444 jours qui ont fait plier l'Amérique

  • le mois dernier
444 jours de calvaire pour les diplomates américains pris en otages à Téhéran, 444 jours d’humiliation pour la plus grande puissance mondiale, les États-Unis, et 444 jours de déchaînement pour les islamistes iraniens qui imposent leur volonté à leur pays et au monde entier.

Category

📺
TV
Transcript
00:00Dans la nuit du 20 au 21 janvier 1981, cinquante diplomates américains arrivent à Alger en provenance de Téhéran.
00:14Ils respirent enfin un air de liberté après avoir enduré en Iran une longue et difficile prise d'otage.
00:31La prise d'otage aura duré 444 jours de calvaire, de torture psychologique et de maltraitance physique.
00:40444 jours d'humiliation pour la première puissance mondiale qui a dû se plier aux conditions d'un Iran en pleine effervescence révolutionnaire.
00:51Le ressentiment accumulé depuis plusieurs décennies envers les États-Unis était le moteur des événements qui se sont déroulés de novembre 1979 à janvier 1981.
01:06Un ressentiment encore vif en Iran.
01:09L'ambassade des États-Unis, théâtre de la prise d'otage, devenu un musée baptisé le repère de l'espionnage américain, entretient la haine de l'Amérique.
01:39L'occupation de l'ambassade débute le matin du 4 novembre 1979.
01:46L'occupation de l'ambassade débute le matin du 4 novembre 1979.
01:54L'occupation de l'ambassade débute le matin du 4 novembre 1979.
02:05L'occupation de l'ambassade débute le matin du 4 novembre 1979.
02:11Une opération préparée par des leaders islamistes dans les universités de Téhéran qui ont galvanisé quelques 400 étudiants pour partir à l'assaut de l'ambassade américaine.
02:22Malgré le bouillonnement révolutionnaire et le sentiment anti-américain dans le pays, l'ambassade n'a pas renforcé sa sécurité.
02:31Les marines qui ont reçu l'ordre de ne pas tirer ne résistent pas longtemps.
02:41Les diplomates américains qui régentent l'Iran depuis des décennies sous-estiment cette occupation menée par des jeunes gens d'une vingtaine d'années.
02:53Je pensais que les adultes réagiraient et se rendraient compte qu'une telle situation était inacceptable.
03:03Mais en réalité, il n'y avait pas d'adultes.
03:08Ou pire, les adultes encourageaient leurs enfants qui partaient aux azimuts.
03:18J'ai vu que ça sentait le roussi quand, un ou deux jours après la prise de l'ambassade, j'ai entendu que Roménie avait apporté son soutien aux étudiants qui avaient envahi l'enceinte.
03:35Lorsque la prise d'otages commence, l'Iran est dirigé depuis peu par un haut dignitaire religieux, l'ayatollah Roménie, qui endosse rapidement les habits de guide suprême de la nation.
03:47Ses partisans l'appellent désormais l'imam Roménie.
03:52Il a été porté à la tête du pays par une révolution populaire qui a renversé le Shah Mohamed Reza Pahlavi.
03:59Celui-ci avait régné d'une main de fer pendant près de 40 ans avec le soutien politique et sécuritaire des Etats-Unis.
04:07Les foules se massent à chacune de ses apparitions, mais il sait que son pouvoir est fragile.
04:15Roménie doit composer avec toutes les forces politiques qui l'ont porté au pouvoir.
04:20Les islamistes qui lui sont dévoués, les libéraux pro-occidentaux qui le soutiennent mais veulent le cantonner à un rôle d'autorité morale, et les mouvances de gauche qui espèrent contrôler un jour le pays.
04:34Roménie entreprend d'éliminer toutes les forces politiques qui font obstacle à son pouvoir absolu.
04:40Fin stratège, il demande aux forces islamistes de mener des actions anti-américaines pour gagner les faveurs du peuple.
04:48Il ne veut pas laisser l'anti-américanisme, le sentiment le plus mobilisateur en Iran, entre les mains de la gauche de plus en plus puissante.
04:58Notre seul objectif après l'occupation était de faire savoir aux responsables politiques du pays que nous ne faisions pas partie des mouvements de gauche marxistes.
05:13Nous sommes des personnes, des militants, qui avons une expérience d'élute, de la révolution, et notre soutien à l'imam Roménie est total, est clair.
05:32Le ressentiment des Iraniens avait toujours été là.
05:36Ce que la révolution a changé, c'est que désormais les gens avaient le droit de l'exprimer, ce qu'ils n'avaient pas fait jusque-là.
05:44Et toute cette frustration, c'était comme une cocotte minute, le couvercle a sauté.
05:54L'occupation de l'ambassade par ses partisans est l'occasion espérée par Roménie pour asseoir son pouvoir.
06:01Il apporte immédiatement son soutien aux preneurs d'otages et exalte leurs actions comme une deuxième révolution encore plus grande que la première, celle qui avait renversé le Shah quelques mois auparavant.
06:14La vaste mobilisation que suscite l'occupation de l'ambassade fait apparaître Roménie comme le seul protecteur du peuple iranien, spolié depuis longtemps par les Américains.
06:26L'occasion aussi pour lui d'avoir une monnaie d'échange.
06:30La libération des otages contre l'extradition du Shah, accueillie aux Etats-Unis.
06:37L'ancien monarque est à New York depuis la fin octobre pour se faire soigner d'un cancer.
06:42Roménie est inquiet. Il craint un coup d'état américain pour remettre le Shah sur le trône.
06:49Pour moi, il n'y avait aucun doute sur l'extradition du Shah vers l'Iran.
06:55Jamais nous ne l'aurions fait.
06:58Il avait collaboré avec nous pendant bien des années, fait beaucoup de sacrifices, donc nous lui devions beaucoup.
07:07Le président Carter, quand il a donné son accord pour que le Shah vienne aux Etats-Unis pour des raisons médicales, était réticent, mais il a accepté.
07:16Il s'est tourné vers ses conseillers et a dit,
07:19« Qu'est-ce que vous me conseillerez quand notre ambassade sera occupée et nos personnels retenus en otage ? »
07:29Dès la prise de pouvoir de Roménie, plusieurs ambassades subissent des tentatives d'occupation par des groupes révolutionnaires.
07:38L'ambassade américaine elle-même avait fait face, le 14 février 1979, à une attaque de militants marxistes.
07:47Les milices de Roménie les avaient fait évacuer sans tarder.
07:52Cette fois, les Américains comprennent que ce n'est pas le même scénario.
07:57Ce sont des partisans de Roménie qui occupent l'ambassade.
08:01Le président américain Jimmy Carter pressant que les négociations seront difficiles.
08:07« Une autre option est possible », lui suggère son conseiller à la sécurité, Zbigniew Brzezinski.
08:13Une mission de sauvetage que les militaires étudient dans le plus grand secret.
08:19À Téhéran, la confusion règne dans la rue comme dans les institutions.
08:25Il n'y a pas de gouvernement.
08:28Un conseil de la Révolution, dont tous les membres sont désignés par Roménie, dirige le pays.
08:34Cette instance nomme comme ministre des Affaires étrangères Abdelhassan Banissadr.
08:40« Je suis allé voir M. Roménie qui m'a dit nous allons garder les otages trois ou quatre jours,
08:46le temps que l'Amérique prenne conscience de ses crimes et après nous les libérerons.
08:50J'ai donc accepté le ministère des Affaires étrangères. »
08:58La prise d'otages dure depuis une quinzaine de jours quand Roménie fait un geste.
09:04Il charge son fils, Ahmad Roménie, de libérer quelques otages.
09:10Celui-ci choisit d'en libérer treize, uniquement des Afro-américains et des femmes.
09:19Banissadr, officiellement chargé du sort des otages, n'a pas les mains libres.
09:25Roménie lui interdit tout contact direct avec les Américains.
09:30Avec son conseiller, Ahmad Salamatian, ils en appellent à l'ONU
09:34et demandent la réunion du Conseil de sécurité.
09:37Ils espèrent obtenir une décision équilibrée,
09:40d'un côté la condamnation des États-Unis pour ses ingérences sous le règne du Shah
09:45et de l'autre la libération des otages.
09:48« Donc je suis parti aux Nations Unies avec cette mission,
09:52que j'essaye de faire de la sorte que le Conseil de sécurité des Nations Unies
09:57se réunit avec l'ordre de jour de l'affaire des otages
10:02et que le responsable du ministère des affaires étrangères iranien,
10:06M. Banissadr, lui-même, il viendra sur place
10:09et on arrivera à la conclusion d'un accord.
10:13J'étais convaincu que c'était possible, c'était faisable. »
10:18« Lorsqu'il fallait que je me rende au Conseil de sécurité des Nations Unies
10:22pour résoudre le problème, M. Roumeni a publié un communiqué
10:25dans lequel il disait « Personne ne participera au nom de l'Iran au Conseil de sécurité de l'ONU. »
10:31J'ai donc démissionné de mon poste de ministre des affaires étrangères. »
10:36« Le matin, j'ai, 4h-5h du matin, lu les dépêches concernant
10:42le fait qu'au ministre des affaires étrangères, il ne revenait pas.
10:45Permettez-moi de vous dire que jusqu'au moment où j'ai pris l'avion et je suis sorti,
10:50je me cachais des diplomates des Nations Unies.
10:54Parce que j'avais honte. »
10:57Les Américains, impuissants, regardent s'égrener le décompte des jours de captivité,
11:03sans nouvelles de leurs compatriotes restés entre les mains de Roumeni.
11:07Les Iraniens, eux, assistent à la valse des responsables au sommet du pouvoir.
11:13Fin novembre 1979, un nouveau ministre des affaires étrangères est désigné, Saadet Rotzadeh.
11:22Un homme ambitieux qui pense que sa proximité avec Roumeni
11:26lui octroiera des marges de manœuvre pour résoudre la crise des otages.
11:32Sachant qu'il est interdit de parler avec les Américains,
11:36il demande à deux amis, l'avocat français Christian Bourguet
11:40et un homme d'affaires argentin, d'entrer en relation avec l'administration américaine.
11:48Dès les premiers contacts, le président Jimmy Carter donne un signe de bonne volonté aux Iraniens.
11:54Il demande au Shah de quitter le sol américain et d'aller se faire soigner au Panama,
11:59un pays sous le contrôle des États-Unis.
12:04Au nom de l'Iran, l'avocat Christian Bourguet veut lancer une procédure d'extradition.
12:10Le président panaméen joue un double jeu.
12:13D'un côté, il dit aux Iraniens qu'une procédure judiciaire est possible
12:18et de l'autre, il garantit au Shah sa sécurité.
12:22Rotzadeh depuis toujours avec Roumeni, il mettait Roumeni devant le fait accompli.
12:27C'était pas quelqu'un pour aller parler avant l'action avec Roumeni.
12:33Rotzadeh faisait l'action et après il allait faire l'empaquettement.
12:42L'ONU, l'Organisation des Nations Unies,
12:45cherche toujours un moyen de dénouer cette crise internationale aux conséquences imprévisibles.
12:52Avec l'accord du président américain, le secrétaire général de l'ONU se rend à Téhéran début janvier 1980.
13:00Kurt Waldheim espère rencontrer à la fois les otages américains pour s'assurer de leur santé
13:07et Roumeni pour négocier leur libération.
13:10Mais c'est une foule en colère qui l'accueille.
13:13Des centaines d'Iraniens déversent sur lui toute leur haine du Shah,
13:17accusé de torture et de crimes commis avec la complicité des Américains.
13:29Kurt Waldheim repart de Téhéran sans avoir rencontré ni Roumeni ni les otages.
13:39Il dira plus tard qu'il a eu peur pour sa vie.
13:45L'ONU ne renonce pas pour autant à jouer un rôle de médiateur.
13:51Waldheim accepte la proposition de Sade Rotzadeh de constituer une commission
13:56pour désamorcer la situation explosive à Téhéran.
14:02Dans les couloirs de l'ONU, les tractations pour la composition de la commission durent plusieurs semaines.
14:10Celle-ci est enfin constituée en février et arrive à Téhéran avec la mission officielle
14:16d'enquêter sur les ingérences criminelles des Américains en Iran durant le règne du Shah.
14:22Mais il s'est trouvé que nous sommes allés au-delà.
14:26Avec l'accord exprès de tout le monde, y compris des Iraniens eux-mêmes,
14:32la commission cherchait une solution à la libération des otages
14:36et de proche en proche souhaitait véritablement rencontrer les otages.
14:45Il nous est venu à l'esprit qu'une telle visite des membres de la commission de l'ONU
14:50pourrait être un moyen de recueillir des informations
14:55et qu'ensuite ces informations pourraient être utilisées pour nuire aux otages et à nous, étudiants.
15:06Monsieur Khomeini a fait une déclaration pour dire que la commission de l'ONU doit remettre son rapport avant de quitter l'Iran.
15:12La commission est venue me voir pour me dire
15:17Eh bien, vous savez, après une telle déclaration,
15:22même si nous voulons faire un rapport, il n'aura aucune validité.
15:29Les membres de la commission refusent de se plier à l'exigence de Khomeini
15:34et quittent Téhéran sans avoir vu les otages ni avoir pu amorcer l'ombre d'une solution pour leur libération.
15:42Leur mission est un échec.
15:45L'impuissance de l'ONU pour résoudre cette crise internationale est criante.
15:52Durant ces tentatives de médiation de l'ONU,
15:55les contacts secrets entre les Américains et les Iraniens n'ont jamais cessé.
16:00Des échanges menés par l'intermédiaire de l'avocat français Christian Bourguet.
16:05Mi-février, celui-ci organise une rencontre clandestine à Paris
16:10entre le ministre iranien des Affaires étrangères et le chef de cabinet de Carter.
16:15Hamilton Jordan arrive dans la capitale française sous un faux nom,
16:20déguisé avec une perruque et une moustache.
16:24Sader Qodsadeh, lui, est en France pour un voyage officiel.
16:29Les deux hommes se retrouvent en toute discrétion dans un hôtel pour un dîner.
16:36Sader Qodsadeh commence le tête-à-tête en exprimant son inquiétude.
16:41Si cette rencontre est connue des communistes en Iran,
16:45je perdrai au moins mon emploi et peut-être ma tête.
16:49Il rassure son interlocuteur sur la vie des otages,
16:52ajoutant qu'il a un plan pour leur libération.
16:55Pour lui, la colère du peuple iranien et la prise d'otages
16:59s'expliquent par la domination qu'exercent les Etats-Unis sur l'Iran
17:03depuis une trentaine d'années.
17:06L'Américain répond qu'il faut se tourner vers l'avenir
17:09et souligne que le président Carter n'est pas interventionniste,
17:13malgré les pressions de nombreux Américains qui demandent une action militaire.
17:18Qodsadeh souhaite de nouvelles relations avec les Etats-Unis.
17:22Hamilton Jordan en profite pour lui glisser une note
17:26sur le renforcement de l'armée soviétique aux frontières de l'Iran
17:30et lui parle d'une menace imminente.
17:33Pendant cette crise, il y a eu un événement majeur
17:36qui aurait pu se surposer sur la crise elle-même.
17:42C'était l'invasion de l'Afghanistan.
17:46On se demandait si cette prise d'otages par les Iraniens
17:50n'allait pas laisser la place à une confrontation majeure
17:54entre les deux super grands.
17:57Cela a donné à réfléchir davantage à M. Jimmy Carter.
18:06Les chars de l'URSS sont aux portes de l'Iran.
18:10Les Soviétiques ont envahi l'Afghanistan fin 1979
18:15pour venir au secours d'un gouvernement allié
18:18menacé par une insurrection islamiste aidée en sous-main par les Américains.
18:24En cette période de guerre froide,
18:26la Maison-Blanche imagine un scénario catastrophe.
18:30L'arrivée à Téhéran des Soviétiques
18:33qui ont désormais deux portes d'entrée vers l'Iran,
18:36la frontière nord et la frontière est.
18:39Les rapports de la CIA sont doublement alarmants.
18:43Ils parlent des troupes soviétiques amassées aux frontières iraniennes
18:47et de la montée en puissance de la gauche et des communistes en Iran.
18:52Les Américains se demandent si avoir affaire à Roménie
18:56n'est pas mieux que de voir un gouvernement communiste s'installer à Téhéran.
19:03Un de nos problèmes était qu'on n'avait pas d'informations
19:07sur les coulisses du gouvernement iranien.
19:11On n'avait aucun moyen d'influencer leurs décisions.
19:17On était seuls à gérer un adversaire inconnu.
19:22Permettez-moi de vous dire que les États-Unis d'Amérique,
19:26la caractéristique la plus importante de leur politique concernant l'Iran,
19:30c'est l'auto-aboglement.
19:32Donc ils n'avaient aucune perception sur l'analyse
19:35de la situation politique intérieure iranienne.
19:37Ça les dépassait complètement.
19:39L'extradition du Shah, espérée par les Iraniens, n'aura pas lieu.
19:44Le 4 mars 1980, le Shah quitte le Panama pour se réfugier en Égypte,
19:49dirigée par son ami Anwar el-Sadat.
19:53Christian Bourguet, déçu, ne désespère pas
19:56de trouver une solution négociée avec les Américains.
20:00Sur le chemin du Panama à Téhéran,
20:03l'avocat français s'arrête à Washington pour voir Hamilton Jordan.
20:07Celui-ci lui réserve une surprise,
20:10une rencontre avec Jimmy Carter.
20:14Christian Bourguet est impressionné de rencontrer le président américain.
20:18Il veut lui montrer les points positifs de la situation.
20:22Pour lui, les Iraniens pourraient être satisfaits
20:25par le départ du Shah du Panama.
20:27S'il fuit la justice, c'est parce qu'il a commis des crimes.
20:31Il tente de rassurer Carter sur les négociations en cours
20:34sur les otages et parle de progrès.
20:37Jimmy Carter, en colère, répond.
20:39« Je ne vois pas qu'il y ait le moindre progrès.
20:42Nous sommes exactement dans la même position qu'il y a 4 mois.
20:45Les otages souffrent tous les jours.
20:48Notre patience commence à ressembler à une démonstration de lâcheté.
20:52Il faut que quelque chose change. »
20:55« Nous n'avions aucun contact fiable.
20:58Les gens qui voulaient nous parler n'avaient pas d'influence.
21:01Les gens qui avaient de l'influence ne voulaient pas nous parler. »
21:04Ce qui a représenté quelque chose de particulièrement impressionnant,
21:11c'est le fait que toute la batterie des modes de règlement
21:15qu'ils avaient envisagé a échoué.
21:20Cela fait 155 jours que des citoyens américains
21:24sont entre les mains de leurs geôliers iraniens.
21:27Une situation insupportable pour de nombreux Américains
21:31qui manifestent leur exaspération.
21:34Le président américain ne peut pas rester sourd
21:37à cette colère qui gronde dans son pays,
21:40d'autant qu'il est candidat pour un deuxième mandat
21:43à l'élection présidentielle qui aura lieu dans quelques mois.
21:47Le 7 avril, Jimmy Carter se résout enfin à prendre des décisions fortes.
21:52Lors d'un déplacement dans l'avion présidentiel Air Force One,
21:56il détaille les résolutions qu'il annoncera au peuple américain,
22:00comme l'embargo total sur l'Iran et la rupture diplomatique.
22:04Il décide également d'intensifier les préparatifs
22:08en vue d'une opération militaire.
22:11Jimmy Carter demande à son chef de cabinet
22:14de revoir le ministre des Affaires étrangères Sader Qodsadeh
22:17pour évaluer ce que savent les Iraniens
22:20de l'opération de sauvetage en préparation.
22:23Une deuxième rencontre clandestine est organisée, toujours à Paris.
22:29Le ministre iranien proteste contre l'embargo
22:32et la rupture diplomatique décidée par Carter.
22:35Puis, il met en garde Hamilton Jordan.
22:38J'espère que votre président ne fera rien d'irréfléchi
22:41comme attaquer mon pays.
22:43L'Américain répond que rien de ce genre ne se produira.
22:47Qodsadeh ignore que cette rencontre fait partie
22:50d'une campagne de désinformation des Américains
22:53pour faire croire aux Iraniens
22:55qu'ils privilégient toujours la négociation.
22:58Qodsadeh ne rassure pas Jordan sur le sort des otages.
23:01Il pense qu'il faudra encore des mois
23:04avant qu'ils ne puissent rentrer chez eux
23:07car la situation en Iran est très tendue.
23:10L'hésitation sur la mission de sauvetage est levée.
23:13Le 20 avril, le compte à rebours de l'opération militaire est lancé.
23:17Le conseiller à la sécurité Brzezinski
23:20voit enfin se réaliser ce qu'il préconise
23:23depuis le début de la prise d'otages.
23:26L'opération Eagle Claw débute un soir
23:29au large de la mer d'Oman.
23:32Elle doit durer tout le week-end iranien,
23:35les jeudis 24 et vendredis 25 avril
23:38pour une meilleure sécurité,
23:41pensent les stratèges du Pentagone.
23:448 hélicoptères décollent du porte-avions Nimitz
23:47et 6 avions C-130 Hercule
23:50partent de la base américaine de l'île de Masira.
23:53120 hommes se trouvent dans les appareils qui volent
23:56à basse altitude, de nuit,
23:59pour réaliser Desert One dans le désert iranien
24:02à 300 km de Téhéran.
24:05L'opération doit se poursuivre par le transport en hélicoptère
24:08des troupes d'assaut vers une base plus proche de Téhéran
24:11avant de les acheminer par camion
24:14jusqu'à l'ambassade occupée.
24:17Ce scénario ne se réalisera pas.
24:20Plusieurs incidents surviennent dans l'exécution de la mission
24:23jusqu'à l'accident fatal à Desert One
24:26entre un hélicoptère et un avion transportant
24:29les réserves de carrossels.
24:32Impossible de poursuivre l'opération.
24:35L'ordre est donné de rebrousser chemin.
24:38Les Américains laissent derrière eux
24:418 soldats morts dans l'incendie.
24:47Le président Carter avait essayé une opération militaire
24:50qui, honnêtement, était très dangereuse
24:53et très difficile.
24:56Je ne vois pas quelle solution possible
24:59qui nous aurait gardés sains et saufs
25:02et nous aurait sortis de là vivants.
25:09Peu de gens approuvaient cette action
25:12car nous avions vu que les Iraniens
25:15étaient sans merci
25:18et n'hésiteraient pas à mitrailler leurs ennemis
25:21pour défendre leurs intérêts.
25:27Le secrétaire d'Etat Cyrus Vance,
25:30qui s'était toujours opposé à une action militaire,
25:33démissionne de ses fonctions.
25:36Un coup dur pour Jimmy Carter
25:39qui perd un précieux collaborateur et un ami.
25:42Dès que l'échec de l'opération est connu,
25:45le président américain demande à tous ses conseillers
25:48pour leur faire savoir que les États-Unis
25:51n'ont aucune intention d'envahir leur pays.
25:54La vie des otages reste sa première préoccupation.
25:57Le lendemain, il affronte les militaires
26:00lors d'un débriefing de la mission.
26:03Cette réunion du 26 avril
26:06est pénible pour le président Carter.
26:09Il a été poussé à l'action militaire
26:12par certains de ses collaborateurs
26:15mais il n'est pas seul l'échec.
26:18Il se fait même sermonner par les militaires
26:21qui critiquent son commandement.
26:24Carter ne répond pas aux reproches.
26:27Personne ne veut s'attarder sur l'échec de l'opération.
26:30Le président oriente les discussions
26:33sur une nouvelle mission de sauvetage.
26:36Là encore, les discussions dérapent.
26:39Toutes les options sont évoquées,
26:42mais le président n'a pas l'intention
26:45d'envoyer une réunion chaotique
26:48sans aucune autocritique des militaires
26:51ni décision prise pour la suite.
26:54Aucune analyse de terrain
26:57n'aurait pas imaginé,
27:00n'aurait pas donné une chance
27:03sur mille
27:06à l'opération de sauvetage
27:09en plein corps de Téhéran
27:12en évolution révolutionnaire
27:15par quelques commandos et quelques hélicoptères
27:18qui allaient débarquer dans un désert
27:21de 200-300 kilomètres plus loin.
27:24À l'ambassade, il y avait des centaines,
27:27une moyenne de 200 étudiants armés
27:30prêts à tout pour défendre cette occupation.
27:33L'ambassade elle-même
27:36était très grande.
27:39On ne savait pas
27:42où les différents otages
27:45pouvaient se trouver.
27:48Ils n'étaient pas tous ensemble.
27:51Les partisans de Roménie
27:54voient la main de Dieu dans l'échec de l'opération.
27:57L'Iran, qui respecte pieusement
28:00les principes de l'islam, a été protégé.
28:03L'exécuteur des bases-oeuvres du régime
28:06fait transporter les corps carbonisés
28:09des soldats américains
28:12pour les exhiber devant la presse.
28:15Après cette action de propagande,
28:18les corps sont remis à l'ambassade suisse
28:21qui représente les intérêts américains en Iran.
28:24L'ambassade suisse s'est d'abord occupée
28:27des corps qui représentaient quelque chose
28:30qui ne permettait pas de les récupérer
28:33et de les ramener aux Etats-Unis.
28:36Roménie est en train de se renforcer
28:39de l'échec de l'opération militaire.
28:42Mais il doit encore partager le pouvoir.
28:45Son ancien ministre des Affaires étrangères,
28:48Bani Sadr, a été élu à la présidence
28:51de la République à une très large majorité
28:54avec 76% des voix.
28:57Bien que très populaire,
29:00il ne parvient pas à affirmer son autorité
29:03face à Roménie et attendra longtemps
29:06un feu vert pour la formation d'un gouvernement.
29:09Il n'arrive pas non plus à s'imposer
29:12face aux preneurs d'otages
29:15qui n'obéissent qu'à Roménie.
29:18Le président Bani Sadr ne sera même pas informé
29:21du déplacement des Américains
29:24ni de leur nouveau lieu de captivité.
29:27Une nuit, ils sont venus nous dire
29:30« Rassemblez vos affaires, ce que vous avez.
29:33On vous déplace.
29:36On vous déplace loin,
29:39pas juste d'une chambre à une autre.
29:42Ce sera un long voyage. »
29:45Moi j'ai atterri à Isfahan,
29:48la ville d'Isfahan,
29:52Nous les étudiants avons senti
29:55que de réels dangers pouvaient exister
29:58pour les otages et pour nous.
30:01C'est alors que nous avons immédiatement
30:04décidé de disperser les otages
30:07dans différentes régions de l'Iran
30:10pour empêcher les interventions militaires,
30:13les opérations terroristes
30:16et de guérillas.
30:19On les a dispersés absolument partout
30:22dans le territoire iranien
30:25et on en a perdu les traces.
30:28La CIA n'a pas su localiser
30:31ces otages ou la plupart de ces otages
30:34jusqu'à la fin de la crise.
30:37L'échec de l'opération militaire
30:40des Américains est une occasion
30:43inespérée pour Roménie
30:46qui ne veut pas que les élections
30:49parlementaires lui échappent
30:52comme lui avait échappé
30:55l'élection présidentielle.
30:58Le bras de fer qu'il a engagé
31:01avec la Maison-Blanche lui permet
31:04d'apparaître comme le seul capable
31:07de faire plier la puissance américaine.
31:10Début mai, ses partisans remportent
31:13qu'il n'y avait pas d'opposition
31:16à l'élection présidentielle.
31:19Les amis de Banisadr se retrouvent
31:22en minorité et la gauche
31:25dans son ensemble est éliminée.
31:28Au moins les 8 ou 9 premiers mois,
31:31nous étions utiles pour créer
31:34l'hystérie et rallier des soutiens
31:37aux factions les plus extrêmes,
31:41radicales de la politique iranienne.
31:46La héto de la Roménie comme un homme
31:49politique des moments révolutionnaires,
31:52il a utilisé, subtilisé l'affaire
31:55des otages pour un moyen d'éliminer
31:58toutes ses adversaires et constituer
32:01un pouvoir qui était le pouvoir
32:04qui était le plus contrôlé par lui-même
32:08A la mi-mai 1980,
32:11les élections en Iran sont terminées
32:14mais les otages croupissent toujours
32:17dans les geôles iraniennes depuis 200 jours.
32:20Aux Etats-Unis, la campagne
32:23présidentielle bat son plein.
32:26Jimmy Carter tente de faire bonne figure
32:29lors des meetings pour le renouvellement
32:32de son mandat mais il n'a aucune prise
32:35les militaires militants,
32:38le soutien mollement.
32:41Aucun d'eux ne souhaite de confrontation
32:44avec les Iraniens.
32:47C'est l'allié de toujours
32:50qui vient à son secours.
32:53Le chancelier de l'Allemagne fédérale
32:56Helmut Schmidt veut l'aider
32:59à trouver une voie de négociation.
33:02d'aider le monde en empêchant le conflit Iran-États-Unis de s'aggraver.
33:06Les Allemands comme les Suisses, non seulement nous ont informés,
33:10mais ont demandé avec insistance aux États-Unis d'accepter une médiation algérienne,
33:19parce que tout le monde voyait que l'Algérie était, à cette époque-là, dans ces circonstances-là,
33:27le pays qui avait le plus de chances de réussir une libération des otages.
33:35En Algérie, ce sont des musulmans.
33:38Aux yeux de l'imam Khomeini et des leaders révolutionnaires iraniens,
33:42la révolution algérienne était très respectée.
33:46Et une telle confiance n'existait pas envers les Suisses,
33:50envers les Suédois, envers les Nations Unies, envers les Allemands,
33:53mais elle existait envers les Algériens.
33:58Les Algériens ont été sollicités pour nous aider et ils ont refusé.
34:03Ils disaient toujours, quand on les sollicitait, que ce n'était pas le bon moment.
34:10Le diplomate qui connaît le mieux la situation iranienne
34:14est l'ambassadeur d'Algérie à Téhéran, Abdelkrim Raïb.
34:18Il entretient depuis longtemps des contacts privilégiés avec l'entourage de Khomeini.
34:23À ce nomologue suisse, qui représente les intérêts américains
34:26depuis l'occupation de l'ambassade, il conseille.
34:30« Si tu veux réussir à régler les problèmes en Iran,
34:33oublie les voies diplomatiques conventionnelles. »
34:37L'ambassadeur algérien sait que les vraies négociations ne seront possibles
34:41que lorsque Khomeini leur a décidé.
34:45Khomeini n'est pas pressé d'entrer en négociation.
34:48Il veut peser sur l'élection présidentielle américaine
34:51en empêchant la réélection de Jimmy Carter.
34:54Il lui voue une haine tenace depuis son soutien aux chats
34:58lors du soulèvement populaire.
35:02Comme un marionnettiste qui manipule les différents protagonistes,
35:06Khomeini fait appel cette fois aux parlementaires nouvellement élus
35:10pour s'occuper de l'affaire des otages.
35:13Une volonté de faire durer cette crise,
35:16car le Parlement est déjà empêtré dans des guerres de clans
35:19et des procédures interminables.
35:25« C'est arrivé, par exemple, que moi, comme député,
35:29pendant trois mois, ils ont traîné sur mes accréditations
35:33parce que j'étais accusé de complicité avec les États-Unis.
35:37À ce moment-là, je peux dire que l'étiquette de pro-américain vermine occidentale,
35:44ça continuait à faire contre tout quiconque
35:48qui était au pouvoir et qu'on voulait éliminer. »
35:52L'analyse de l'imam Khomeini était que, finalement,
35:56notre action était une action menée par le peuple,
35:58et qu'il revient donc aux représentants du peuple
36:01de décider de la fin de cette affaire.
36:06La libération des otages n'est toujours pas à l'ordre du jour du Parlement.
36:11Les tractations pour la désignation d'un gouvernement dureront plusieurs mois.
36:16Ce n'est que fin août 1980, après d'interminables affrontements
36:21entre les partisans de Khomeini et ceux du président Banissadr,
36:25qu'un gouvernement est enfin nommé.
36:27À sa tête, Mohamed Ali Rajoui, un opposant à Banissadr.
36:34Le président est ainsi écarté de toutes les affaires importantes.
36:41Sadeh Qodsadeh, l'homme des négociations secrètes avec les Américains,
36:45ne figure pas dans le nouveau gouvernement.
36:48Il a perdu l'appui de son mentor Khomeini.
36:52Après une longue période de disgrâce,
36:54il sera accusé de préparer un coup d'État et mourra exécuté.
37:02Pendant les longs mois de guerre intestine au sein du pouvoir iranien,
37:06les otages américains sont toujours détenus dans des lieux secrets.
37:13Le destin de présidence de la République, le destin du Parlement,
37:17le destin du régime à venir a été pris en otage.
37:21La solution est arrivée à un moment où on avait déjà fait de président de la République
37:29un président pour l'inauguration du chrysanthème.
37:33Khomeini a éliminé tous les obstacles devant lui.
37:37La théocratie qu'il dirige est fermement installée.
37:41Le Parlement et le gouvernement lui sont complètement acquis.
37:45La menace d'un retour du Shah au pouvoir s'éloigne définitivement
37:49quand Mohamed Reza Pahlavi meurt des suites de son cancer le 27 juillet dans un hôpital du Caire.
37:57Khomeini a tiré tout le profit possible de l'affaire des otages.
38:02Mais il ne veut pas les libérer sans contrepartie du côté américain.
38:06Pendant que le Parlement s'agite sur le sort des otages,
38:10il donne son accord à un membre de sa famille, Sader Tabatabai,
38:14pour prendre contact avec les américains et leur faire savoir qu'il est enfin prêt à négocier.
38:21Sader Tabatabai, par l'intermédiaire de la diplomatie allemande,
38:26avait réussi d'établir le contact entre,
38:31indirect mais de contact sûr,
38:34entre la maison de Khomeini et les américains.
38:38Et ils sont arrivés à une conclusion,
38:41que M. Khomeini prononce quelques phrases pour que les américains soient sûrs
38:47que Sader Tabatabai représente très bien la volonté de Khomeini.
38:51C'est dans un journal du 13 septembre 1980,
38:55au milieu d'un message adressé aux pèlerins en partance pour la Mecque,
38:59que Khomeini glisse les conditions qu'il veut imposer à la Maison-Blanche.
39:03Restitution à l'Iran des biens du Shah,
39:06levée de toutes les sanctions contre l'Iran,
39:09garantie de non-intervention politique ou militaire,
39:12et enfin, déblocage des avoirs iraniens détenus par les États-Unis.
39:17Jimmy Carter connaît enfin les quatre points sur lesquels une négociation est possible.
39:23Il envoie son secrétaire d'État adjoint Warren Christopher,
39:27en Allemagne, rencontrer le chancelier Helmut Schmidt.
39:31Les allemands organisent pour l'américain
39:35deux rendez-vous dans la banlieue de Bonn avec Sader Tabatabai,
39:39l'émissaire de Khomeini, les 16 et 18 septembre.
39:43Les premiers échanges semblent prometteurs,
39:46mais les deux hommes ne se reverront pas.
39:52Le 22 septembre, l'Irak de Saddam Hussein lance une offensive contre l'Iran.
40:00Une guerre qui met fin à tout contact entre la Maison-Blanche et l'entourage de Khomeini.
40:09Les iraniens ne sont pas dupes.
40:11Ils savent que le dictateur irakien a reçu l'aval des États-Unis
40:15pour se lancer dans une guerre sanglante.
40:19Les irakiens veulent annexer des territoires,
40:22et les américains espèrent ainsi fragiliser l'Iran de Khomeini.
40:29Elle a tout de suite été considérée comme un élément
40:33qui allait permettre une solution plus rapide de cette crise.
40:37Par un calcul évidemment très simple, non ?
40:40Les iraniens attaqués sur le front extérieur
40:44vont devoir céder sur cette question qui les oppose aux États-Unis
40:51et dont ils avaient déjà tiré tout ce qu'ils pouvaient tirer.
40:57Aux États-Unis, le 4 novembre 1980,
41:00cela fait un an, jour pour jour, que les otages américains sont retenus en Iran.
41:05Mais cet anniversaire passe au second plan.
41:08C'est l'élection du républicain Ronald Reagan
41:11qui fait la une de toutes les télévisions américaines.
41:14Dans moins de trois mois,
41:16il succédera au démocrate Jimmy Carter à la Maison Blanche.
41:19Pour Khomeini, la satisfaction de voir la défaite de Carter
41:23n'écarte pas le danger que représente l'élection de Reagan
41:26qui, durant sa campagne électorale,
41:28avait évoqué une action militaire contre l'Iran.
41:31Le maître des horloges sait qu'il n'a plus beaucoup de temps
41:34pour régler l'affaire des otages.
41:36L'Algérie est enfin sollicitée pour mener les négociations avec les Américains.
41:43La république islamique n'avait pas d'autre choix.
41:46Les responsables iraniens savaient que Reagan n'était pas comme Carter.
41:50Les républicains n'étaient pas comme les démocrates.
41:54Ils savaient que Reagan ne viendrait pas s'asseoir autour d'une table
41:58pour négocier.
41:59Ils avaient donc peur qu'une fois en fonction,
42:02ils lanceraient une intervention en Iran.
42:06Chaque jour, le peuple américain scrute le décompte
42:09des jours de captivité de leurs compatriotes.
42:12Au 372ème jour enfin, l'espoir d'une libération renaît.
42:17Début novembre 1980, les négociations tant attendues commencent à alger.
42:23Les Algériens endossent le rôle d'intermédiaires
42:26dans ce qui sera un long marathon de tractations et de marchandages,
42:30de compromis et de chantage.
42:34Warren Christopher et ses conseillers s'installent dans la capitale algérienne
42:38avec l'intention d'y rester jusqu'au dernier jour du mandat de Jimmy Carter
42:43pour tenter d'arracher un accord.
42:46Les négociateurs algériens agissent à l'avance.
42:51Les négociateurs algériens,
42:53avec à leur tête le ministre des Affaires étrangères Mohamed Ben Yahya,
42:57établissent rapidement une méthode de travail.
43:01Traiter les discussions en deux parties,
43:04celle portant sur l'accord politique
43:06et celle plus complexe autour des avoirs iraniens
43:09et des biens du Shah réclamés par l'Iran.
43:13Les Iraniens refusant toujours de parler directement avec les Américains,
43:17les diplomates algériens font des allers-retours entre Alger et Téhéran
43:21afin de rapprocher les points de vue des deux parties.
43:26Les négociateurs algériens venaient en Iran,
43:29écoutaient nos demandes et négociaient avec nous.
43:33Ils nous faisaient aussi part des demandes des Américains
43:37et communiquaient nos suggestions et propositions à Alger.
43:42Et là-bas, ils négociaient avec Warren Christopher
43:46et l'équipe américaine basée à Alger.
43:50L'Algérie n'est pas devenue un simple facteur
43:55transmettant la position exprimée par l'Iran
44:02aux États-Unis en faisant l'inverse.
44:06C'était un agent actif
44:10qui allait inventer lui-même des solutions aux deux parties
44:16qui les acceptaient ou qui les discutaient, etc.
44:21Je pense que le premier signe que quelque chose de positif se passait
44:29c'était vers Noël 1980
44:33quand on a reçu la visite de deux ou trois diplomates algériens.
44:42Donc je me suis dit, là, ça devient sérieux.
44:47Il se passe quelque chose.
44:51Le sort des otages se joue autant à Alger qu'à Téhéran ou Washington.
44:57La capitale algérienne est devenue le lieu
45:00par où transitent les propositions et contre-propositions des deux partis.
45:05Les Iraniens comme les Américains veulent aller vite.
45:09L'accord politique est assez vite conclu.
45:12Les États-Unis s'engagent par écrit
45:14à respecter une politique de non-intervention
45:17à l'égard de la République islamique.
45:20Ils garantissent également qu'aucun des otages
45:23ne demandera une indemnisation à l'Iran
45:25pour les longs mois de captivité.
45:28C'est sur l'accord financier que les négociations bloquent.
45:35Le président Carter signe un décret qui gèle les biens du Shah
45:39mais il ne peut garantir le renvoi en Iran
45:41des sommes détenues par des banques privées.
45:47Les négociateurs iraniens font du chantage
45:50pour montrer à leur peuple qu'ils résistent à l'adversaire américain.
45:58Si l'Amérique veut, elle peut exécuter les conditions de l'accord
46:02et remettre les banques privées.
46:04Si elle ne veut pas, on n'a pas de problème.
46:07Malgré cette menace, les négociateurs iraniens savent
46:10que Khomeini veut que les discussions aboutissent coûte que coûte.
46:15Le 14 janvier, à six jours de la fin du mandat de Carter
46:19et donc de la fin des négociations,
46:21l'Iran accepte enfin le principe d'un recours en justice
46:25pour espérer récupérer les biens du Shah.
46:28Les deux parties devront également passer par un tribunal international
46:32afin d'arbitrer leurs nombreux contentieux commerciaux.
46:37Les Iraniens et les Américains ne sont toujours pas d'accord
46:40sur l'évaluation des avoirs et des dettes de l'Iran.
46:44L'Algérie avait évidemment des relations relativement privilégiées avec l'Iran
46:49mais c'était la bonne occasion d'en profiter pour amener l'Iran à la chéprise.
46:55C'est bien possible que les Algériens aient voulu que la crise se termine
47:00car ils ne voulaient pas rester impliqués plus longtemps.
47:04Ils ont donc appuyé ce qu'ils considéraient être une approche équilibrée
47:09dans ces négociations.
47:15Le gouvernement algérien a complètement joué son rôle de médiateur.
47:21Il n'a jamais fait pression sur le gouvernement iranien.
47:26S'il y avait des pressions, c'était surtout de l'intérieur du pays.
47:30Je me souviens que pendant les négociations,
47:33je recevais deux ou trois appels téléphoniques par semaine
47:36d'Ahmad Roumeni, le fils de l'imam Roumeni,
47:42me demandant de la part de son père comment avançaient les négociations.
47:49Il était très inquiet.
47:52Jimmy Carter et son équipe sont inquiets, eux aussi.
47:56Ils voient les heures s'écouler et l'accord financier toujours pas conclu.
48:01Depuis Alger, Warren Christopher tient au courant le président
48:05de chaque petite avancée dans cette ultime négociation.
48:09L'Iran réclame des sommes que l'administration américaine conteste.
48:14Avant la chute du Shah, de très nombreux contrats civils et militaires
48:18liaient les deux pays.
48:20Certains payaient en avance avant même leur exécution.
48:23Les Iraniens réclament les sommes versées.
48:26Les Américains, eux, sortent leur ardoise pour calculer les dettes contractées par l'Iran.
48:32Ce qui explique l'imbroglio financier qui mobilise le président américain
48:36et ses collaborateurs.
48:39Carter est épuisé.
48:41Il a peu dormi depuis plusieurs jours.
48:44Minute par minute, il suit les négociations
48:47malgré le décalage horaire entre Téhéran, Alger et Washington.
48:53À Téhéran, une énième crise au sommet du pouvoir iranien
48:57sème la confusion.
48:59Le président Bani Sadr, bien qu'écarté des négociations par Roménie,
49:03tente d'empêcher un accord.
49:05Il reproche les concessions faites aux Américains.
49:09L'Algérie propose de geler une somme pour des arbitrages ultérieurs.
49:16Le 19 janvier, la veille de la fin du mandat de Carter,
49:20les Iraniens transigent sur le chiffre de près de 8 milliards de dollars.
49:25Une somme qui doit être déposée sur un compte à la Banque d'Angleterre
49:29gérée par l'Algérie pour faire face aux futurs arbitrages.
49:33Le président de la Banque d'Angleterre, Harold,
49:38est en train de se faire un appel.
49:41Bonjour, Harold.
49:43Bonjour, Bill.
49:45Allons-y.
49:49Pourquoi le nom ?
49:52Il fait froid.
49:55En Algérie, je parlais à Chris
49:58il y a une demi-heure.
50:00Il m'a dit qu'ils vérifiaient chaque portion de l'argent
50:04en comparant-le avec une liste.
50:09Il m'a dit qu'ils devraient avoir la certification dans 15 minutes.
50:13C'est donc 15 minutes trop tard.
50:15Le 20 janvier, vers 7h30 du matin, heure de Washington,
50:19Londres, puis Algérie, certifient l'arbitrage.
50:23Les négociateurs algériens en informent immédiatement les Iraniens.
50:28Téhéran doit aussi confirmer par une signature
50:32son accord pour le gel de cette somme de près de 8 milliards de dollars.
50:39Le président Carter n'est pas au bout de ses peines.
50:42La signature iranienne se fait attendre.
50:45Il est temps de faire face aux futurs arbitrages.
50:49Il rejoint la cérémonie d'investiture de son successeur
50:53sans avoir réussi à libérer les otages durant son mandat.
50:59À 12h05, heure de Washington,
51:02l'accord a été signé par Nabavi.
51:05Pourquoi ?
51:07Évidemment, pour atteindre ce moment précis
51:11de l'arbitrage de l'argent.
51:15Évidemment, pour atteindre ce moment précis,
51:19ce moment neutre entre un président haï
51:24auquel on voulait donner une dernière gifle
51:29et un président entrant auquel on ne voulait pas avoir affaire.
51:37Quand enfin l'heure de la libération arrive pour les 52 Américains,
51:41une dernière épreuve les attend à l'aéroport de Téhéran
51:45avant de rejoindre l'avion d'Air Algérie
51:48qui stationne sur le tarmac depuis plus de 24 heures.
51:52J'ai entendu des bruits, des hurlements, des insultes
51:57dont je reconnaissais à peine le sens en farcie
52:02contre des gens qui étaient amenés vers l'avion.
52:12Je n'avais pas tellement peur, j'étais plutôt triste.
52:18Les actes de ce groupe étaient tellement maladroits
52:24et tellement stupides.
52:28Ils sont entrés, évidemment choqués, évidemment déboussolés.
52:33En même temps, ils comprenaient qu'enfin,
52:38leur moment de liberté était arrivé.
52:44Huit fois dans cet avion, à moins que quelque chose d'inattendu arrive,
52:49on était tirés d'affaire et ça changeait tout.
52:53Gardez en tête, sur les 14 mois que j'ai passés en captivité à Téhéran,
52:57j'ai passé neuf mois en isolement total.
53:01Je leur ai expliqué à ceux que je ne connaissais pas qui j'étais
53:05parce qu'en fin de compte, on demandait à des diplomates suisses
53:11de reconnaître la livraison d'une marchandise
53:16dont ils ne connaissaient pas le contenu, mais l'identité.
53:22Alors l'idée nous est venue de demander une feuille de papier à l'hôtesse
53:32et j'ai mis ces numéros de 1 à 52
53:38parce qu'en effet, l'accord c'était de libérer 52 étages.
53:4352 ex-otages qui doivent inscrire leur nom sur des feuilles de fortune.
53:48Méthodiquement, le diplomate suisse parcourt l'avion rangé après rangé
53:53pour recueillir le nom de chaque otage libéré.
53:57Il doit établir une liste qui sera envoyée à la Maison-Blanche
54:01pour attester la libération de tous les Américains.
54:04Arrivé au fond de l'avion, Flavio Meroni s'aperçoit que le compte n'y est pas.
54:09La ligne correspondant au numéro 52 est vide.
54:13Il me manque un. Qu'est-ce qu'on va faire ?
54:17Et moi, je n'étais pas prêt à lâcher prise sur cette question.
54:23Enfin, j'ai regardé cette liste
54:26et j'ai remarqué qu'un otage avait signé au-dessous du numéro 40
54:35au lieu de passer au 41.
54:37J'ai mis 40 bis et l'avion a pu partir.
54:44L'avion qui transporte les 52 Américains
54:47quitte le tarmac de l'aéroport de Téhéran
54:50une trentaine de minutes après la prestation de serment de Ronald Reagan.
54:55Destination Alger.
54:59Durant le vol, une certaine tension côtoie la joie chez les ex-otages.
55:04Ce n'est que lorsque l'équipage annonce
55:06que l'avion vient de quitter l'espace aérien iranien
55:09qu'ils expriment leur liesse.
55:21Alors arrivés à Alger,
55:23les Américains se plient volontiers à une cérémonie officielle d'accueil
55:27par le ministre algérien des affaires étrangères Mohamed Benyarria
55:31et le secrétaire d'état adjoint américain Warren Christopher.
55:35Ils s'envolent ensuite pour une escale médicale en Allemagne
55:39et enfin vers les Etats-Unis.
55:41À New York, une foule immense leur réserve un accueil de héros.
55:45Ils remontent la célèbre avenue de Broadway en famille,
55:48un moment d'oubli du calvaire vécu en Iran.
55:54Certains d'entre eux vivront désormais
55:56avec les séquelles des tortures psychologiques endurées.
56:01D'autres,
56:02ils se sentent à l'abri de l'escalade de l'escalade de l'escalier.
56:07Les Etats-Unis n'oublieront pas l'humiliation subie.
56:12Le traumatisme s'installe durablement chez les Américains
56:15qui prennent conscience de la vulnérabilité de leur pays.
56:19Les Iraniens, eux,
56:20subissent encore le culte de ce bras de fer avec l'Amérique
56:24et de l'escalade de l'escalier.
56:28Les Américains,
56:29c'est l'escalier de l'escalier de l'escalier.
56:32Les Iraniens, eux,
56:33subissent encore le culte de ce bras de fer avec l'Amérique
56:36que le régime en place ne cesse de glorifier pour se légitimer.
56:42Cette crise de la fin du XXe siècle
56:44marque le début d'un bouleversement des équilibres politiques au Moyen-Orient.
57:32Les Américains, eux,
57:33subissent encore le culte de ce bras de fer avec l'Amérique
57:35que le régime en place ne cesse de glorifier pour se légitimer.

Recommandée