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Serge Guérin, sociologue, répond aux questions de Dimitri Pavlenko.
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Transcription
00:00 - Il est 7h12 sur Europe 1, très bon début de journée. Dimitri Pavlenko, vous recevez ce matin le sociologue Serge Guérin.
00:06 - Bonjour Serge Guérin. - Bonjour. - Bienvenue sur Europe 1 ce vendredi, c'est la journée nationale des aidants, c'est-à-dire ces hommes, ces femmes,
00:12 surtout ces femmes, qui soutiennent un proche, souvent un père ou une mère, mais parfois aussi un enfant malade ou handicapé, un frère, une sœur.
00:19 Les aidants, Serge Guérin, c'est la solidarité familiale en acte et au quotidien
00:24 face à la dépendance, si on peut dire, c'est un pied de nez aussi au discours dominant en France sur
00:30 l'individualisme. Alors c'est une figure très noble, l'aidant Serge Guérin, qui vous intéresse.
00:34 On peut dire que vous êtes un des rares à écrire sur le sujet depuis plus de dix ans.
00:38 Vous avez écrit aussi sur la séniorisation de notre société, sur l'intergénérationnel.
00:43 Et donc ces aidants que vous appelez, je me suis approprié votre formule mais je vous la restitue, les "invisibles du soin".
00:50 Mais est-ce qu'ils sont encore invisibles les aidants Serge Guérin, puisqu'ils ont une journée nationale après tout maintenant ?
00:55 Oui, on pourrait dire que c'est un bon début.
00:58 Depuis 2010, le 6 octobre, est la journée nationale des aidants. C'était aussi une manière de donner justement de la visibilité
01:03 parce que finalement ce qui a rangé un peu tout le monde, l'État en particulier,
01:07 c'est que les aidants, d'ailleurs à l'époque on parlait des aidants naturels, ce qui est encore pire.
01:10 Naturels. Si c'est naturel, en effet c'était les femmes très majoritairement, et si c'est naturel, pourquoi les aider d'une certaine manière ?
01:18 Non, c'est normal de le faire, c'est normal de s'occuper de son enfant s'il y a un problème ou de son parent s'il y a un problème.
01:23 Et donc en disant, puisque c'est naturel, pourquoi les soutenir particulièrement ?
01:26 Donc par exemple, il a fallu très vite dire, mais aussi parce que dans notre pays, enfin dans la société,
01:31 il y a besoin aussi parfois de monétariser les choses.
01:33 De dire combien ça représenterait s'il fallait remplacer ces aidants par des gens qui seraient payés pour cela.
01:38 Vous avez fait le calcul.
01:39 Et donc on s'était, entre guillemets, amusé à faire le calcul tout au début.
01:42 Moi je ne suis pas du tout un champion du monde des mathématiques.
01:44 Mais en gros.
01:45 Mais voilà, et on avait fait en fait de l'arithmétique.
01:47 C'est-à-dire si on prend, alors à l'époque c'était 8 millions à peu près d'aidants.
01:50 On est 10 aujourd'hui aux autres ans, on est 10 millions.
01:52 Oui, parce que les choses aussi, y compris d'ailleurs parce qu'on ne comptait pas par exemple les enfants.
01:55 On estime qu'il y a au moins 500 000 enfants qui se retrouvent à aider leur propre mère, père, et ainsi de suite.
02:00 Et donc si on prenait les 8 millions d'aidants, si on disait 20 heures par semaine, ce qui n'est pas grand-chose,
02:05 dans certains cas c'est 20 heures par jour.
02:07 Je ne dis pas que ce n'est pas grand-chose quand on le fait, mais il y a beaucoup d'aidants, c'est bien plus.
02:11 Quand votre compagnon, votre compagne est touchée par exemple par une maladie neurologique,
02:15 ça peut être parfois finalement, c'est une présence, mais 24 heures sur 24.
02:18 Donc on va dire si on dort un petit peu, c'est 20 heures par jour.
02:20 Bon là on avait pris 20 heures par semaine, on avait mis 19 euros de l'heure.
02:23 Et avec ça on arrivait à 264 milliards d'euros.
02:26 - Attendez, redites 264 milliards d'euros ?
02:29 - Si, si évidemment.
02:31 C'est-à-dire que si on remplaçait à chaque fois l'aidant par quelqu'un dont c'est le métier,
02:35 il faudrait la payer évidemment, et donc dans ce cas vous vous rendez compte le temps que ça prendrait,
02:38 et l'argent que ça prendrait, c'est les deux tiers de toutes les dépenses de santé.
02:42 Alors évidemment c'est un chiffre un peu choc.
02:43 - C'est une économie de santé gigantesque, c'est un puissant amortisseur social.
02:47 Alors tout à l'heure je disais, finalement c'est un peu les restos du cœur d'aujourd'hui,
02:51 mais en version auto-entrepreneuriale les aidants, c'est-à-dire que la société a infiniment besoin d'eux,
02:57 et ils ont aussi besoin qu'on les aide Serge Guérin, c'est le sens aussi un peu aujourd'hui de cette journée nationale,
03:02 et de ce plan qu'Aurore Bergé, ministre des Solidarités, qui sera sur Europe 1 dans une heure à 8h10,
03:07 est en train de présenter, parce qu'on se rend compte qu'on les a finalement pas tellement pris en compte, Serge Guérin, ces aidants.
03:12 - Voilà, globalement il y a eu quelques petites mesures, il faut évidemment les souligner,
03:17 parce que dans la loi d'adaptation de la société au vieillissement,
03:20 pour la première fois il y a eu une forme de reconnaissance avec un système de...
03:23 - Ça date de quand cette loi ? - 2015.
03:25 Avec un peu de droit au répit, mais tout ça assez peu droit au répit,
03:29 c'est-à-dire les gens peuvent, je l'ai dit, c'est un peu les congés payés pour les aidants.
03:32 - Et pendant ce temps-là, on met une aide soignante, ou quelqu'un qui vient remplacer le parent pendant quelques jours.
03:38 - Et puis il faut un lieu pour que les gens puissent aussi un peu respirer et tout ça,
03:41 mais finalement tout ça c'est très bien, mais c'est assez peu utilisé.
03:44 Il y a eu aussi la possibilité de quitter son entreprise pendant un temps pour accompagner un proche,
03:49 mais là pareil, l'indemnité est extrêmement faible, et finalement très peu de personnes l'ont utilisé.
03:55 - Je vais la donner, c'est entre 4,50€ et 6,75€ de l'heure, c'est-à-dire même pas la moitié d'un SMIC aujourd'hui.
04:01 On va parler des entreprises Serge Guérin, parce que c'est vraiment un des enjeux concernant les aidants,
04:07 et pour toute la société, mais je voulais partager avec vous cette histoire,
04:11 c'est dans le journal Le Parisien ce matin, c'est l'histoire d'une maman, trois enfants autistes,
04:15 elle vit toute seule, elle est au RSA, son mari l'a abandonné l'année dernière, elle est en plein divorce,
04:20 elle a 30 000€ d'impayé de loyer, elle était en train de se faire expulser.
04:25 Les voisins se sont cotisés, voilà, donc semble-t-il elle va être relogée cette femme,
04:29 mais ça nous interroge sur le profil des aidants, on a toujours en tête des gens d'une cinquantaine d'années,
04:34 soixantaine d'années, vous avez écrit d'ailleurs sur les quincados,
04:37 des gens qui sont dans une espèce de seconde adolescence passée 50 ans,
04:40 voilà, c'est plutôt des gens qui vont aider leurs parents, mais finalement il n'y a pas de profil type des aidants,
04:45 ça peut être une maman avec ses enfants aussi.
04:47 - Tout à fait, alors là le cas est vraiment... Vous voyez c'est intéressant dans ce cas-là, c'est que les gens se mobilisent.
04:51 C'est-à-dire que souvent on dit "oui la société française est hyper égoïste", pas nécessairement,
04:54 et souvent c'est aussi de se donner un bon prétexte, "comme les gens sont égoïstes, je vais faire pareil",
04:58 et non, il y a plein d'endroits où il y a de la solidarité,
05:00 et le fait justement de continuer à être présent auprès de ses proches,
05:03 c'est aussi une forme justement d'engagement extrêmement fort.
05:05 Mais oui, vous avez raison, globalement sur les 11 millions d'aidants, la moitié sont à la retraite,
05:10 donc plutôt des gens âgés, et qui finalement accompagnent un PA, enfin accompagnant une compagne,
05:15 ou parfois j'arrive à la retraite et bing ! J'ai un de mes parents qui commence à aller mal, donc je l'accompagne.
05:20 - Alors parfois les enfants sont partis il y a peu de temps de la maison, hein.
05:23 - Et voilà, et sinon dans l'autre sens, c'est plutôt des gens qui sont en activité professionnelle,
05:26 mais qui se retrouvent soit avec un enfant qui a des difficultés,
05:29 soit déjà avec un parent où il y a un problème,
05:31 ou un compagnon ou une compagne touchés par exemple par une maladie chronique.
05:34 Et là globalement il y avait une étude qui montrait que l'âge moyen, quand on est en emploi, c'est 36 ans.
05:39 Donc on peut être finalement très jeune et déjà en situation d'être aidant.
05:43 Ce qui prouve bien que ça touche l'ensemble de la société,
05:46 et que donc là il y a vraiment un ferment à la fois de solidarité,
05:49 mais aussi de soutien de l'État ou des collectivités par rapport à cela.
05:52 - Je redonne les ordres de grandeur, donc ce serait 10 millions de français
05:55 qui se retrouvent en situation d'être aidant, la moitié travaillent.
05:58 Donc 5 millions c'est un actif sur 6.
06:01 Donc c'est un sujet aussi pour les entreprises.
06:04 Or on sait qu'aider un proche parent au quotidien, ça peut être source de fatigue, d'absentéisme, etc.
06:09 Vous vous plaidez pour qu'on crée en France une culture d'entreprise
06:12 comptant en compte les fragilités.
06:15 Mais enfin on pourra vous opposer Serge Guérin,
06:17 le but d'une entreprise c'est de gagner de l'argent,
06:20 c'est pas de faire du développement personnel ou du soutien social, c'est compliqué.
06:26 - Alors encore plus d'accord pour le développement personnel qui est vraiment un autre bon mot.
06:29 Mais vous avez parfaitement raison, l'entreprise il faut déjà qu'elle fonctionne et qu'elle soit rentable.
06:34 C'est aussi comme ça qu'elle dégage des bénéfices et qu'elle peut réinvestir, etc.
06:37 Mais pour qu'elle fonctionne, c'est pas mal aussi qu'il y ait un corps social au sein de l'entreprise
06:41 plutôt mobilisé. Et si dans l'entreprise on se dit "bah tiens, ils lâchent,
06:45 ils mettent de côté tous ceux qui ne vont pas bien",
06:47 réellement c'est pas très très bon, y compris pour l'ambiance au sein de l'entreprise.
06:49 - Parce qu'on le dit pas trop généralement. - Alors on a beaucoup de mal, y compris...
06:52 - On se dit qu'on aggrave son cas quand on dit "bah moi je dois aider mon père, ma mère, mon frère, etc."
06:57 - Et puis dans une enquête que j'avais faite, j'avais bien vu, les gens me disaient "oui,
06:59 si je le dis je me mets un peu en risque et puis donc j'aurai pas la prochaine promo,
07:02 voire dans la prochaine charrette, c'est moi qui vais être dedans".
07:07 Donc c'est vrai qu'il y a une certaine inquiétude, mais c'est intéressant,
07:09 c'est de se dire qu'il y a des entreprises où les gens se sentent plus à l'aise.
07:11 Ça prouve peut-être aussi qu'il y a des boîtes où justement on est plus attentif à cela
07:15 et où finalement l'équipe est bien plus forte.
07:17 Donc est-ce qu'on fait pas le pari aussi de dire "il y a des richesses humaines dans l'entreprise
07:21 qu'on a intérêt à valoriser" et de se dire que des gens qui sont aidants,
07:25 finalement c'est le vrai plateau suisse.
07:26 - Mais c'est un peu un discours tout fait Serge Guérin, ce que vous dites,
07:28 c'est une richesse d'avoir des gens qui ont l'esprit accaparé par un parent malade,
07:32 expliquez-moi en quoi ça... Pardonnez-moi, je pose la question de ma retraite crue...
07:35 - Vous avez 100% raison d'être entreprise, de ne pas être politiquement correct, je dirais.
07:38 C'est-à-dire qu'il y a le discours un peu RSE, un peu "washing" on va dire,
07:43 "care washing", "social washing", "nous on fait des choses bien pour avoir un prix"
07:46 et ainsi de suite, après il y a la réalité.
07:48 Mais en fait dans cette réalité-là, il y a deux éléments, de toute façon il y en a,
07:51 et demain, d'ici à 2030, on estime qu'un salarié sur quatre sera touché.
07:55 Donc l'entreprise, qu'elle le veuille ou non, elle en aura parmi ses salariés.
07:59 Donc elle a deux solutions, ou elle les met sur le côté,
08:02 et donc ces gens-là vont pas être productifs, vont s'en aller,
08:05 vont se débrouiller pour essayer de trouver des solutions,
08:07 pendant les heures de travail vont devoir appeler pour trouver une place
08:12 pour leurs proches, et ainsi de suite, ou bien on se dit, on a intérêt à les soutenir,
08:15 parce que finalement, en les soutenant, ils bosseront aussi mieux dans l'entreprise.
08:19 Et les autres salariés se diront, "tiens je suis quand même dans une boîte où on est un peu solidaires,
08:23 et comment on fait ?" Et puis les personnes, en intégrant aussi,
08:25 les personnes n'ont pas nécessairement envie de le dire.
08:26 Et donc c'est la possibilité, par exemple, il y a un numéro, il y a des structures,
08:30 je pense à Responsage, je pense à PreventCare, il y a des gens comme ça,
08:32 où vous pouvez prendre un abonnement, l'entreprise prend un abonnement,
08:35 et du coup, le salarié se fait aider à l'extérieur, c'est pas dans l'entreprise.
08:39 Mais comme il se fait aider, il est meilleur dans l'entreprise.
08:43 Puis l'autre élément, c'est de se dire, ces salariés-là, ils ont appris tellement de choses
08:46 qu'on a peut-être intérêt à les valoriser pour la suite.
08:48 Et ça, ça peut être hyper intéressant, y compris pour l'entreprise.
08:51 - De toute façon, on n'aura pas le choix, c'est le message.
08:53 Merci beaucoup Serge Guérin, sociologue, d'être venu nous en parler ce matin,
08:57 de ces aidants familiaux ce matin sur Europe 1.
08:59 Bonne journée à vous.
09:00 EuropaMatin.

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