• il y a 2 mois
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Benjamin Morel, constitutionnaliste et politologue, répond aux questions de Dimitri Pavlenko.
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00:007h, 9h, Europe 1 Matin. Il est 7h12 sur Europe 1. Merci d'avoir choisi Europe 1. Très bonne rentrée à tous.
00:06Dimitri Pavlenko, vous recevez ce matin le maître de conférences en droit public, spécialiste des institutions Benjamin Morel.
00:12Bonjour Benjamin Morel. Bonjour.
00:15Vous enseignez à l'université Paris de Panthéon à Sasse votre dernier livre, Le Parlement, Temple de la République.
00:20Alors est-ce que ce sera Bernard Cazeneuve ? Est-ce que ce sera Xavier Bertrand ? Le suspense de Matignon continue.
00:26Voilà des jours qu'on dit qu'Emmanuel Macron serait sur le point de nommer un nouveau Premier Ministre.
00:30Avant de se plonger dans les rapports de force politique, j'en appelle à votre culture Benjamin Morel.
00:35Ça fait 48 jours que la France n'a plus de gouvernement. Est-ce que c'est un record ?
00:39Alors pas tout à fait. Il y a une discussion parce qu'en réalité au début de la Ve République,
00:44le général de Gaulle, Georges Pompidou, subit une motion de censure. Et en subissant cette motion de censure,
00:49il est considéré comme étant démissionnaire. Mais de Gaulle refuse la démission et il la refusera pendant longtemps.
00:55Et donc ce faisant, si vous prenez en compte la date de la motion de censure, on a un record sous la cinquième de 62 jours.
01:02Qui n'est pas vraiment reconnu par De Gaulle, en revanche qui a été reconnu par le Conseil d'État.
01:06Donc pour l'instant c'est un record, mais un record ambigu. Peut-être que Gabriel Attal a encore un peu de chemin à faire.
01:11Vu que ça va peut-être durer encore un petit peu, juste pour rappel, un gouvernement démissionnaire,
01:16qu'est-ce qu'il a de moins qu'un gouvernement normal Benjamin Morel ?
01:20Et quel risque on court à rester dans cette situation ?
01:24Alors, il a des compétences qui sont amoindries. Il ne peut faire que exécuter des politiques déjà envisagées avant lui.
01:31Et puis ensuite, il a pour but également de gérer les urgences. Mais vous comprenez bien que plus le temps passe,
01:36plus le champ des urgences augmente et il peut augmenter jusqu'aux compétences quasiment d'un gouvernement de plein exerce.
01:42Il ne peut pas non plus être renversé, ce qui est lié au fait qu'il soit déjà démissionnaire.
01:47Or, on vient de le voir avec De Gaulle et Pompidou, l'effet d'une motion de censure c'est de faire démissionner votre gouvernement.
01:52C'est un avantage tout de même, c'est que vous ne pouvez pas subir un 49 à une et à trois.
01:56S'il devait déposer un budget, ça pourrait également être un problème,
02:00parce que ça veut dire qu'il ne pourrait pas engager sa responsabilité sur le budget.
02:03Et donc, ce faisant, il faudrait trouver une majorité pour un gouvernement considéré par l'immense majorité des groupes politiques comme illégitime.
02:10Donc, il faut absolument un vrai gouvernement pour le budget.
02:13Donc, c'est du sérieux quand on dit qu'il faut absolument qu'on ait une équipe gouvernementale constituée
02:18avant le 1er octobre, date limite du dépôt du budget à l'Assemblée.
02:22Oui, et il vaudrait même mieux qu'elle le soit bien avant,
02:25parce que si elle veut teinter un peu politiquement son budget, vous ne le faites pas du jour au lendemain.
02:29C'est un gros bébé le budget.
02:31Et l'autre élément, c'est qu'il faudrait que ce soit testé ce gouvernement devant l'Assemblée.
02:36C'est-à-dire que si on ne réunit pas de sessions extraordinaires, si on ne réunit pas le Parlement avant le 1er octobre,
02:41et que le 1er octobre, il y a une motion de censure, que le gouvernement ait renversé le 3,
02:46ça veut dire qu'on repart pour un tour de consultation pour trouver un nouveau gouvernement
02:50qui devra tenter de teinter un peu politiquement son budget pour ne pas subir le sort de son prédécesseur.
02:56Et là, évidemment, on prend beaucoup de retard, à la fois sur les délais habituels qui sont ceux d'un budget,
03:01et puis également, on envoie un signal très négatif au marché.
03:05Regardons maintenant un petit peu les équilibres politiques.
03:08Je soulignais il y a quelques minutes que cela, ce paradoxe,
03:11à savoir que Bernard Cazeneuve, homme de gauche, n'est pas soutenu par la gauche.
03:14Si jamais il doit arriver à Matignon.
03:17Idem pour Xavier Bertrand, qui ne recevrait pas le soutien de la droite.
03:20On est dans ce paradoxe de personnalités qui ne seraient pas soutenues par leur camp.
03:24Ce qui fait dire à certains que tout le monde veut le pouvoir, mais personne ne veut gouverner.
03:28Gabriel Attal ironisait sur cette situation-là.
03:31Alors vous, votre théorie, Benjamin Morel, c'est de dire,
03:35on dit souvent que c'est parce que la France n'a pas la culture politique de la coalition.
03:40Et vous dites que ce n'est pas le cas.
03:42Il n'y a absolument pas de problème culturel politique en France sur ce point-là.
03:45Non, ce n'est pas une affaire de culture.
03:47En fait, c'est d'abord une affaire de mode de scrutin.
03:49Il faut comprendre que votre mode de scrutin implique que vous passez des alliances avant le premier tour.
03:53Parce que sinon, vous êtes mort.
03:55C'est le cas du Nouveau Front Populaire, par exemple, à gauche.
03:57C'est le cas du NFP.
03:59Si les socialistes et les écologistes devaient se désolidariser des insoumis,
04:02aux prochaines élections, ils ont un insoumis face à eux,
04:05l'électorat de gauche est assez unitaire,
04:07les partis du centre vers la gauche sont mauvais,
04:09donc tous sont sur un siège électable.
04:11Vous voyez que ça, c'est une caractéristique qui n'existe pas en Allemagne, en Italie.
04:14Après, il y a aussi les élections présidentielles
04:16qui font que tout le monde doit être calife à la place du calife.
04:18Nicolas Sarkozy, par exemple, dans le Figaro samedi,
04:21plaidait pour aider le président de la République,
04:24c'est son expression, pour que les personnes raisonnables
04:27participent à un gouvernement qui servirait à l'intérêt général
04:30au-delà des clivages partisans.
04:32Lui, il pense qu'il faut participer.
04:34Donc il y a quand même un débat sur cette idée de former une coalition ou pas ?
04:39Il y a un débat, mais si on prend la droite,
04:41ce serait quelque chose de très compliqué à assumer politiquement.
04:43D'abord parce que les configurations gouvernementales,
04:46elles incluent, en passant par la droite,
04:48soit la gauche jusqu'à EELV,
04:50autrement dit, Laurent Wauquiez assumerait
04:52le bilan d'un programme rédigé avec EELV,
04:55ou bien le soutien implicite du RN
04:57qui ne renverserait pas le gouvernement.
04:59Auquel cas Marine Le Pen dirait,
05:01regardez, on est déjà en train de soutenir en raison un gouvernement,
05:06donc quelle est notre différence entre vous et Laurent Wauquiez ?
05:08Donc ça, ça ne fonctionne pas.
05:10L'autre élément, c'est que dans ce cadre-là,
05:13vous avez une situation politique où,
05:16comme vous assumez le bilan du prédécesseur,
05:18vous êtes également le sortant,
05:20mais le sortant sur un programme que vous n'avez pas composé.
05:22Donc, ce faisant, vous n'êtes pas souvent le mieux placé
05:25pour incarner l'alternance,
05:27pour incarner l'alternative.
05:29Donc, dans ce cadre-là,
05:31les LR aujourd'hui n'ont pas vraiment intérêt à ça,
05:34d'autant que les barrières entre les droites,
05:36CSP+, sont traitées d'un côté LR,
05:39et CSP-, moins classe populaire, RN,
05:43ont fondu lors des dernières élections européennes,
05:45et qu'aujourd'hui, la pauvreté existe.
05:47Mais personne n'a intérêt à gouverner, finalement.
05:49C'est ça que vous nous dites, et c'est quand même désolant pour le pays, Benjamin Morel.
05:52Disons que vous avez trois grands blocs,
05:55et si jamais vous nommez quelqu'un dans l'un de ces trois blocs,
05:58les deux autres blocs, a priori, se coalisent pour le faire tomber.
06:01Le seul qui peut avoir intérêt à jouer un rôle différent, c'est le RN,
06:05en ne renversant pas un gouvernement,
06:07sauf que c'est un soutien qui pose problème
06:09aux Xavier Bertrand ou Bernard Cazeneuve,
06:12et qui, qui plus est, donnera à Marine Le Pen
06:14la capacité de faire sauter le gouvernement quand elle veut.
06:16Donc, le blocage politique, il est là,
06:18ce n'est pas dans le CV d'un Premier ministre,
06:20ce n'est pas dans ses grandes compétences escomptées.
06:23Le blocage, il est arithmétique.
06:25Est-ce que Xavier Bertrand ou Bernard Cazeneuve
06:27sont devenus les centres de gravité du paysage politique français ?
06:30On va continuer de se poser la question ce matin sur l'antenne d'Europe 1.
06:33En tout cas, merci d'être venu ce matin chez nous, Benjamin Morel.
06:36Je vous rappelle le titre de votre dernier ouvrage,
06:39Le Parlement, temple de la République,
06:42paru aux éditions passées composées.
06:44Bonne journée à vous.

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