cas à leur santé,
00:15:03 et à celle de leur enfant à naître.
00:15:05 Ce qui est un vrai sujet aujourd'hui.
00:15:06 Typiquement, le même sujet sur l'endométriose,
00:15:09 le même sujet sur la surveillance d'un cancer,
00:15:11 la question de la prévention, du maintien dans l'emploi,
00:15:13 et du retour à l'emploi,
00:15:15 sont des sujets qui peuvent être traités
00:15:16 par le prisme santé dans les plans Égalité Femme Homme.
00:15:21 Et on a d'autres outils, et je terminerai par là.
00:15:23 Par exemple, le document unique des risques professionnels,
00:15:26 d'évaluation des risques professionnels
00:15:27 dans les établissements de santé,
00:15:28 qui est aujourd'hui encore malheureusement,
00:15:30 ce n'est pas le cas partout,
00:15:31 mais beaucoup vécu comme un document administratif,
00:15:34 peut être un vrai outil dans lequel on peut avoir
00:15:35 une approche genrée des risques professionnels,
00:15:37 objectiver les risques en fonction du sexe
00:15:40 et de la population professionnelle qui est exposée.
00:15:42 Je pense qu'on pourrait revenir au cours des débats.
00:15:45 Pour le coup, il y a des établissements
00:15:47 qui sont sans saisie de ces deux plans,
00:15:49 des établissements hospitaliers
00:15:50 qui sont en pointe sur ces sujets.
00:15:52 Et je pense qu'il y a une maturité aujourd'hui,
00:15:53 en tout cas, il y a une prise de conscience
00:15:54 que ces documents, au-delà d'être des documents obligatoires,
00:15:56 doivent être des documents mis au service
00:15:59 de l'amélioration de l'état de santé
00:16:01 et plus globalement de la prévention
00:16:02 des risques professionnels
00:16:03 auxquels sont exposés les femmes de santé.
00:16:05 Voilà, moi, je suis à votre disposition
00:16:06 pour répondre à vos questions après les différentes interventions.
00:16:08 Et puis, je vous remercie une nouvelle fois
00:16:09 de l'attention que vous pouvez porter à ce sujet.
00:16:12 Merci, Madame la Présidente,
00:16:13 Mesdames les rapporteurs, Mesdames, Monsieur.
00:16:17 Je vous remercie de votre invitation.
00:16:19 Alors, la demande qui m'est faite aujourd'hui
00:16:21 est de présenter des recherches sur les temps de travail atypiques,
00:16:23 notamment sur le travail de nuit.
00:16:25 Pourquoi ?
00:16:26 Parce que ces temps de travail atypiques ne sont pas anodins,
00:16:29 ils ne sont pas sans risque sur la santé,
00:16:31 parce qu'ils sont fréquents, voire habituels
00:16:34 dans les métiers du CARE, notamment du soin
00:16:36 et parce que ce secteur est fortement féminisé.
00:16:38 Donc, c'est donc par cette porte d'entrée,
00:16:40 celle des horaires,
00:16:41 que je vais aborder la santé des femmes
00:16:43 dans les métiers féminisés lors de cette table ronde.
00:16:45 La santé, mais également le travail qu'elles font dans les services
00:16:48 et qui leur permet de préserver leur santé.
00:16:51 Je précise que le point de vue adopté dans mon propos liminaire
00:16:54 se place d'une part dans le cadre d'une expertise collective
00:16:58 menée à l'ANSES,
00:16:59 l'Agence nationale de sécurité sanitaire entre 2012 et 2016,
00:17:03 avec 17 autres experts, dont Florence Chaper,
00:17:06 que vous avez accueillie il y a quelques semaines,
00:17:08 je crois, ici,
00:17:10 au sujet des risques sanitaires liés au travail de nuit.
00:17:13 D'autre part, le point de vue adopté dans ce propos liminaire
00:17:15 se place également dans le cadre de mes activités de chercheuse
00:17:18 en ergonomie,
00:17:19 c'est-à-dire, en fait, dans le cadre de recherche à action
00:17:22 que je mène dans les situations de travail,
00:17:24 en contexte, avec des analyses ciblées, qualitatives,
00:17:28 qui visent à repérer et à comprendre
00:17:29 les réalités du travail et ses exigences,
00:17:32 et ce, donc, dans le secteur du care,
00:17:34 depuis le début de ma carrière,
00:17:35 notamment dans le secteur hospitalier.
00:17:38 Alors, tout d'abord, le travail de nuit des femmes,
00:17:39 le poids des horaires sur la santé,
00:17:42 peut-être quelques définitions.
00:17:44 Définir d'abord ce que sont les horaires atypiques.
00:17:46 Donc, ce sont des horaires, en fait,
00:17:47 qui renvoient à une multitude de réalités
00:17:50 qui passent par le travail tôt le matin,
00:17:52 tard le soir, la nuit,
00:17:53 mais également par le travail du samedi, du dimanche,
00:17:56 par le travail, les longues journées de travail,
00:17:58 plus d'11 heures, plus de 12 heures,
00:18:00 ce qui arrive souvent, les 2-12,
00:18:02 dans les secteurs hospitaliers,
00:18:02 sont assez, ont beaucoup de succès,
00:18:04 mais également les horaires imprévisibles,
00:18:06 donc un ensemble de réalités, en fait,
00:18:07 autour de, sont englobées par ce terme très général.
00:18:11 Autre définition, c'est le travail de nuit,
00:18:13 qui est donc une des formes de temps de travail atypique.
00:18:16 Il est défini, donc, dans le Code du travail
00:18:17 comme tout travail accompli
00:18:19 entre 21 heures et 6 heures du matin.
00:18:21 Cette période légale du travail
00:18:23 peut être remplacée par une autre période,
00:18:25 négociée et définie par accord collectif
00:18:27 de branche étendue ou par accord d'entreprise,
00:18:29 ce qui est souvent le cas,
00:18:31 incluant obligatoirement la plage comprise
00:18:33 entre minuit et 5 heures du matin.
00:18:36 Alors, les données,
00:18:37 donc les données à disposition
00:18:38 concernant le travail en horaire atypique.
00:18:40 Alors, j'ai cherché les études, en fait,
00:18:42 qui alliaient horaire atypique,
00:18:44 femmes et secteurs du soin.
00:18:47 Juste, rappelez peut-être une étude
00:18:48 que vous devez connaître de l'ADARES,
00:18:50 uniquement sur le travail de nuit,
00:18:52 qui a été publiée il y a quelques temps,
00:18:53 mais qui me semble intéressante, en 2014,
00:18:55 qui montre, en fait, sur des données de 2012,
00:18:57 que 15% des salariés
00:19:00 travaillaient la nuit en 2012.
00:19:02 Donc, ça fait à peu près 3,5 millions de personnes.
00:19:06 Cette étude de l'ADARES montre
00:19:08 que le travail de nuit se cumule
00:19:10 avec d'autres formes d'horaires atypiques,
00:19:12 des horaires alternants,
00:19:13 des horaires variables d'une semaine sur l'autre,
00:19:15 du travail du soir, du travail de fin de semaine.
00:19:19 Et cette étude montre également
00:19:20 que les métiers du care, du soin,
00:19:22 font partie des cinq familles professionnelles
00:19:24 comptant le plus de travailleurs de nuit.
00:19:26 Ils identifient, en fait, les conducteurs de véhicules,
00:19:28 en premier, les policiers et les militaires,
00:19:30 puis viennent ensuite les infirmières
00:19:31 et les aides-soignantes,
00:19:34 au niveau des personnes les plus concernées
00:19:36 par ces horaires particuliers.
00:19:38 Plus récemment, une autre étude de l'ADARES,
00:19:40 qui a été publiée en 2022,
00:19:42 sur des données 2017-2019,
00:19:44 analyse le temps de travail par métier.
00:19:47 Et elle nous apprend, donc,
00:19:48 que parmi les infirmières et les sages-femmes,
00:19:50 22% d'entre elles travaillent la nuit.
00:19:53 Elles travaillent également le samedi et le dimanche.
00:19:54 Je ne présente pas les chiffres,
00:19:56 peut-être dans le détail.
00:19:56 Et parmi les aides-soignantes,
00:19:58 15% également travaillent la nuit,
00:19:59 sachant que, bien sûr, vous l'avez dit,
00:20:01 la large majorité, 91% d'entre elles,
00:20:04 sont des femmes.
00:20:05 Alors, la question du travail de nuit
00:20:08 et des liens avec la santé
00:20:11 a été abordée dans les théorétiques scientifiques
00:20:13 depuis assez longtemps.
00:20:14 On a des travaux depuis un certain temps
00:20:16 qui nous montrent qu'en effet,
00:20:16 le travail de nuit a des effets sur la santé.
00:20:19 Pourquoi ? Parce que travailler la nuit
00:20:20 perturbe l'alternance veille-sommeil
00:20:23 et désynchronise nos rythmes biologiques,
00:20:25 notamment ce qu'on appelle les rythmes circadiens,
00:20:27 c'est-à-dire les rythmes qui ont une période
00:20:28 sur une journée de 24 heures.
00:20:31 Ces rythmes-là, ils sont contrôlés
00:20:32 par une horloge interne au cœur de notre cerveau
00:20:36 qui règle toutes les grandes fonctions
00:20:38 de notre organisme et qui, chaque jour,
00:20:40 en fait, est remise à l'heure.
00:20:41 Elle est remise à l'heure, cette horloge,
00:20:42 d'une part par l'alternance de la lumière
00:20:45 et de l'obscurité du jour et de la nuit,
00:20:47 et elle est remise à l'heure également
00:20:48 par des repères temporels de la vie sociale.
00:20:50 Les heures d'ouverture des crèches,
00:20:52 des écoles, des commerces,
00:20:54 les heures d'Europe, etc.
00:20:55 Or, la situation de travail de nuit
00:20:58 provoque un conflit, en fait,
00:20:59 entre ces différentes temporalités
00:21:00 puisqu'elle oblige les travailleurs,
00:21:02 les travailleuses, en l'occurrence de nuit,
00:21:05 à dormir pendant leur journée biologique
00:21:08 et inversement à être actives
00:21:09 pendant leur nuit biologique.
00:21:11 Et c'est cette désynchronisation biologique
00:21:13 des rythmes associés à une dette chronique
00:21:15 de sommeil due au travail de nuit
00:21:17 qui provoque des effets sur la santé.
00:21:19 Alors, les conclusions de l'expertise collective
00:21:21 de l'ANSES dont je vous parlais
00:21:22 mettent en évidence des effets
00:21:24 avec différents niveaux de preuves.
00:21:26 Je vais passer assez vite.
00:21:27 Un niveau de preuve avéré,
00:21:28 qui est le plus haut niveau, en fait,
00:21:30 qui montre que le travail de nuit
00:21:31 a des effets sur la somnolence,
00:21:33 sur les troubles du sommeil
00:21:34 et sur le syndrome métabolique.
00:21:37 Des effets probables sur la santé psychique,
00:21:40 vous parliez d'anxiété, de dépression, de burn-out,
00:21:43 sur les performances cognitives,
00:21:44 sur l'obésité, la prise de poids,
00:21:47 le diabète et les maladies coronariennes.
00:21:49 Et des effets possibles sur
00:21:52 l'augmentation des lipides dans le sang,
00:21:53 l'hypertension artérielle
00:21:54 et les accidents vasculaires cérébraux.
00:21:57 Ça ne fait pas rêver.
00:21:58 Alors, considérant le cancer,
00:22:00 puisque c'était un peu la demande,
00:22:01 l'expertise conclut un effet probable
00:22:03 du travail de nuit sur le risque de cancer.
00:22:06 Et plus particulièrement, du coup,
00:22:07 je voulais vous présenter une étude
00:22:09 qui a eu lieu suite,
00:22:11 enfin, qui est plus récente que le rapport ANSES,
00:22:14 qui a été publié en 2018,
00:22:15 qui a été mené par Pascal Guenel,
00:22:17 spécialiste de ces questions-là,
00:22:18 qui d'ailleurs faisait partie du groupe de l'ANSES
00:22:21 et qui apporte cette étude de nouvelles informations
00:22:23 sur l'association entre travail de nuit
00:22:25 et risque de cancer du sein.
00:22:28 Donc, cette étude, en fait,
00:22:29 réanalyse cinq études qui ont été menées
00:22:32 en Australie ou au Canada, en Allemagne,
00:22:34 en Espagne et en France,
00:22:36 qui permettent de retracer l'exposition
00:22:39 au travail de nuit de 13 000 femmes,
00:22:41 la moitié d'entre elles ayant eu un cancer du sein,
00:22:43 l'autre moitié étant saines, en bonne santé.
00:22:47 Les analyses qui ont été menées
00:22:48 à partir de cette grande base de données
00:22:50 montrent, premièrement, que le travail de nuit
00:22:52 augmente de 26 % le risque d'avoir un cancer du sein.
00:22:57 Second élément important,
00:22:59 cette étude montre que le risque croît,
00:23:01 augmente chez les femmes qui ont travaillé
00:23:03 plus de deux nuits par semaine pendant plus de dix ans.
00:23:08 Précisons que le CIRC,
00:23:10 le Centre international de la recherche contre le cancer,
00:23:11 qui est une agence de l'OMS,
00:23:13 qui avait déjà classé en 2007
00:23:15 le travail posté avec nuit
00:23:16 comme agent probablement cancérogène,
00:23:18 a conclu en 2019,
00:23:20 sur la base d'indications limitées,
00:23:22 que le travail de nuit posté
00:23:23 n'était non seulement un facteur de risque du cancer du sein,
00:23:25 mais également celui du cancer de la prostate
00:23:27 et du cancer colorectal.
00:23:30 Alors concernant le cancer du sein
00:23:32 et la question de la reconnaissance,
00:23:33 vous en parliez, en effet,
00:23:34 vous l'avez rappelé,
00:23:35 début février 2023,
00:23:37 une infirmière habitant en Moselle
00:23:39 qui a travaillé à l'hôpital durant 28 ans
00:23:41 a obtenu la reconnaissance en cancer du sein
00:23:43 comme maladie professionnelle.
00:23:44 C'est une décision inédite.
00:23:48 Jusqu'à cette décision, en fait,
00:23:49 de février 2023,
00:23:50 et malgré les pathologies associées
00:23:51 à ce type d'horaire,
00:23:52 il n'y avait pas en France,
00:23:53 il n'y avait jamais eu en France
00:23:54 de maladie professionnelle reconnue
00:23:56 comme étant liée au travail de nuit.
00:23:57 Le seul exemple d'une indemnisation
00:24:00 obtenue par des salariés
00:24:02 liée à cette contrainte du travail,
00:24:05 nous venait d'une Danemark
00:24:07 qui a accordé en 2008
00:24:08 des indemnités à 37 femmes
00:24:09 atteintes d'un cancer du sein
00:24:11 pouvant être liées au travail de nuit,
00:24:12 des infirmières également.
00:24:14 Ainsi, le cas de cette infirmière française
00:24:16 pourrait faire jurisprudence
00:24:18 et permettre à d'autres
00:24:19 atteintes de cette maladie
00:24:20 d'être indemnisées.
00:24:22 Les enjeux sont colossaux
00:24:23 pour les victimes et pour les employeurs.
00:24:26 Alors maintenant, je vais faire un zoom
00:24:31 beaucoup plus près du réel, des réalités
00:24:34 des services hospitaliers, des métiers du care,
00:24:36 parce qu'au-delà,
00:24:38 donc au-delà des déterminants physiologiques
00:24:40 du temps de travail,
00:24:40 de leurs effets sur la santé
00:24:42 que j'ai étayés présentés
00:24:43 dans la première partie
00:24:44 de cette présentation liminaire,
00:24:46 il est important quand même de souligner
00:24:47 que travailler la nuit à l'hôpital,
00:24:49 dans un EHPAD,
00:24:51 ce n'est pas seulement être bousculé
00:24:52 de façon passive par ses rythmes biologiques,
00:24:54 c'est aussi pour certaines un choix
00:24:57 extrêmement satisfaisant,
00:24:58 un sentiment de gagner du temps
00:25:00 sur sa vie, un gain financier,
00:25:02 une opportunité pour s'occuper de ses enfants,
00:25:04 aller les chercher à l'école,
00:25:06 les ramener à l'école, les coucher
00:25:08 avant de partir travailler.
00:25:09 Et aussi, c'est l'opportunité
00:25:10 de travailler dans un environnement
00:25:11 qui est plus calme, d'apprendre.
00:25:14 Et de toute façon, dans les métiers,
00:25:15 dans ces métiers-là, du CAIR,
00:25:16 la question des horaires
00:25:17 est une contrainte connue
00:25:18 et acceptée dès la formation.
00:25:21 Pour d'autres, ou les mêmes personnes,
00:25:23 mais à d'autres moments de leur vie,
00:25:25 travailler de nuit va être plus difficile
00:25:27 parce que les problèmes de santé
00:25:28 vont commencer à apparaître,
00:25:30 parce que les enfants vont arriver
00:25:32 et que du coup, la conciliation,
00:25:33 la vie personnelle va être plus compliquée.
00:25:36 Dans tous les cas,
00:25:38 pour tenir l'équilibre
00:25:39 entre ces différentes dimensions,
00:25:40 les salariés, les personnels soignants
00:25:43 vont mettre activement en place
00:25:45 dans le réel du travail
00:25:46 et dans le réel du hors-travail,
00:25:48 ce qu'on appelle des processus de régulation
00:25:49 qui visent à minimiser les impacts
00:25:51 des horaires sur la santé.
00:25:53 Et donc, c'est ce que je vais
00:25:54 un petit peu illustrer
00:25:55 s'il me reste un petit peu de temps.
00:25:58 Voilà, avec mon regard d'ergonome
00:26:00 et les analyses de terrain
00:26:01 que je mène dans les services hospitaliers,
00:26:05 voilà, je vais vous présenter
00:26:06 quelques résultats qui montrent
00:26:07 que le travail qui est mis en œuvre
00:26:09 dans le réel peut être bien différent
00:26:11 du prescrit parce qu'adapté
00:26:14 à la fois à l'état fonctionnel,
00:26:16 à l'état dans lequel sont les personnes
00:26:17 lorsqu'elles travaillent,
00:26:18 à la nuit, le matin,
00:26:19 tôt le matin ou tard le soir,
00:26:20 et adapté, bien sûr,
00:26:21 aux exigences de leur travail
00:26:23 et donc à la préservation
00:26:25 de la santé du soigné.
00:26:29 Alors, premier type de stratégie
00:26:31 identifiée dans l'activité de travail,
00:26:33 c'est une stratégie
00:26:35 qui vise à anticiper
00:26:36 et à se réserver des marges de manœuvre
00:26:38 pour faire face au mieux aux aléas.
00:26:40 Ça, c'est un exemple qui a été...
00:26:42 Il y a plusieurs étudiants
00:26:43 qui ont montré cette stratégie-là,
00:26:45 mais un exemple que je vous donne
00:26:46 a été mené dans un service de pneumologie,
00:26:48 pardon, où les infirmières
00:26:49 vont s'assurer dès le début de poste
00:26:51 que les prescriptions médicales
00:26:52 permettent de prendre en charge
00:26:54 l'éventuelle anxiété nocturne
00:26:55 des patients.
00:26:56 En service de pneumologie,
00:26:57 il y a beaucoup de...
00:26:58 Les patients sont extrêmement...
00:27:00 Des pathologies très lourdes
00:27:01 et sont extrêmement anxieux la nuit.
00:27:04 Elles vont également s'arranger
00:27:05 pour faire la tournée des chambres
00:27:06 le plus tôt possible
00:27:07 afin de rencontrer un maximum
00:27:08 de patients éveillés.
00:27:09 Et elles vont ainsi se construire
00:27:10 une représentation précise
00:27:12 de leur état de santé
00:27:13 afin d'être en mesure d'anticiper au mieux
00:27:15 le déroulement de la nuit en suivant.
00:27:18 Un autre résultat sur le réel
00:27:19 du travail de nuit concerne
00:27:20 le fait de pouvoir transférer
00:27:21 certaines tâches, les avancer,
00:27:23 les cumuler au cours du poste,
00:27:24 même si ça va à l'encontre
00:27:25 des prescriptions.
00:27:27 Dans ce service de réanimation,
00:27:28 par exemple, nous avons montré
00:27:30 que les soignants avancent
00:27:31 un maximum de tâches
00:27:32 en début de poste,
00:27:33 comme l'étiquetage des bilans sanguins,
00:27:34 la préparation des seringues
00:27:36 ou le relevé des constantes,
00:27:38 parce que prendre de l'avance
00:27:39 leur permet d'avoir une vision précise
00:27:41 de la charge de travail à venir
00:27:43 et de se rendre disponible
00:27:44 pour gérer les urgences potentielles
00:27:46 et l'augmentation de leur sonnolence.
00:27:50 Je reviens sur l'idée
00:27:51 que ces stratégies fines
00:27:52 que l'on met en visibilité,
00:27:54 ce sont des façons de travailler
00:27:55 qui leur permettent de préserver leur santé,
00:27:57 de mieux soigner les patients
00:27:59 et donc de préserver leur santé.
00:28:00 C'est le lien que vous avez fait également
00:28:02 dans votre intervention.
00:28:05 Autre stratégie identifiée
00:28:06 au niveau du collectif,
00:28:07 au niveau du collectif de soignants.
00:28:09 Le collectif constitue
00:28:10 une ressource capitale
00:28:11 pour maîtriser les risques,
00:28:13 notamment en situation de travail de nuit
00:28:15 au moment du pic de fatigue.
00:28:17 Et là, par exemple,
00:28:18 dans un service de néonatologie,
00:28:19 nous avons montré
00:28:20 que lorsque des actes infirmiers
00:28:22 nécessitent une concentration maximale
00:28:24 à trois ou quatre heures du matin,
00:28:25 systématiquement, ces actes
00:28:26 sont faits à deux personnes
00:28:28 ou trois personnes
00:28:29 pour plus de sécurité
00:28:31 auprès du patient
00:28:32 et pour plus de fiabilité
00:28:36 collective également.
00:28:37 Et enfin, autre exemple,
00:28:40 lorsque le travail le permet,
00:28:42 on observe également
00:28:43 bien souvent des stratégies de repos,
00:28:44 voire de prise de sieste
00:28:47 pour essayer de gérer au mieux
00:28:48 la fatigue et la qualité des soins.
00:28:51 C'est ce que nous avons montré
00:28:51 dans un service de soins intensifs
00:28:53 dans lequel les personnels soignants
00:28:54 avaient la possibilité de prendre du repos
00:28:56 ou même de faire une sieste
00:28:56 parce qu'il y avait une tolérance,
00:28:58 voire des encouragements de la cadre,
00:28:59 ce qui est très rare.
00:29:01 Et dans cette étude,
00:29:02 on montre que si dans 25% des cas,
00:29:04 les personnels soignants
00:29:05 ne peuvent pas prendre ni repos,
00:29:07 ni sieste parce que de toute façon,
00:29:08 la nuit est trop chargée,
00:29:10 lorsque ils peuvent,
00:29:11 lorsque prendre une sieste
00:29:12 ou une période de repos est possible,
00:29:13 dans 16% des cas,
00:29:15 alors le niveau de somnolence
00:29:16 remonte significativement
00:29:17 en fin de poste,
00:29:19 lorsque le poste de nuit dure 12 heures,
00:29:20 c'est important,
00:29:21 ce qui est un gage de fiabilité
00:29:23 pour notamment pour la relève,
00:29:25 sans parler du gage de fiabilité
00:29:26 pour le retour en voiture au domicile.
00:29:30 Enfin, les horaires de travail
00:29:31 définissent de fait aussi
00:29:32 les horaires du hors-travail,
00:29:33 de la vie personnelle,
00:29:34 de la vie familiale.
00:29:35 Et les études montrent
00:29:36 que ces activités de conciliation
00:29:38 mises en place pour gérer le travail
00:29:41 et le hors-travail
00:29:42 sont différentes selon le genre,
00:29:45 avec des difficultés majeures
00:29:47 pour les femmes.
00:29:49 Alors, il existe des travaux
00:29:50 dans la littérature
00:29:51 depuis longtemps sur le sujet,
00:29:52 ils ont identifié
00:29:52 des stratégies particulières,
00:29:53 notamment auprès de personnes
00:29:54 qui travaillent en 3-8 et en nuit.
00:29:56 Ces stratégies se manifestent
00:29:57 d'une part à la maison,
00:30:00 vous parliez de la vie personnelle,
00:30:01 de la vie familiale
00:30:02 et de ce qui se passe à la maison,
00:30:03 je pense qu'en effet,
00:30:04 c'est très important,
00:30:05 des stratégies qui se manifestent
00:30:06 par une organisation individuelle
00:30:08 très rigide autour de la prise de repas
00:30:10 et de la prise de sieste
00:30:12 et d'autre part, par des accords
00:30:13 qui sont trouvés au sein de la famille
00:30:14 avec la conjointe et les enfants
00:30:16 qui vivent au plus près du rythme
00:30:18 du travailleur posté ou de nuit,
00:30:21 du père.
00:30:21 Alors, je parle de père
00:30:22 parce que ces travaux portent
00:30:24 majoritairement auprès de personnes,
00:30:27 auprès d'hommes, pardon,
00:30:28 d'une population masculine
00:30:29 dans l'industrie.
00:30:30 Lorsque l'individu qui travaille
00:30:31 en horaire atypique ou de nuit
00:30:32 est une femme,
00:30:33 alors on n'a pas du tout,
00:30:34 on n'observe pas du tout
00:30:35 les mêmes stratégies de conciliation
00:30:37 pour les raisons qui sont liées
00:30:39 aux stéréotypes et aux rôles sociaux
00:30:40 induits par le genre.
00:30:41 On observe deux types de stratégies,
00:30:43 des stratégies de choix d'horaire
00:30:45 particulier pour être en mesure
00:30:46 de s'occuper des enfants
00:30:47 en journée ou en semaine.
00:30:48 C'est ce que je disais tout à l'heure,
00:30:49 des aides-soignantes, des infirmières
00:30:51 qui vont choisir de travailler la nuit
00:30:52 pour s'occuper des enfants en journée.
00:30:55 Bon, comment dans ces conditions
00:30:57 trouver du temps pour récupérer ?
00:30:59 Autre type de stratégie,
00:31:00 on observe pendant le temps de travail,
00:31:03 lorsqu'il y a assez de souplesse
00:31:06 dans la situation,
00:31:07 une gestion des responsabilités familiales
00:31:11 pendant le temps de travail,
00:31:12 c'est-à-dire des personnes
00:31:14 qui vont appeler à 23h pour vérifier
00:31:16 que les enfants sont bien couchés,
00:31:17 que le dîner a bien été,
00:31:19 qu'il n'y a pas de feu à la maison
00:31:20 parce que c'est le grand qui a fait des pâtes.
00:31:22 Donc, il y a un auteur espagnol
00:31:26 qui parle de double présence
00:31:27 dans la sphère personnelle,
00:31:28 dans la sphère du travail
00:31:31 et qui amène souvent les femmes
00:31:32 à une sensation de double absence
00:31:33 avec un sentiment d'impuissance
00:31:34 dans les deux sphères.
00:31:36 Donc, on voit aussi en quoi
00:31:36 ça peut être source d'épuisement.
00:31:39 Alors, pour conclure,
00:31:43 au niveau des recommandations,
00:31:45 par rapport aux recommandations
00:31:46 qui ont été évoquées avant,
00:31:49 vous l'aurez compris,
00:31:50 par rapport aux travaux que je mène,
00:31:52 l'idée est plus d'amener des choses
00:31:53 au niveau de la prévention primaire
00:31:54 et au niveau d'analyses plus contextualisées
00:31:57 pour identifier dans le réel
00:31:59 les déterminants de la santé au travail.
00:32:01 Parce qu'on se rend compte en fait
00:32:02 que, par exemple,
00:32:04 même avec des mêmes horaires de travail,
00:32:06 même dans les mêmes services hospitaliers,
00:32:08 dans les réalités,
00:32:09 on n'a pas la même chose qui se joue.
00:32:11 Donc, l'idée, en fait, pour conclure,
00:32:12 c'est de faire des études,
00:32:15 de poursuivre les études,
00:32:16 et c'est ce qu'on a aussi poussé
00:32:17 au niveau de l'ANSES,
00:32:18 pour rendre visibles ces analyses
00:32:20 et ces stratégies que les soignants
00:32:23 et les soignantes, surtout,
00:32:24 mettent en place pour maintenir cet équilibre.
00:32:26 Et à partir de là,
00:32:28 moi, je vous présente
00:32:30 différents niveaux d'action
00:32:32 qui peuvent être investigués
00:32:33 conjointement, me semble-t-il.
00:32:35 Le premier, c'est le travail
00:32:37 sur la modification du système horaire.
00:32:39 Alors, bien sûr,
00:32:40 dans le secteur du care,
00:32:41 supprimer le travail de nuit,
00:32:42 ce n'est pas possible.
00:32:44 Ceci étant,
00:32:45 on a quand même...
00:32:47 Il y a beaucoup de...
00:32:47 On peut mener des réflexions
00:32:49 sur trouver un système horaire
00:32:50 qui minimise la désynchronisation circadienne,
00:32:53 qui favorise la récupération
00:32:54 de la dette de sommeil
00:32:55 et qui permette de concilier au mieux
00:32:57 la vie perso et la vie professionnelle.
00:32:59 Le succès de Doudouze en secteur hospitalier
00:33:00 permet...
00:33:03 Vient de là, en fait.
00:33:04 Le second type d'action,
00:33:06 des actions au niveau du travail,
00:33:09 des conditions de travail,
00:33:09 du contenu du travail,
00:33:10 parce que par rapport à l'ergonomie,
00:33:13 ce qu'on dit souvent
00:33:14 et ce qu'on essaie de faire
00:33:15 dans nos interventions,
00:33:16 c'est de soigner l'organisation du travail.
00:33:17 L'idée, c'est de soigner
00:33:18 l'organisation du travail
00:33:19 pour soigner les personnes qui travaillent
00:33:22 et si les soignants.
00:33:23 Donc, dans ces actions
00:33:26 sur les conditions de travail,
00:33:27 le contenu du travail,
00:33:27 il y a beaucoup de choses.
00:33:28 Je n'ai peut-être pas tout développé,
00:33:29 mais c'est en lien avec les recherches
00:33:30 que j'ai présentées juste avant.
00:33:32 Les choses autour de l'anticipation,
00:33:33 de l'augmentation des marges de manœuvre,
00:33:36 la question de pouvoir anticiper
00:33:37 des périodes de repos,
00:33:39 l'importance de soutenir
00:33:40 le travail collectif.
00:33:41 Quand on voit que dans les équipes de nuit,
00:33:43 on vide les équipes de nuit.
00:33:46 Dans le secteur hospitalier,
00:33:46 c'est quand même la catastrophe,
00:33:48 avec des...
00:33:50 Dans les EHPAD, n'en parlons pas.
00:33:52 Et quand on voit l'importance
00:33:53 de la dimension collective la nuit,
00:33:55 donc des actions autour
00:33:56 de l'activité collective.
00:33:59 Ensuite, une série d'actions
00:34:00 autour de l'activité de conciliation
00:34:03 entre la vie de travail et la vie hors travail.
00:34:06 Et enfin, juste peut-être développer
00:34:09 un petit peu plus une action,
00:34:10 je n'en ai pas trop parlé,
00:34:11 une action au niveau des parcours professionnels.
00:34:13 Il me semble essentiel
00:34:15 travailler sur les parcours professionnels
00:34:16 et sur la gestion des ressources humaines,
00:34:18 parce que maîtriser le risque
00:34:19 lié aux horaires atypiques,
00:34:20 c'est aussi l'envisager sur l'ensemble
00:34:21 de la carrière professionnelle,
00:34:23 afin d'éviter de maintenir les salariés
00:34:25 dans ce type d'horaires de trop longues années.
00:34:28 Dans un contexte d'allongement des carrières
00:34:29 dans le cadre de la réforme des retraites,
00:34:31 ce dernier levier me semble essentiel.
00:34:34 Voilà, je vous remercie de votre attention.
00:34:36 Merci pour ces questions.
00:34:38 Alors sur le dépistage tardif,
00:34:39 c'est une étude internationale,
00:34:40 donc ça représente des billets,
00:34:42 puisque les campagnes de dépistage
00:34:43 ne sont pas tout à fait les mêmes
00:34:44 à l'international qu'en France,
00:34:46 mais globalement, ça fait la démonstration
00:34:47 qu'une femme médecin a 2,64 fois plus de risques
00:34:52 d'être diagnostiquée d'un cancer de stade 4
00:34:55 au moment de son diagnostic
00:34:56 que la population générale,
00:34:58 parce qu'il y a une participation moindre,
00:35:00 en tout cas dans cette étude,
00:35:01 on vous la transmettra si nécessaire,
00:35:04 il y a une participation moindre
00:35:05 aux campagnes de dépistage,
00:35:06 et donc on se fait dépister
00:35:07 à partir du moment où on commence à avoir
00:35:10 des problématiques de santé qui s'expriment,
00:35:12 et donc mécaniquement,
00:35:14 on se surexpose à un risque de cancer avancé
00:35:16 comparativement à la population générale.
00:35:19 Est-ce que c'est la question du travail de nuit,
00:35:23 de l'équilibre vie pro-vie perso,
00:35:24 est-ce que c'est sur d'autres problématiques ?
00:35:26 Ça, les études ne le disent pas,
00:35:27 et c'est bien toute la problématique
00:35:30 que j'ai exposée au départ de mon propos,
00:35:31 qu'on manque de données un peu plus exploratoires
00:35:33 sur les déterminants.
00:35:35 Qu'est-ce qui fait aujourd'hui
00:35:36 qu'un soignant se soigne moins
00:35:39 ou participe moins aux campagnes de dépistage
00:35:41 que la population générale ?
00:35:42 Aujourd'hui, la littérature est un peu,
00:35:44 on va dire, muette sur le sujet,
00:35:46 et ça mérite d'avoir des études complémentaires
00:35:48 qui soient quantitatives et qualitatives.
00:35:49 Madame parlait des études qualitatives tout à l'heure
00:35:52 sur l'ergonomie au travail
00:35:53 et la réalité plus concrète sur le terrain.
00:35:56 Effectivement, on va avoir un double regard à mener.
00:35:58 C'est un peu l'objet des travaux
00:35:59 que va mener notre fondation avec l'adresse
00:36:02 pour avoir des études quantitatives
00:36:03 sur le taux de recours effectif à ces campagnes.
00:36:06 Ensuite, on aura des études plus qualitatives à mener
00:36:08 sur pourquoi vous n'y allez pas si jamais on...
00:36:09 [BIP]
00:36:11 Vous avez une réalité un peu plus malheureuse
00:36:15 dont il faut tenir compte,
00:36:16 c'est que globalement,
00:36:18 les inégalités socio-démographiques
00:36:20 ou socio-professionnelles
00:36:21 qui s'appliquent à la population générale
00:36:23 s'appliquent aussi à la population hospitalière
00:36:26 et que certaines catégories professionnelles
00:36:29 qui sont plus exposées à des problématiques
00:36:31 d'inégalité sociale ou de rémunération
00:36:33 ont des préoccupations
00:36:34 qui ne sont pas en priorité sur leur état de santé
00:36:36 et qui sont sur d'autres problématiques.
00:36:37 Et donc, on retrouve des biais en population générale
00:36:40 qu'on va retrouver dans la population hospitalière
00:36:41 mais une aide-soignante.
00:36:42 Sa principale préoccupation du quotidien,
00:36:44 ce n'est pas son diagnostic du cancer,
00:36:45 malheureusement, c'est possiblement
00:36:48 sa qualité de vie en général,
00:36:50 son logement, son transport et son pouvoir d'achat.
00:36:53 Ce sont des vrais sujets sociétaux, sociaux
00:36:56 à tenir compte dans le sujet.
00:36:59 Après, sur l'analyse en fonction de la taille des établissements
00:37:02 ou de la typologie de nom,
00:37:03 les échantillonnages qu'on a ne nous le permettent pas.
00:37:06 En tout cas, ce ne sont pas des questions discriminantes
00:37:07 qu'on pose, on pose la question sur la profession,
00:37:09 pas sur la nature des services.
00:37:11 Et effectivement, les réalités sont différentes.
00:37:14 On parlait de la prise en charge psychologique.
00:37:18 On suit avec beaucoup d'attention
00:37:21 ce qui peut être fait sur la maison des soignants,
00:37:22 sur ce soutien à l'extérieur
00:37:24 apporté aux professionnels.
00:37:27 La réalité du soutien psychologique
00:37:28 qui est apporté aux professionnels,
00:37:29 ce n'est pas la même en psychiatrie,
00:37:31 où vous avez une culture
00:37:33 de la prévention psychologique des professionnels
00:37:35 qui est beaucoup plus importante que dans d'autres services.
00:37:39 Pardon ?
00:37:41 Voilà, exactement.
00:37:41 Il y a une culture de la supervision collective
00:37:43 ou individuelle qui est beaucoup plus prégnante
00:37:45 parce qu'on sait que l'activité a un impact
00:37:48 très fort sur la psychologie.
00:37:49 Et donc, il y a une diversité,
00:37:50 une pluralité dont il faut tenir compte,
00:37:51 mais nos études ne nous permettent pas aujourd'hui.
00:37:56 Sur la question du manque de personnel,
00:37:57 c'est un peu le serpent qui se mord la queue en réalité.
00:38:00 Enfin, aujourd'hui, cette question, elle est centrale.
00:38:05 C'est-à-dire que moins vous avez de personnel,
00:38:06 plus vous faites peser de la charge sur ce qui reste,
00:38:10 plus vous créez de l'impact, du coup,
00:38:11 mécaniquement sur l'état de santé,
00:38:13 plus vous rendez les carrières inattractives
00:38:15 et donc moins vous attirez de monde.
00:38:16 Et on est un peu dans le cercle infernal
00:38:19 qui fait qu'aujourd'hui,
00:38:20 qu'il y ait de l'œuf ou de la poule
00:38:22 à générer le problème, ça, on ne saura pas.
00:38:24 Mais en tout cas, il y a un vrai sujet aujourd'hui démographique.
00:38:27 Et ce n'est pas que sur la population médicale,
00:38:30 c'est sur toutes les professions,
00:38:31 avec un vrai sujet de re-rendre,
00:38:33 je ne sais plus qui en parlait tout à l'heure,
00:38:34 la question du sens,
00:38:35 mais remettre aussi un peu de positif
00:38:37 dans la façon dont on traite la question hospitalière
00:38:39 et la question des métiers du soin.
00:38:41 Parce qu'aujourd'hui, c'est vrai que parler à un jeune du soin,
00:38:44 quand dans tous les reportages à la télévision,
00:38:48 dans les médias qu'il peut consulter, sur Internet,
00:38:50 on ne parle que du marasme à l'hôpital
00:38:52 et que de la situation catastrophique,
00:38:54 bien qu'il faille en tenir compte,
00:38:55 le propos, ce n'est pas de dire qu'il faut le nier,
00:38:57 mais on ne rend absolument pas ces métiers attractifs,
00:38:59 en tout cas, on participe à leur inattractivité.
00:39:01 Donc il y a un vrai sujet de campagne,
00:39:03 de promotion de ces métiers-là,
00:39:04 parce qu'on ne re-rendra pas les carrières attractives
00:39:06 qu'en ouvrant des places.
00:39:07 Il faut aussi qu'il y ait des jeunes pour remplir.
00:39:09 On voit des promotions, par exemple,
00:39:10 en pharmacie aujourd'hui qui sont incomplètes,
00:39:13 des promotions infirmières où vous avez 30% de déperdition
00:39:15 entre le moment où vous rentrez dans l'école
00:39:16 et le moment où vous en sortez,
00:39:18 et que ça interroge quand même sur l'attractivité des métiers.
00:39:21 Enfin, sur la mission santé des soignants,
00:39:24 oui, on a été interrogé,
00:39:26 on fait partie du tour de table sur ce sujet
00:39:29 comme beaucoup d'organisations,
00:39:30 et je pense que c'était le propos initial que je tenais,
00:39:33 c'est qu'on a besoin aujourd'hui
00:39:35 que la pluralité des initiatives qui sont prises
00:39:37 par les acteurs associatifs, privés, non lucratifs,
00:39:40 publics, etc., soient coordonnées
00:39:42 par une vraie politique publique
00:39:44 qui donne des priorités et des axes prioritaires
00:39:46 et qui mette tout le monde,
00:39:47 j'ai envie de dire, dans une dynamique de même sens.
00:39:50 Qu'on ne soit pas sur des initiatives,
00:39:51 typiquement, Catherine en parlait tout à l'heure
00:39:55 sur le soutien psychologique,
00:39:56 aujourd'hui, il y a un besoin qui est criant.
00:39:58 Est-ce que c'est le soutien à une initiative
00:40:01 qui est portée par la puissance publique,
00:40:03 qui peut être opérée par un opérateur associatif,
00:40:06 mais qui est généralisé à l'échelle nationale,
00:40:08 ou est-ce qu'on va attendre qu'il y ait une démultiplication
00:40:10 d'initiatives locales qui va faire que,
00:40:12 bon an, mal an, un professionnel, entre son ordre,
00:40:15 l'association SPS, la structure,
00:40:18 enfin, sa complémentaire santé,
00:40:19 l'assurance maladie, son établissement,
00:40:21 il va possiblement avoir la possibilité
00:40:23 d'avoir recours à une structure de soutien psychologique.
00:40:26 Donc c'est les axes prioritaires qu'il va falloir définir
00:40:28 pour mettre en œuvre et en coordonner tout le monde.
00:40:30 Et sur les enquêtes, sur le taux d'encadrement, non.
00:40:32 Et on n'est malheureusement, enfin malheureusement pour votre question,
00:40:35 pas la bonne organisation à interroger sur ce sujet.
00:40:37 Je pense que c'est plutôt les fédérations hospitalières
00:40:39 à interroger sur le taux d'encadrement que nous,
00:40:42 puisque on n'opère pas nous de soins.
00:40:43 Donc ce n'est pas des sujets qu'on a en capacité d'explorer.
00:40:46 Merci beaucoup.
00:40:49 Donc je vais passer la parole à Annick Jacquemey, rapporteur,
00:40:53 et peut-être Laurence Rossignol, toutes les deux,
00:40:54 si vous pouvez noter les questions,
00:40:56 puisque on a une deuxième table ronde après.
00:40:59 Non, alors juste Annick Jacquemey, puis on passe.
00:41:02 Merci, Madame la Présidente.
00:41:05 Eh bien, merci déjà à tous les trois pour vos exposés.
00:41:09 Donc je prendrai mes questions dans l'ordre des intervenants.
00:41:13 Monsieur Moore, vous nous avez parlé
00:41:15 qu'il y avait un nombre conséquent de personnels hospitaliers
00:41:19 qui avaient envisagé de changer de travail.
00:41:22 Est-ce que vous avez le pourcentage de ceux qui l'ont fait
00:41:26 et pourquoi les autres ne l'ont-ils pas fait ?
00:41:28 Est-ce que finalement, c'est parce qu'ils aiment leur métier ?
00:41:31 C'est un problème de financement, de courage, un manque d'accompagnement ?
00:41:35 Voilà, est-ce que vous pouvez nous préciser ça ?
00:41:38 Et vous avez parlé effectivement des incivilités
00:41:41 auxquelles ils sont confrontés avec un pourcentage
00:41:44 très nettement supérieur aux autres salariés.
00:41:46 Est-ce que les autres salariés, vous englobez tous les métiers
00:41:51 ou est-ce que vous avez fait la distinction avec les salariés
00:41:54 qui sont au contact du public ?
00:41:56 Parce que quand on est seul dans un bureau, il y a moins de risques.
00:41:59 Voilà, est-ce qu'ils sont intégrés dans ces statistiques ?
00:42:05 Et est-ce qu'à votre connaissance,
00:42:06 puisqu'on a beaucoup parlé du dépistage
00:42:09 qui est beaucoup moins bien fait pour les personnels de santé,
00:42:12 est-ce qu'il y a des propositions de dépistage qui sont faites en interne
00:42:17 puisque finalement, j'allais dire, ça peut être facilité
00:42:22 et c'est d'autant plus surprenant que finalement,
00:42:24 ils sont en contact avec les malades,
00:42:26 donc ils voient pour beaucoup les conséquences d'un non-dépistage
00:42:32 et d'une prise en charge tardive de ces maladies.
00:42:36 Madame Cornubèche,
00:42:40 je vous remercie d'avoir parlé des vétérinaires
00:42:42 parce que ça a été ma profession toute ma vie
00:42:46 et effectivement, je confirme que dans nos métiers,
00:42:50 il y a énormément de suicides, mais qui s'expliquent aussi
00:42:53 parce qu'on a tous les produits à domicile,
00:42:56 donc un vétérinaire qui a envie de se suicider
00:43:00 à la facilité technique et matérielle, j'allais dire.
00:43:04 Mais effectivement, oui, c'est très connu dans notre profession
00:43:07 que c'est une des problématiques.
00:43:11 Alors, vous avez parlé de la moyenne d'âge
00:43:15 dans la plateforme d'écoute des 43 ans.
00:43:18 Est-ce que vous pouvez nous préciser,
00:43:19 est-ce que vous avez analysé pourquoi c'est autour de cet âge-là
00:43:24 ou c'est cette moyenne-là qui ressort ?
00:43:28 Et on a parlé, monsieur,
00:43:31 vous avez parlé tout à l'heure de la poule et de l'œuf.
00:43:33 Je poserai la même question entre la vie personnelle et la vie professionnelle
00:43:38 parce que ce mal-être dont vous avez parlé
00:43:41 en énumérant tout le contexte environnemental,
00:43:45 aussi bien la guerre, la crise, les Gilets jaunes, l'essence
00:43:48 et puis la perte d'envie, l'anxiété due à l'environnement,
00:43:51 finalement, est-ce que qui influence sur l'autre ?
00:43:56 Est-ce que c'est la vie perso qui influence sur la vie professionnelle
00:44:00 ou est-ce que c'est la vie professionnelle qui influence sur la vie perso
00:44:04 ou est-ce que c'est un mix des deux ?
00:44:05 Enfin, est-ce qu'on a pu identifier, voilà, quelle est l'origine ?
00:44:10 Et puis, madame Barthes, vous avez pas mal parlé du travail atypique.
00:44:15 Notre organisation du travail fait qu'il faut des personnes
00:44:22 qui travaillent le jour et la nuit pour beaucoup,
00:44:24 pour les continuités de soins, etc.
00:44:29 Est-ce que vous avez des préconisations à faire ?
00:44:32 Est-ce que c'est une question de durée ?
00:44:34 Vous avez parlé de 10 ans par rapport à l'impact sur le cancer du sein.
00:44:40 Alors, est-ce qu'on a des chiffres qui pourraient orienter ?
00:44:45 Pas plus de X années, pas plus de X jours, pas plus ?
00:44:50 Enfin, voilà. Merci.
00:44:52 Merci. Et donc, une dernière question avec la rapporteure Laurence Rossignol.
00:44:58 D'abord, je voulais présenter mes excuses à nos intervenants d'être arrivés autant en retard.
00:45:04 Et franchement, la seule bonne raison que j'ai à donner, c'est que d'habitude, c'est 8h30.
00:45:08 Et j'ai pas regardé, j'ai pas observé que cette fois-ci était 8h par espèce de reproduction mécanique
00:45:14 de mon emploi du temps du jeudi matin. Voilà.
00:45:17 Donc, je risque de faire deux remarques.
00:45:20 D'abord sur les soignants, enfin, sur les problèmes de personnel.
00:45:24 Juste pour vous dire que le Sénat a voté il y a peu de temps une proposition de loi
00:45:28 sur les ratios patients-soignants, voté à l'unanimité cette proposition de loi
00:45:33 et qu'on avait à ce moment-là dans les travaux préparatoires à l'adoption de la proposition de loi
00:45:37 bien identifié tous les mécanismes d'éviction et de fuite des hôpitaux
00:45:43 qui concernaient l'ensemble des personnels soignants et hospitaliers
00:45:49 et qu'on déplore que cette proposition de loi ne soit pas inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale
00:45:55 comme ça devrait l'être parce qu'on peut toujours se poser la question effectivement sur la poule et l'œuf
00:46:00 mais on aurait quand même déjà un début de réponse si on donnait aux soignants un cadre de travail
00:46:07 qui soit un travail sécurisant sur les années à venir.
00:46:10 Puis après, on pourrait se poser la question de l'œuf.
00:46:12 Vous pouvez commencer par quelque chose.
00:46:14 Commencer par un bon ratio patients-soignants permettrait déjà d'y voir beaucoup plus clair.
00:46:21 C'était la première remarque que je voulais faire.
00:46:24 La deuxième, c'est concernant les suicides mais peut-être comme j'arrive en retard, j'ai raté la réponse à la question
00:46:31 et j'en suis désolée si c'est le cas.
00:46:32 Sur le taux de suicide chez les soignants, toutes professions confondues,
00:46:38 est-ce que vous avez donné la statistique genrée ?
00:46:40 C'est-à-dire, est-ce qu'il y a une prévalence des suicides chez les femmes par rapport aux hommes
00:46:46 et par type de profession, en sachant que certaines professions sont infiniment plus féminisées que les autres ?
00:46:56 Voilà et par ailleurs, merci Madame Barthes d'avoir insisté sur le fait que les femmes qui travaillent de nuit
00:47:04 conservent totalement la charge mentale de la vie domestique et que le travail de nuit, c'est la triple journée en fait.
00:47:14 Merci beaucoup. Donc je vous laisse vous organiser en sachant qu'on a une autre audition derrière à 9h30,
00:47:20 donc si vous pouvez être concis, mais n'hésitez pas à répondre aux questions également du questionnaire que vous aviez reçu.
00:47:27 Si vous souhaitez nous adresser des mails complémentaires, ils seront les bienvenus.
00:47:30 À vous Madame Barthes.
00:47:33 Est-ce que je peux ? Oui, bien sûr. Merci.
00:47:35 Par rapport à votre question Madame Jacumé, comment diminuer l'impact des horaires dans un cadre comme ça,
00:47:44 où il y a une continuité 24/24 des soins ? Justement, les actions en fait, en tout cas que je propose,
00:47:53 sont des actions plus contextualisées, plus au niveau de la situation de travail, parce qu'on se rend compte que lorsqu'on accompagne
00:48:02 les établissements, les services sur un changement d'horaire et qu'ensuite, bien sûr le changement d'horaire,
00:48:09 c'est une porte d'entrée en fait, et qu'ensuite on travaille la question de la coordination entre les médecins et le personnel soignant,
00:48:16 qu'on travaille la question des flux patients, qu'on travaille la question du temps passé auprès du patient.
00:48:23 Voilà, c'est des choses qui permettent aussi de reprendre un peu le pouvoir sur le travail et de préserver sa santé.
00:48:30 Enfin, c'est vraiment des actions au niveau local, je pense, en tout cas qui sont importantes à mettre en place.
00:48:36 Ensuite sur votre question sur le chiffre seuil en deçà duquel on n'aurait pas de cancer du sein, on ne l'a pas.
00:48:43 On ne l'a pas, par contre, il n'y a pas d'étude en effet qui montre que si on ne fait que deux ans, si on ne fait que trois ans,
00:48:49 alors on a moins de risques en effet. La durée d'exposition augmente le risque de cancer et des autres pathologies.
00:48:55 Par contre, il y a un consensus scientifique qui dit qu'en effet, dix ans est un seuil maximal, voilà, concernant le travail de nuit.
00:49:04 Je ne sais pas si j'ai répondu à votre question.
00:49:08 Je vais essayer de faire très rapide, vu la contrainte horaire.
00:49:11 Sur la première question qui est celle du changement de carrière professionnelle, alors je ne vais pas pouvoir étayer plus que ça les propos.
00:49:19 Je pense qu'il y a d'autres organisations qui seront plus à même de le faire, les ordres notamment,
00:49:22 qui peuvent avoir une vision sur l'installation ou le parcours professionnel au sein de la profession.
00:49:28 Et puis Pôle emploi ou des organismes tels que Pôle emploi qui peuvent avoir une incidence sur quel est le changement de métier
00:49:34 vers lequel se dirigent les professionnels.
00:49:36 Nous, en tout cas, on sait qu'elles ont une volonté de changer.
00:49:38 De là à combien on passe le pas, le taux de rotation des effectifs de la fonction publique hospitale, je crois, est d'à peu près 8%,
00:49:46 avec beaucoup de plus en plus de contractuels. Donc il y a un vrai sujet, mais je ne vais pas la donner.
00:49:50 Sur les incivilités, alors effectivement, on a pris un panel représentatif des actifs en emploi.
00:49:56 Donc mécaniquement, dedans, il n'y a pas que des personnes qui sont concernées par l'exposition du public.
00:50:01 Il n'empêche qu'on n'a pas interrogé que sur les violences auxquelles on s'expose du fait du public.
00:50:05 C'est les violences du fait du public, mais c'est aussi les violences au sein du travail.
00:50:10 Et on sait que les violences que subissent les soignants ne sont pas uniquement que des violences issues des patients.
00:50:14 Il y a aussi une violence inhérente au métier pour lequel vous êtes confronté au quotidien, à des difficultés sociales, à la mort,
00:50:22 à des émotions tristes et à des situations compliquées. Donc il y a un vrai sujet et cette violence est globale.
00:50:32 Sur les dépistages, je vous suis, effectivement, il y a une offre, une possibilité d'avoir recours en interne à du dépistage.
00:50:38 La question, et c'est la même pour la santé psychologique qu'a soulevé Catherine tout à l'heure,
00:50:42 est-ce qu'un soignant veut se faire diagnostiquer de son cancer par le praticien avec qui il y a des jeunes tous les jours, au self ?
00:50:50 C'est idem sur la médecine du travail, c'est idem sur le soutien psychologique.
00:50:53 Est-ce qu'on veut démontrer sa pathologie sur le sujet ?
00:50:57 Et ensuite, sur son lieu de travail, il y a un vrai sujet de coordination.
00:51:00 Et puis par ailleurs, cet accès direct à du dispositif qui vous permet de faire du diagnostic, il est très inégal dans la fonction publique hospitalière.
00:51:06 Il y a 20% des effectifs qui travaillent en structure médico-sociale.
00:51:10 Il n'y a pas de plateau technique, donc il y a un sujet d'accessibilité globale aux campagnes de dépistage.
00:51:16 Et enfin, je terminerai mon propos là-dessus sur une réaction que vous avez eue, madame la rapporteure Rossignol, sur la question de la charge mentale.
00:51:24 On a un vrai sujet à traiter sur la charge mentale, y compris des femmes en santé,
00:51:30 qui est, dans le cadre de l'équilibre vie personnelle et vie professionnelle, un vrai sujet de préoccupation,
00:51:34 qui est un sujet sociétal, mais sur lequel on a une focale en santé avec 80% de femmes,
00:51:39 qui ont à supporter, en plus de la charge professionnelle, une charge mentale très forte,
00:51:43 issue d'un historique qu'on connaît et qu'on n'aura pas à traiter aujourd'hui, vu le temps qui nous est imparti.
00:51:48 Je voulais vous remercier et j'ai le plaisir de pouvoir partager avec vous ces résultats concernant la grande distribution alimentaire.
00:51:57 Donc, vous remerciez pour cette invitation.
00:51:59 Alors, j'ai prévu quelques diapositives.
00:52:04 Peut-être vous rappelez ou vous présentez ce qu'on appelle une maladie professionnelle.
00:52:10 C'est important pour bien comprendre la suite des résultats.
00:52:13 Le terme de maladie professionnelle est défini par la loi et correspond aux conséquences directes de l'exposition d'un travailleur
00:52:21 - merci - à un risque ou résulte des conditions dans lesquelles il exerce son activité professionnelle.
00:52:27 Alors, on entend souvent parler des données de l'assurance maladie, les accidents du travail, les maladies professionnelles,
00:52:32 qu'on appelle les maladies professionnelles indemnisées et qui font l'objet de tableaux de maladies,
00:52:38 ou parfois, lorsque les conditions ne sont pas suffisantes ou qu'il n'y a pas de tableau, il y a un système complémentaire de reconnaissance.
00:52:44 Donc ça, c'est des données qui sont assez visibles sur la réparation par les régimes de sécurité sociale.
00:52:49 Donc, j'ai mentionné l'ACNAM, mais aussi, par exemple, la MSA pour le monde agricole.
00:52:54 Ça, c'est souvent la face immergée de l'iceberg. Et si on considère toutes les maladies professionnelles,
00:53:00 il y a des maladies qui ne sont pas reconnues parce qu'il n'y a pas de tableau de maladies professionnelles
00:53:05 ou qu'elles ne font pas l'objet d'une demande par le salarié de reconnaissance.
00:53:10 Et ça, ça représente, finalement, on le verra par la suite, un corpus important de maladies professionnelles.
00:53:18 Alors, c'est justement l'objectif de notre programme de travail à Santé publique France.
00:53:24 C'est de surveiller et de rendre visibles ces maladies plus globalement à caractère professionnel.
00:53:29 Donc, depuis 2003, on a mis un programme en place sur la surveillance de ces maladies à caractère professionnel.
00:53:38 Alors, la notion de maladie à caractère professionnel a été définie avec la mise en place du premier tableau.
00:53:43 Donc, c'est ancien. Ça date de 1919. Et normalement, tous médecins, et notamment les médecins du travail,
00:53:50 doivent déclarer une maladie qui présente, à son avis, d'après son expertise, un caractère professionnel.
00:53:56 Donc, ça, c'est prévu par le Code de la Sécurité sociale. Il n'y avait pas de décret d'application ou de modalité
00:54:03 pour – j'allais dire – organiser ce signalement. Et donc le Code de la Santé publique a donné la charge à Santé publique France,
00:54:11 depuis 2003, en partenariat avec l'Inspection médicale du travail et les observatoires régionaux de santé,
00:54:16 de monter ce système de centralisation des données concernant les maladies à caractère professionnel.
00:54:23 Alors, quels sont les objectifs de ce programme ? C'est bien d'estimer les prévalences de ces maladies chez les salariés.
00:54:28 Donc, on organise, avec les médecins du travail, deux quinzaines par an pour justement faire remonter ce type de pathologie.
00:54:36 C'est évidemment d'avoir un suivi historique. Et c'est très important de contribuer à l'estimation de la sous-déclaration,
00:54:42 qui est très importante, pour les maladies professionnelles indemnisables, et puis de faire évoluer les tableaux aussi.
00:54:48 Et enfin, la finalité de Santé publique, c'est bien évidemment d'orienter les politiques de prévention en milieu professionnel.
00:54:57 Alors, quelques chiffres sur la grande distribution, pour rappel ou pour présentation.
00:55:03 Donc, la grande distribution est définie par l'ensemble des grandes, moyennes et petites surfaces de commerce, de détail et de biens,
00:55:10 et évidemment à prédominance alimentaire. Donc, d'après les dernières données que j'ai pu recenser,
00:55:16 un peu plus de 44 000 points de vente alimentaire existent sur l'ensemble du territoire.
00:55:21 Et c'est un gros pourvoyeur d'emploi, puisque selon les chiffres, entre 660 000 et 750 000 salariés travaillent dans ce secteur-là.
00:55:31 Comme vous l'avez souligné, ce secteur-là est très féminisé. Environ 60% du secteur comprend des femmes.
00:55:42 Et puis, c'est un secteur plutôt jeune, avec une population qui, par exemple, inclut un peu moins de 40% de salariés qui ont moins de 35 ans.
00:55:54 Ça a été aussi également souligné. Ces salariés, et notamment ces femmes salariées, sont soumises à une multiexposition,
00:56:03 notamment des contraintes biomécaniques, physiques, répétition de mouvements, manutention, organisationnelle forte,
00:56:12 donc avec une fragmentation des horaires du travail, et des contraintes aussi psychosociales très fortes,
00:56:19 notamment en termes de management, mais surtout de contact avec le public, avec parfois des tensions, violences avec le public.
00:56:26 En termes de maladies indemnisées, c'est un secteur qui est caractérisé par un lourd fardeau, donc une sinistralité assez forte,
00:56:34 à la fois en accident du travail, mais aussi en termes de maladies professionnelles.
00:56:39 Et enfin, il y a très peu de données d'études épidémiologiques qui s'intéressent en profondeur à ces salariés du secteur.
00:56:47 Alors, sur les résultats, je vais me concentrer uniquement sur les résultats qui concernent les femmes salariées.
00:56:54 Et sans rentrer dans le détail, évidemment, des résultats, le point important qui me semble à souligner,
00:57:01 c'est que les femmes salariées de la grande distribution présentent des troubles musculoskeletiques de manière plus importante que les autres secteurs.
00:57:12 Et ce, pour toutes les localisations. Donc, on va pouvoir regarder le coude, l'épaule, le rachis, c'est-à-dire la colonne vertébrale, les mains, les poignets, etc.
00:57:22 À chaque fois, par rapport à toutes les femmes salariées qui font partie de notre programme de surveillance,
00:57:29 les femmes qui travaillent dans la grande distribution ont une prévalence à un taux plus élevé de signalement de troubles musculoskeletiques.
00:57:36 Sur la souffrance psychique, par contre, là, c'est l'inverse. On voit qu'il y a un signalement moins important,
00:57:45 mais on sait qu'il y a possiblement un biais de déclaration. En tout cas, le point important qu'il faut retenir,
00:57:52 c'est qu'il y a une souffrance psychique qui est déclarée dans ce secteur-là et qu'elle est environ égale ou un peu inférieure
00:57:59 par rapport à l'ensemble des salariés femmes qui font l'objet d'une surveillance dans le cadre de notre programme.
00:58:06 Ce qui nous semblait aussi intéressant, c'est d'avoir un focus plus particulier sur les caissières et ce qu'on appelle les employés de libre-service.
00:58:17 C'est notamment les femmes qui assurent le rayonnage, qui remplissent les rayons.
00:58:23 Et donc, quand on regarde plus particulièrement ce type de métier de caissière ou d'employé de libre-service,
00:58:30 là encore, elles ont une tendance à avoir un risque plus important de TMS par rapport aux autres métiers de la grande distribution
00:58:39 et par rapport, comme je l'ai dit tout à l'heure, au secteur d'activité.
00:58:42 Donc ça, c'est vrai à la fois pour les caissières et à la fois pour les employés de libre-service.
00:58:53 Alors en termes de tendance, c'est ça aussi l'intérêt du programme. C'est qu'on voit qu'il y a une tendance à la baisse significative
00:59:01 de la prévalence des TMS chez les salariés femmes de la grande distribution alimentaire.
00:59:07 Et les hypothèses qu'on a posées – c'est une étude qui avait été réalisée entre 2009 et 2016 –, c'est notamment l'implantation
00:59:16 de plus en plus forte de caisses dites automatiques à partir de 2007, qui a un intérêt effectivement pour limiter les TMS,
00:59:24 mais qui, en tout cas, montre par certaines études qu'il y a un report de pression psychosociale,
00:59:33 puisque avant, la caissière était plutôt en relation avec le client et maintenant, elle est plutôt en surveillance avec le client.
00:59:38 Puisque vous savez, sur les caisses automatiques, sur les îlots, elle n'assure plus ce rôle de caissière, mais plutôt de surveillance.
00:59:45 Également, une évolution des conditions de travail. Donc il y a un effort important qui a été fait en termes de limitation du port de charge.
00:59:54 Et puis un certain nombre d'actions de prévention qui ont été mises en place, notamment par la Caisse nationale d'assurance maladie.
01:00:01 Par contre, pour la souffrance psychique, ce qu'on voit, c'est clairement une augmentation à partir de 2010.
01:00:10 Et ce qu'on prévoit, et ce qu'il faudrait qu'on fasse, c'est une actualisation pour voir si cette tendance se prolonge après 2016.
01:00:17 Ma dernière diapositive concerne un peu une ouverture pour...
01:00:25 Alors, aujourd'hui, on va discuter principalement de la grande distribution alimentaire et de l'entretien.
01:00:29 Alors, on n'a pas fait de travaux, malheureusement, sur l'entretien, mais j'ai bien noté, ça pourrait faire l'objet,
01:00:33 notamment dans notre programme de travail, d'une plaquette ou d'une analyse particulière.
01:00:38 Mais il me semblait intéressant aussi d'illustrer avec d'autres travaux, puisque à chaque fois, on fait des analyses genrées.
01:00:43 Et on a publié récemment une plaquette sur des résultats qui concernent les femmes aides à domicile.
01:00:50 Et là, encore une fois, on voit que les femmes aides à domicile, pour le coup, de manière caractéristique, sont plus âgées,
01:00:59 plus souvent à temps partiel, et elles sont exposées aussi à des contraintes physiques très fortes ou biomécaniques,
01:01:04 notamment de port de charge. Aussi, on y reviendra, j'imagine, par la suite, à une exposition à des produits chimiques,
01:01:10 notamment des agents nettoyants, et puis en contact aussi avec des agents biologiques,
01:01:16 puisque souvent, elles aident un certain nombre de personnes qui sont atteintes, malades, donc potentiellement à des agents infectieux.
01:01:24 Et elles présentent, encore une fois, plus souvent des infections de l'appareil locomoteur, donc des TMS,
01:01:31 des allergies cutanées ou des allergies respiratoires en lien avec les produits, et puis plus fréquemment aussi de la souffrance psychique.
01:01:39 La deuxième plaquette qu'on a publiée aussi récemment, qui va faire écho à la première table ronde, j'imagine, de ce matin,
01:01:46 c'est les professionnels de la santé humaine et de l'action sociale. Et là, on retrouve clairement chez les femmes,
01:01:52 et là, une tendance vraiment durable et historique, plus de TMS. On voit que c'est un métier vraiment très dur,
01:02:01 notamment dans la santé humaine. Également plus d'irritations et d'allergies chez les femmes salariées en santé humaine.
01:02:08 Et puis une forte hausse de la souffrance psychique. On voit bien avec les tensions de l'activité, notamment hospitalière.
01:02:16 Comme vous l'avez souligné, on va sortir des résultats avec une profondeur historique de 2012-2008 le 18 avril.
01:02:21 Donc je ne manquerai pas de vous les faire suivre. Et je finirai juste mon intervention par deux points d'intention.
01:02:27 C'est que souvent, cette inégalité de genre se double par une inégalité sociale de santé, puisque clairement,
01:02:33 à la fois pour les femmes à domicile, la santé humaine et l'action sociale, et aussi la grande distribution alimentaire,
01:02:43 ce sont les femmes ouvrières ou employées qui sont plus impactées que les professions intellectuelles ou cadres.
01:02:49 Évidemment, ça se comprend par le métier qu'elles font, mais il y a un vrai gradient social doublé de cette inégalité de genre.
01:02:57 Et un point important, puisque ce programme est le seul programme en France qui permet de mesurer, de quantifier la sous-déclaration.
01:03:04 Pour vous donner un chiffre qui est assez constant, c'est environ 75% des TMS qui correspondent à un tableau de maladies professionnelles existantes.
01:03:14 Donc ils pourraient faire l'objet d'une déclaration et d'une réparation. Donc ne font pas l'objet d'une déclaration.
01:03:18 Donc c'est un chiffre vraiment très important. Et les raisons qui sont souvent invoquées, c'est que souvent,
01:03:26 le salarié ne connaît pas le dispositif de réparation. Il peut y avoir un refus du salarié pour des raisons qui sont,
01:03:33 par exemple, de conserver son emploi et donc de ne pas déclarer la maladie professionnelle, ou pour remplir les conditions
01:03:40 du tableau de maladies professionnelles. Par exemple, s'il manque une radio ou il manque un examen médical,
01:03:46 voilà, les critères ne sont pas satisfaits et il n'y a pas de réparation. Merci de votre attention.
01:03:52 — Merci beaucoup, monsieur. Donc le deuxième intervenant de cette table ronde est M. François-Xavier Deveter,
01:03:59 professeur des universités à Lille et auteur d'un ouvrage consacré au métier de la propreté.
01:04:06 À vous, cher monsieur. J'espère ne pas avoir écorché votre nom. — Non, non. Tout est parfait.
01:04:11 J'en promets juste pour un changement de statut. Je suis également membre de l'IRES, l'Institut de recherche économique et sociale.
01:04:18 Voilà. Je me rends à qui de droit. C'est incroyable, mais c'est tout récent. Alors effectivement, moi, je vais vous parler
01:04:24 des métiers de la propreté, plus spécifiquement du secteur de la propreté, avec peut-être un point de préambule sur l'organisation
01:04:33 justement de ces métiers qui sont un peu découpés en deux gros paquets. On pourrait même faire plus de divisions si on le souhaitait.
01:04:40 Mais entre ceux qui relèvent des prestataires de services, les entreprises de la branche, et puis les salariés qui s'occupent
01:04:47 des questions d'entretien, de nettoyage, de propreté, mais au sein d'une entreprise, d'une administration éventuellement
01:04:54 qui ne relève pas de la branche de la propreté. Voilà. Ces deux paquets importants de salariés connaissent des conditions de travail
01:05:01 et des conditions derrière de santé qui peuvent être assez différentes. Je ne vais pas avoir le temps de rentrer à chaque fois
01:05:06 dans le détail de la différence, mais on y reviendra éventuellement sur les questions.
01:05:10 Alors sur le cœur de mon intervention, elle se déroulera en quatre points. Je commencerai par deux brèves illustrations, anecdotes en quelque sorte,
01:05:19 mais qui ont une valeur probablement qui va au-delà de la dimension anecdotique. Ensuite, je pointerai quelques chiffres,
01:05:25 quelques données statistiques qui rejoindront largement, peut-être de manière un tout petit peu moins précise,
01:05:30 mais qui rejoindront ce qu'a dit M. Boulanger avant. Je m'arrêterai ensuite un instant sur les raisons qui expliquent,
01:05:38 selon moi et selon mes collègues qui avont mené ces recherches, pourquoi on en est dans cette situation-là.
01:05:43 Et je terminerai par quelques pistes éventuellement de réflexion. Alors le premier point, c'est deux anecdotes.
01:05:50 La première et la suivante, ça renvoie à un échange sur les réseaux sociaux entre Philippe Jouani, président de la Fédération
01:05:57 des entreprises de propreté, et Alexandre Bellitti, chef d'entreprise de ce même secteur. Alexandre Bellitti poste un court message
01:06:06 sur ses réseaux en disant, je le cite, « Dans la propreté, la pénibilité est forte. Dans l'hôtellerie, la pénibilité est très forte. »
01:06:13 Le premier, donc Philippe Jouani, lui répond très très rapidement « Dans la propreté, la pénibilité est forte. Depuis quand ?
01:06:20 Vous avez une stage ? Je suis preneur ? » suit un smiley interrogatif face à cette position très forte de son collègue.
01:06:27 M. Bellitti renvoie alors aux publications de la Dares, du ministère du Travail, ce à quoi M. Jouani lui répond que
01:06:35 ces statistiques sont contestées par la Fédération des entreprises de la propreté et que, je cite, « Par ailleurs, il n'y a pas de notion
01:06:42 de pénibilité inscrite dans la nomenclature actuelle des métiers référencés comme pénibles. »
01:06:47 Cet échange nous rappelle combien la pénibilité est une question de convention sociale, de discussion, et une question aussi
01:06:54 sociopolitique au-delà d'une stricte observation. Je retiens aussi de ce qui a été présenté juste avant que peut-être
01:07:00 que l'on pourrait considérer des métiers à caractère pénibles et non pas directement pénibles au sens juridique du terme.
01:07:07 La deuxième anecdote ou la deuxième histoire est celle de Badia, agent d'entretien. 50 ans. Depuis 20 ans, elle travaille.
01:07:17 Elle travaille le matin de 6h30 à 9h pour une société et de 14h30 à 20h pour une autre société. Au 31 décembre de l'année dernière,
01:07:26 le chantier de la société, la première, celle du matin, est repris par la société de l'après-midi. Un premier problème apparaît.
01:07:33 Son temps de travail cumulé dépasse le temps plein. L'entrepreneur, l'entreprise, ne veut donc pas reprendre intégralement son contrat.
01:07:40 Des pressions, des difficultés. Elle finit par abandonner une partie de ses heures de travail. Le problème majeur pour nous n'est pas là.
01:07:45 Le second problème survient quelques jours plus tard, le 5 janvier. Elle est victime d'un accident du travail.
01:07:52 Aujourd'hui, trois mois après, elle n'est toujours indemnisée que sur la base de son premier contrat de travail ou de ce seul contrat de travail,
01:07:59 c'est-à-dire de 2h30 par semaine. Elle est depuis trois mois à 400 euros par mois alors qu'elle occupait normalement un temps plein.
01:08:05 La prise en charge des accidents du travail par l'assurance maladie dans ce secteur est rendue particulièrement complexe
01:08:12 par l'organisation économique du travail et notamment par la sous-traitance. Alors ces deux histoires, on peut les compléter par des statistiques nombreuses.
01:08:26 On l'a évoqué précédemment. C'est comme pour la grande distribution, une difficulté à dénombrer le nombre de salariés.
01:08:31 Selon les sources, vous serez de 300 000 à quasiment 800 000. Est-ce qu'on compte des postes ? Est-ce qu'on compte des personnes ?
01:08:37 Est-ce qu'on compte des temps pleins ? Est-ce qu'on compte des salariés qui sont là tout au long de l'année ? Est-ce qu'on compte des contrats courts ?
01:08:41 Donc ça renvoie à une précarité forte qui est un défi, y compris aux analyses statistiques. C'est au moins deux tiers, si ce n'est plus, de femmes.
01:08:50 C'est environ 40% d'immigrés, là aussi avec des comptes difficiles et une forte concentration de ceux-ci en Ile-de-France.
01:08:56 C'est une moyenne d'âge - vous l'avez rappelé - qui est élevée, plus de 49 ans, soit au moins 8 ans de plus que la moyenne des actifs.
01:09:03 Toutes les enquêtes statistiques, celles notamment de l'Adare sur les conditions de travail ou de l'enquête SUMER également,
01:09:09 renvoient à un état de santé déclaré mauvais, des inaptitudes fréquentes.
01:09:14 Selon l'enquête emploi, entre 60 et 62 ans, ce sont 50% des salariés ou anciens salariés de la propreté qui déclarent des limitations
01:09:22 pour effectuer les gestes de la vie quotidienne, contre un peu moins de 30% pour l'ensemble de la population active.
01:09:28 Les licenciements pour inaptitudes sont fréquents, voire très fréquents. Les nettoyeurs représentent à eux seuls environ 7% des licenciements pour inaptitudes,
01:09:38 alors qu'ils ne représentent dans la même base de données que 1,7% à 1,8% des CDI. Donc c'est à peu près x4.
01:09:46 Cette situation s'explique évidemment par une exposition à de multiples mauvaises conditions de travail.
01:09:51 On a parlé de poly-exposition tout à l'heure. On retrouve exactement la même chose. 96% déclarent des postures debout prolongées,
01:10:01 plus des deux tiers des mouvements douloureux, postures pénibles, etc. On peut aligner ici les chiffres qui sont bien connus.
01:10:07 Le risque chimique est également très présent, mal mesuré. Mais par contre, les études épidémiologiques montrent des problèmes respiratoires
01:10:16 et dermatologiques largement surreprésentés dans ces populations, sachant que la plupart des études épidémiologiques en la matière
01:10:23 sont des études plutôt internationales que dans le cadre français. Mais sur cette question, je pense que ma collègue reviendra
01:10:30 de manière bien plus précise et pertinente que moi. Les difficultés sont également d'ordre temporel. Les journées hachées,
01:10:37 une densité de la journée de travail qui est faible. Juste un chiffre à nouveau. Si on rapporte le temps de travail payé à l'amplitude
01:10:45 de la journée de travail, donc le nombre d'heures rémunérées au cours d'une journée par rapport au nombre d'heures qui vont
01:10:50 entre le début de la journée et la fin de la journée, on est aux alentours de 60%. Vous avez parlé des aides à domicile
01:10:56 préalablement, j'imagine, dans la première session. On retrouve la même chose. On est à peu près sur le même taux.
01:11:01 On a une journée poreuse. 60% à peu près de la journée de travail, calculée comme entre le début et la fin de cette journée,
01:11:10 ne sont payés. Donc on a une sous-rémunération, en quelque sorte, de temps dédié au travail qui ne sont pas au sens strict
01:11:16 des temps de travail. Les horaires sont atypiques, mais sont dans leur immense majorité non dérogatoire.
01:11:21 De la même manière que la définition des maladies, la définition de la pénibilité fait l'objet d'une définition juridique,
01:11:30 la nuit également, eh bien, ici, on a des salariés qui travaillent en horaires décalés, en horaires pénibles pour la vie familiale
01:11:36 et la santé, mais pas entre minuit et 5h du matin, c'est-à-dire qu'elles ne travaillent pas de nuit et n'ont pas les compensations adéquates.
01:11:43 Les difficultés psychosociales sont également nombreuses. Un isolement, c'est le point sur lequel j'insisterais, qui est extrêmement marqué.
01:11:50 Et un management le plus souvent assez marqué par la discipline. Un dernier risque lié à la santé et qui a un impact important sur la santé,
01:12:03 c'est le risque de pauvreté. On est sur des rémunérations horaires faibles, à peu près au niveau du SMIC, un temps de travail qui est à temps partiel.
01:12:09 Résultat, on a, selon les sources, entre un tiers et la moitié des salariés qui sont des travailleuses pauvres.
01:12:14 Et l'ensemble des travailleuses de la pauvreté constituent le paquet le plus important de ces travailleurs pauvres.
01:12:21 Troisième point de mon intervention, plus bref, pourquoi on est tant arrivé là. J'insisterais sur un point qui joue un rôle particulièrement négatif
01:12:30 pour les salariés concernés. C'est le fait qu'elles soient rejetées le plus souvent hors de la communauté de travail du site sur lequel elles interviennent,
01:12:39 c'est-à-dire qu'elles sont déléguées voire reléguées à des prestataires spécialisés. Qui dit prestataire dit une faible marge de manœuvre
01:12:46 et l'obligation de faire pression pour les salariés pour retrouver ces marges financières. Juste une illustration à nouveau.
01:12:53 Prenez un bâtiment en 2006, 22h30 de nettoyage quotidien pour entretenir ce bâtiment. Aujourd'hui, 2023, 12h30 de nettoyage quotidien.
01:13:04 C'est une règle assez courante. Voilà. On a par le renouvellement des marchés une diminution du volume de travail qui est accordé pour des bâtiments
01:13:13 qui, sauf vérification, n'ont pas tendance à se réduire avec le temps. C'est juste un doublement des cadences qui est évidemment pénible pour les salariés.
01:13:22 Qui dit spécialisé dit également une absence de diversité des métiers et des tâches, l'impossibilité de reclassement. Lorsque l'on a des TMS,
01:13:30 c'est le licenciement pour une aptitude souvent qui s'impose. C'est aussi du coup la peur pour les salariés d'aller voir la médecine du travail.
01:13:35 Comme vous l'avez dit tout à l'heure, la médecine d'une travail n'est pas perçue comme un soutien. Elle est perçue plutôt comme une autorisation à travailler,
01:13:42 c'est-à-dire plus comme un outil de contrôle que d'accompagnement. Évidemment, c'est dit de manière un peu tranchée. Il faudrait être plus nuancé.
01:13:48 À cette branche, on peut ajouter le fait que son fonctionnement via l'article 7 qui organise les transferts conventionnels fait disparaître la notion d'employeur
01:13:57 et fait disparaître la responsabilité de l'employeur, y compris en termes de santé. Dernier point, ce sera mon mot de conclusion.
01:14:05 Quelle évolution, en quelque sorte, percevoir ou envisager ? J'en dégagerais trois. On a un enjeu essentiel sur les rémunérations.
01:14:14 Et qui dit rémunération dit dans ce secteur comme dans l'aide à domicile une question de temps de travail. Je le dirais de manière très simpliste.
01:14:22 Quand on nettoie, à 28 heures semaine, on est à temps plein en termes d'usure professionnelle. Donc les calculs ici du temps qui devraient probablement être modifiés.
01:14:32 Le deuxième élément sont les conditions de travail au sens propre. Et ici, l'enjeu principal, à mon sens, mais il y en a évidemment d'autres, c'est l'enjeu des cadences.
01:14:40 Or, les cadences sont d'une opacité totale aujourd'hui, alors qu'elles sont pour le coup relativement objectivables.
01:14:48 Au-delà de 300 m² à l'heure, on est dans un travail qui n'est pas soutenable. Troisième point, c'est l'exclusion, l'invisibilisation des salariés.
01:14:56 Elles pourraient le plus souvent être intégrées dans la communauté de travail, couvertes par la Convention santé, sécurité au travail du donneur d'ordre.
01:15:04 Elles pourraient le plus souvent travailler en journée. Elles pourraient également se voir appliquer la Convention collective du donneur d'ordre,
01:15:10 comme ça se fait par exemple dans l'intérim, qui n'est pas un secteur particulièrement bien protégé pour autant.
01:15:16 Ces transformations concernent donc les employeurs, mais concernent également les donneurs d'ordre.
01:15:21 Les pouvoirs publics, à ce titre, représentent environ un tiers du chiffre d'affaires du secteur.
01:15:26 On a une circulaire de mars 2022 sur l'achat public responsable, qui est une avancée, assurément, mais qui reste peu appliquée
01:15:33 et avec peu d'éléments concrets derrière. Pourtant, pour une grosse partie des salariés ou pour au moins cette partie-là des salariés,
01:15:41 les pouvoirs publics sont, en tant que donneurs d'ordre et régulateurs, les détenteurs de l'intégralité des leviers pour changer la situation de ces travailleurs.
01:15:50 Je vous remercie de votre attention et j'espère ne pas avoir trop explosé mon temps.
01:15:54 Parfait, parfait. Merci, monsieur. Donc, troisième intervenante ce matin, madame Anité Beaumony, sociologue de la santé et spécialiste des sujets de santé au travail,
01:16:05 coauteur d'un rapport sur l'identification et la prévention des expositions aux cancérogènes dans les produits de nettoyage
01:16:12 et qui a également travaillé sur les conditions de travail des femmes en grande surface.
01:16:16 Vous êtes accompagnée par Marie-Christine Limann, ancienne infirmière du travail et membre, comme vous, du GISCOP 84, qui travaille sur les cancers d'origine professionnelle.
01:16:28 Je vais vous laisser la parole et j'espère je n'ai pas oublié un titre à votre présentation. Ça va très bien. Merci beaucoup.
01:16:37 Donc je vais vous parler de l'invisibilisation du travail des travailleuses et des mots du travail dans ces activités de nettoyage
01:16:48 en prenant vraiment le relais par rapport à ce que vient de nous exploser. D'accord. Ça va comme ça. Donc juste que je regarde comment ça marche.
01:17:06 Non, je ne sais pas faire marcher ça. Il faut appuyer sur quoi? Ah, c'est pas gagné. Non, c'est pas gagné. Merci.
01:17:19 Donc très brièvement, le plan de ce que je vais présenter. Un travail invisible des risques ignorés à partir des données de l'ADARES.
01:17:31 La démarche de recherche des GISCOP pour justement tenter de briser cette invisibilité des cancers professionnels
01:17:45 avec une expertise des parcours professionnels pour identifier les expositions à des cancérogènes avérées.
01:17:53 Et puis je viendrai sur les inégalités de genre et la question du nettoyage. Je me suis trompée de sens. Voilà.
01:18:05 Un travail invisible, en fait, c'est un travail sous-traité, comme l'a dit François-Xavier de Vatterre.
01:18:14 Un travail sous-traité ou un travail invisible du point de vue de la fonction de nettoyage dans des entreprises.
01:18:23 Pour tout ce qui est travail sous-traité, c'est à contrario des rites – mais on l'a bien vu avec ce qui vient d'être présenté –
01:18:33 et puis travail précaire à temps partiel. Et c'est un travail éminemment confié aux femmes.
01:18:40 La division du travail fait que c'est majoritairement les femmes qui sont concernées. Des risques ignorés.
01:18:47 En fait, la Dares a un ensemble d'enquêtes qui permet quand même de pointer le risque chimique en particulier.
01:18:57 Je vais m'arrêter sur celui-là. Et dans les métiers du nettoyage, c'est au moins 61%. Mais je dirais que c'est au moins
01:19:04 parce que là, il y a une invisibilité sur laquelle d'ailleurs nous travaillons.
01:19:11 Donc les groupements d'intérêts scientifiques sur les cancers d'origine professionnelle, c'est en fait un groupement d'intérêts scientifiques
01:19:19 réuni à un certain nombre d'institutions. C'est celles qui étaient sur la diapositive initiale, qui se mettent ensemble
01:19:28 pour soutenir institutionnellement, scientifiquement et financièrement un programme de recherche sur quelque chose
01:19:37 qui ne fait pas du tout partie des thématiques officielles, je dirais, de la recherche scientifique.
01:19:42 Donc depuis 2002, officiellement, en Seine-Saint-Denis, ce programme existe et est sous la forme d'une enquête permanente
01:19:53 auprès de patients atteints de cancer. Alors pour la Seine-Saint-Denis, c'est les cancers respiratoires et les cancers urinaires.
01:20:00 Nous travaillons avec des services hospitaliers et nous faisons la réconstitution des parcours professionnels systématiquement
01:20:10 de tous les patients qui sont atteints de cancer primitif dans ces services.
01:20:18 Donc au fil du temps, c'est 1 200 patients entre 2002 et 2023 pour lesquels nous avons des réconstitutions de parcours professionnels.
01:20:27 Le GISCOP 84, c'est depuis 2017 et c'est plutôt les cancers hématologiques. Nous travaillons avec le CHA, le Centre hospitalier d'Avignon
01:20:40 et le service hospitalier sur les hémopathies cancéreuses. Donc cette démarche, elle est partie du constat d'une triple invisibilité des cancers professionnels,
01:20:54 l'ignorance toxique. Malheureusement, il y a énormément de substances qui sont mises en milieu de travail et en production sans avoir été testées pour la toxicité.
01:21:06 On évaluait dans les années début des années 2000 à moins de 10% le nombre de substances qui sont évaluées en comprenant y compris les mélanges, je dirais.
01:21:22 Et cette ignorance toxique, elle est plus forte pour les femmes que pour les hommes. Et je viendrai un peu sur les raisons de cette ignorance toxique pour les femmes.
01:21:33 L'invisibilité physique, c'est que la plupart des cancérogènes ne sont pas perceptibles pour ceux qui les manipulent, les respirent.
01:21:44 Une fibre d'amiante ne se voit pas. Le benzène est totalement inodore et de nombreuses substances toxiques n'ont aucune.
01:21:57 Les rayonnements ne se perçoivent pas. Donc l'invisibilité physique joue pour maintenir dans l'ignorance les travailleurs.
01:22:08 Et j'aurai de multiples exemples, mais je ne vais pas prendre de temps pour ça. Et l'invisibilité sociale, c'est le fait qu'il n'y a pas de véritable traçabilité des expositions en milieu de travail.
01:22:21 On ne connaît pas les expositions et il y a une invisibilité sociale, évidemment, par l'importance sous déclaration des cancers professionnels,
01:22:35 mais aussi d'autres maladies professionnelles qui pourraient alerter sur, justement, le risque de cancer.
01:22:41 Alors, dans nos enquêtes, le cancer a été appréhendé comme un événement sentinel pour chaque patient.
01:22:49 On considère que la maladie permet d'accéder en rétrospectif aux expositions professionnelles qu'il a subies aux cancérogènes avérés, donc par rapport à une liste de cancérogènes.
01:23:05 Donc il y a un premier temps qui est la réconstitution du parcours professionnel. Un deuxième temps qui est l'expertise de ces parcours professionnels par des collectifs d'experts
01:23:15 qui ont l'expérience des conditions de travail, de la toxicologie, de l'ergotoxicologie.
01:23:21 Enfin, ce sont des collectifs très pluridisciplinaires qui permettent d'identifier les cancérogènes et les résultats que je vais vous donner sont donc le résultat de cette expertise.
01:23:35 Et puis, il y a une phase prospective qui est que ces collectifs d'experts se prononcent sur la possibilité ou non de faire une déclaration de maladie professionnelle pour le patient.
01:23:46 Et ensuite, il y a un suivi de la reconnaissance pour analyser les obstacles au sein même du processus de déclaration reconnaissance.
01:23:57 Donc c'est une recherche action avec ce que je viens d'évoquer. Du point de vue un peu structurel, les grandes tendances que nous retrouvons dans ces deux enquêtes
01:24:12 qui concernent maintenant environ 1 600 patients au total, c'est qu'on est massivement avec des patients dont les parcours sont marqués par la précarisation sociale
01:24:26 de l'emploi, du travail et de la santé, ce qui montre que les risques d'exposition à des cancérogènes sont massivement sur ces publics.
01:24:38 Une fréquence du travail ouvrier sous-traité avec les fonctions maintenance, nettoyage, gestion des déchets, une fréquence de l'exposition aux cancérogènes dans l'activité de travail.
01:24:49 Dans nos enquêtes, nous avons plus de 85% des patients de ces services qui ont été exposés et massivement exposés à des cancérogènes
01:24:59 avec une prédominance de la poly-exposition, c'est-à-dire c'est pas un cancérogène, c'est jusqu'à 10, 15 cancérogènes au cours d'un parcours professionnel.
01:25:09 Alors j'ai choisi de focaliser les résultats sur ce qui se passe dans le Vaucluse parce que c'est les résultats les plus récents que nous ayons
01:25:26 et on a des résultats par sexe qui permettent de voir justement comment se construit l'invisibilisation des cancers professionnels chez les femmes.
01:25:41 Donc très rapidement, les parcours, les patients inclus, c'est tous les patients dans la file active du service.
01:25:51 Les parcours, c'est ce qu'on a pu expertiser, c'est-à-dire 318 sur 555, l'écart est lié souvent à la gravité de la maladie qui rend impossible l'entretien avec le malade.
01:26:07 Donc 188 hommes et 130 femmes, ce qui veut dire un sexe ratio de 1,5 environ.
01:26:16 Là-dessus, on a 85% d'exposés moins que ça chez les femmes.
01:26:25 On n'a pas mis cette ligne-là, mais elle est importante parce que c'est là où on voit que chez les femmes, il y a beaucoup moins de connaissances des risques toxiques
01:26:38 parce qu'il n'y a pratiquement pas d'épidémiologie. Je dirais qu'il y a une extrapolation de l'épidémiologie sur les hommes vers les femmes,
01:26:48 mais sur des métiers comme le nettoyage, par exemple, il n'y a aucune étude nettoyage cancer.
01:26:59 Donc de ce fait-là, et là, il y a des études scientifiques qui ont été faites au Canada, en France, pour montrer qu'il y a un déficit énorme de connaissances épidémiologiques et toxicologiques sur les métiers féminins.
01:27:15 Ensuite, donc, à partir de la connaissance des expositions, quelle orientation vers la déclaration de maladie professionnelle ?
01:27:27 On voit que pour les hommes, c'est 126 sur 188 et pour les femmes, 38 sur 130. Donc déjà, il y a trois fois plus en proportion d'hommes pour lesquels les experts considèrent
01:27:42 que la déclaration de maladie professionnelle est possible et trois fois moins pour les femmes.
01:27:50 Ensuite, l'engagement dans la déclaration. On voit que les femmes hésitent beaucoup plus à s'engager, malheureusement, et en reconnaissance,
01:28:00 on a encore un déficit supplémentaire qui fait que le sex ratio arrive à 11,5 en termes de reconnaissance.
01:28:13 En fait, si on reprend ce que ça signifie, les hommes et les femmes n'occupent pas les mêmes places dans la division sociale du travail.
01:28:22 C'est un peu tout ce que montrent nos trois présentations, d'ailleurs. Il y a une invisibilisation des risques cancérogènes et une invisibilité des cancers professionnels.
01:28:32 Il y a un énorme angle mort qui est le nettoyage pour lesquels là, pour le coup, on est presque à 90% sur une population féminine.
01:28:43 Donc c'est ce qui a motivé la création du groupe de travail Nettoyage Logiscope 84 avec des experts et des membres de l'équipe
01:28:52 pour rechercher les expositions cancérogènes, c'est-à-dire faire une veille documentaire, analyse de produits et puis revenir sur la connaissance
01:29:01 et par court travail et d'exposition pour essayer de briser cet angle mort. Sur les substances, je dirais que la première démarche
01:29:12 qui a été faite sur 18 mois, 2 ans montre la présence de ces 7 cancérogènes qui ne sont pas des cancérogènes exceptionnels.
01:29:27 Le formaldéhyde, c'est un des produits les plus utilisés dans le nettoyage et il a été interdit en 2013, mais remplacé par des produits
01:29:36 qui contiennent des libérateurs de formaldéhyde. Donc ça veut dire que même si l'exposition a beaucoup diminué, elle reste présente.
01:29:48 Or un cancérogène, c'est une substance avec absence de seuil de toxicité. Donc le formaldéhyde est là et dans des situations de co- ou poly-exposition,
01:30:04 évidemment, la présence du formaldéhyde joue certainement un rôle dans la possibilité des cancers.
01:30:13 Ensuite, alors je vais pas tous les détailler, je voudrais m'attarder sur deux autres. L'acylis, qui est très présente dans l'Ajax, le SIF et un certain nombre
01:30:25 d'autres produits pour lesquels il y aurait d'ailleurs là aussi des substituts possibles. L'acylis est sur le tableau 25 et c'est un des polluants
01:30:39 les plus connus depuis peut-être deux siècles. Et puis l'oxyde d'éthylène. L'oxyde d'éthylène est utilisé dans la stérilisation,
01:30:48 beaucoup en milieu hospitalier, mais aussi dans d'autres milieux. Et je pense à une entreprise d'Anneau-Nez qui a stérilisé pendant des années.
01:30:58 Et le nettoyage était évidemment concerné par la pollution extensive dans cette entreprise. Par exemple, je prends cet exemple-là.
01:31:07 Une entreprise qui s'appelle Tetra Médical, où le nettoyage était fait dans des lieux où étaient entreposés les objets stérilisés
01:31:19 pour un dégazage. En fait, ça s'appelle une désorption. Mais on a y compris chez les personnels de nettoyage les femmes des cancers.
01:31:30 Et on va tenter évidemment de les faire reconnaître en maladie professionnelle. Donc rien que sur ces trois cancérogènes,
01:31:39 on est sur une situation très préoccupante du point de vue de l'exposition ignorée des travailleuses du nettoyage.
01:31:49 Alors la connaissance des activités de travail et d'exposition. Il y a en plus les conditions réelles de travail dans le nettoyage
01:31:57 avec la multiplicité des produits utilisés, donc des mélanges, donc des effets de synergie probables, l'utilisation de produits interdits
01:32:05 dans le ménage à domicile, des activités de travail exposantes, c'est-à-dire des postures. Et à travers la démarche d'Ergo Toxicology,
01:32:14 on sait que les postures, la respiration, les contacts cutanés vont accroître la possibilité d'exposition.
01:32:23 Et puis le travail en milieu confiné. Et sur les co-expositions et expositions successives, c'est-à-dire qu'en fait,
01:32:31 il y a bien sûr les produits de nettoyage, mais il y a aussi les surfaces nettoyées. Et là, je voulais attirer l'attention sur l'amiante.
01:32:38 On a une situation catastrophique du point de vue de l'exposition des travailleuses du nettoyage à l'amiante à travers les sols amiantés,
01:32:48 qui s'appelle le DALAMI, qu'on trouve dans beaucoup de locaux publics, y compris des écoles, des hôpitaux, etc.
01:32:55 Et il y a une technique de nettoyage qui s'appelle l'usage des monobrosses, qui fait que ça remet en suspension des fibres d'amiante.
01:33:04 Or, dans ce cas-là, les nettoyeuses devraient être équipées avec les équipements utilisés dans tout ce qui est chantier de désamiantage.
01:33:17 Et malheureusement, nous n'avons pas obtenu jusqu'à présent que l'ADGT se prononce là-dessus.
01:33:24 Il y a une recommandation de l'ACNAP qui est plus ou moins sur cet aspect-là, mais on devrait avoir une interdiction des monobrosses.
01:33:34 Et je le dis fort parce que je pense que si votre groupe de travail, votre commission peut s'exprimer là-dessus,
01:33:41 ça nous aiderait, nous, au niveau des chercheurs en santé publique, quand nous donnons ce type de préconisation.
01:33:48 En conclusion, notre démarche montre une identité de problème qu'on pourrait certainement décliner sur toutes les régions de France, malheureusement.
01:34:04 Donc il y a urgence à briser l'invisibilité du rôle du travail et de la division sociale et sexuelle du travail dans l'épidémie de cancer.
01:34:13 Il faut agir sur les causes du non-recours au droit à la réparation parce que ça, vraiment, il y a une situation très, très préoccupante
01:34:21 parce que les femmes, ignorant les risques, sont beaucoup plus frileuses, même quand on essaye de les convaincre qu'il y a des risques.
01:34:31 Elles sont tellement convaincues qu'il n'y en a pas parce qu'elles ne peuvent pas imaginer qu'on les met dans une situation de danger aussi grave
01:34:38 qu'elles ne font pas la démarche de déclaration, même quand elles y ont droit. Et puis la prévention est un domaine vierge jusqu'à présent,
01:34:48 alors que s'il y a un domaine où la substitution est possible, c'est le nettoyage. On a ce que disait Marie-Christine souvent.
01:34:57 Il y a le savon noir. Il y a tous les produits de substitution non toxiques qui existent et qui pourraient être vraiment utilisés.
01:35:06 Il y a cette interdiction aussi des monobroses dans le nettoyage des sols amiantés. Et malheureusement, on en a encore pour longtemps
01:35:15 parce qu'il y en a partout. Il y a eu 80 kg d'amiantes par habitant porté en France et on en a peut-être enlevé un dixième.
01:35:23 Donc vous voyez ce qui reste. Donc il y a un problème d'information, de formation. Et il y a aussi la nécessité d'alerter les acteurs de prévention.
01:35:32 C'est ce que nous essayons de faire au travers des institutions avec lesquelles... Qui sont membres des deux GIS, dont la DGT, les DRETS,
01:35:45 les inspecteurs du travail, la CARSAT et les services de santé au travail, mais aussi en premier lieu les CSE, les syndicalistes,
01:35:54 parce que sur les lieux de travail et les syndicalistes et donneurs d'ordre – c'est très important – il faut qu'ils aient cette information
01:36:03 sur les dangers cancérogènes du nettoyage. Et puis il y a quelque chose auquel je tiens beaucoup. C'est le droit au suivi pour les personnes
01:36:14 exposées aux cancérogènes, mutagènes toxiques pour la reproduction en activité et le suivi postprofessionnel. Et malheureusement,
01:36:21 ces suivis, que ce soit en activité ou en postprofessionnel, ne sont pas mis en œuvre.
01:36:27 — Madame Tebomoni, vous avez parlé des appareils monobros. Alors ça m'a interpellée, parce qu'il est vrai que dans beaucoup de collectivités
01:36:36 et d'entreprises, aujourd'hui, pratiquement tout le ménage est fait avec les monobros, je dirais aussi par l'influence des commerciaux.
01:36:44 Enfin, c'est pas négligeable non plus, les entreprises commerciales. Et puis parce que peut-être qu'au départ, les personnes qui font l'entretien
01:36:52 ont vécu ça comme un soulagement, comme un apport – je dis pas que c'est le cas – mais comme rendant leur travail peut-être plus technique.
01:36:59 Et donc une certaine valorisation, entre guillemets, de ces métiers. Moi, je suis très étonnée. Je découvre que ça fait remonter des sols lamiantes.
01:37:12 Et je dirais que ça devrait nous interpeller. — Que les sols avec lamiantes. — Oui, que les sols avec lamiantes, oui. Mais par le biais des monobros, ça remonte.
01:37:18 Et vous avez parlé notamment dans les écoles qu'il y en avait beaucoup aussi de ces sols-là. Je suis quand même assez étonnée que ça n'ait pas plus interpellé,
01:37:26 alors qu'on a quand même des enfants. Enfin voilà, on a beaucoup de personnes qui fréquentent nos écoles. Donc c'était par rapport à la monobros.
01:37:34 Et vous l'avez évoqué très rapidement, mais si on peut, l'ont évoqué les EPI. On n'a pas parlé des EPI. Est-ce que c'est justement par rapport à la négligence
01:37:44 du travail effectué par ces femmes qu'on leur propose pas des EPI ? Est-ce que c'est parce qu'il n'y a pas suffisamment de formation pour expliquer
01:37:52 en quoi ça peut les prévenir de toutes ces maladies ? On a parlé de lamiantes. Quand on regarde les métiers dans le bâtiment,
01:38:05 on a vu que pour que la reconnaissance de lamiantes, notamment pour les peintres en bâtiment, etc., soit reconnue, tous ces métiers-là, ça a mis des décennies.
01:38:14 J'espère que ça n'en mettra pas autant par rapport aux produits qui sont aujourd'hui utilisés. Et puis, M. Boulanger, tout à l'heure,
01:38:23 vous nous avez parlé d'études concernant la baisse significative de la prévalence des TMS. Moi, j'aimerais avoir des précisions parce que
01:38:34 vous avez évoqué le fait que c'était limité dans la mesure... Elles avaient aujourd'hui plus un rôle de surveillance,
01:38:39 puisqu'on avait de plus en plus de caisses dites automatiques. Alors pour le coup, je me dis, dans ces conditions-là, on a aussi moins de femmes,
01:38:49 de salariés qui sont sur les caisses historiques, on va dire. Et pour le coup, est-ce que ça ne contrarie pas votre étude ?
01:39:00 Dans la mesure où si vous avez moins de femmes qui sont dans ces métiers répétitifs, comment vous faites la part des choses entre la baisse
01:39:08 parce qu'on le sait, ça a eu des conséquences quand même sur la baisse du recrutement et puis vraiment l'impact de ces caisses automatiques. C'est tout. Merci.
01:39:17 Laurence, oui.
01:39:19 Les proposés sont très clairs et assez exhaustifs. Je retiens juste une chose qui est pour moi très intéressante, c'est qu'en fait, il n'y a pas d'épidémiologie.
01:39:31 C'est Madame Thébaut-Molny qui l'a évoqué tout à l'heure, je crois. Il n'y a pas d'épidémiologie sur les substances chimiques utilisées dans les métiers
01:39:41 à dominante féminine et on travaille uniquement par extrapolation à partir des métiers masculins et c'est tellement comparable à ce qui se passe
01:39:52 de manière générale en termes de santé. Voilà, on trouve la même chose. En fait, c'est une phase de permanence qu'il faudra, à mon sens, noter dans notre rapport,
01:40:02 c'est-à-dire que c'est, pardonnez-moi l'expression, toute la santé phallocentrée, quoi. Voilà. Et on travaille que par extrapolation.
01:40:11 Je trouve ça assez intéressant. Je dirais à vrai dire, pas pensé. Et juste une question, peut-être c'est à la marge, mais quand même.
01:40:19 Bien sûr, les substances cancérogènes sont celles dont on connaît pas le niveau, enfin, dont on connaît, on n'a pas de seuil d'exposition,
01:40:28 si j'ai bien compris. Voilà. Et sur toutes les substances du nettoyage dont vous parlez, est-ce qu'il y a une étude qui est faite sur les mères au foyer ?
01:40:37 Les femmes au foyer. Vous savez, les femmes qui nettoient toute la journée à la maison ? Parce que ça concerne, si ce n'est la santé professionnelle des femmes,
01:40:48 ça concerne aussi quand même la santé des femmes. Voilà.
01:40:52 Merci beaucoup, chers collègues. Peut-être que les femmes au foyer ne nettoient peut-être pas toute la journée, quand même.
01:40:58 (Rires)
01:40:59 Elles ont sûrement d'autres occupations très intéressantes. Donc je vous laisse vous organiser comme vous le souhaitez pour répondre à nos collègues rapporteurs.
01:41:11 Madame Thébaumonny, ensuite M. François-Xavier Devetter. Et si M. Guillaume Boulanger souhaite compléter, il le fera. Merci.
01:41:19 D'accord.
01:41:20 Alors sur les monoboros, en fait, il y a un problème préalable qui, malheureusement, là aussi, n'est pas suffisamment évoqué.
01:41:37 C'est le problème de l'évaluation des risques et du repérage de l'amiante avant travaux. Le diagnostic technique amiante a été instauré en 96.
01:41:55 Il devrait être à disposition de toute personne qui veut savoir ce qu'il y a comme sol ou où est-ce qu'il y a de l'amiante dans le bâtiment,
01:42:07 parce qu'il y a par exemple 85% des écoles pour lesquelles on pense qu'elles sont encore amiantées, quel que soit le niveau d'enseignement.
01:42:19 Donc le DTA devrait être à disposition. Et en fait, ce DTA devrait conditionner ensuite toute démarche de travaux, quels qu'ils soient,
01:42:34 y compris le nettoyage, bien sûr. Et donc quand on sait qu'il y a du dalamy quelque part, il y a une deuxième démarche qui est le repérage
01:42:44 de l'amiante avant travaux. C'est quelque chose qui a été introduit en 2012. Et la même chose pour le nettoyage. C'est comme si ça n'existait pas.
01:42:55 Et il y a un troisième niveau. C'est que lorsqu'il y a une situation de sous-traitance, il doit y avoir un plan de prévention établi
01:43:04 entre le donneur d'ordre et le sous-traitant. Le sous-traitant n'est pas censé forcément savoir qu'il travaille sur du dalamy.
01:43:13 C'est donc dans le cadre du plan de prévention que ça devrait être évoqué avec quels sont les équipements de protection nécessaires
01:43:24 pour éviter l'exposition à l'amiante. Ça, c'est – je dirais – l'architecture de la prévention. Eh bien demander à une femme de ménage
01:43:36 qui se retrouve dans une école ou dans un hôpital où il y a du dalamy, c'est du chinois pour elle. Elle sait même pas que ça existe, tout ça.
01:43:45 Elle sait même pas qu'il y a de l'amiante dans le sol. Donc ensuite, la question sur les EPI, moi, je vais la diviser en deux.
01:43:55 Sur l'amiante, il est évident que pour ce secteur-là, il devrait y avoir équipement à partir du moment où on utilise des monoproces.
01:44:06 C'est tout. Si on veut utiliser des monoproces, ce que je trouve pas une bonne idée, d'ailleurs, très franchement,
01:44:15 à partir du moment où on sait qu'il y a de l'amiante, il faut pas les utiliser. C'est tout, parce que là, on met en suspension
01:44:21 un nuage de fibres absolument invisibles mais extrêmement nocives, parce qu'en plus, elles sont fraîchement émises.
01:44:31 Donc elles sont encore plus réactives du point de vue de leur toxicité. Donc les équipements devraient automatiquement
01:44:40 être mis à disposition avec les conditions du port de l'équipement, c'est-à-dire que ces équipements sont très fatigants.
01:44:49 Il y a des dispositions même sur le temps pendant lequel les travailleurs portent cet équipement, la question des poses.
01:45:01 Ensuite, il y a la question des vestiaires, etc. Donc on devrait être dans le cas de figure d'un chantier amianté. C'est tout.
01:45:12 Bon, après, il y a la question des EPI pour tout ce qui est les substances toxiques que j'ai évoquées.
01:45:22 Et là, je vais laisser Marie-Christine, qui a beaucoup d'expérience par rapport à ça, expliquer comment, en fait,
01:45:29 ça se passe dans la réalité pour les nettoyeuses. Et puis elle répondra aussi sur les femmes au foyer.
01:45:38 Oui, bonjour. Pour ce qui est des EPI, moi, j'aimerais qu'on remonte un peu en amont avec les principes généraux de prévention du code du travail.
01:45:49 Les EPI ne devraient intervenir qu'en fin de liste. Et d'abord, il faudrait tout faire pour la substitution.
01:45:58 C'est quand même le principe le plus important. On a à nos dispositions des produits non dangereux.
01:46:04 Ce serait quand même dommage de continuer d'utiliser des produits qui sont allergisants, irritants – on ne l'a pas évoqué – et cancérogènes.
01:46:16 Mais ces produits irritants et allergisants vont bombarder, vont agresser régulièrement le système immunitaire et donc peuvent favoriser le développement d'un cancer.
01:46:26 Ces produits irritants et allergisants dans les produits de ménage, ce sont des colorants pour faire joli et des parfums pour sentir bon.
01:46:33 Le savor noir ne présente pas ses inconvénients. Le vinaigre blanc, bon, on aère un peu et on chasse l'odeur.
01:46:42 Le bicarbonate de soude, le nettoyage à la vapeur, tout ça, ce sont des techniques, des procédés et des produits non dangereux.
01:46:49 On s'est malheureusement fait avoir depuis des décennies par les fabricants de lessives qui ont voulu nous vendre de belles choses.
01:46:55 Mais malheureusement – et là, vous dites les femmes au foyer et je dirais plus largement les consommatrices –
01:47:01 nous achetons en supermarché ou en droguerie des produits. Donc on se dit c'est en vente libre. Donc c'est pas dangereux.
01:47:07 Donc première représentation à combattre. Ensuite, il y a la question des représentations, par exemple des personnes âgées,
01:47:16 qui vont exiger de l'aide à domicile qu'elles utilisent de l'eau de Javel alors que ça leur est interdit parce que, voilà,
01:47:23 les gens âgés ont une représentation de la Javel, produit miracle contre tous les méchants microbes.
01:47:29 Donc ça veut dire former l'aide à domicile pour qu'elle puisse argumenter auprès de la personne âgée en disant
01:47:35 « Non, je n'ai pas le droit d'utiliser l'eau de Javel pour telle et telle raison ». Mais ça veut dire aussi que le service d'aide à domicile
01:47:42 va porter ce message de prévention, de sensibilisation et d'information aussi directement auprès des bénéficiaires
01:47:49 lorsqu'ils se montrent très réticents, de manière à ce que l'aide à domicile ne soit pas seule face à un bénéficiaire
01:47:55 qui lui a mis la bouteille d'eau de Javel sous l'ivier. Les travailleuses, les consommatrices, les femmes au foyer,
01:48:04 donc on est tous confrontés à cette même difficulté. Et quand on achète un produit en supermarché, eh bien si on n'est pas toxicologue,
01:48:12 on ne sait pas que le 2-bromo-2-nitropropane-1-3-diol est cancérigène. Donc il y a l'étiquetage, il y a la lecture de l'étiquette.
01:48:21 Des fois, elle n'est même pas visible. Et puis il y a aussi l'absence de la mention d'un produit cancérigène,
01:48:29 parce que dans la réglementation, quelqu'un a décrété que si c'était présent à moins de 5%, on ne le notait pas sur l'étiquette.
01:48:38 Alors nouvelle fausse représentation, parce que ça laisse entendre que si c'est à 4%, ce n'est pas dangereux, donc on ne le note pas.
01:48:45 Et si c'est à 6%, c'est dangereux, alors on le note. Alors que ce 5% ne repose sur aucune donnée scientifique.
01:48:54 Et que donc on invisibilise une information importante sur un produit potentiellement cancérogène.
01:49:02 Donc on est confrontés à tout ce faisceau d'invisibilisation qui fait que nous sommes démunis.
01:49:09 Et c'est une raison pour laquelle les femmes ne se sentent pas légitimes à faire une démarche de reconnaissance en maladie professionnelle.
01:49:17 Voilà, j'ai utilisé du sif en poudre, j'ai utilisé des berlingots de minimire. Ah, c'était pas dangereux. Eh bien, peut-être bien que si.
01:49:25 Donc on travaille sur les compositions des produits disponibles actuellement,
01:49:30 mais on a des difficultés à retrouver les informations sur la composition des produits des années 80, 90, 2000, voilà.
01:49:38 Pour ce qui est des EPI, encore faut-il qu'ils soient fournis, adaptés et portés.
01:49:47 Portés, là encore, ça renvoie à la formation des personnels du nettoyage. Ça renvoie à adapter au choix des entreprises.
01:50:00 Vous pouvez avoir des gants qui sont commandés seulement dans la grande taille. Comme ça, ça ira à tout le monde.
01:50:06 Maintenant, quand vous avez une petite main, le gant, il va pendouiller. Ça va vous énerver. Il va tomber dans le seau et vous n'allez pas le porter.
01:50:14 Vous avez des aides à domicile qui n'ont pas accès aux boîtes de gants le week-end parce que le week-end, leur siège social est fermé.
01:50:21 Donc il peut arriver que le samedi, elles aillent s'acheter elles-mêmes une boîte de gants en urgence, en dépannage.
01:50:27 Et puis adaptés. On vous fournit des gants, mais sont-ils vraiment adaptés ? Est-ce qu'ils sont poreux ?
01:50:32 Est-ce que le produit va passer à travers le gant ? Est-ce que le gant est trop court et le produit va se faufiler entre le gant et la peau ?
01:50:40 Voilà. C'est toutes ces questions. — La cadence aussi. — La cadence aussi. Voilà. Est-ce qu'on peut se changer ?
01:50:46 — On peut travailler. Bien sûr. — Il y a plusieurs chantiers. Il y a plusieurs bénéficiaires.
01:50:51 Est-ce qu'on peut se changer des pieds à la tête quand on sort de chez M. Martin pour aller chez Mme Dupont ?
01:50:58 C'est toutes ces questions-là qui sont à travailler. Donc retenons bien le grand principe de la substitution,
01:51:03 parce qu'après, on descend dans le détail et on se retrouve confrontés à beaucoup de problèmes. La substitution, c'est important.
01:51:10 Rappelez aux employeurs leurs obligations. Ils ont obligation en matière de santé et sécurité au travail.
01:51:16 Ils ont obligation de moyens et de résultats. Or, s'il y a des cancers, c'est que le résultat n'a pas été atteint.
01:51:23 — Merci beaucoup. Pardon. — Juste un point sur les tableaux de maladies professionnelles. Ils ont été pensés aux masculins.
01:51:29 Les mines, la chimie, le bâtiment de travaux publics. Il faut penser maintenant les tableaux de maladies professionnelles
01:51:36 aux féminins, l'hôpital, la propreté, etc., etc. — Merci beaucoup, Mme Liman. M. François-Xavier Deveter.
01:51:45 — Oui. Rapidement, un mot d'abord pour insister sur ce qu'a dit Mme Liman. Il faut rappeler aux employeurs leurs obligations.
01:51:50 Et pour ça, il faut qu'il y ait des employeurs, pas uniquement sur le plan formel, mais qu'ils soient présents.
01:51:54 Et c'est vrai que la sous-traitance fait disparaître l'employeur. Et c'est vrai que le particulier employeur...
01:51:59 Moi, j'ai pas évoqué la partie domicile, mais il y aurait beaucoup à dire évidemment de ce côté-là également.
01:52:04 Et là, pour le coup, le système du particulier employeur est une négation tout simplement de l'idée même d'un employeur responsable
01:52:09 le plus souvent. Il n'y a pas de CHSCT derrière. Il n'y a pas de CE derrière. Il n'y a pas de collectif de travail.
01:52:14 Il n'y a pas d'accompagnement, etc. Donc c'est forcément des suivis à la fois médicaux, de sécurité, etc. qui sont plus que défaillants.
01:52:23 Résultat, très souvent, les choses sont renvoyées à la responsabilité individuelle, à la prise de conscience de la salariée elle-même.
01:52:31 Et je pense que ça, c'est un point sur lequel on peut insister, parce que ça concerne à la fois les EPI et la façon dont on les met
01:52:38 ou on ne les met pas. Ça concerne également les formations ou la prise de conscience que l'on a de ce qui est dangereux, de ce qui ne l'est pas.
01:52:45 Et il est évident que la première étape, c'est cette prise de conscience individuelle, sauf que renvoyer au niveau individuel
01:52:54 semble un peu décalé dans le sens où on sait très bien que cette prise de conscience individuelle est extrêmement dépendante du contexte
01:53:00 organisationnel dans lequel le travail est effectué. C'est-à-dire qu'effectivement, on ne sait pas par soi-même.
01:53:08 On sait parce qu'on a eu une formation, on sait parce qu'on a des collègues de travail, on sait parce qu'on a un accompagnement,
01:53:13 un encadrement, etc., etc. Donc encore une fois, les situations de sous-traitance, d'emploi direct sont des situations qui,
01:53:21 par nature, par leur mode organisationnel eux-mêmes, nient ces possibilités-là. Je prendrai juste un exemple qui se décale
01:53:30 un petit peu, mais quand même celui des assistantes maternelles, dont vous avez peut-être parlé à d'autres moments.
01:53:36 Et un élément qui est intéressant parce que, aussi, ça montre les leviers éventuels de transformation possible,
01:53:44 au délire que tout n'est pas perdu d'avance. Les assistantes maternelles, en 2005, dans l'enquête "Conditions de travail",
01:53:50 déclarent extrêmement majoritairement ne pas porter de charges lourdes quand les auxiliaires depuis l'agriculture portent des charges lourdes.
01:53:56 Comme moi, je suis économiste, j'en ai déduit que les enfants gardés à la crèche étaient beaucoup plus lourds que les autres.
01:54:01 Puis, en fait, en 2013 et 2019, cet écart se réduit considérablement. C'est-à-dire que la prise de conscience du fait qu'un enfant,
01:54:09 si merveilleux soit-il, puisse être lourd – 15, 16, 20 kg, même avant 3 ans – est venue progressivement.
01:54:17 Le contexte de travail a permis – et l'accompagnement de la CARSAT, des syndicats, des particuliers employeurs aussi, sur ce plan-là –
01:54:25 de prendre conscience d'une pénibilité qui n'était pas vécue auparavant. Et sur les questions de nettoyage et de produits chimiques, toxiques, etc.,
01:54:33 c'est également extrêmement important. Un dernier point sur les EPI, c'est aussi un support d'économie pour les entreprises.
01:54:41 Il n'y a pas de petit profit, en quelque sorte, là-dessus. Donc c'est une démarche sur laquelle on peut récupérer un petit peu.
01:54:47 Sur la monobrosse, il y a un paradoxe. On voit très bien qu'elle est fortement utilisée.
01:54:54 Normalement, la monobrosse, dans la classification de la branche, c'est automatiquement un passage en AS2.
01:54:59 Et les AS2, statistiquement, sont pas majoritaires très très très très très loin de là. C'est donc l'usage et la reconnaissance de son usage,
01:55:08 en fait, est très très décalée, parce que ça a des implications, normalement, en termes de coûts, qui devraient aussi être répercutés sur les deux dents d'ordre derrière.
01:55:19 Voilà. Juste, du coup, peut-être rappeler un tout dernier point. C'est que ces effets de coûts... Il y a des enjeux économiques, là-derrière, extrêmement importants.
01:55:26 Mais on voit bien aussi, à travers tout ce qu'on a pu dire les uns et les autres là, qu'il y a des coûts publics qui sont reportés sur les finances publiques
01:55:33 de manière majeure. Les coûts des inaptitudes, le coût sur l'assurance santé, sur l'assurance maladie, etc., qui ne sont pas intégrés dans les calculs.
01:55:41 Lorsqu'une décision d'externalisation, par exemple, est faite, on oublie qu'au final, c'est bien derrière la collectivité publique
01:55:49 qui récupérera la dépense. — Merci. Mme Annie Thébaumonny souhaitait redire un petit mot. Et après, je vous laisse la conclure, monsieur.
01:55:58 — Juste pour dire, par rapport à la question des coûts, que tous les cancers professionnels qui ne sont pas reconnus sont portés au compte
01:56:10 du régime général et de l'assurance maladie et pas à la charge des employeurs. Or, il y a moins de 0,5% de tous les cancers qui sont reconnus en maladie professionnelle.
01:56:22 (Générique)

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