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Bruno Robbes répond aux questions de Lionel Gougelot.
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Transcription
00:00 7h, 9h, Europe 1 Matin.
00:04 Il est 7h12 sur Europe 1 dans 10 minutes, le jour où votre rendez-vous quotidien avec les archives d'Europe 1.
00:09 Oui, il y a 12 ans, on célébrait le mariage du siècle à Londres, l'union entre le prince William et Kate Middleton.
00:14 Mais avant cela, le premier invité du rendez-vous thématique de la rédaction d'Europe 1, Lionel Gougelot, vous recevez ce matin Bruno Robb, professeur en sciences de l'éducation à l'université de Sergi-Pontoise.
00:24 Bonjour Bruno Robb, pardon pour la prononciation tout à l'heure, j'ai rajouté un S qui était tout à fait malvenu. Merci d'être en direct avec nous ce matin sur Europe 1.
00:32 Tout au long de la journée, on s'interroge ce matin sur la question de l'enfant roi, du concept d'éducation positive ou bienveillante.
00:39 Alors Anissa le disait, vous êtes professeur en sciences de l'éducation. D'abord, pour que nos auditeurs situent bien la question, d'où vient ce mouvement de l'éducation positive et comment s'est-il développé dans nos sociétés, notamment en France ?
00:51 Alors c'est un mouvement qui vient des Etats-Unis en fait, qui est né d'un psychologue qui s'appelle Zeligman, qui a essayé de mettre en évidence, de regarder comment on pouvait faire le bonheur des gens.
01:03 C'est-à-dire qu'il a inversé un petit peu les logiques de la psychologie de l'époque. On était plutôt à regarder les enfants en difficulté, les problématiques, et lui il a voulu effectivement regarder ce qui était positif chez les enfants.
01:20 Et donc partant de là, effectivement, il a été soutenu par beaucoup d'entreprises, de financiers, parce qu'effectivement, être dans une logique de dire on veut le bonheur des gens, ça plaît.
01:36 Donc ça c'est venu de là, et puis après ça s'est développé en France. Il y a notamment des psychologues qui ont développé ce courant-là. Ça a donné lieu à beaucoup de publications aussi, beaucoup d'ouvrages.
01:50 Des parents aussi, parce qu'au départ aux Etats-Unis, le concept de discipline positive, ce sont deux parents qui ont écrit un ouvrage, deux mamans qui ont écrit un ouvrage qui s'est vendu à des millions d'exemplaires.
02:02 Pardonnez-moi, mais chronologiquement, pour le situer dans le temps, on le situe à quel moment ?
02:05 Donc ce psychologue, c'est aux alentours des années 60, et puis donc ces deux mamans qui ont écrit cet ouvrage best-seller aux Etats-Unis, c'est dans les années 2000.
02:14 C'est un mouvement qui s'est imposé à l'école et dans les familles, et vice-versa ?
02:18 Les deux. C'est-à-dire qu'on parle d'éducation positive au sens-là, de discipline positive, d'autorité positive, enfin ces mots-là, effectivement, le mot positif est accolé à beaucoup d'autres vocables.
02:32 Évidemment. Alors au départ, on imagine Bruno Robb que ce mouvement de bienveillance s'est développé peut-être à contre-courant ou pour répondre aux codes plus stricts finalement d'une certaine époque, qui avait aussi ses défauts, il faut bien le dire.
02:45 Oui, tout à fait. Alors je crois qu'il faut observer évidemment les évolutions intéressantes qu'il y a eu, je pense notamment à la Convention internationale des droits de l'enfant en 89, en 1989,
02:56 on a quand même reconnu aux enfants un certain nombre de droits, des droits liberté et des droits protection, c'est important d'articuler les deux.
03:04 Et donc le fait qu'on n'éduque plus un enfant en l'humiliant, en le frappant systématiquement, c'est des choses qui sont quand même arrivées par le passé, c'est quand même approprié.
03:14 Le ferme débat sur la fessée qui a surgi dans les années 80-90.
03:17 Donc le fait que ce système d'éducation, qui s'apparente davantage au dressage qu'à l'éducation selon moi, n'ait plus cours et plutôt un progrès.
03:28 Alors à quel moment, pardonnez-moi l'expression, mais à quel moment ça a dérapé ?
03:31 Il me semble que cette logique d'éducation positive, de discipline positive, de psychologie positive a mis les gens dans des situations où on leur disait "soyez bienveillants, ne punissez plus", etc.
03:46 Et ça, sans leur donner toujours les moyens de faire autrement.
03:52 Donc ça met les gens en impuissance, en difficulté, parce qu'ils n'ont pas de solution.
03:58 Et malgré toute la littérature qui s'est développée dans le champ du développement personnel ou professionnel pour les enseignants, il y a toute une littérature positive.
04:09 Alors elle va fonctionner si vous voulez avec les enfants qui n'ont pas trop de difficultés.
04:13 Mais dès qu'on se heurte, parce que l'être humain peut être complexe, il y a des enfants qui sont en souffrance, ils ne font pas exprès de ne pas obéir.
04:23 Et bien quand ces enfants-là se trouvent, effectivement, et les parents en difficulté, et bien là on est coincés.
04:31 Les parents n'ont pas de solution.
04:33 Donc l'urgence peut-être pas, mais l'important maintenant c'est de redonner sa place à l'autorité, aussi bien à l'école que dans la sphère familiale, à l'autorité mais pas à l'autoritarisme.
04:43 Exactement, moi j'ai développé dans mes travaux la notion de relation d'autorité éducative.
04:49 Il y a des collègues aussi qui ont travaillé sur la sanction éducative en sciences de l'éducation, nous sommes quelques-uns à nous intéresser à ces questions-là.
04:57 Et il est clair que la relation d'autorité éducative c'est une relation qui fait la part des choses entre la nécessité de limites, et en même temps émanciper l'enfant, l'autonomiser,
05:09 faire en sorte qu'il ne soit pas sous dépendance de l'adulte et qu'il soit plus autonome, mais dans le respect d'un certain nombre de limites.
05:15 Est-ce que vous pouvez Bruno Robbes nous donner peut-être un exemple concret ?
05:19 Alors, on pourrait en termes de limites, évidemment celle qui vient moi tout de suite à l'esprit c'est ce qu'on appelle l'interdit de violence.
05:27 C'est-à-dire que quand un enfant effectivement est violent physiquement ou verbalement à l'égard d'un camarade ou avec ses frères et soeurs, l'adulte, le parent a le devoir d'intervenir et de ne pas laisser faire.
05:39 Poser les limites immédiatement.
05:41 Poser les limites et puis sanctionner en punissant de façon proportionnée.
05:47 Mais moi je ne suis pas contre du tout la punition à condition qu'elle soit proportionnée et qu'elle n'humilie pas l'enfant.
05:53 Elle doit laisser une trace psychique, c'est-à-dire l'enfant il doit s'en souvenir pour ne plus recommencer.
05:57 Un collègue dit "on punit pour ne plus avoir à punir".
06:01 Donc l'objectif c'est qu'effectivement l'enfant comprenne, on s'adresse à sa raison, parce qu'on considère que c'est un humain en développement
06:09 et donc il est tout à fait capable de comprendre, on s'adresse à sa raison mais on est capable de poser une limite ferme quand notamment la vie de l'autre est en jeu.
06:19 L'autre en face de soi est là et on lui fait du mal.
06:24 C'est ce que l'on disait tout à l'heure, l'apprentissage de la tolérance à la frustration.
06:28 Exactement, tout à fait.
06:30 Dans nos disciplines, la plupart des chercheurs sont d'accord avec la nécessité de travailler ce rapport à la frustration.
06:43 Certains disent même que c'est sans doute un des manques des enfants aujourd'hui de ne pas suffisamment travailler cette tolérance à la frustration.
06:50 Pour dire les choses autrement, placer des repères.
06:53 Exactement, placer des repères. L'important c'est que ces repères ne soient pas arbitraires, ce n'est pas juste le bon vouloir d'un adulte qui exercerait une forme de domination sur l'enfant,
07:04 mais ce sont des repères qui l'aident à mieux aussi être en relation avec les autres, à apprendre à vivre avec l'autre différent de soi forcément.
07:13 Petite question qui m'est venue à l'esprit en étudiant vos travaux. Pourquoi dites-vous, si j'ai bien compris, que ce sont nos sociétés néolibérales qui ont favorisé l'expansion de ce mouvement de l'éducation bienveillante ?
07:26 Parce que si vous voulez, en faisant croire que la logique de la consommation de nos sociétés, qui s'adresse en particulier aux enfants, leur fait croire qu'on peut avoir tout immédiatement,
07:37 même s'ils n'en ont pas toujours les moyens financiers, que tout serait possible, accessible immédiatement, sans limite.
07:43 Le tout, tout de suite.
07:44 Voilà, tout, tout de suite, sans limite et de façon infinie. L'acte éducatif, c'est de la logique inverse, c'est-à-dire qu'il faut accepter de se discipliner, il faut prendre le temps.
07:56 Les résultats ne sont pas immédiats, mais ils arrivent un peu plus tard souvent. Les bénéfices qu'on peut en tirer arrivent plus tard.
08:03 Dernière question, Bruno Robb. Est-ce que vous rencontrez-vous des familles en situation peut-être de détresse finalement, après avoir enclenché, après s'être lancé dans ce mouvement d'éducation positive ?
08:14 Tout à fait.
08:15 Et qui maintenant se retrouvent avec des enfants ingérables, comme on dit maintenant ?
08:18 C'est ça, tout à fait. Mais je crois qu'effectivement, on trouve des familles dans ces situations-là. Et je crois que ce qu'ils ont besoin, ce n'est pas qu'on leur dise « soyez bienveillants et puis tout va bien se passer ».
08:30 Non, c'est qu'on les aide effectivement à construire des repères, à proposer, à donner à leurs enfants des limites et des repères, mais pas arbitraires, qui soient notamment, je vais évoquer la violence, des limites claires, fiables.
08:43 Et pas leur dire non plus « vous vous êtes planté, vous êtes des nuls, vous êtes des mauvais parents ».
08:46 Surtout pas, ça ne sert à rien, bien sûr.
08:48 Merci infiniment Bruno Robb d'être passé par les studios d'Europe 1. Je vous rappelle, vous êtes professeur en sciences de l'éducation à l'université de Sergi-Pontoise. Merci, excellente journée.

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