C’est là que sont détenus les prisonniers les plus sensibles, ceux dont les autorités craignent qu’ils ne détiennent des secrets d’État ou des informations concernant directement la présidence. Dans son édition de ce mois de mai, Jeune Afrique a enquêté sur ce lieu de détention, dans les locaux du secrétariat d’État à la Défense, où police et politique ne dont qu’un, au service de Paul Biya.
L'analyse de François Soudan, dans "La Semaine de JA" sur RFI à réécouter ici.
Pour en savoir plus : https://www.jeuneafrique.com/pays/cameroun/
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00:00 - François Soudan, bonjour. Cette semaine dans Jeune Afrique, le Cameroun,
00:04 Sage Justice et ses prisonniers de marque.
00:06 Vous avez notamment enquêté sur la prison des secrets, le CED,
00:10 où sont incarcérés les détenus les plus sensibles.
00:12 Quelle est la particularité de ce CED et pourquoi la prison des secrets ?
00:17 - Alors Norbert, ce qu'il faut savoir c'est qu'il y a deux prisons emblématiques
00:20 alimentées, si l'on peut dire, en prisonniers VIP,
00:23 par le tribunal criminel spécial, le TCS,
00:26 lequel a deux caractéristiques.
00:28 D'abord son extrême lenteur, on peut faire jusqu'à six ans de préventive
00:31 avant d'y être jugé.
00:32 Ensuite, son extrême sévérité, il n'y a pratiquement jamais d'acquittement
00:36 et les peines sont systématiquement très lourdes.
00:38 Il y a d'abord la prison centrale de Kondengui, que tout le monde connaît,
00:41 où est incarcérée la majorité des détenus de l'opération anti-corruption épervier.
00:45 Et bien sûr, 3 à 4 000 détenus de droit commun.
00:47 Et puis, il y a une seconde prison, qui est le secrétariat d'État à la Défense, le CED.
00:51 Alors là sont enfermés les détenus les plus sensibles,
00:54 ceux dont on considère qu'ils détiennent des secrets sur l'État
00:57 ou tout ce qui touche à la présidence.
00:59 Cette prison secondaire, elle est née de l'imagination, si je puis dire,
01:03 d'une forte personnalité à l'ancien ministre de la Défense,
01:06 aujourd'hui décédé, Ahmadou Ali, lorsque Paul Biya, en 1997,
01:09 fait procéder à l'arrestation de l'ancien secrétaire général de la présidence,
01:13 Ittussef Zoha, lequel passera 17 ans en prison,
01:15 se pose la question de son lieu de détention.
01:17 On ne peut pas le mettre, ce type de détenu, n'importe où,
01:19 le mêler avec n'importe qui.
01:21 D'où l'idée, je le dirais par Ali, d'utiliser pour ça la cellule du CED,
01:24 qui est alors le siège de la gendarmerie, dirigé par un secrétaire d'État.
01:28 Et depuis, au fil des ans, le CED a été aménagé pour recevoir une poignée de détenus
01:32 qui y vivent complètement coupés du monde,
01:34 dans des conditions certes moins mauvaises que celles qui sont le lot commun
01:37 des prisonniers commandés, mais qui n'ont qu'un seul but,
01:39 celui de les maintenir pour l'isolement le plus total.
01:42 Alors certains ne font que passer comme les inculpés
01:44 dans l'affaire de l'assassinat du journaliste Martin Azouro,
01:47 qui sont restés un mois avant d'être transférés à Kondingui,
01:50 mais d'autres y éternisent.
01:51 - Alors au-delà des détenus VIP, il y a le fonctionnement du CED qui est particulier.
01:57 D'à quelle mesure les prisonniers, qui sont notamment sous la bonne garde
02:01 des militaires en violation du droit international, le sont-ils ?
02:06 - Ils sont détenus dans des conditions, je dis, qui sont relativement correctes.
02:10 Mais ils sont surveillés jour et nuit, écoutés, leurs conversations sont suivies.
02:15 Ils ont quelques heures de liberté internes par jour.
02:19 Ces conditions sont surtout des conditions de très grand isolement,
02:21 qui sont beaucoup plus fortes que si on est par exemple détenu à Kondingui,
02:25 où il y a possibilité beaucoup plus large de recevoir sa famille, par exemple.
02:28 - Des informations ont fuité, que vous avez publiées en leur temps.
02:31 Est-ce qu'on peut dire que Jeune Afrique est dans le secret des lieux ?
02:34 - On a essayé, donc, effectivement, c'est ce qu'on a fait à Yankté.
02:38 Mais ce qu'il faut dire, Norbert, moi je crois que c'est important de le dire,
02:41 il y a des dossiers de détournement qui sont avérés, y compris pour ceux qui sont au CED.
02:45 Et c'est pour cela que l'opération Hypervia, son lancement en 2006,
02:48 a été quand même bien accueilli par l'opinion.
02:50 Mais il y a une disproportion entre les délits reprochés et les peines,
02:54 qui sont tels qu'on ne peut pas ne pas se poser la question de l'instrumentalisation politique
02:59 et de la volonté pour le pouvoir de neutraliser ceux qui avaient l'ambition de briguer.
03:03 - Reste une question qui me taraude quand même, François Soudan.
03:06 Pourquoi un papier sur le CED aujourd'hui ? Qu'est-ce qui le rende d'actualité ?
03:11 - Ce qui le rende d'actualité, c'est que les détenus,
03:14 les présumés coupables de l'assassinat de Martinez Zogho qui sont passés là,
03:19 et tout le monde en a parlé à Yandé, effectivement.
03:22 - François Soudan, merci.
03:23 - Voilà, François Soudan, directeur de la rédaction de Jeune Afrique,
03:25 interrogé par Norbert Navarro.
03:27 La Une de Jeune Afrique à retrouver sur rfi.fr.
03:30 - Merci.
03:32 Sous-titrage ST' 501
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