Webinaire du mercredi 25 janvier 2023
Directeur du département de sciences sociales de l'ENS et chercheur au Centre Maurice Halbwachs (CNRS/EHESS/ENS Paris), Jérôme Deauvieau est professeur de sociologie. Il développe un programme de recherche centré sur la compréhension des mécanismes de production des inégalités sociales dans les premiers apprentissages scolaires.
Après avoir exposé la question des choix pédagogiques et méthodologiques liés à l’apprentissage de la lecture, Jérôme Deauvieau engage un débat avec le public.
Directeur du département de sciences sociales de l'ENS et chercheur au Centre Maurice Halbwachs (CNRS/EHESS/ENS Paris), Jérôme Deauvieau est professeur de sociologie. Il développe un programme de recherche centré sur la compréhension des mécanismes de production des inégalités sociales dans les premiers apprentissages scolaires.
Après avoir exposé la question des choix pédagogiques et méthodologiques liés à l’apprentissage de la lecture, Jérôme Deauvieau engage un débat avec le public.
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00:00:00 Madame l'adretrice, bonjour. Nous avons l'honneur d'accueillir aujourd'hui au rectorat Jérôme
00:00:06 Devieux et Paul Gioia pour notre deuxième confert de l'année consacré à l'enseignement
00:00:15 de la lecture et ses difficultés. En leçon de la dernière, Madame Schmengler-Charolle
00:00:21 qui est intervenue sur l'apprentissage de la lecture du décodage à la compréhension.
00:00:26 Aujourd'hui, je vous laisse vous présenter M. Devieux et votre collègue doctorant.
00:00:33 Bonjour à toutes et à tous, je suis donc Jérôme Devieux, professeur de sociologie
00:00:39 à l'école normale supérieure et membre du CESEM.
00:00:43 Jérôme Devieux, professeur de sociologie en école normale supérieure et membre du
00:00:50 CESEM.
00:00:51 Je suis le docteurant de Jérôme Devieux, ici présent, et les jeunes qui avancent
00:00:56 bien.
00:00:57 Quel est votre sujet de taille ?
00:00:58 Moi, je propose essentiellement d'entrer dans le thème précisément à la transition
00:01:03 maternelle-élémentaire.
00:01:04 C'est pour ça que beaucoup d'enfants ne sont pas malentendus, autant dire qu'autre
00:01:09 part, plus nombre de termes sont très importants dans l'éducation, tant que difficultés.
00:01:13 Aujourd'hui, Mme la doctrice, la focale de cette conférence débat va porter sur la
00:01:23 pédagogie élementaire pour l'apprentissage de la lecture « Comment choisir ». Cette
00:01:29 conférence débat est un hybride, donc nous avons des personnes de l'éducation nationale
00:01:35 qui nous suivent en distanciel.
00:01:36 Sachez d'abord qu'elle sera aussi mise sur le site Pardon Académie pour que vous
00:01:44 puissiez la suivre, s'il vous plaît.
00:01:47 Et puis une première partie de 45 minutes consacrée à vos travaux de la recherche,
00:01:52 et puis une deuxième partie que nous espérons riche en échanges avec vous.
00:01:58 Mme la rectrice, vous avez sonté que la pandémie renforce sa mobilisation sur cette question
00:02:05 cruciale de l'enseignement et de la lecture.
00:02:08 Merci beaucoup.
00:02:09 Un grand merci pour l'organisation de cette réunion.
00:02:14 Le secrétaire général rentre dans la salle et il va pouvoir voir à quel point cette
00:02:18 configuration est sympathique et pourra être reproduite pour d'autres choses, notamment
00:02:24 parce que c'est vrai qu'on est souvent amené à faire de l'hybride maintenant,
00:02:28 et donc voilà, en tout cas j'apprécie.
00:02:32 Merci de l'organisation de cette conférence.
00:02:37 Elle va être, je pense, en résonance avec celle de Mme Springer-Charolle que vous avez
00:02:41 mentionnée Myriam, et puis merci M.
00:02:44 Dovio d'avoir accepté de venir, en plus avec votre doctorant, dont je précise qu'il
00:02:49 est le bienvenu dans le cœur de la classe, parce qu'on y voit et on y apprend beaucoup
00:02:55 de choses, donc bienvenue dans l'Académie de Versailles et si vous avez besoin pour
00:02:58 vos travaux d'aller au plus près des élèves et des enseignants, on en parlait à l'instant,
00:03:04 on disait qu'on avait du mal à apprécier dans les travaux de recherche, je trouve,
00:03:09 l'évolution des pratiques des enseignants.
00:03:11 Ça nous manque un peu d'avoir de l'expertise et des travaux sur ce point, donc en tout
00:03:18 cas vous êtes les bienvenus au plus près des élèves et des enseignants.
00:03:23 Vous êtes tous deux membres du Conseil scientifique de l'éducation nationale et en ce sens,
00:03:29 et pas seulement, vos expertises sont très précieuses.
00:03:32 On vit 48 heures de Cézenne intense, puisque hier il y avait un Cézenne plénier qui s'est
00:03:41 tenu rue de Grenelle, avec une grande partie qui était dédiée à la mixité, et dans
00:03:48 ces différents temps, des chercheurs comme Élise Huillerie par exemple, ou Yann Algan
00:03:55 ont présenté leurs travaux.
00:03:56 L'Académie de Versailles a été vraiment très mise en valeur, parce qu'on a un certain
00:04:02 nombre d'expérimentations qui ont pu être valorisées par le président du Cézenne,
00:04:08 dont on attend encore les résultats.
00:04:09 Mais voilà, c'était notre journée d'hier, rue de Grenelle avec le Cézenne, et puis
00:04:14 nous accueillons depuis ce matin le secrétaire général du Cézenne, Patrick Debus, qui
00:04:19 est venu avec un certain nombre d'autres personnes qui sont ici.
00:04:23 Merci infiniment, on poursuit le travail ensemble, et notamment, on devrait, mais j'y reviendrai
00:04:30 peut-être un peu plus tard, ce qui a été annoncé hier, c'est que l'Académie de Versailles
00:04:35 prendrait le pilotage d'un plan national sur la lecture, en lien avec Canopée, qui
00:04:43 va nous aider vraiment à faire des contenus d'une très grande richesse et ergonomie,
00:04:48 je pense.
00:04:49 Et donc voilà, le temps d'aujourd'hui était un temps supplémentaire vraiment pour
00:04:55 plonger dans nos projets, et je me réjouis vraiment de cette collaboration qui est bénéfique
00:05:01 pour nous, cadres, formateurs, formatrices qui êtes ici présentes.
00:05:08 Je crois qu'il n'y a que des formatrices.
00:05:10 Non, il y a un formateur ?
00:05:12 Oui, mais mon point était entre les formatrices et les formateurs.
00:05:19 Je crois que la salle est essentiellement composée plutôt de formateurs, mais plutôt
00:05:25 de formatrices.
00:05:26 En tout état de cause, la perspective de ce plan lecture et de tous les travaux qu'on
00:05:31 fait avec le CZN sont vraiment très riches.
00:05:33 On vient là, à l'instant, d'avoir un grand moment où on a un petit peu parlé de ce
00:05:38 qui est en train de se passer sur les territoires avec le CNR, les projets qui émergent, la
00:05:43 manière dont on peut les accompagner, et in fine, la manière dont ça peut faire bouger
00:05:48 les lignes.
00:05:49 Alors, nous avons souhaité que l'Académie renforce son programme d'action sur la lecture
00:05:54 parce que, vous le savez bien, c'est l'un des apprentissages fondamentaux sur lesquels
00:05:59 s'appuie l'ensemble de la scolarité et, j'ai envie de dire, l'ensemble des disciplines
00:06:04 également.
00:06:05 Et puis, c'est aussi l'un des domaines dans lesquels les données scientifiques sont les
00:06:10 plus solides et cela doit nous permettre, au moment où on pense à un plan national
00:06:15 par exemple, de mobiliser tout ce que la recherche nous dit de sûr parce qu'elle nous dit déjà
00:06:21 beaucoup de choses sur la lecture.
00:06:24 En octobre dernier, le Conseil scientifique de l'éducation nationale a rédigé une note
00:06:29 sur l'enseignement de la lecture en CP qui nous alertait sur la nécessité de poursuivre
00:06:34 l'information, la formation sur ces données alors que se diffusent des manuels, des méthodes
00:06:43 qui ne sont pas éprouvées et qu'on a le plus grand mal à maîtriser et puis à l'inverse,
00:06:50 alors que nous savons les méthodes, les manuels qui sont efficaces et qui ne sont pas forcément
00:06:57 parmi les plus utilisés.
00:06:58 Je me rappelle avoir reçu un coup de fil de Stanislas Dehaine Fort-Marie en découvrant
00:07:08 l'intensité de la diffusion de ce que nous ne voudrions pas voir à l'intérieur ou à
00:07:14 l'extérieur de la classe d'ailleurs et c'est finalement de ce moment qu'est né le souhait
00:07:23 de retravailler très en profondeur le sujet.
00:07:27 Voilà donc cette étude, c'est vous Monsieur Dovio qui l'avez pilotée et donc vous évoquerez
00:07:36 les premiers résultats de cette étude.
00:07:39 On a des enseignants de l'échantillon que vous avez testé qui nous disent, je l'ai
00:07:46 constaté d'ailleurs dans les classes quand on a commencé à faire les constellations,
00:07:49 les plans en France et les plans maths, j'avoue que j'ai rencontré beaucoup d'enseignants
00:07:56 qui disaient ne pas avoir reçu de formation préalable à l'entrée en CP et plus grave
00:08:02 peut-être encore, indépendamment de la classe de CP, ne pas se souvenir d'avoir eu les
00:08:10 clés suffisantes sur comment apprendre à lire.
00:08:13 Et j'en avais été fort marie je dois dire.
00:08:19 Ils ignoraient également l'existence, c'est ce que vous avez vu dans le panel que vous
00:08:24 avez travaillé, ils ignoraient l'existence des documents tels que ceux qui sont consacrés
00:08:30 à la pédagogie, au manuel pour l'apprentissage de la lecture, comment choisir, dont nous
00:08:34 sommes maintenant dotés ou encore le fascicule qui s'appelle pour enseigner la lecture et
00:08:40 l'écriture au CP.
00:08:42 Alors là c'est aussi de notre responsabilité et j'invite tous ceux qui sont derrière
00:08:48 l'écran et dans la salle à ce que nous diffusions ces objets pédagogiques qui sont quand même
00:08:56 vraiment d'une grande valeur.
00:08:58 On a fait un bond depuis quelques années avec la production de ces ouvrages, il nous
00:09:04 revient de les diffuser vraiment beaucoup plus.
00:09:08 Nous-mêmes on a sûrement un travail à refaire en termes de communication générale mais
00:09:13 on le sait bien, c'est par les formatrices, formateurs, conseillers pédagogiques, inspecteurs
00:09:21 évidemment qu'on peut diffuser très largement ces ouvrages.
00:09:25 On le sait, les pédagogies pour l'apprentissage de la lecture font l'objet de beaucoup de
00:09:30 débats et je crois qu'il y a plus de 35 manuels possibles de lecture, que lorsqu'on
00:09:38 arrive dans une classe on est souvent prisonnier du manuel qui est présent dans la classe
00:09:48 et ça fonde l'enseignement de la lecture sur la progression qui est proposée par ce
00:09:52 manuel sans pour autant être en mesure d'apprécier si la progression qui est proposée tient
00:09:58 compte des connaissances sur les mécanismes de la lecture et de son apprentissage.
00:10:02 Et là aussi au regard de ça, nous avons de grandes connaissances, quand je dis nous,
00:10:11 c'est les scientifiques et les formateurs et les enseignants qui sont dûment formés.
00:10:19 Donc voilà, on a quand même de grandes connaissances en tout cas sur ce champ des apprentissages.
00:10:25 Et puis il y a beaucoup d'autres enseignants qui se posent la question de comment bien
00:10:31 choisir un manuel et selon quels principes.
00:10:33 Enfin, je crois qu'on le sait tous ici, l'apprentissage de la lecture et de l'écriture doit être
00:10:43 méthodiquement explicitement construit par chaque professeur pour que la lecture devienne
00:10:48 aussi naturelle que possible pour les élèves, aussi naturelle que la parole par exemple.
00:10:53 Voilà, donc c'est la raison pour laquelle il faut poursuivre le travail d'information,
00:10:59 de formation et on sait que lire conditionne toute la scolarité, même la vie professionnelle,
00:11:06 même le bonheur un petit peu.
00:11:07 Tiens d'ailleurs, moi j'ai recruté le Dazen des Hauts-de-Seine sur la réponse suivante
00:11:17 qu'il a formulée à la question que j'avais posée.
00:11:19 Je lui ai demandé ce qu'il faisait en temps de crise quand tout bouge et il m'a répondu
00:11:27 « je fais des gâteaux pour l'équipe, je fais beaucoup de sport et je lis ». Et cette
00:11:37 réponse, on appréciera celle qui m'a le plus inspirée, je trouvais que l'idée
00:11:45 du gâteau était une très bonne idée, m'a convaincue pour partie, ce n'était pas le
00:11:51 seul élément.
00:11:52 Bon en tout cas, poursuivons cet effort et pour l'heure, merci beaucoup pour tout le
00:12:00 temps que vous nous consacrez et je le redis pour ceux qui ne sont pas dans notre Académie,
00:12:08 vous êtes vraiment les bienvenus au cœur de la classe et puis sur les moments d'animation
00:12:14 que nous faisons, les moments de construction, ces regards croisés sont vraiment très précieux
00:12:19 et ils le sont évidemment pour nous.
00:12:21 Donc n'hésitez pas à nous solliciter, à venir près du terrain et puis près des
00:12:28 endroits de pilotage.
00:12:29 Merci beaucoup.
00:12:31 Nous vous cédons la parole.
00:12:36 Merci Mme la rectrice, merci pour cette invitation, nous serons vraiment très heureux, Paul et
00:12:46 moi-même, de venir présenter un certain nombre de résultats.
00:12:50 Deux mots très rapides sur ce que nous faisons et j'apprécie beaucoup Mme la rectrice votre
00:12:57 invitation à venir dans les classes, c'est pour nous extrêmement important, surtout
00:13:02 que nous ne sommes pas que des statisticiens et des sociologues, nous passons beaucoup
00:13:06 de temps dans les classes et ce n'est pas toujours facile d'entrer dans les classes
00:13:09 pour aller observer, donc vraiment je prends bonne note de votre proposition.
00:13:15 Sur le sujet qui nous importe aujourd'hui, la question de l'entrée dans l'écrit,
00:13:20 donc mon équipe, nous réalisons des travaux qui visent à comprendre comment se constituent
00:13:26 dès l'entrée dans l'écrit, dès le CP au fond, des inégalités sociales d'apprentissage
00:13:31 assez massives en France et pour cela nous travaillons à la fois sur les données statistiques
00:13:37 de la DEP, nous réalisons des enquêtes, nous avons réalisé effectivement une grande
00:13:41 enquête statistique dont on présentera un certain nombre de résultats en avant-première
00:13:45 puisqu'ils n'ont pas encore été présentés sous cette forme, mais aussi passons beaucoup
00:13:50 de temps en observation sur le sujet, là je vais faire des comptes, on est à peu plus
00:13:54 de 500 heures d'observation en classe, très précise, en l'occurrence c'est Paul qui les
00:14:00 réalise, pour étudier notamment la question effectivement des pratiques d'enseignement,
00:14:06 de la culture professionnelle des enseignants qui pour nous est extrêmement importante
00:14:10 pour comprendre et pouvoir analyser nos résultats.
00:14:14 Alors je commencerai l'intervention par quelques constats qui ne sont jamais très agréables,
00:14:23 qui sont des constats qu'on connaît maintenant assez bien, je vais passer assez vite, mais
00:14:30 c'est pour qu'on soit tous d'accord qu'il y a là une question fondamentale, vous l'avez
00:14:36 dit dans votre intervention, sur le long terme, si on se base sur les données accumulées
00:14:43 notamment par l'ADEP, on constate une baisse des performances des élèves en français
00:14:48 et en mathématiques.
00:14:49 En français de 1987 à 2021, une note d'information de l'ADEP l'a indiqué récemment, fin 2022,
00:14:57 une hausse continue du nombre moyen d'erreurs en CM2 en dictée, le pourcentage d'élèves
00:15:03 qui font plus de 25 fautes à la même dictée est passé de 7% à 27% entre 1987 et 2021.
00:15:10 En mathématiques, au même niveau, on a des enquêtes aussi qui ont répété les mêmes
00:15:16 types d'exercices, le niveau en calcul a énormément baissé et fait assez remarquable pour des
00:15:23 sociologues que nous sommes, cette baisse est visible dans tous les milieux sociaux.
00:15:27 Ce n'est pas seulement des écarts qui se creusent entre les milieux sociaux, c'est
00:15:34 une baisse y compris dans les classes moyennes, enfin les enfants dont les parents appartiennent
00:15:39 aux classes moyennes et moyennes supérieures.
00:15:41 Alors en comparaison internationale, on le sait, mais on ne reviendra pas sur cette question,
00:15:45 le système scolaire français se caractérise, alors ce n'est pas l'histoire des palmarès
00:15:51 qui agite beaucoup, je crois que le résultat le plus important c'est le lien fort dans
00:15:55 notre système éducatif entre origine sociale et performance scolaire.
00:15:59 Ce lien existe partout, aucun système, en tout cas à ma connaissance, scolaire n'a
00:16:04 réussi à s'affranchir disons de l'origine sociale des élèves qu'il accueille, pour
00:16:09 autant ce lien varie selon les pays et la France malheureusement, mais avec par exemple
00:16:15 un pays comme les Etats-Unis, se caractérise par un lien statistique qui est élevé.
00:16:22 Alors, bon, sur la lecture, évidemment on va se centrer sur cette question, si on regarde
00:16:30 là aussi quelques constats, quelques résultats, vous avez une enquête, l'une des premières
00:16:35 d'ailleurs, réalisée importante par Roland Guaguou en 2016, Livre et écrire montrait
00:16:42 que 70% des élèves n'atteignaient pas le niveau de 50 mots par minute en fin de CP.
00:16:49 Cette vitesse de lecture qu'on attend, qui est aujourd'hui un niveau attendu officiellement
00:16:56 depuis la circulaire de rentrée de 2019, n'est pas cet objectif de 50 mots par minute,
00:17:02 il n'y a pas de raison de s'accrocher spécifiquement dessus, ce n'est pas seulement une mesure
00:17:08 je dirais administrative ou politique, c'est une mesure aussi scientifique, on sait, beaucoup
00:17:13 d'études montrent qu'en fin de première année, après une année de scolarité, se
00:17:20 situer autour de ces 50 mots par minute est ce qui signale une bonne entrée dans l'écrit
00:17:26 et un lien fort aussi avec la suite des scolarités.
00:17:30 Alors évidemment, selon le type d'exercice, selon la langue, ça peut varier, ça peut
00:17:35 être 45, 50, 55, mais enfin voilà, on sait que c'est autour de cette valeur-là quand
00:17:39 même que se situe une entrée pleine et entière dans la lecture.
00:17:44 Si on prend les dernières données, donc en 2021, celles de 2022 je crois viennent de
00:17:50 sortir, c'est 47% des élèves qui n'atteignent toujours pas ce seuil à l'entrée en CEA,
00:17:55 en évaluation, des 50 mots par minute, et si l'on regarde ce qui nous importe et nous
00:17:59 intéresse beaucoup selon l'origine sociale, c'est 60% des élèves qui étudient dans
00:18:05 les écoles à recrutement social populaire qui n'atteignent pas ce seuil de 50 mots
00:18:10 par minute.
00:18:11 Alors si, parce que parfois on l'entend, on me dit "oui mais enfin c'est un seuil
00:18:13 qui est quand même très élevé etc."
00:18:15 Si on abaisse le seuil, si on l'abaisse, je dirais presque dangereusement, à 30 mots
00:18:20 par minute, on a encore un quart des élèves à l'entrée en CEA qui ne lisent pas, qui
00:18:25 ne parviennent pas à lire le texte, à lire plus de 30 mots dans le texte de lecture,
00:18:33 dans le test de l'ADEP.
00:18:34 Donc voilà, c'est des résultats qui font écho à ce qui a été dit en introduction,
00:18:41 doivent toutes et tous nous préoccuper, c'est pas que nous on travaille sur cette question-là
00:18:47 sur le plan scientifique, mais à part quand on vient vous en parler, c'est entre les
00:18:53 mains du système éducatif et des enseignants et des enseignantes évidemment que les solutions
00:18:58 se trouvent.
00:18:59 Donc voilà, pour nous c'est important de nous signaler et de travailler avec vous et
00:19:06 de réfléchir sur ces questions.
00:19:07 Par ailleurs, ça a été dit aussi, l'effet boule de neige, effectivement les performances
00:19:12 en lecture notamment, en CP, parce que ce que vous avez dit, c'est à la base, c'est
00:19:17 la pierre angulaire ensuite de l'apprentissage d'un ensemble de savoirs, d'être absolument
00:19:21 déterminante pour la suite des scolarités en élémentaire, c'est un résultat très
00:19:26 ancien, qui est établi, disons déjà, depuis de nombreuses années.
00:19:30 Voilà, alors sur justement les grands résultats issus de la recherche, on va pas ici tout
00:19:40 détailler, on va s'en tenir à quelques points qui nous paraissent extrêmement importants,
00:19:46 les plus importants, les plus significatifs et effectivement les plus établis, ceux sur
00:19:50 lesquels il y a aujourd'hui plus de, véritablement de controverses sur le plan scientifique.
00:19:56 Ce qui est notable depuis les années 90-2000, c'est ce fort développement de la recherche
00:20:01 empirique, ça c'est très très nouveau, enfin c'est très nouveau, en tout cas dans
00:20:05 la période antérieure on avait très très peu d'études, là les méta-analyses que
00:20:10 nous réalisons, c'est-à-dire quand on agrège les résultats, c'est de plus en plus gros
00:20:17 chaque année, Paul pourra en témoigner pour sa thèse, il passe beaucoup de temps à compulser
00:20:22 comme ça toutes les études et puis à en synthétiser les résultats.
00:20:26 On a maintenant quand même des résultats qui sont très solides, les deux premiers
00:20:32 résultats qui nous paraissent très forts et qui sont aujourd'hui évidents, enfin
00:20:35 évidents dans le monde de la recherche en tout cas, c'est cette corrélation forte
00:20:39 entre l'affluence et la compréhension par exemple.
00:20:41 On a beaucoup dit "mais attention, si vous développez l'affluence, les capacités
00:20:44 de lecture rapide quittent de la compréhension, vous allez nous produire des élèves bons
00:20:49 déchiffreurs mais mauvais compreneurs".
00:20:52 Bon, les élèves bons déchiffreurs, mauvais compreneurs, appartement ils ont une compréhension
00:20:57 orale, Liliane, Studio Charles, le Nôtès c'est dans les études 1%.
00:21:02 Le résultat il n'est pas là et le résultat il est que, et ça paraît finalement assez
00:21:07 évident, une bonne compréhension passe de manière obligatoire par une bonne fluence,
00:21:13 parce que l'on déchiffre bien, qu'on est en capacité de comprendre.
00:21:16 Ce qui ne veut pas dire qu'il ne faut faire que cela, on est d'accord, mais c'est
00:21:19 une première étape, c'est une condition absolument nécessaire.
00:21:22 Deuxièmement, deuxième résultat important, l'acquisition de cette fluence est conditionnée
00:21:29 par un apprentissage rapide et systématique du code des correspondances graphophonémiques,
00:21:34 c'est-à-dire le fameux tempo, il faut enseigner un nombre de graphèmes, on a déchiffré,
00:21:41 on a décodé un nombre de graphèmes important et à un rythme soutenu, notamment dans les
00:21:48 trois premiers mois de scolarité.
00:21:50 Alors, ces deux résultats parmi d'autres, nous évidemment on était pour une part à
00:21:59 l'origine de l'enquête qu'on a réalisée, dont on parlera juste après.
00:22:02 Je signale, ça a été dit, il y a deux documents notamment, il y en a plus, mais
00:22:07 qui ont été réalisés, le rapport du CESEN qui date de 2019, pédagogie manuelle pour
00:22:13 apprentissage de la lecture, comment choisir, et ce guide dit guide orange, du fait de la
00:22:20 couleur de sa couverture, pour enseigner la lecture et l'écriture au CP, qui a été
00:22:24 réalisé par le ministère, mais expertisé par le CESEN, donc je n'ai pas participé
00:22:29 à l'écriture de ce guide orange, donc je peux très tranquillement dire à quel point
00:22:34 il est, de mon point de vue en tout cas, absolument remarquable, parce que précisément, ce guide
00:22:41 orange, le premier sur lequel j'ai contribué, est très bien aussi, mais le guide orange
00:22:46 permet à la fois de synthétiser les apports de la recherche et de traduire leurs conséquences,
00:22:53 parce que parfois c'est un peu lointain quand même, éventuels, du point de vue de l'enseignement,
00:22:57 parce que ne fait pas évidemment la première synthèse typiquement, je dirais typiquement
00:23:02 CESEN, et vraiment je n'enseigne pas en CP, et si je devais le faire, je serais très
00:23:10 heureux d'avoir ce genre de document, parce que ça doit être quand même une sacrée
00:23:14 responsabilité, voilà, je trouve que c'est une aide tout à fait importante, et qui est
00:23:22 tout à fait utile directement dans la pratique du métier.
00:23:27 Alors, en ce qui nous concerne, et c'est surtout de ça dont on va vous parler aujourd'hui,
00:23:32 nous avons réalisé une enquête en 2020-2021, donc à un moment en plus un peu compliqué
00:23:40 sur le plan général, mais aussi sur le plan de la scolarité, vous vous en souvenez bien,
00:23:46 cette enquête a été réalisée dans le cadre du CESEN, en lien et en collaboration avec
00:23:53 la DEP, donc le service statistique du ministère, et était très ambitieux, je dirais, dans
00:24:03 son idée de départ, il s'agissait de réaliser une enquête la plus large possible.
00:24:07 On a fait le pari qu'il était possible d'interroger, d'enquêter auprès des enseignantes et enseignants
00:24:18 de CP en France, pour avoir une vision la plus précise possible de l'ensemble des pratiques.
00:24:25 Nous sommes, Paul et moi, et mon équipe en général, d'abord des sociologues des pratiques
00:24:32 d'enseignement, c'est ça qui nous importe, comprendre, ça fait 20 ans que je travaille
00:24:36 sur le monde enseignant, c'est mon sujet, et précisément, notamment, les pratiques
00:24:40 d'enseignement.
00:24:41 Donc cette enquête, elle visait vraiment à essayer de donner la parole, si je puis dire
00:24:45 des choses comme ça, aux enseignantes et enseignants de CP, et de mettre en lien les
00:24:52 caractéristiques de ces pratiques avec les résultats des élèves, via donc un appariement,
00:24:59 évidemment parfaitement anonyme, avec les données des évaluations.
00:25:04 Voilà, donc notre objectif, ça c'était vraiment lié à notre connaissance de la
00:25:09 littérature, c'était de pouvoir aussi mesurer les effets de certaines pratiques
00:25:12 très rares, qu'on connaissait comme très rares, peu développées, peu répandues,
00:25:17 et ça c'est possible qu'avec de très gros échantillons.
00:25:19 Alors, l'enquête a été, et je dois dire que je m'étais très largement trompé,
00:25:26 on se trompait, on peut le dire, Paul, je crois, dans nos prédictions, c'est-à-dire
00:25:33 qu'on a voulu interroger un grand nombre d'enseignants en se disant, bon, est-ce
00:25:36 qu'ils vont répondre ? On est en janvier 2021, on sort de la pandémie, encore une
00:25:40 enquête statistique par questionnaire, etc.
00:25:43 Enfin, tout était, c'était en plein milieu des évaluations, d'ailleurs, qu'on
00:25:47 a lancées, donc on s'est dit, bon, toutes les caractéristiques sont là pour que ça
00:25:50 échoue.
00:25:51 On a obtenu 9500 réponses, qui en soi est un résultat sur les 15 000, à peu près,
00:26:00 enseignantes et enseignants qui ont été contactés, ce qui est absolument considérable
00:26:03 comme taux de réponse pour ce type d'enquête, et qui est déjà pour nous, qui était notre
00:26:08 premier résultat, contre-intuitif, je m'attendais à 2000, 3000 peut-être réponses, on aurait
00:26:13 été déjà content, en tout cas 4000, je crois qu'on s'était dit.
00:26:16 Voilà, c'est véritablement, il y a un quart des enseignantes et enseignants qui ont répondu
00:26:20 à cette enquête en France, qui était en poste cette année-là, qui montre, à mon
00:26:24 avis aussi, contre parfois un certain discours, le fait que nous, on comprend bien pourquoi,
00:26:31 on a envie de discuter de ce qui se passe, on a envie de discuter des pratiques, on a
00:26:35 envie de débattre sur les pratiques d'enseignement, pour preuve, le nombre très important de
00:26:41 messages que nous avons reçus d'enseignants disant "ah, ça nous a beaucoup intéressé,
00:26:45 quand sortiront les résultats ?" On s'excuse parce qu'ils ne sont pas encore sortis, mais
00:26:49 ils vont sortir bientôt, par écrit, on les enverra bien sûr à l'ensemble, à tout le
00:26:53 monde, via le CZ j'espère, mais aussi à l'ensemble des enseignantes et enseignants
00:26:57 qui ont répondu à ce questionnaire, nous nous y étions engagés.
00:27:00 Voilà, donc il y a une envie de débattre, de discuter, de connaître, qui nous a paru
00:27:05 un premier résultat fort de cette enquête.
00:27:07 Alors les questions, on ne va pas entrer dans le détail de l'enquête, on va assez vite
00:27:13 se focaliser sur un certain nombre de résultats précis.
00:27:15 En quelques mots, vous l'avez là sur le PowerPoint, on a demandé quelles étaient
00:27:21 les caractéristiques des enseignants, essentiellement l'ancienneté, le diplôme, les pratiques
00:27:26 d'enseignement du livre écrit, c'était le cœur de notre questionnement, les supports
00:27:29 pédagogiques utilisés, donc les manuels, le temps passé à la lecture, à la dictée,
00:27:34 l'enseignement ou pas des mots-outils, etc.
00:27:36 Quelques questions aussi sur les conditions de passation des évaluations, le temps qu'on
00:27:41 a passé en classe montre que ce n'est pas toujours facile aussi de mettre en place
00:27:45 l'évaluation, donc ça nous intéressait d'avoir sur ces questions-là, d'avoir
00:27:50 des réponses statistiquement valides, disons, et les formations suivies, justement, au
00:27:56 cours des trois années précédentes.
00:27:57 Voilà, alors Paul, je te laisse.
00:28:02 C'est à moi.
00:28:03 Donc voilà pour les enjeux et les caractéristiques de l'enquête.
00:28:06 Comme Jérôme l'a rappelé il y a quelques minutes, on avait deux visées essentiellement
00:28:11 pour cette enquête.
00:28:12 Une visée d'abord descriptive, donc décrire ce que font les enseignants, enseignants-enseignantes,
00:28:17 y compris les pratiques rares, et dans un deuxième temps, éventuellement, les mettre
00:28:21 en relation avec les performances de leurs élèves.
00:28:23 Donc dans un premier temps je vais vous décrire quelques-unes des pratiques enseignantes eues
00:28:28 égards à quelques-unes des dimensions essentielles de l'enseignement de la lecture en France,
00:28:33 enfin en général, et en France notamment, et dans un second temps je vais vous présenter
00:28:37 quelques-uns des résultats sur la mise en relation de ces pratiques, de ces méthodes
00:28:42 avec les résultats des élèves.
00:28:44 Donc d'abord sur le taux de déchiffrabilité.
00:28:47 Donc on a interrogé les enseignants sur la déchiffrabilité des textes qu'ils et elles
00:28:52 donnaient à lire à leurs élèves.
00:28:53 Donc la question commençait par parmi les textes que vous donnait à lire à vos élèves,
00:28:57 et les enseignants-enseignantes devaient compléter sur une gamme de déchiffrabilité, donc des
00:29:02 textes qu'ils donnaient à lire à leurs élèves.
00:29:03 Et donc vous voyez de gauche à droite, les modalités de réponse étaient du moins déchiffrable
00:29:14 au plus déchiffrable.
00:29:15 Donc ça c'était les quatre modalités de réponse possible.
00:29:19 Les mots non déchiffrables étaient assez fréquents.
00:29:21 Quelques mots n'étaient pas déchiffrables et pouvaient se déduire du contexte.
00:29:24 Et tout était déchiffrable et vous avez utilisé de mots outils.
00:29:28 Et enfin, le plus déchiffrable du plus déchiffrable, tout était déchiffrable et vous n'avez pas
00:29:33 utilisé de mots outils.
00:29:34 Ah oui, pardon, j'ai oublié de préciser que ce sont les pratiques que les enseignants
00:29:41 déclaraient parce qu'on a interrogé les enseignants-enseignantes en janvier.
00:29:43 On leur demandait de répondre sur leurs pratiques entre septembre, donc entre la rentrée et
00:29:49 les vacances de Noël.
00:29:50 Donc c'était parmi les textes que vous devez lire à vos élèves entre la rentrée
00:29:54 et les vacances de Noël.
00:29:55 Et sur les dimensions suivantes que je vais présenter, c'était la même période qu'était
00:29:59 interrogé.
00:30:00 Donc on regarde les résultats, ce que déclarent les profs, comment ils se situent sur ces
00:30:05 différentes modalités.
00:30:06 On constate qu'il y a deux grands groupes d'enseignants-enseignantes.
00:30:09 Il y a deux tiers d'enseignants qui sont sur du tout déchiffrable, donc qui proposent
00:30:13 des textes qui sont très déchiffrables, tout déchiffrable, entièrement déchiffrable
00:30:17 à leurs élèves, et un gros tiers, donc une minorité, mais une minorité disons substantielle,
00:30:22 qui propose des textes non entièrement déchiffrables à leurs élèves.
00:30:26 Et si on est un peu plus fin, quand on regarde la répartition de ces quatre modalités,
00:30:30 on peut aussi observer qu'à l'intérieur de ces deux groupes, donc tout déchiffrable
00:30:33 et non tout déchiffrable, se situe une toute petite minorité qui à chaque fois correspond
00:30:37 aux mêmes proportions.
00:30:38 Donc parmi le groupe du tout déchiffrable, 3% au total, seulement des enseignants-enseignantes
00:30:43 déclarent avoir fait du tout déchiffrable et ne pas avoir enseigné simultanément de
00:30:47 mao-qi à leurs élèves, et je vais revenir dans un instant sur cette dimension, et à
00:30:53 l'autre bout du spectre, si je peux m'exprimer ainsi.
00:30:55 Donc parmi les enseignants-enseignantes qui ne proposent pas des textes entièrement déchiffrables
00:31:00 à leurs élèves, 3% également au total proposaient des textes où les mots non déchiffrables
00:31:07 étaient très fréquents ou assez fréquents.
00:31:08 Sur les mao-qi que j'ai évoqués, donc encore une fois c'est de la rentrée de septembre
00:31:13 jusqu'aux vacances de Noël, on a interrogé les profs sur le nombre de mao-qi qu'ils
00:31:17 et elles faisaient mémoriser à leurs élèves.
00:31:18 Donc on avait défini plusieurs bornes, et là encore on constate, d'abord l'un des
00:31:25 premiers résultats que je viens d'évoquer est confirmé ici, donc dans la distribution
00:31:29 précédente, une seule toute petite minorité des enseignants-enseignantes, ici 6%, n'enseignent
00:31:35 aucun mao-qi à leurs élèves, c'est-à-dire que plus de 90%, 94% pour être précis, des
00:31:40 enseignants-enseignantes font mémoriser des mao-qi à leurs élèves, et si on essaie
00:31:44 d'agréger par exemple les deux dernières colonnes, ce sont les enseignants qui enseignent
00:31:47 le plus de mao-qi à leurs élèves, donc disons qu'entre 30, 40 et plus, donc plus
00:31:52 de 30 mao-qi à leurs élèves, c'est plus d'un prof sur 4, un enseignant sur 4, 27%
00:31:57 qui fait mémoriser des mao-qi à ses élèves.
00:32:01 Et donc, dernière caractéristique que je vais vous présenter, dont je vous présente
00:32:07 la distribution, les manuels utilisés par les enseignants et les enseignantes, dont
00:32:13 vous allez le voir, qui correspondent, qui sont très conformes aux différentes dimensions
00:32:18 que je viens de vous présenter, au regard à la logique d'apprentissage qu'ils portent
00:32:22 et entendent transmettre.
00:32:24 Donc ici on a retenu, et on vous présente les 10 manuels les plus utilisés par les
00:32:29 enseignants-enseignantes en France en 2020, donc les 3 premiers, tao-qi, piano et piloti,
00:32:35 donc évidemment c'est dans l'ordre, vous voyez le pourcentage d'utilisation qui est
00:32:38 la deuxième colonne.
00:32:39 Donc les 3 premiers regroupent à eux seuls 55% des enseignants-enseignantes de France.
00:32:45 Donc plus d'un enseignant-enseignante de France sur 2 utilise l'un de ces 3 manuels.
00:32:50 Donc c'est évidemment considérable.
00:32:52 Et donc ce sont des manuels qui se caractérisent, on l'a vu et je vous ai dit que c'était
00:32:58 conforme aux distributions que je vous ai indiquées concernant la déchiffrabilité et les mao-qi,
00:33:03 ce sont des manuels qui se caractérisent par une forte déchiffrabilité des textes
00:33:06 donnés à lire aux élèves et en parallèle ou simultanément par un apprentissage assez
00:33:12 important de mao-qi, une mémorisation assez importante de mao-qi.
00:33:15 Et à l'autre bout de ces 10 manuels les plus utilisés, on a 2 manuels qui se distinguent,
00:33:21 c'est "je lis, j'écris, Léo et Léa", donc ils sont utilisés par moins de 5%,
00:33:25 ça chute évidemment très vite, par moins de 5% des enseignants-enseignantes, et qui
00:33:29 quant à eux portent une logique différente de l'enseignement et de la lecture, ce sont
00:33:33 des manuels qui orientent vers une déchiffrabilité intégrale, de sorte de ne jamais exposer
00:33:42 des textes qui ne soient pas déchiffrables aux élèves, et l'enseignement de aucun
00:33:48 mao-qi.
00:33:49 Alors justement ces manuels sont des manuels qu'on peut qualifier de syllabiques, pardon
00:33:55 j'avais oublié de présenter une slide.
00:33:59 Ces 2 manuels "je lis, j'écris et Léo et Léa" sont des manuels qu'on peut
00:34:03 qualifier de syllabiques, de strictement syllabiques, et consistent à organiser une
00:34:06 étude progressive et systématique des correspondances graphophonémiques, donc les relations lettres-son,
00:34:12 en sorte donc comme je le disais à l'instant de ne jamais exposer les élèves qu'à
00:34:15 des textes entièrement déchiffrables, sans jamais avoir recours à ce qu'on appelle
00:34:18 la lecture inférentielle, ou plus communément la lecture devinate.
00:34:22 Quant aux autres manuels, les 8 autres listés que je vous ai présentés à l'instant,
00:34:29 ils se réclament parfois de la syllabique, comme Tao-chi dont on vous présente la couverture,
00:34:35 méthode de lecture syllabique, donc ils peuvent se présenter sous cette catégorie, et en
00:34:40 réalité comme les 8 autres premiers de la liste, ils proposent tous une approche que
00:34:44 nous on qualifie de "mixed", qui combine dans des proportions diverses évidemment
00:34:48 l'étude des correspondances lettres-son, donc il y a toujours du déchiffrage, mais
00:34:51 il y a un peu également, toujours, simultanément, de la mémorisation visuelle, donc la photographie
00:34:56 de Mo-u-Chi, et de la lecture devinette, l'anticipation, et de l'inférence contextuelle.
00:35:01 Pour Tao-chi, jusqu'aux vacances de Noël, c'est même plus d'une quarantaine de
00:35:07 Mo-u-Chi qui sont prescrits, qu'on demande aux enseignants et enseignantes de faire mémoriser
00:35:11 aux élèves.
00:35:12 Tao-chi c'est probablement la palme des Mo-u-Chi.
00:35:16 Donc là je vous ai présenté, je vous ai décrit ce que font les enseignants et enseignantes
00:35:23 eu égard à certaines des dimensions principales de l'enseignement du lire-écrire, et maintenant
00:35:27 comme promis je vais vous mettre en relation et vous présenter ce que produisent ces pratiques,
00:35:33 ces méthodes d'enseignement concernant les performances en lecture des élèves,
00:35:38 et donc je vais retenir deux indicateurs, la fluence et la compréhension écrite.
00:35:42 Donc ce qu'on va faire c'est qu'on va estimer toutes choses égales par ailleurs,
00:35:46 les effets des différentes méthodes d'enseignement sur le niveau des élèves, fluence, compréhension,
00:35:51 et à deux dates à chaque fois, donc 11 janvier de l'année de CP, donc 4 mois après la
00:35:54 rentrée, et en septembre de l'année de CE1, donc un an après la rentrée de CP,
00:35:59 un an après le début de l'apprentissage formel de la lecture.
00:36:02 Donc le résultat, je vais vous spoiler le résultat, c'est pas génial pour la littérature
00:36:08 ou pour les films, mais ça a des vertus pédagogiques.
00:36:10 Donc les méthodes syllabiques, donc celles qui sont, je le répète, 100% déchiffrables
00:36:15 et qui ne proposent jamais de mémorisation de mots outils, vont produire, comme je vais
00:36:19 vous le montrer, systématiquement les meilleurs résultats en fluence et en compréhension
00:36:23 par rapport aux autres méthodes qui, quant à elles, ont pour point commun de toujours
00:36:28 proposer de la mémorisation de mots outils.
00:36:30 Donc on construit un modèle statistique, dont je vais vous présenter certains des
00:36:34 résultats, qui permet d'estimer, selon la méthode d'enseignement utilisée, la proportion
00:36:39 d'élèves qui dépasse un seuil donné en fluence ou en compréhension en comparant
00:36:43 des situations équivalentes.
00:36:45 Donc qu'est-ce que ça veut dire les situations équivalentes ? Je vais vous donner une illustration
00:36:47 dans un instant.
00:36:48 C'est du point de vue notamment de l'expérience des enseignants et enseignantes OCP, du point
00:36:53 de vue du contexte social de l'école et du niveau à l'entrée des élèves, évidemment
00:36:57 dont on sait qu'il est très déterminant pour la suite des scolarités.
00:36:59 Donc la situation qu'on va retenir, et à l'intérieur de laquelle je vais vous présenter
00:37:04 des estimations, donc c'est celle-là.
00:37:08 Donc ce sera toujours la même.
00:37:10 On va retenir, on va comparer des élèves qui entrent au CP avec un niveau qu'on peut
00:37:16 qualifier de fragile, donc qui ont 4 sur 10 en moyenne si on agrège les résultats
00:37:19 de différents exercices en français notamment, qui étudient dans des écoles à recrutement
00:37:24 social plutôt populaires et qui ont des enseignants/enseignantes qui ont 5 ans d'expérience et plus en CP,
00:37:31 donc qui peuvent être qualifiés d'assez expérimentés.
00:37:32 Donc là je vais vous donner les résultats.
00:37:34 À chaque fois c'est la même situation.
00:37:36 Je vais vous donner les résultats pour janvier pour la fluence et la compréhension, puis
00:37:38 pour septembre pour la fluence et la compréhension également.
00:37:41 Donc la question qu'on pose ici, en fluence, donc quel pourcentage d'élèves dépasse
00:37:44 20 mots/minute ? C'est l'un des seuils qu'on a retenus, on aurait pu en montrer
00:37:47 d'autres, les résultats sont systématiquement les mêmes.
00:37:48 Donc quel pourcentage d'élèves dépasse 20 mots/minute 4 mois après la rentrée,
00:37:52 donc mi-CP ? Pour les élèves, donc dans la situation donnée que je vous ai mise en
00:37:55 gras, qui étudient avec une méthode syllabique, 59% d'entre eux et d'entre elles, des élèves,
00:38:01 dépassent ce seuil.
00:38:02 Quant aux autres qui sont dans la même situation mais dont les enseignants/enseignantes utilisent
00:38:06 une méthode mixte, seulement 37% d'entre eux et d'entre elles dépassent ce seuil.
00:38:10 En compréhension écrite maintenant, mais toujours en janvier, donc 4 mois après la
00:38:15 rentrée, cette fois-ci on a retenu un autre seuil, donc c'est quel pourcentage d'élèves
00:38:19 obtient au moins 4 bonnes réponses sur 8 au test de compréhension écrite ? Cette
00:38:24 fois-ci, donc toujours avec des élèves, quand on compare des élèves qui entrent
00:38:27 avec un niveau plutôt fragile, qui étudient dans des écoles plutôt populaires et dont
00:38:31 les enseignants/enseignantes sont assez expérimentés au CPE.
00:38:33 Parmi ceux, les élèves qui étudient avec des méthodes syllabiques, 52% dépassent
00:38:39 le seuil de compréhension écrite.
00:38:40 Quant à leurs homologues qui étudient avec des méthodes mixtes, 40% seulement dépassent
00:38:45 ce seuil.
00:38:46 Donc on regarde un peu plus loin la photo début septembre, donc un an après la rentrée
00:38:50 de CP, début CE1.
00:38:51 Influence à nouveau, donc là on a retenu un seuil de 40 mots/minute, encore une fois
00:38:56 on aurait pu en prendre d'autres, les résultats sont les mêmes, vont dans la même direction.
00:38:59 Ah, on a une petite coquille, c'est pas 4 mois après la rentrée, c'est un an après
00:39:02 la rentrée.
00:39:03 Donc quand on compare les élèves toujours dans une situation au niveau plutôt fragile,
00:39:07 d'écoles populaires et qui étudient avec des enseignants/enseignantes expérimentés
00:39:10 en CPE, ceux et celles qui étudient avec des méthodes syllabiques sont 61% à dépasser
00:39:16 le seuil de compréhension écrite.
00:39:17 Quant à leurs homologues qui étudient avec des méthodes mixtes, c'est seulement 53%.
00:39:21 En compréhension écrite, donc là on a retenu un seuil de 5 bonnes réponses sur 8 au test
00:39:27 de compréhension écrite.
00:39:28 Pardon, ça va un peu plus vite ici.
00:39:32 Donc là on compare toujours les élèves dans la même situation, mais ceux qui étudient
00:39:38 avec une méthode syllabique sont 55% à dépasser le seuil de compréhension écrite, et quand
00:39:43 on les compare à ceux qui étudient avec une méthode mixte, dont les enseignants utilisent
00:39:46 une méthode mixte, ils sont 42% à dépasser ce seuil.
00:39:50 Donc comme je vous le disais à l'instant, ce sont systématiquement les élèves qui
00:39:57 étudient avec une méthode syllabique qui obtiennent des meilleures performances, des
00:40:01 meilleurs résultats que leurs homologues qui étudient avec des méthodes mixtes.
00:40:05 Ce qui sépare véritablement ces méthodes, on a du 100% déchiffrable sans mot-outil
00:40:10 versus des méthodes mixtes qui toutes combinent dans des proportions diverses un peu de déchiffrage
00:40:14 avec de l'inférence contextuelle, de la photographie de mot-outil, de la lecture inférentielle,
00:40:19 etc.
00:40:20 Donc une autre façon de prendre conscience de l'importance du lien entre les méthodes
00:40:27 d'enseignement et les inégalités scolaires consiste à comparer les performances scolaires
00:40:31 par milieu social selon les types de méthodes.
00:40:33 Je vais vous donner un exemple qui va peut-être vous parler plus.
00:40:36 59% des élèves des écoles populaires apprenant avec une méthode syllabique sont bien entrés
00:40:45 dans la lecture en janvier, donc dépassent le seuil des 20 mots/minute, tandis que dans
00:40:48 les écoles favorisées, les élèves apprenant avec une méthode mixte ne sont que 42% dans
00:40:53 ce cas.
00:40:54 Ce que ça signifie, c'est un résultat que nous on considère très frappant, c'est
00:40:58 que les élèves de milieux populaires qui apprennent avec une méthode syllabique s'en
00:41:02 sortent mieux que les élèves de milieux favorisés qui apprennent avec une méthode
00:41:05 mixte.
00:41:06 Donc c'est un résultat vraiment très frappant.
00:41:09 En guise de conclusion, on entend souvent, moi je l'ai beaucoup, Jérôme vous l'a
00:41:13 dit, j'ai passé beaucoup des centaines d'heures dans les classes de CPA, je serais
00:41:17 très content de venir dans l'académie, parce que c'était pas dans cette académie.
00:41:21 J'ai beaucoup entendu, c'est évidemment par les enseignants/enseignantes, mais même
00:41:27 par ailleurs, que le débat sur les méthodes d'enseignement de la lecture serait dépassé,
00:41:31 puisque tout le monde, tous les enseignants/enseignantes ont recours, enseignent au déchiffrage.
00:41:35 C'est vrai.
00:41:36 La culture des professeurs, la culture des enseignants a effectivement beaucoup évolué
00:41:40 ces 20 dernières années.
00:41:41 Toutes et tous, tous les enseignants, toutes les enseignantes aujourd'hui reconnaissent
00:41:46 en conscience de l'importance du déchiffrage et de l'enseignement du code, mais seule
00:41:50 une minorité d'entre eux, et c'est là la différence essentielle qu'on a voulu
00:41:54 un peu pointer du doigt dans cette présentation, dans notre enquête, seule une minorité n'introduit
00:41:59 aucune dimension idéovisuelle dans leur pratique.
00:42:01 Or, les données statistiques, celles qu'on vous a présentées, indiquent que ces pratiques
00:42:05 minoritaires, donc 100% déchiffrables, sans mot-outil, sans lecture inférentielle, sont
00:42:10 systématiquement plus efficaces que toutes les autres.
00:42:12 Elles révèlent à quel point les marges de progression dans l'enseignement du lire-écrire
00:42:17 en France sont considérables, et tout particulièrement pour les élèves de milieux populaires.
00:42:21 Donc voilà, je termine là, et je dis juste à titre tout personnel que pour moi c'est
00:42:25 vraiment un plaisir de pouvoir venir partager nos résultats, de sortir un peu de notre
00:42:30 bulle pour venir interagir avec vous.
00:42:32 Donc voilà, merci beaucoup.
00:42:33 Juste, oui, on a souhaité faire une intervention, enfin courte, demi-heure quand même, mais
00:42:45 relativement courte, pour pouvoir répondre à vos questions, remarques, ou revenir même
00:42:50 sur des éléments de la présentation.
00:42:54 Je pense à ce résultat notamment, le fait qu'il est sociologiquement très frappant,
00:43:02 qu'étudier avec des méthodes syllabiques pour les élèves de milieux populaires les
00:43:04 font dépasser en janvier le score, disons, d'élèves de classes plus favorisées, mais
00:43:10 qu'étudier avec des méthodes mixtes, ça paraît un peu curieux, mais on a un modèle
00:43:14 explicatif de cela, au-delà du constat qui est au cœur de la thèse de Paul, si je puis
00:43:19 permettre, et donc on pourra tout à fait revenir sur l'explication, pourquoi on a
00:43:24 ce type de résultat, comment l'expliquer.
00:43:26 On voulait poser un certain nombre de constats, un peu déjà modélisés, mais pour ouvrir
00:43:32 la discussion.
00:43:33 En tous les cas, on est à peu près sûr que Paul a une fluence acquise depuis très
00:43:42 longtemps, ce qui est fort agréable parce qu'en tous les cas, les propos sont clairs.
00:43:47 Je tiens à dire que toutes les personnes qui sont en distanciel peuvent poser des questions
00:43:55 dans le chat, il n'y a aucun problème, on va les relayer à nos deux éminents chercheurs
00:44:03 et chercheurs en devenir, ou déjà, voilà.
00:44:06 Est-ce qu'il y a déjà des questions dans la salle, qui à ce moment-là, des échanges
00:44:15 émergent ? Allez-y madame.
00:44:18 Oui, tout à fait.
00:44:20 Je me posais la question quand vous avez fait vos analyses, on sait qu'en tant qu'enseignant,
00:44:28 quand on utilise une méthode, on se l'approprie plus ou moins, et on reste plus ou moins fidèle
00:44:32 à ce qui est prescrit par la méthode.
00:44:34 Dans quelle mesure vous avez pu prendre compte de ça en observant tout ça ?
00:44:38 Je ne vais pas préciser, peut-être que je suis passé trop vite sur ce résultat, mais
00:44:45 c'est aussi parce qu'on essaie de faire des présentations concises, disons, qui se
00:44:48 passent de détail, en tout genre, qui perdraient un petit peu.
00:44:51 Mais c'est une très bonne question.
00:44:52 Ce qu'on a fait, les résultats qu'on vous a présentés quand je vous ai donné les
00:44:56 estimations dans différentes situations, c'est qu'on a retenu, je vous ai dit, les
00:45:01 étudiants dont les enseignants/enseignantes utilisent des méthodes syllabiques versus
00:45:05 ceux et celles dont les enseignants/enseignantes utilisent des méthodes mixtes.
00:45:08 Quand je dis ça, qu'ils utilisent des méthodes syllabiques, ce sont des enseignants qui déclarent,
00:45:13 par ailleurs, c'était l'une des questions, en fait on a posé même deux questions aux
00:45:16 enseignants/enseignantes dans notre enquête là-dessus, qui déclarent suivre les préconisations
00:45:20 des manuels qu'ils utilisent.
00:45:22 Et on a retenu un seuil très élevé pour être sûr que ces enseignants utilisent,
00:45:27 et en fait on a même croisé la déclaration des enseignants/enseignantes qui déclaraient
00:45:30 par exemple utiliser "je lis, j'écris" ou "l'eo et l'ea" ou d'autres méthodes,
00:45:34 qui déclarent donc suivre très rigoureusement les préconisations du manuel, et on a croisé
00:45:39 cette déclaration avec les pratiques qu'on interrogeait par ailleurs.
00:45:42 Donc on a les enseignants qui déclarent utiliser par exemple "l'eo et l'ea", qui déclarent
00:45:46 suivre rigoureusement, strictement, disons, les préconisations du manuel, qui déclarent
00:45:51 par ailleurs, puisque c'était des questions qu'on posait spécifiquement, qui déclarent
00:45:55 ne pas enseigner de mots outils, et qui déclarent proposer des textes entièrement déchiffrables
00:45:59 à leurs élèves.
00:46:00 Donc on a vraiment essayé d'isoler, disons, et notamment dans les résultats qu'on vous
00:46:03 propose, des enseignants qui suivent, disons, des méthodes théoriquement assez strictes
00:46:10 et délimitées.
00:46:11 Voilà.
00:46:12 Effectivement, juste, j'apporte une précision supplémentaire, c'est une question extrêmement
00:46:19 importante parce que souvent, j'ai peut-être d'ailleurs un peu contribué à ça aussi,
00:46:24 mais il y a une confusion entre manuel et méthode.
00:46:27 Un manuel, c'est un support pédagogique.
00:46:31 Je le dis souvent quand je fais des courses par avec les étudiants dans les formations,
00:46:34 un manuel n'enseigne pas.
00:46:35 Je crois que si on pose un manuel sur une table et qu'on attend au bout d'un an, il
00:46:38 ne va pas se passer grand-chose, toute chose égale par ailleurs.
00:46:41 On en est à peu près sûr.
00:46:42 Mais j'ai passé beaucoup de temps, moi, à analyser vraiment la façon dont, j'allais
00:46:47 dire, dont pensent, dont travaillent les enseignants dans le primaire et dans le secondaire.
00:46:51 Le manuel, c'est un support pédagogique.
00:46:53 Il encapsule, sur la question de l'écriture, il encapsule une logique.
00:46:56 Ça, nous, on travaille dessus sur le manuel.
00:46:58 Ça veut dire qu'on a refait passer tous les textes des manuels, on a recalculé la
00:47:02 taux de déchiffrabilité, on a recalculé le nombre de mots outils.
00:47:05 On a un assistant de recherche qui continue d'ailleurs et qui est en train de finir,
00:47:08 en ce moment, ce travail fastidieux, mais nécessaire.
00:47:11 Mais le manuel, le support pédagogique, on le suit ou on ne le suit pas.
00:47:16 Et ça, c'est un résultat, sur lequel on n'insiste pas là, mais qui est extrêmement
00:47:20 important.
00:47:21 Je prends par exemple les manuels strictement syllabiques, qui sont assez minoritaires.
00:47:26 C'est autour de 5%.
00:47:27 Quand on interroge justement les enseignants qui les utilisent, les enseignantes et les
00:47:31 enseignants, on se rend compte qu'il y en a moins d'un sur deux qui sont véritablement
00:47:36 dans la logique syllabique.
00:47:37 Parce que, aussi, et c'est normal, une enseignante ou un enseignant amène son appropriation
00:47:43 du manuel.
00:47:44 Or, comme la logique d'enseignement syllabique stricte est très peu enseignée, elle est
00:47:51 assez minoritaire, il est normal que les enseignants et les enseignantes utilisent des supports
00:47:56 sans forcément utiliser complètement la logique qui l'encapsule.
00:48:00 Ça, c'est un résultat sur lequel la taille de notre échantillon et les questions précises
00:48:04 qu'on a posées nous permet vraiment d'apporter des éléments qu'on avait observés, mais
00:48:08 qu'on n'avait pas encore réussi à quantifier.
00:48:10 C'est extrêmement important.
00:48:12 De la même manière, le fait que sur la couverture de Taoki, il y ait écrit un manuel syllabique
00:48:16 d'apprentissage de la lecture, ça nous dit des choses sur comment, par exemple, la culture
00:48:20 professionnelle évolue, puisque c'est le grand manuel utilisé en France, enfin le
00:48:22 plus important en France.
00:48:24 Quand vous regardez la logique qui l'encapsule, elle n'est pas strictement syllabique.
00:48:27 Vous avez 40 mots-outils à apprendre entre 7 ans et 11 ans.
00:48:30 Ça ne veut pas dire que tous les enseignants qui utilisent Taoki font enseigner tous ces
00:48:34 mots-outils.
00:48:35 Vous voyez, donc, le débat ne peut pas être seulement un débat manuel versus non-manuel.
00:48:41 Pour autant, on le montre aussi, il y a un lien statistique très fort entre eux.
00:48:46 Ce n'est pas complètement indépendant si on utilise un manuel qui est très idéovisuel
00:48:50 avec énormément de mots-outils.
00:48:51 Par ailleurs, les enseignants vont avoir tendance en moyenne à déclarer, à enseigner beaucoup
00:48:55 de mots-outils.
00:48:56 Il ne s'agit pas de dire que le manuel n'est qu'un pur bout de papier.
00:49:00 C'est quelque chose qui supporte l'activité enseignante.
00:49:02 C'est pour ça, quand même aussi, au Cézenne, qu'on insiste sur la qualité du manuel,
00:49:09 sachant qu'on sait, et on sait avec l'enquête là maintenant encore plus précisément,
00:49:13 que ça ne suffit pas.
00:49:14 Il faut une bonne qualité de manuel et apprendre aussi et travailler sur la façon de l'utiliser,
00:49:20 ce manuel.
00:49:21 C'est pour ça que je dis, le débat s'est beaucoup focalisé sur le manuel et j'ai
00:49:24 pu participer à ce débat.
00:49:25 Il faut qu'il y ait quand même les deux.
00:49:27 C'est la qualité du support pédagogique et la formation des enseignants et des enseignantes
00:49:31 pour utiliser correctement, ou en tout cas, de la manière la plus efficace, ce manuel.
00:49:36 Ce qui ne veut pas dire qu'il peut y avoir plusieurs manières de l'utiliser, mais dans
00:49:39 quelle logique, finalement, on s'inscrit, c'est ça qui est important.
00:49:42 Nous, ce que l'on vit, c'est vraiment les pratiques d'enseignement.
00:49:44 Le manuel est un indicateur parmi d'autres questions.
00:49:47 Pardon pour cette réponse un peu longue, mais je crois que c'est vraiment une question
00:49:51 absolument décisive.
00:49:52 Je vous remercie.
00:50:20 Je voulais savoir si vous étiez intéressé au type de tâches données à chacun des
00:50:32 élèves, à l'activité réelle de l'élève en classe, au temps d'activité également.
00:50:40 Et puis aussi un autre aspect, ce serait le déroulé.
00:50:45 J'entends l'enchaînement des tâches pour un module, par exemple, pour un module de
00:50:50 deux jours, autour de la découverte d'une correspondance graphème-phonème.
00:50:55 C'est un élément qu'on a présenté un peu en filigrane.
00:51:07 Effectivement, j'ai passé beaucoup de temps dans les classes.
00:51:10 Ce temps a notamment servi à la conception de l'enquête, à la conception des questions
00:51:17 qu'on a posées aux enseignants et enseignantes, à leur formulation, évidemment au fait de
00:51:21 circonscrire les bonnes dimensions des pratiques qu'il s'agissait d'interroger.
00:51:25 Et en l'occurrence, j'ai passé des centaines d'heures dans les classes, j'ai observé
00:51:31 beaucoup, évidemment, des pratiques qui sont dominantes.
00:51:34 J'ai observé beaucoup d'enseignants et d'enseignantes qui utilisaient taoki, piano,
00:51:38 piloti, l'école des albums, plein d'autres manuels, et donc qui peuvent être tous regroupés
00:51:43 sous la catégorie de méthode mixte, notamment.
00:51:45 Et donc nous, spécifiquement, ce qu'on a observé dans notre enquête, parmi les dimensions
00:51:54 qu'on a interrogées notamment, on a interrogé le temps alloué aux différentes activités.
00:51:58 Pour la lecture, on a aussi, là on n'a pas présenté, mais on a aussi interrogé
00:52:02 les enseignants et les enseignantes sur le fait de proposer des dictées à leurs élèves.
00:52:05 Donc le nombre de dictées, le temps alloué à la dictée, le temps alloué à l'enseignement
00:52:10 de la lecture.
00:52:11 Et en fait, on voit effectivement que ce temps, et pour la dictée, et pour la lecture, grandit
00:52:17 à mesure qu'on va vers des méthodes de plus en plus, et à force de rire, strictement
00:52:20 syllabiques.
00:52:21 Ce qu'il en est de l'activité de l'élève, ça en fait, ce sont, disons, les évaluations
00:52:29 de la DEP à certaines dates qui nous permettent de répondre à ça.
00:52:34 C'est une activité qui est mesurée à certaines dates, mi-janvier, en septembre,
00:52:39 donc un an après la rentrée de CP, concernant différentes activités, différentes tâches,
00:52:44 en dictée, en compréhension de l'écrit, en fluence.
00:52:46 Ça c'est une activité qu'on ne peut saisir que ponctuellement à différents points
00:52:49 d'observation dans le temps, dans le courant des scolarités des élèves.
00:52:52 La même tâche, comment est-ce que cela s'est-il passé ici dans les classes ?
00:53:12 La question est donc autour d'un complément d'informations sur les évaluations qui
00:53:24 ont été faites dans les classes pour mesurer à la fois la fluence et la compréhension,
00:53:29 au mois de janvier donc.
00:53:30 Alors en fait, là on utilise, l'enquête était possible qu'il y ait cette condition,
00:53:39 sinon le cours aurait été astronomique, on utilise des évaluations exhaustives.
00:53:45 C'est directement les résultats aux évaluations exhaustives qui sont utilisés là.
00:53:53 Par exemple, pour la compréhension, les enseignantes et enseignants le connaissent bien, c'est
00:54:03 la compréhension début SEMA.
00:54:06 On utilise en compréhension le test de compréhension des évaluations exhaustives de début SEMA.
00:54:12 Donc un petit texte et les huit questions posées sur ce texte.
00:54:25 Et pour la fluence, ce sont les évaluations passées par les enseignants, les enseignantes
00:54:29 en fluence.
00:54:30 Et pour la compréhension de SEMA, on évoque le CP ?
00:54:34 Tout, on a l'entrée en CP, mi-CP, entrée CE1 pour chacun des élèves concernant.
00:54:40 Ah pas les enseignants, la dette.
00:54:44 Les SEMA à comprendre en fait, vous avez annoncé un panel de 9000.
00:54:56 9000, oui.
00:54:57 Je comprends, je comprends tout à fait votre question.
00:55:14 Effectivement, ça peut être ambigu de la façon dont on a présenté.
00:55:16 On a en fait interrogé de manière aléatoire dans 15 départements de France.
00:55:26 On a interrogé de manière exhaustive l'ensemble des enseignants et enseignantes.
00:55:32 On leur a envoyé le questionnaire qui décrit leur pratique.
00:55:35 Rien à voir avec les évaluations, etc.
00:55:38 D'un côté.
00:55:39 D'un autre côté, on a, et de manière parfaitement anonymisée, je tiens beaucoup à le préciser,
00:55:44 parce que ça peut prêter à, et ça prête parfois d'ailleurs à inquiétude.
00:55:50 Ça c'est fait, c'est un protocole scientifique, disons, et statistique, protégé par le
00:55:56 secret statistique.
00:55:57 C'est la DEP qui nous a fait le lien entre les enseignants et enseignantes qui ont répondu
00:56:02 à notre questionnaire et les évaluations.
00:56:04 Par ailleurs, ils ont fait passer, les enseignants ne savaient absolument pas, pour le dire autrement,
00:56:09 qu'ils étaient forcément dans l'enquête ou qu'ils allaient, on ne leur prévenait
00:56:12 pas.
00:56:13 Ce n'est pas les enseignants qui ont fait passer en sachant qu'ils allaient être répondants
00:56:16 dans notre enquête, si vous voulez.
00:56:17 En septembre, ils ne savaient pas, puisqu'on les a interrogés qu'au mois de février.
00:56:21 Et pareil, ce ne sont pas les mêmes enseignants qui ont passé les tests de début CE1, puisque
00:56:27 par définition, c'est l'enseignante et les enseignants de CE1 qui l'ont fait.
00:56:30 Donc on a une clé d'appariement anonyme qui permet de lier les résultats aux évaluations
00:56:35 avec les résultats à l'enquête.
00:56:36 Mais c'est complètement indépendant, ce n'est pas une enquête expérimentale, pour
00:56:39 le dire autrement.
00:56:40 C'est vraiment une enquête sur les enseignants pour laquelle on est capable de donner les
00:56:44 résultats pareilleux qui ont été recueillis pour les élèves.
00:56:49 Sinon, effectivement, ça poserait des problèmes.
00:56:51 Mathilde, on prend quelques questions de ceux qui nous suivent à distance.
00:56:58 Je vais poser une question du tchat, mais avant toute chose, pour les questions émanant
00:57:02 du public, s'il vous plaît, pensez bien à les poser dans un micro, non pas pour nous,
00:57:07 mais pour les gens qui nous suivent à distance, qui n'entendent pas si on ne parle pas dans
00:57:11 le micro.
00:57:12 De la part de nos participants à distance, nous aimerions avoir des précisions sur ces
00:57:20 fameuses méthodes de lecture que vous avez présentées, et notamment sur la méthode
00:57:24 Léo et Léa.
00:57:25 Pourriez-vous nous en présenter les spécificités rapidement et par extension, quelles autres
00:57:34 méthodes pouvez-vous recommander ou qui seraient selon vous les plus pertinentes ?
00:57:40 Léo et Léa, comme j'écris, font partie des 10 méthodes les plus utilisées en France.
00:58:05 Elles ont toutes pour point commun de présenter un apprentissage systématique et progressif
00:58:15 des correspondances graphophonémiques.
00:58:16 C'est notamment le cas de Jolijé-Cré, il part d'un apprentissage graphémique,
00:58:28 on part du graphème pour l'associer à son phonème, et on fait toujours ça de façon
00:58:42 systématique en proposant des textes méticuleusement articulés à la progression des correspondances
00:58:47 graphophonémiques.
00:58:48 On va toujours présenter que des associations lettre-son, mots et phrases entièrement
00:58:55 déchiffrables du point de vue, eu égard aux associations lettre-son qui ont été
00:58:59 enseignées jusqu'alors.
00:59:00 Il y a des différences qui distinguent ces méthodes.
00:59:06 Dans Léo et Léa, il y a le recours à des mots repères, ce qui peut parfois prêter
00:59:11 à la confusion.
00:59:12 Ce ne sont pas des mots outillés, ce sont des mots repères qui, quand ils sont présentés,
00:59:15 sont entièrement déchiffrables.
00:59:16 C'est la grande différence avec les mots outillés, notamment toutes les conjonctions
00:59:20 de coordination qui vont être proposées et mémorisées par les élèves dans les
00:59:25 autres méthodes, qui au moment où elles sont présentées avec, mais donc hors nicard,
00:59:28 etc. etc. ne sont pas entièrement déchiffrables.
00:59:31 Dans Léo et Léa, il y a des mots repères, par exemple, ce qui n'est pas le cas dans
00:59:34 Je lis, j'écris, mais ils sont entièrement déchiffrables au moment où ils sont proposés
00:59:38 aux élèves et on ne demande pas à ce qu'ils soient mémorisés nécessairement, absolument
00:59:41 par cœur, comme ça peut être le cas dans d'autres méthodes.
00:59:44 Et en fait, plus le nombre de correspondances graphophonémiques enseignées grandit, plus
00:59:51 les textes peuvent se complexifier, s'enrichir.
00:59:52 Et contrairement, et ça du coup, je vais peut-être le signaler, contrairement à une
00:59:55 idée reçue, quand on regarde les textes qui sont proposés, et ça c'est peut-être
00:59:58 particulièrement le cas de Je lis, j'écris, mais c'est aussi le cas de Léo et Léa et
01:00:01 d'autres méthodes syllabiques, contrairement parfois à une idée reçue à laquelle la
01:00:06 vie dure, c'est que la richesse, disons, et la complexité des textes proposés parmi
01:00:12 les méthodes syllabiques ne sont pas si limitées que ça parmi les premières semaines de l'année.
01:00:16 Donc avec un nombre limité ou relativement limité de correspondances lettres-sans, avec
01:00:20 un peu d'inventivité, les maisons d'édition des méthodes syllabiques en ont peuvent proposer
01:00:26 des textes qui sont rigolos pour les élèves, et pas si simples.
01:00:32 Oui, ce qu'on fait là, c'est, on en a une cinquantaine en tout de manuels dans l'enquête ?
01:00:39 En tout, on en a 82.
01:00:41 82, déclarés.
01:00:42 En réalité, on voit là, on n'a pas montré précisément, mais il y a les trois premiers
01:00:48 qui sont extrêmement, c'est impressionnant d'ailleurs, après, tu as un enseignant
01:00:51 et enseignante sur deux, en France, les utilisent, et puis après, ça décroît très très
01:00:55 vite en réalité.
01:00:56 C'est beaucoup, beaucoup, beaucoup de manuels très très peu utilisés.
01:01:01 Moins de 1%, moins de 0,5%.
01:01:04 Alors, on les travaille de manière nous aussi décroissante.
01:01:08 On a commencé par travailler sur les plus importants.
01:01:11 Là, notre, je dis "on", notre jeune assistant de recherche, ce qu'il fait, c'est qu'il
01:01:17 prend chacun des manuels, il retape l'ensemble du texte jusqu'à peu près décembre,
01:01:24 les 12, en gros, septembre-décembre, le texte proposé dans le manuel, et on fait passer
01:01:28 le logiciel anagraphe, anagraphe qui permet de compter, de compter et de calculer le
01:01:36 taux de déchiffrabilité des textes donnés à lire.
01:01:38 Donc, par exemple, l'EOLA de mémoire doit être à 98, 19, peut-être 100.
01:01:45 On est entre 97 et 100.
01:01:48 Il peut y avoir, il peut rester parfois une ou deux petites scories dans des manuels strictement
01:01:52 syllabiques qui fait que tout n'est pas déchiffrable.
01:01:55 Mais enfin, on est au-delà de 97%.
01:01:57 Quand vous descendez sur des manuels, en fait, vous pouvez classer tous les manuels sur cette
01:02:02 gradation, c'est ce qu'on fait.
01:02:03 On descend jusqu'à quoi ? On a…
01:02:06 C'est un bon décrit terme, mais on est en dessous de 50%.
01:02:09 Oui, on est, on y en a qui descendent à 40, 40, 45%.
01:02:13 C'est à 45% seulement du texte donné à lire et déchiffrable au moment où il est
01:02:19 donné à lire.
01:02:20 Puisqu'il faut évidemment mettre en regard les graphèmes qui ont été enseignés.
01:02:24 Si on est à la quatrième semaine, c'est ce que fait un agrafe.
01:02:28 Vous lui soumettez le texte de la quatrième semaine et vous lui dites quels sont les graphèmes
01:02:31 qui ont été enseignés pendant les quatre premières semaines.
01:02:34 Et il vous dit, voilà le nombre, le pourcentage, alors de mots, il y a plusieurs manières
01:02:38 de le calculer, mais qui ou de graphèmes plutôt qui ne sont pas déchiffrables.
01:02:41 Donc ça, c'est un critère essentiel.
01:02:44 Je pense, j'espère, sans trop m'avancer, d'ici quelques semaines, on publiera une
01:02:50 note, j'espère, au CZN sur ces questions-là, sur ces résultats-là et sur la description
01:02:55 de tous ces supports pédagogiques.
01:02:57 On en a une trentaine, une quarantaine, je crois, à peu près, qui sont décryptés
01:03:03 pour présenter la logique de cette façon-là.
01:03:07 Ce qui compte fondamentalement, c'est ça, de notre point de vue, c'est ça qu'on
01:03:10 a, sur lequel on s'est concentré dans l'enquête.
01:03:13 Et par ailleurs, on compte le nombre de mots, ce qui est plus facile à faire.
01:03:16 Ça va plus vite, disons, que d'entrer et de retaper tout le texte.
01:03:19 Oui, joli, merci.
01:03:28 Nous avons des élèves de CP qui arrivent après trois ans de maternelle et on sait
01:03:35 à quel point la maternelle est exigeante, bienveillante et avec des attendus très précis.
01:03:40 Est-ce que vous avez pu avoir un regard sur la manière dont se construit le principe
01:03:45 alphabétique en maternelle et en particulier sur certaines activités qui me semblent importantes,
01:03:50 pour pouvoir entrer dans l'écrit ? Je pense à tout ce qui est encodage, déjà cette
01:03:53 capacité à encoder des lains maternels.
01:03:55 Alors là, Paul, je te laisse répondre.
01:03:59 Je te laisse répondre, effectivement, il faut qu'on voit jusqu'où tu vas, parce
01:04:03 que ça c'est un tiers de la thèse de Paul.
01:04:05 C'est une question fondamentale que vous posez là et c'est l'un de ses apports,
01:04:08 à mon avis, qui sera l'un des plus marquants et il y en aura beaucoup dans sa thèse.
01:04:11 Donc, vous vous installez confortablement.
01:04:16 Je vais y passer trois heures, s'il te plaît, parce que je sais que tu vas y passer 200
01:04:19 pages.
01:04:20 Alors, peut-être que je précise en préambule un peu le protocole d'enquête de mon enquête
01:04:26 ethnographique, qui est l'autre enquête que j'ai...
01:04:29 Ça commence bien pour faire une réponse concise.
01:04:31 Non, mais c'est pour être tout à fait clair quand je dis que j'ai fait beaucoup
01:04:35 d'observations sur quel volume ça représente et à quel niveau.
01:04:38 Donc, en fait, ce que j'ai fait, c'est dans l'Académie de Paris, j'ai suivi dans
01:04:41 trois paires d'écoles élémentaires et maternelles plusieurs dizaines de familles.
01:04:45 Donc, chaque année, je rencontrais plusieurs fois ces familles et je les interrogeais sur
01:04:48 ce qu'elles faisaient à la maison avec leurs enfants.
01:04:50 Et j'ai commencé en grande section de maternelle.
01:04:52 Donc, j'ai commencé à rencontrer les familles alors que leurs enfants rentraient
01:04:55 en grande section de maternelle.
01:04:56 Et en fait, ce que j'ai fait, c'est que parallèlement aux entretiens que je menais,
01:05:00 que je réalisais chaque année plusieurs fois avec chacune de ces familles,
01:05:03 je réalisais des observations dans les classes de leurs enfants pour pouvoir croiser,
01:05:06 pour pouvoir, disons, observer l'interaction entre le contexte familial et le contexte scolaire,
01:05:11 ce qui était réalisé par les enseignants et les enseignantes dans les classes des enfants,
01:05:16 des familles en question.
01:05:17 Donc, comme j'ai commencé en grande section de maternelle, j'ai commencé mes observations
01:05:20 en maternelle.
01:05:21 Donc, j'ai observé beaucoup de grandes sections.
01:05:23 Et en fait, du fait qu'en France, à Paris et en France, de façon générale, il y a
01:05:27 énormément de classes multiniveaux, j'ai aussi observé des classes de moyenne section.
01:05:31 Donc, j'ai observé moyenne section, grande section, l'année d'après, SCP, puis du
01:05:33 CE1 et également à l'occasion des multiniveaux autres.
01:05:38 Et donc, sur l'enseignement du principe alphabétique, effectivement, ça va constituer
01:05:42 un large point de ma recherche.
01:05:43 Alors, en fait, non.
01:05:46 J'essaie de synthétiser.
01:05:47 - Il ne faut pas, Paul, de résumer sa thèse en trois phrases.
01:05:51 C'est là qu'on sait qu'on est arrivé.
01:05:53 - Disons que ce que j'ai beaucoup observé, c'est que les enseignants passent un temps
01:06:00 non négligeable et majoritaire sur cette entrée dans l'écrit sur deux dimensions.
01:06:04 La conscience phonémique, la conscience phonémique pure, de quoi ? Pure de tout lien avec la
01:06:09 graphie.
01:06:10 Et la graphie, mais la graphie pure, libre de tout lien avec le graphémique.
01:06:16 Et en fait, le temps qui serait dévolu aux deux, donc aux deux dimensions croisées,
01:06:20 la phonémique et donc pour la construction du principe alphabétique, c'est une condition
01:06:23 sine qua non, est relativement limitée.
01:06:26 Et souvent, donc de ce que j'ai observé, mais ça peut varier, bien sûr, d'une classe
01:06:29 de grande section à l'autre, ça va se faire souvent autant juste après, quand on revient
01:06:34 de manger, la pause méridienne, on revient et pendant cinq minutes, il y a beaucoup d'enseignants
01:06:38 enseignantes qui ont recours, comme la salle d'ailleurs, ce sont souvent des enseignanteux
01:06:42 qui ont recours à des cahiers de tâtonnement et qui vont pendant quelques minutes proposer
01:06:46 quelques associations à leurs élèves.
01:06:49 Donc il y a un temps dévolu qui va être important à l'enseignement éventuellement
01:06:52 de l'alphabet, mais donc de la graphie pure de toute phonémie, et inversement à la conscience
01:06:55 phonémique pure de toute graphie.
01:06:57 Donc là, ça va se faire avec énormément d'exercices, les mots-valises, on peut prendre
01:07:02 les prénoms de la classe, on essaye de mettre l'emphase sur telle ou telle lettre, sur
01:07:05 le début, sur le son par lequel débute le mot, le prénom ou le son par lequel il se
01:07:09 termine, etc.
01:07:10 On va demander de faire des élisions, on va demander d'enlever certains sons, d'en
01:07:13 rajouter d'autres, etc.
01:07:14 Alors, ce n'est que le début de son travail, mais c'est extrêmement important ce que tu
01:07:27 dis, ce que tu montres, parce que l'un des autres résultats qu'on ne voit pas forcément,
01:07:31 et c'est normal quand on est enseignant ou enseignante, c'est ce que permet le travail
01:07:36 de Paul, c'est qu'il étudie ce qui se passe dans les familles.
01:07:39 Or, il n'y a pas un accord si évident, pour le dire de manière diplomatique, ou je ne
01:07:46 sais pas comment dire, euphémisé un peu, entre ce qui doit être enseigné du point
01:07:49 de vue du principe alphabétique, entre la grande section, enfin il y a des programmes,
01:07:53 mais entre la grande section et l'entrée en CP.
01:07:56 Ce que je crois pouvoir dire comme ça, tu le montreras, ce sera ton propre résultat
01:08:01 évidemment de thèse, c'est qu'entre la grande section de matinal et les CP, il y
01:08:05 a les vacances et il y a les familles.
01:08:08 Et en réalité, beaucoup est enseigné dans les familles.
01:08:12 Ce qui fait qu'effectivement, on voit de tels écarts à l'entrée en CP.
01:08:17 Alors, les sociologues sont les grands spécialistes de ça, ils disent "mais tout ça c'est
01:08:20 parce que tout se joue dans la famille, etc."
01:08:22 Paul le montrera aussi, mais tout se joue dans la famille en interaction avec ce qui
01:08:26 se joue ou ne se joue pas dans l'école.
01:08:28 C'est d'accord.
01:08:29 Comme il n'y a pas un accord complet, on va le dire comme ça, entre ce qui doit être
01:08:34 vraiment enseigné du principe alphabétique en grande section de maternelle et donc de
01:08:40 ce qui doit être attendu quand on entre en CP, il manque une jointure.
01:08:43 Là, c'est clair, parce que Paul a travaillé dans plusieurs milieux sociaux très contrastés,
01:08:49 à Paris on en trouve.
01:08:51 Là, les familles, effectivement, certaines familles, certains milieux sociaux vont beaucoup
01:08:56 plus intervenir.
01:08:57 Les autres, non pas les mieux populaires parce qu'ils ne sont pas compétents, c'est
01:09:02 parce qu'ils ont un principe très fort et qui est beaucoup moins diffusé dans le
01:09:06 milieu qui est par exemple le mien, c'est qu'on écoute ce que fait l'enseignante
01:09:11 et on ne va pas à l'encontre de ce que fait l'enseignante, ce que font allègrement
01:09:16 tous les parents universitaires ou autres.
01:09:19 Ça, c'est un résultat extrêmement important parce que moins on est au clair sur ce qui
01:09:26 doit être enseigné, sur ce qui doit être entre la grande section et le CP, plus on
01:09:30 laisse, plus ou moins, les familles le faire.
01:09:33 Les résultats de l'enquête de Paul sont extrêmement spectaculaires de ce point de
01:09:36 vue-là et les évaluations le montrent aussi d'ailleurs très bien.
01:09:38 Je voulais vous poser la question de la formation, Madame la rectrice.
01:09:46 Je vous invite à la suite.
01:09:47 Merci.
01:09:48 Au revoir.
01:09:48 – Sous-titrage : Le Crayon d'oreille -
01:09:53 [Silence]
01:10:20 – Je recommence du coup ?
01:10:24 Est-ce que vous avez pu croiser l'impact des formations suivies au cours des trois
01:10:30 dernières années ?
01:10:31 Il y a deux questions, déjà sur le choix du manuel d'une part et d'une deuxième
01:10:36 part, quelqu'un tout à l'heure disait qu'on pouvait se retrouver prisonnier d'un
01:10:40 manuel quand on arrivait dans une école parce qu'on sait que sur les territoires,
01:10:43 ce n'est pas toujours facile de changer de manuel de lecture.
01:10:45 Est-ce que de ce fait, les formations ont un impact sur la pratique enseignante par
01:10:53 rapport à ce que vous décrivez et la prise en compte de tous les aspects que vous décrivez ?
01:10:57 – Alors ça, c'est une question qui pour nous est encore en chantier.
01:11:02 On l'a dans l'enquête mais la question est extrêmement importante.
01:11:09 Ce qui nous manque pour être très précis et très technique, c'est qu'on n'a
01:11:13 pas le contenu des formations.
01:11:15 C'est là qu'on a effectivement, les enseignants ont répondu sur le nombre de formations suivies
01:11:19 sur la lecture ces trois dernières années.
01:11:21 Mais peut-être qu'on pourrait réussir à l'obtenir, mais c'est très compliqué,
01:11:25 il faudrait prendre pour les 9000 enseignants, aller retrouver les plans de formation, etc.
01:11:28 On n'a pas une description précise de la formation.
01:11:30 Alors ce qu'on a fait pour le moment, c'est qu'on l'a fait pour l'Académie de Paris,
01:11:33 on connaît mieux.
01:11:34 Du point de vue, on n'a pas croisé directement l'effet de la formation sur les résultats
01:11:40 des élèves, on a regardé l'effet de la formation sur les pratiques.
01:11:43 Est-ce que si on contraste les enseignants et enseignantes selon les formations suivies,
01:11:51 est-ce qu'ils ont des pratiques différentes de celles et ceux qui n'ont pas suivi les
01:11:54 formations ? Pour le moment, on n'a pas trouvé de résultat significatif.
01:11:58 C'est-à-dire, on le comprend, alors ce n'est pas pour vous, vous n'êtes pas du
01:12:02 tout formatrice, ce n'est pas du tout pour vous dire qu'il faut arrêter la formation,
01:12:07 au contraire, c'est qu'il faut en faire encore plus.
01:12:09 Et surtout, ça dit des choses sur ce qu'est une culture professionnelle.
01:12:12 On ne s'attendait pas forcément, on était ouvert puisqu'on a posé des questions,
01:12:18 on a quand même regardé dans la quête de Paris, en plus il y a eu un investissement
01:12:21 très fort, les années précédentes justement de notre enquête, c'était l'un des points
01:12:25 de départ même de notre enquête.
01:12:26 On ne voit pas de différence essentielle du point de vue des déclarations de pratiques
01:12:32 telles qu'on vous les a présentées, entre suivi, pas suivi de formation.
01:12:35 Alors bon, qu'est-ce qu'on en fait de ça ? Est-ce que c'est seulement désespérant,
01:12:40 est-ce que je ne sais pas ?
01:12:41 Non, ça dit aussi des choses, c'est qu'on ne change pas une pratique professionnelle,
01:12:45 pas seulement dans le métier enseignant d'ailleurs, mais en tout cas si facilement et aussi vite.
01:12:50 Il faut bien l'avoir en tête, moi je veux insister là-dessus parce que ça aussi on
01:12:55 me le dit souvent.
01:12:56 La question qu'on pose là, l'évolution des pratiques ou plutôt, pour le dire autrement,
01:13:02 le lien entre la culture professionnelle des enseignants et les résultats de la recherche
01:13:07 accumulée depuis 30 ans, le fait qu'il y a quand même des décalages assez importants,
01:13:12 ce n'est pas du tout propre à la France.
01:13:14 C'est un problème qui se pose dans tous les pays.
01:13:17 On a des collègues, pas en France, qui travaillent sur cette question-là, qui travaillent spécifiquement
01:13:22 sur les décalages entre culture professionnelle des enseignants et accumulation des résultats
01:13:27 scientifiques et qui disent souvent tous les 10 ans "on a encore fait une belle méta-analyse
01:13:32 mais finalement rien n'a changé, on a mis en place une task force en Angleterre sur
01:13:36 ce sujet-là qui a rassemblé des enseignants etc."
01:13:38 Et ça n'a pas eu d'effet.
01:13:39 Pour vous dire que les collègues aussi, les résultats ne sont pas toujours au rendez-vous
01:13:47 disons, mais c'est pour dire aussi que la tâche elle est importante.
01:13:52 C'est quand même, les évolutions dans la culture professionnelle datent du tournant
01:13:57 des années 70-80.
01:13:59 On ne change pas comme ça d'un coup de baguette magique des choses qui parfois ont
01:14:03 été sédimentées dans des générations d'enseignants.
01:14:06 Qu'il y ait une divergence si vous voulez, pour le dire autrement, entre une culture
01:14:09 professionnelle et les résultats de la recherche scientifique, c'est très commun comme résultat.
01:14:16 Sur ce sujet-là, c'est vrai que c'est assez fort.
01:14:19 Je dirais que le fossé reste très important et ce n'est pas seulement propre à la France.
01:14:26 Moi je veux vraiment, c'est pour sortir aussi d'un débat un peu franco-français etc.,
01:14:30 je vous assure, des expériences ont été menées en Australie, aux Etats-Unis, en
01:14:36 Angleterre, exactement sur les sujets qu'on évoque là.
01:14:40 On travaille maintenant avec Paul, on fait des comparaisons avec le cas américain qui
01:14:45 est quand même très différent du point de vue de la culture, du point de vue de l'histoire
01:14:48 des systèmes éducatifs.
01:14:49 On est absolument sidérés de voir à quel point, fondamentalement, les questions sont
01:14:54 les mêmes.
01:14:55 Les questions sont les mêmes, nonobstant un peu de traduction et de se comprendre sur
01:14:58 les termes, mais fondamentalement on pense que la même enquête produirait les mêmes
01:15:02 résultats aux Etats-Unis.
01:15:03 C'est pour dire que pour nous c'est une grande cause.
01:15:07 Ce n'est pas un débat de politique.
01:15:11 Ce n'est pas ça le problème, vraiment.
01:15:14 Parce que quand on reprend les pays qui ont pris conscience peut-être plus tôt dans
01:15:18 les années 90 et qui ont mis en place des dispositifs, on voit par exemple, et c'est
01:15:21 un résultat qui m'intéresse beaucoup, que c'est souvent tout à fait transpartisan
01:15:25 sur le plan politique.
01:15:26 Ça veut dire que c'est parfois des travaillistes en Angleterre, ça va plutôt être des gouvernements
01:15:30 conservateurs en Australie.
01:15:31 Donc ce n'est pas un débat d'abord politique comme il est beaucoup présenté encore et
01:15:36 qu'il a été historiquement.
01:15:37 Ça a d'abord été un débat qui s'est très politisé dans les années 70.
01:15:41 Bon, moi j'ai un peu travaillé sur ces questions-là.
01:15:42 Mais voilà, il faut vraiment...
01:15:44 Pour nous c'est la question, c'est une question fondamentale qui n'est pas propre à la France
01:15:49 et pour laquelle il faut investir, il faut trouver...
01:15:52 On n'a pas la solution, on n'a pas dit qu'on n'a pas la prétention.
01:15:55 Mais il faut vraiment débattre et se former et discuter pour améliorer quand même l'efficacité
01:16:02 globalement de l'entrée dans l'écrit en France et dans beaucoup d'autres pays.
01:16:06 Oui, j'ajoute juste quelques petits éléments peut-être pour venir...
01:16:09 Petits éléments...
01:16:10 Pour venir en complément, peut-être pour tenter de comprendre pourquoi le changement
01:16:16 est si difficile à venir consécutif à des formations qui n'ont du coup pas de conséquences
01:16:22 immenses sur les pratiques, en tout cas c'est ce qu'on commence à observer dans l'Académie
01:16:26 de Paris notamment.
01:16:27 Pour n'importe quel être humain, pour n'importe quel individu, on a tendance à faire ce qu'on
01:16:31 a fait.
01:16:32 Donc il y a l'inertie de sa propre pratique.
01:16:33 Pour venir télescoper et changer ses propres pratiques, il faut que le son de cloche soit
01:16:40 extrêmement clair.
01:16:41 Et si tu as fait ça et maintenant fais autre chose.
01:16:45 Or les enseignants et enseignantes, d'abord, c'est une des questions qu'on a posées dans
01:16:49 notre enquête, c'est qui a fait le choix du manuel que vous utilisez ? Est-ce que c'était
01:16:54 un choix propre ? Est-ce que c'était un choix collectivement réalisé par vous et
01:16:58 votre équipe, l'équipe pédagogique de l'école ? Ou est-ce que c'est un choix que vous n'avez
01:17:03 pas réalisé, qui aurait été imposé par quelqu'un d'autre ou parce que l'école
01:17:07 ne pouvait pas acheter de manuel ou parce que l'enseignant est arrivé dans sa classe
01:17:09 trop tard pour en commander un autre, etc.
01:17:11 Donc déjà, c'est la première subdivision, c'est que pour que les formations puissent
01:17:15 avoir un effet, il faut que les enseignants aient la main sur le manuel qu'ils ou elles
01:17:18 utilisent.
01:17:19 C'est la première chose.
01:17:20 Parmi celles et ceux dont c'est le cas, je disais à l'instant, il faut que le son de
01:17:23 cloche soit clair et monolithique, disons.
01:17:26 Or, les enseignants et enseignantes, ça a été répété tout à l'heure, n'ont pas
01:17:31 nécessairement eu de formation avant même d'entrer dans le métier, spécifiquement
01:17:34 dévolue à l'enseignement de la lecture.
01:17:36 En formation continue, ce n'est donc pas toujours le cas pour la majorité d'entre
01:17:40 eux ou elles.
01:17:41 Et quand ça a été le cas, ces formations n'ont pas toutes porté les mêmes principes
01:17:45 pédagogiques.
01:17:46 Donc, je disais, il faut que ce soit un monolithe.
01:17:49 C'est très loin d'être le cas puisqu'il y a toutes ces influences.
01:17:52 En marge de ces influences, il y a aussi les influences des pairs.
01:17:56 Ici, les autres enseignants et enseignantes d'une école vers qui les enseignants se
01:18:00 tournent en général.
01:18:01 Toi, tu utilises quel manuel ? Toi, tu fais quoi ? Ou sur les forums.
01:18:04 Et ça, c'est pareil, les sons de cloche peuvent être très variés.
01:18:07 En plus de ça, il y a les conseillers pédagogiques, les inspections.
01:18:11 Il y a une myriade d'influences potentielles qui ne sont pas du tout homogènes dans les
01:18:16 prescriptions pédagogiques qu'elles portent.
01:18:18 Et ça, je pense que ça explique une grande part de l'inertie qui est déjà naturelle
01:18:22 pour n'importe quel individu et qui dilue les effets potentiels d'une formation et
01:18:27 qui rend très compliqué le moindre changement.
01:18:29 Je pense.
01:18:30 Je veux toujours préciser, je suis complètement d'accord avec ce que tu dis, Paul, mais c'est
01:18:41 une question compliquée, la question de l'entrée dans l'écrit.
01:18:45 Moi, je me suis commencé à m'y intéresser il y a 10 ans.
01:18:48 J'ai passé à peu près la moitié de mon temps.
01:18:50 Je suis dans une classe, mais à l'école normale supérieure et j'ai très peu d'oeuvres.
01:18:54 Et mes étudiants, en plus, en connaissent plus que moi maintenant sur le sujet.
01:18:57 Donc, ils peuvent m'apprendre plein de choses.
01:18:58 Ce que je veux dire, c'est qu'il ne faut pas du tout mouvoir la difficulté de s'approprier
01:19:03 des connaissances, d'être capable de les traduire dans une classe.
01:19:06 C'est vraiment complexe.
01:19:08 Moi, je pense, j'ai acquis la conviction, il n'y a pas forcément d'études, en tout
01:19:11 cas, je n'en ai pas encore trouvé, qu'il faudrait.
01:19:14 Je sais que c'est quelque chose qui ne plaît pas toujours dans la culture professionnelle
01:19:20 en France.
01:19:21 Je pense qu'il faudrait spécialiser les enseignants de primaire.
01:19:24 Je pense qu'il faudrait une forme de spécialisation entre, d'un côté, les disciplines autour
01:19:30 des disciplines littéraires, l'entrée dans l'écrit, le français, puis l'histoire,
01:19:35 et les disciplines scientifiques.
01:19:36 Je crois que c'est une question qui vraiment mérite d'être posée parce qu'on a, et
01:19:42 je crois que même le Cézanne, je peux le dire comme ça, au début, moi, je n'étais
01:19:45 pas tout à fait sur cette ligne-là, c'est beaucoup moins le cas aujourd'hui, ça me
01:19:49 paraît plus cohérent.
01:19:50 Il y a l'idée quand même, quand on lit les travaux de nos collègues anglo-saxons,
01:19:54 il y a l'idée, bon, c'est bon, on a fait une méta-analyse, il n'y a plus qu'à
01:19:58 la lire.
01:19:59 Et puis ensuite, les enseignants n'ont plus qu'à appliquer.
01:20:02 Non, quand on travaille sur la culture professionnelle et sur le monde enseignant, c'est beaucoup
01:20:08 plus compliqué que ça pour tous les milieux professionnels et notamment pour le milieu
01:20:12 de l'enseignement.
01:20:13 Un enseignant ou une enseignante n'est pas en soi chercheuse ou chercheur, elle n'a
01:20:17 pas aussi la moitié de son temps à consacrer, comme on le fait nous, pour lire des méta-analyses.
01:20:23 Donc, je veux dire par là, c'est que je crois qu'il ne faut vraiment pas du tout
01:20:26 minorer l'investissement que ça demande et effectivement le caractère continu pour
01:20:32 permettre aux enseignantes et aux enseignants de s'approprier en fait, et d'être capable
01:20:37 après de traduire avec la liberté pédagogique qui reste fondamentale, de traduire tout ce
01:20:44 que l'on a maintenant comme résultat.
01:20:46 Moi, j'apprends beaucoup de Paul parce que je suis sur beaucoup de sujets liés à la
01:20:52 lecture.
01:20:53 Moi-même, c'est dépassé en fait.
01:20:54 Il y a plein de disciplines.
01:20:56 Donc, c'est vraiment quelque chose d'assez massif qui doit être, qui doit faire l'objet
01:21:02 d'une formation très approfondie.
01:21:04 Moi, je reste convaincu qu'à mon avis, l'une des solutions, c'est une forme de spécialisation
01:21:09 des enseignants et des enseignantes pour justement pouvoir se focaliser sur un domaine d'études,
01:21:13 se disciplinariser, pas au sens du secondaire, je ne vais pas dire ça, mais en tout cas avoir
01:21:18 des domaines de compétences.
01:21:20 Parce que sinon, oui, d'être vraiment spécialiste de la didactique, disons plutôt côté français,
01:21:27 plutôt contre-science, pour la dire un petit peu rapidement.
01:21:30 Je crois que c'est une vraie question qu'on a du mal à poser et que je n'ai pas encore
01:21:35 vu d'études précises sur le sujet.
01:21:37 Il y en a certainement, j'en avais parlé un moment avec le ministère, mais encore
01:21:42 une fois, c'est vraiment, ça demande beaucoup de temps, d'énergie pour une appropriation.
01:21:48 Et par contre, je crois que c'est le cœur de la liberté pédagogique.
01:21:50 Moi, j'ai toujours pensé que la liberté pédagogique d'enseignant s'exerçait encore
01:21:53 mieux quand elle était instruite.
01:21:55 L'ignorance n'a pour moi jamais été fille de liberté pédagogique.
01:22:00 Ou mère de liberté pédagogique.
01:22:03 Et une dernière chose, en conclusion, en complément, c'est qu'il faudrait bien se garder de considérer
01:22:08 que parce que des savoirs sont élémentaires, il serait élémentaire de les enseigner.
01:22:11 Ça, c'est vraiment pour aller dans le sens de ce que tu dis.
01:22:15 Pas une classe en CB, je préfère aller à l'ENS, tranquille.
01:22:19 Mais non, c'est ce qu'il y a de plus compliqué du point de vue de l'enseignement.
01:22:25 C'est évident, entrer dans l'écrit, entrer dans l'animération, par définition, on demande
01:22:28 à des élèves de faire en quelques semaines ce que l'humanité a mis quelques centaines
01:22:34 d'années, milliers d'années pour certains à faire.
01:22:37 Donc, c'est vraiment les savoirs fondamentaux, au sens, les fondements à la fois de nos
01:22:42 sociétés humaines et du développement des élèves et des enfants.
01:22:47 C'est là où il faut une spécialisation, je trouve, forte pour les enseignants.
01:22:52 C'est vraiment intéressant.
01:22:59 Avant, il n'y a plus de questions dans le chat, donc je les ai copiées à part.
01:23:11 Peut-être on pourra faire l'objet d'une réponse à postériori de cette intervention.
01:23:18 Voilà, sinon on reprend rendez-vous.
01:23:22 Est-ce qu'il y a une dernière question dans la salle avant que nous ne concluons ?
01:23:27 Je vous en prie.
01:23:35 Une dernière question concernant les manuels que vous avez utilisés.
01:23:41 Ça me fait écho avec les recherches de Serge Boismar sur l'importance de ne pas utiliser
01:23:50 de manuels qui sont un peu aseptisés, notamment pour ces enfants qui sont empêchés de penser,
01:23:54 et de pouvoir avoir sur des manuels des textes assez riches et variés pour pouvoir avoir
01:23:59 une charge affective, notamment assez engageante pour les enfants, et qui s'autorisent à
01:24:04 apprendre et qu'on ne se dise pas qu'on doit faire le moins du moins possible pour
01:24:09 eux, notamment par rapport aux textes choisis.
01:24:11 Ça c'est un élément à mon avis extrêmement important qu'on ne capte pas évidemment
01:24:19 très bien dans l'enquête, on n'en a pas en tout cas dans cette enquête-là, en tout
01:24:22 cas on l'a fait dans une autre enquête.
01:24:24 Peut-être que Liliane d'ailleurs en a parlé, elle insiste beaucoup sur cet aspect-là.
01:24:30 C'est extrêmement important la qualité des textes et l'exigence intellectuelle,
01:24:36 j'entends, des textes donnés à lire est vraiment essentiel.
01:24:40 Et c'est ce que dit souvent Liliane à très juste titre, plus on est dans les milieux
01:24:47 populaires, plus on a besoin de textes et de vocabulaire exigeant, puisqu'il n'est
01:24:53 pas nécessairement caricatural, mais ce n'est pas forcément du vocabulaire qu'on
01:24:58 acquiert dans le milieu familial.
01:25:00 Effectivement l'idée de faire des textes simples voire simplistes, de ne pas utiliser
01:25:07 de vocabulaire trop complexe, ça va absolument à l'encontre de ce qu'il convient de faire.
01:25:17 L'un de nos collègues, Jean-Pierre Théraille, a beaucoup réfléchi à cette question-là,
01:25:22 il a un mot que j'aime, une expression, un concept que j'aime beaucoup, c'est une
01:25:26 pédagogie de l'exigence intellectuelle.
01:25:28 Il ne faut pas croire que l'exigence intellectuelle, pas seulement en CP, c'est véritablement
01:25:35 ce dont ont besoin les élèves les moins armés dans leur famille.
01:25:39 Parce que vraiment, il faut l'avoir en tête, ça le travail de Paul va le montrer, on se
01:25:45 rend compte aux Etats-Unis, on a été un peu déçus, on pensait être les premiers
01:25:49 à le montrer, mais manifestement ce n'est pas le cas, il faut bien prendre conscience
01:25:54 à quel point en France on apprend à lire dans les familles.
01:25:57 Il faut vraiment, le travail de Paul le montre, c'est la première fois je crois qu'on a
01:26:01 un travail qui travaille à la fois où on suit des élèves avec ce qui se passe dans
01:26:05 l'école et ce qui se passe dans les familles.
01:26:06 C'est normal que les anciens notationnels ne sachent pas nécessairement ce qui se passe
01:26:09 dans les familles, ils ne sont pas à d'endroits présents, lui il était présent.
01:26:12 C'est très très spectaculaire, vraiment.
01:26:15 Les Américains le disent d'une autre façon, il y a un débat très très important aux
01:26:20 Etats-Unis, un peu comme celui qu'on a en France, mais peut-être plus fort encore parce
01:26:23 que les méthodes idéo-visuelles ont été plus importantes, encore plus diffusées.
01:26:27 La grande éditrice des méthodes idéo-visuelles, dont on dit qu'on n'a pas pu vérifier
01:26:35 qu'elle aurait à peu près un quart des élèves aux Etats-Unis, ce qui est considérable,
01:26:40 aurait eu ces méthodes, elle-même vient en 2022 de dire que finalement elle s'est
01:26:44 trompée.
01:26:45 Elle est en train de reprendre ses propres méthodes.
01:26:46 Il y a des gros arguments financiers, enfin il y a des grosses questions financières,
01:26:49 c'est ce que je veux dire.
01:26:54 Mais ils constatent là-bas que la baisse du niveau, qui est très importante aussi,
01:26:57 a probablement été freinée par le fait que les familles ont pris le relais du système
01:27:03 éducatif sur l'apprentissage du décodage.
01:27:05 Pas seulement sur le décodage, c'est ce que Paul montre en France.
01:27:09 Le miracle des vacances n'existe pas.
01:27:12 Derrière ce sont les parents, les grands-parents parfois aussi, qui à nos vacances de Noël,
01:27:17 vacances de février, se font travailler.
01:27:20 Ça c'est très net.
01:27:22 Donc il faut l'avoir en tête que moins l'école donne et transmet ses propres requis
01:27:28 d'exigence, plus elle laisse la possibilité aux familles, enfin laisse la possibilité,
01:27:33 ou en tout cas elle confie aux familles le soin de rattraper et de pouvoir le faire ou
01:27:37 pas.
01:27:38 C'est la clé de voûte des inégalités scolaires telles qu'elles se produisent
01:27:42 aujourd'hui en France.
01:27:43 Pardon pour cette réponse là.
01:27:46 Merci infiniment à vous deux de vous être déplacés jusqu'au rectorat de Versailles.
01:27:54 On s'engage évidemment à vous envoyer toutes les questions qui seraient restées
01:27:59 sans réponse pour que vous puissiez y répondre et je verrai avec mes quatre collègues des
01:28:05 départements adjoints au directeur académique pour relayer ces réponses.
01:28:11 Je voulais rappeler aussi peut-être à certains d'entre vous qu'on peut vous retrouver
01:28:15 Jérôme Dovio dans le cadre du Collège de France et donc d'un cycle de conférences
01:28:22 sur l'enseignement de la lecture et ses difficultés dont en théorie tous les enseignants, formateurs
01:28:29 et inspecteurs de cette très belle académie ont reçu le programme.
01:28:33 Un programme qu'on peut suivre en distanciel, qu'on peut suivre certes en replay mais
01:28:39 nous avons la chance aussi de pouvoir nous y rendre.
01:28:42 J'entends par là évidemment sous certaines conditions qu'il y ait suffisamment de places
01:28:48 disponibles en amphithéâtre mais néanmoins on peut aussi les suivre en distanciel.
01:28:53 Là sincèrement ce sont des millions de chercheurs qui vont venir parler de cette question et
01:29:01 notamment aux enseignants, aux directeurs, aux formateurs, aux inspecteurs de l'éducation
01:29:07 nationale et je crois que c'est très très important de pouvoir s'en emparer.
01:29:12 Et comme l'a dit madame la rectrice en entame, nous sommes en train de travailler à la conception
01:29:21 d'un parcours de formation à l'enseignement de la lecture et ce matin il me semble qu'en
01:29:27 tous les cas les leviers et les écueils nous les avons très largement identifiés et vous
01:29:33 nous confortez et vous nous avez ajouté d'autres leviers possibles pour faire en
01:29:38 sorte qu'effectivement les enseignants soient le mieux formés, accompagnés et qu'ils
01:29:44 deviennent de véritables experts de l'enseignement de la lecture, un enseignement fort complexe.
01:29:50 Vous venez de nous le rappeler et nous devons nous de les accompagner dans leur classe et
01:29:58 au sein de leur classe.
01:29:59 En tous les cas, merci à tous, merci à tous ceux qui nous ont écoutés en ligne,
01:30:04 merci à ceux qui se sont déplacés, merci encore une fois monsieur le secrétaire général
01:30:08 du conseil scientifique de l'éducation nationale d'être venu nous rejoindre aujourd'hui
01:30:14 et je vous souhaite à tous au nom de madame la rectrice une bonne fin de journée.
01:30:18 Merci infiniment.
01:30:19 Merci.