LA VÉRIF' - Peut-on désengorger les urgences d'ici 2024 comme le promet Emmanuel Macron?

  • l’année dernière
En pleine crise depuis plusieurs années, le secteur de la santé a été mentionné lors de l'allocution du président de la République. Emmanuel Macron a appelé à "profondément rebâtir le système de la santé" promettant d'avoir "d'ici la fin de l'année prochaine désengorgé tous nos services d'urgence".

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Transcription
00:00 une promesse faite par Emmanuel Macron au cours de son allocution lundi.
00:03 Est-ce que c'est réalisable ?
00:04 Il a promis le chef de l'État de désengorger les services d'urgence rapidement.
00:09 Oui, et il a donné un horizon la fin de l'année prochaine.
00:12 Ici, la fin de l'année prochaine,
00:15 nous devrons avoir désengorgé tous nos services d'urgence.
00:20 Un peu plus d'un an et demi, donc, pour désengorger les services d'urgence
00:24 qui sont de plus en plus sollicités.
00:25 On compte plus de 20 millions de passages aux urgences chaque année.
00:28 Ce sont les chiffres de 2021 et c'est deux fois plus qu'il y a 25 ans.
00:32 Deux fois plus qu'en 1996.
00:34 Pourquoi cet engorgement ?
00:35 Écoutez Philippe Juvin,
00:37 chef du service des urgences de l'hôpital Georges Pompidou
00:39 et député LR des Hauts-de-Seine.
00:42 Premièrement, dès que ça ne va pas bien dans la médecine de ville,
00:45 les gens viennent chez nous.
00:46 Quand vous n'avez pas de médecin traitant,
00:49 quand vous avez une entorse en jouant au foot et que ni kinés ni médecins
00:53 peuvent vous recevoir, vous venez chez nous.
00:55 Donc, tout dysfonctionnement de la médecine de ville conduit à une augmentation
00:58 de la capacité des urgences.
00:59 Et parallèlement, tout dysfonctionnement de l'hôpital.
01:03 Par exemple, quand vous avez des lits fermés dans l'hôpital
01:06 parce qu'il manque des infirmières en chirurgie,
01:08 les patients qui sont aux urgences, au lieu d'aller des urgences
01:12 vers le service de chirurgie, restent chez nous.
01:13 C'est grave parce qu'on a montré que plus les urgences étaient encombrées,
01:18 et c'est une donnée mondiale,
01:19 plus vous aviez des risques d'accidents médicaux.
01:22 -Regardons concrètement ce que ça donne sur le terrain.
01:24 -Alors déjà, on a une équipe qui s'est rendue hier soir
01:27 aux urgences du centre hospitalier intercommunal d'Aulnay-sous-Bois,
01:30 en Seine-Saint-Denis.
01:31 Et là-bas, suite à une pénurie de personnel,
01:33 l'accès aux patients est restreint.
01:35 Ce week-end, nous disent nos reporters, concrètement,
01:38 seules les personnes qui arrivent par les pompiers ou par le SAMU
01:41 sont acceptées, sont prises en charge.
01:43 Les autres, ceux qui viennent par eux-mêmes,
01:45 sont réorientés vers d'autres urgences de la région.
01:48 Écoutez ce jeune homme au micro de Léna Mamouni.
01:51 -Je suis venu déposer ma copine,
01:54 et je viens d'apprendre que les urgences sont fermées ce qu'on dit.
01:57 Pour moi, c'est inadmissible.
01:59 Je ne suis pas d'accord, parce que c'est un truc essentiel
02:01 et on a besoin d'eux.
02:02 Il ne faut pas jouer avec la santé des gens.
02:03 -"Il ne faut pas jouer avec la santé des gens", dit-il.
02:06 Autre illustration, la semaine dernière à Grenoble,
02:08 un homme de 91 ans est mort aux urgences du CHU
02:11 après 3 jours d'attente.
02:13 C'est le 3e décès en 4 mois à Grenoble.
02:16 Le jour de son arrivée aux urgences, cet homme souffrait
02:18 d'un simple état de confusion lié à son âge très avancé.
02:22 Écoutez cette infirmière aux urgences du CHU Grenoble-Alpes.
02:26 Nous avons modifié sa voix pour garantir son anonyme.
02:30 -C'est sûr que cette personne, en tout cas à l'initial
02:34 de sa venue aux urgences,
02:35 il n'y avait pas de risque vital engagé sur sa santé.
02:38 En tous les cas, c'est sûr qu'une stagnation aux urgences
02:41 chez quelqu'un qui n'a pas de problèmes de santé
02:43 peut largement en créer.
02:44 Il y en aura, il y en a encore, et ça arrivera encore, malheureusement,
02:48 si nos politiques et nos directeurs et nos responsables locaux
02:54 ne prennent pas des mesures urgentes et rapides dès le mois prochain.
02:58 -Alors, désengorger les services d'urgence d'ici fin 2024,
03:01 est-ce que c'est jouable ?
03:02 -Tous les urgentistes que nous avons interrogés
03:04 n'y croient pas un seul instant.
03:05 C'est le cas de Patrick Pelou, le président de l'Association
03:08 des médecins urgentistes de France, et il nous explique pourquoi.
03:10 -C'est surréaliste.
03:13 20 mois pour revenir sur 20 à 30 ans d'incohérence
03:19 pour le service public et les urgences, c'est impossible.
03:23 A l'heure qu'il est, on ferme des services d'urgence la nuit
03:29 parce qu'il n'y a plus de personnel.
03:30 Vous avez des milliers de lits qui sont fermés chaque soir
03:35 par manque de personnel, et surtout, on n'a jamais valorisé
03:39 la permanence de soins du secteur hospitalier public.
03:44 Si vous ne résolvez pas le problème des lits d'aval pour les urgences,
03:49 le problème social des statuts des médecins hospitaliers en général,
03:54 on n'y arrivera pas.
03:56 -Beaucoup de sujets à régler avant de pouvoir désengorger
04:00 les urgences, nous dit Patrick Pelou.
04:01 Autre problème soulevé par le Dr Hamon, président d'honneur
04:04 de la Fédération des médecins de France.
04:06 Pour éviter les passages aux urgences, il faudrait donner
04:09 plus de moyens à la médecine de ville pour que les médecins de ville
04:13 prennent en charge les patients qui n'ont rien à faire aux urgences.
04:18 -Franchement, depuis 7 ans, on n'a pas assisté au début
04:23 d'une réforme du système de santé.
04:25 On est dans un système où les médecins de ville sont
04:28 en pleine désertification.
04:30 Il n'y a aucune attractivité qui est donnée pour enrayer
04:35 cette désertification et donner envie aux jeunes médecins
04:38 de s'installer.
04:39 On ne donne pas les moyens à la ville d'éviter les hospitalisations
04:43 et de raccourcir les hospitalisations.
04:46 Tout ça, si vous voulez, désengorger les urgences,
04:49 c'est un ensemble de choses.
04:52 -Vous l'avez compris, pour ces professionnels,
04:54 la promesse d'Emmanuel Macron de désengorger les urgences
04:57 d'ici la fin 2024 est intenable.
04:59 -Sauf que lui affirme que c'est jouable.
05:01 Son ministre de la Santé aussi.
05:02 Ils vont faire comment ?
05:03 -Le ministre de la Santé dit qu'il est conscient
05:05 que les urgences manquent de médecins et que ce problème-là,
05:08 il ne va pas se régler d'un coup de baguette magique.
05:11 -C'est vrai que pour un traumatisme de cheville,
05:15 si vous avez un enfant en torse, peut-être que vous allez attendre
05:18 un petit peu plus, peut-être que vous allez faire
05:20 quelques kilomètres de plus.
05:21 Mais là aussi, j'ai toujours eu et je continue à avoir
05:24 un langage de vérité, nous n'avons pas le nombre
05:26 de médecins suffisant, nous n'en aurons pas demain plus.
05:29 Il va falloir attendre une dizaine d'années.
05:31 -En attendant, le ministre dit qu'il faut réguler
05:35 les entrées aux urgences.
05:36 Et sur RMC, François Braune a appelé les Français
05:39 à appeler d'abord le SAMU au lieu de se rendre
05:42 directement aux urgences.
05:44 -Une urgence, c'est quand vous avez l'apparition d'un symptôme,
05:47 de quelque chose qui va vous inquiéter.
05:49 Et vous, votre entourage, qui dit "j'ai besoin
05:52 d'un avis médical urgent".
05:53 Cet avis médical urgent, on l'a sur tout le territoire national,
05:56 déjà aujourd'hui, en faisant le 15.
05:58 Et le 15 va dire "il faut que je vous envoie une équipe
06:02 de réanimation parce que c'est peut-être un infarctus",
06:04 ou alors va vous donner un conseil, c'est un médecin
06:07 que vous avez au téléphone, un médecin spécialiste,
06:08 pour avoir la réponse la plus adaptée à votre problème,
06:11 oui, il faut passer par le 15.
06:14 -Une bonne piste, dit Philippe Juvin,
06:16 mais dont on parle depuis des années,
06:17 qui doit être mieux appliquée et qui n'est pas suffisante
06:21 pour le chef des urgences de l'hôpital Pompidou,
06:23 il faut aller plus loin.
06:24 Par exemple, mieux payer les professionnels
06:25 pour qu'ils acceptent de revenir travailler aux urgences.
06:28 Et ce n'est pas la seule solution, on l'écoute.
06:30 -Je n'ai pas de boule de cristal.
06:32 Simplement, je pense que la magie n'existe pas.
06:36 Et si le ministère est aussi actif pendant un an et demi,
06:43 ce qu'on arriverait à 2025, qu'il l'a été depuis un an,
06:46 non, on ne bougera pas.
06:47 Donc il faut agir vite.
06:48 Alors comment on fait ?
06:49 Par exemple, simplifier la vie des médecins de ville
06:52 qui ont des heures et des heures par semaine
06:54 de tâches administratives,
06:55 et je préfère plutôt que remplir des papiers qui voient des malades.
06:58 Ça nous permettra de voir moins de malades.
07:01 À l'hôpital, par exemple, on embauche des infirmières
07:04 pour rouvrir des lits d'hospitalisation,
07:06 qui vont permettre aux urgences de se vider des patients
07:09 qui sont en attente d'un lit.
07:11 Il faut arrêter de dire qu'on va le faire. Il faut le faire.

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