'Géomusicalité en images du rap de Los Angeles' : cours de cinéma par David Diallo, professeur des universités en civilisation américaine.
Ce cours examine l’esthétique géomusicale du rap de Los Angeles en s’arrêtant sur l’identité propre (visuelle, sonore, vestimentaire…) de certains de ses quartiers les plus emblématiques.
Dans le cadre de la thématique Portrait de Los Angeles.
https://www.forumdesimages.fr/les-programmes/portrait-de-los-angeles
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Le Forum des images : au centre de Paris, bat le cœur du 7e art !
Rencontres exceptionnelles, cours de cinéma et conférences, festivals… un concentré du meilleur de ce qui se passe toute l’année au Forum des images.
Toute la programmation : http://www.forumdesimages.fr/
@forumdesimages et #forumdesimages
Ce cours examine l’esthétique géomusicale du rap de Los Angeles en s’arrêtant sur l’identité propre (visuelle, sonore, vestimentaire…) de certains de ses quartiers les plus emblématiques.
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Court métrageTranscription
00:00:00 Bonsoir à toutes et bonsoir à tous.
00:00:09 Avant de débuter, je tiens à remercier les organisatrices de m'avoir demandé de venir
00:00:15 ici ce soir discuter avec vous de mes travaux de recherche.
00:00:18 Je vous propose de plonger directement dans le bain.
00:00:23 Généralement lorsqu'on donne des conférences ou qu'on fait des cours comme ça sur des
00:00:28 expressions musicales, il est d'usage de commencer par un morceau de musique.
00:00:33 Alors je vais demander à Mathilde de bien envoyer le premier extrait musical et on enchaînera
00:00:38 par la suite.
00:00:39 Merci.
00:00:46 C'est mieux qu'en bais.
00:01:13 La banlieue se débattrait de sur un tas de fumiers.
00:01:20 Les voix du ghetto sont auto-tunées.
00:01:21 Le pied au plancher dans tous les tunnels.
00:01:23 Micro 9 mm, on va parfumer.
00:01:25 Mon freestyle c'est le gang des bluts.
00:01:27 On fait chier toute la night comme les 4 vies de vous.
00:01:29 On ressent le vent qui tourne arriver dans ton route.
00:01:31 On fait des selfies avec vos radars d'autoroute.
00:01:33 Donne un gun à un homme et il braquera une banque.
00:01:35 Donne une banque à un homme et il braquera le monde.
00:01:37 Je vais crier la gomme sous les murs matignon en attendant de hacker leur compte.
00:01:41 Dès que le cœur d'un grand homme saille, Paris donne son nom à une artère.
00:01:45 Moi je suis pour que le boulevard de la bulette soit rebaptisé Bouddha Isayette.
00:01:49 Je suis du grand Paris sans être trop parisien.
00:01:51 C'est le grand remplacement des académices.
00:01:53 Je fais du son pour les cochons végétariens.
00:01:55 On fête les émettants, tu fêtes la toussaint.
00:01:57 Je fais le tour de la France comme un bohémien.
00:01:59 De l'île à Marseille en passant par le Rhin.
00:02:01 Si tu respectes l'histoire, ce drapeau est mien.
00:02:03 Respecte-moi, j'ai la couleur des bras.
00:02:05 Papy t'as défendu, est-ce que tu t'en souviens ?
00:02:07 Quatre ans dans un stalat.
00:02:09 Tu es agressé, y'a que ça que tu retiens.
00:02:11 Accepte ta jeunesse, elle a du caractère.
00:02:13 Tu vois pas qu'ils veulent voir Paris par terre.
00:02:15 Pas tant qu'on traînera dans ses artères.
00:02:17 Pas tant qu'on traînera dans ses artères.
00:02:19 J'arrive en Burkini dans une soirée nudiste.
00:02:21 Je suis le maillot de Paris sur le dos d'un sédiste.
00:02:23 Ils aiment casser du sucre sur le dos des sunnites.
00:02:25 Mais on a le fuego, on le caramelise.
00:02:27 Big up à Bruxelles, big up à Nice.
00:02:29 Ce qui remonte là à 13, ce qui remonte là à 6.
00:02:31 C'est ma vie, je fais mon but, je calcule pas les racistes.
00:02:33 Tellement fier de poser sur l'album de Medine.
00:02:35 La banlieue influence Paname, Paname influence le monde.
00:02:39 Le 9-3 influence Paname, Paname influence le monde.
00:02:43 Le Maghreb influence Paname, Paname influence le monde.
00:02:47 Oui l'Afrique influence Paname, Paname influence le monde.
00:02:50 C'est nous le grand Paris.
00:02:52 Merci.
00:02:54 Bon alors non, vous n'êtes pas trompé de salle.
00:02:58 Ça arrive parfois au cinéma ou à la fac.
00:03:01 Il s'agit bien du cours sur l'esthétique rap de Los Angeles.
00:03:06 Alors vous vous demandez pourquoi,
00:03:08 donc voici le titre que j'ai choisi pour cette présentation.
00:03:11 Contextualiser l'esthétique géomusicale du rap de Los Angeles.
00:03:15 Pourquoi donc est-ce que j'ai choisi de débuter avec ces images
00:03:19 du clip suivant, du clip de Medine, Grand Paris.
00:03:23 Alors oui, il y a une référence au Gang des Bloods
00:03:28 qui vous a peut-être pas échappé à prononcer à la française.
00:03:32 Mais si j'ai choisi de débuter avec cet extrait
00:03:36 et ses plans larges de Paris et de sa banlieue,
00:03:39 c'est tout d'abord pour expliquer que Los Angeles,
00:03:41 un peu comme le Grand Paris évoqué ici,
00:03:45 c'est un concept géographique à géométrie variable dans le rap.
00:03:50 Et ici, lorsque les rappeurs chantent ce refrain que vous avez entendu,
00:03:54 la banlieue influence Paname, Paname influence le monde,
00:03:57 on retrouve une même logique identitaire,
00:04:01 une dynamique, un ancrage géographique fluide
00:04:05 que l'on peut retrouver et qui s'applique à la ville de Los Angeles
00:04:09 dans le rap américain.
00:04:11 Alors ce que je vous propose pour débuter, c'est de faire un petit quiz
00:04:14 et vous demander, on va pas passer trop de temps là-dessus,
00:04:17 de me nommer quelques rappeurs ou artistes de rap de Los Angeles.
00:04:22 Juste quelques-uns.
00:04:23 Deux, trois, oui.
00:04:25 Ice Cube, OK.
00:04:28 NWA, 2Pac, MC8 et un dernier ?
00:04:35 Kendrick Lamar.
00:04:36 Alors, vous avez à la fois tort et à la fois raison.
00:04:39 Donc on va reprendre, on avait Ice Cube, c'est ça ?
00:04:42 Donc Ice Cube, on peut considérer qu'il est de Los Angeles.
00:04:45 Ensuite, il y avait NWA, c'est un peu plus compliqué.
00:04:50 Je reviendrai là-dessus dans quelques minutes.
00:04:52 Ensuite, on avait 2Pac, Kendrick Lamar.
00:04:55 Donc, en fait, c'est un peu comme...
00:04:57 Je suis désolé, je vais vous ramener des années en arrière,
00:04:59 c'est un peu comme l'école des fans.
00:05:01 Tout le monde gagne, tout le monde a raison, même si vous êtes trompé.
00:05:04 Pourquoi ?
00:05:05 Parce que Los Angeles, en fait, c'est à la fois une ville et un comté.
00:05:12 Donc on voit ici la ville de Los Angeles, c'est la zone en clair
00:05:16 qui est délimitée par les pointillés, rouge.
00:05:19 Donc c'est une zone très étendue, raison pour laquelle,
00:05:22 on en reparlera plus tard, la voiture est un élément central
00:05:26 de ce qui est l'esthétique à la fois musicale et cinématographique de cette ville.
00:05:31 Je parlais un petit peu plus tôt avec Muriel, l'organisatrice du collatéral de Michael Mann,
00:05:37 ou plus récemment de Creed III, ou de Once Upon a Time in Hollywood de Tarantino.
00:05:42 On voit très bien le rôle central que peut jouer la voiture.
00:05:45 Et également dans Boys in the Hood, si jamais il y en a parmi vous
00:05:50 qui vont rester plus tard pour la projection de ce film,
00:05:53 on voit très bien que la voiture est un élément central
00:05:56 lorsque l'on réside dans cette ville,
00:05:58 qui est à l'inverse, l'antithèse de la vie urbaine d'un New-Yorkais.
00:06:03 Donc ici on a la ville de Los Angeles, avec, vous voyez, Compton par exemple,
00:06:07 qui est à l'extérieur de LA.
00:06:09 Donc, les Raptors, Annabelle UA, 2Pac.
00:06:13 Alors 2Pac c'est différent parce qu'il est de la coteste,
00:06:16 mais il s'est relocalisé en Californie pour en faire l'éloge
00:06:19 lorsqu'il a signé sur un label local.
00:06:22 Donc on voit Compton ici, qui est à l'extérieur.
00:06:24 On voit aussi Long Beach. J'attendais un Snoop Dogg, je ne l'ai pas vu,
00:06:27 mais Long Beach, c'est Los Angeles, sans être Los Angeles.
00:06:31 Vous voyez, c'est bien au sud, à l'extérieur de la bande en clair.
00:06:35 Et ensuite, il y a Hawthorne, d'autres quartiers,
00:06:38 ou ce qu'on appelle des villes intégrées,
00:06:41 qui ne font pas partie, on le voit ici, de la ville de Los Angeles,
00:06:44 mais du comté de Los Angeles.
00:06:48 Donc le comté, alors on n'a pas assez une division administrative ou territoriale
00:06:52 qu'on trouve aux Etats-Unis, on n'en a pas en France.
00:06:55 Ça correspond à peu près à une zone géographique et administrative
00:06:58 qui est un peu plus grande qu'une municipalité, mais plus petite qu'un Etat.
00:07:02 En gros, aux Etats-Unis, pour vous faire une idée, il y a un peu plus de 3000 comtés.
00:07:08 Donc la zone est assez étendue.
00:07:11 J'ai discuté un peu plus tôt avec l'organisatrice de cette soirée,
00:07:16 on parlait de ce film "Speed", je ne sais pas si vous vous souvenez de ce film
00:07:19 avec Keanu Reeves, qui montre bien l'étendue de Los Angeles,
00:07:23 puisque très rapidement, dans le film, dans le pitch,
00:07:27 il y a un terroriste qui a placé une bombe dans un bus,
00:07:30 et le bus doit rouler à 80 km/h, et s'il passe en dessous de 80 km/h,
00:07:35 il explose avec ses passagers. Et on voit bien dans tout le film,
00:07:38 d'ailleurs il y a une page Wikipédia assez intéressante,
00:07:40 on voit tout le tracé parcouru par le bus le long du film,
00:07:43 et on voit bien que la zone de LA, c'est vraiment une zone très étendue,
00:07:46 pour que le véhicule puisse rouler aussi longtemps à cette vitesse sans s'arrêter,
00:07:50 on voit tout ce qu'il parcourt pour ensuite terminer à LAX.
00:07:53 Donc c'est vraiment, on le voit ici, c'est une zone particulièrement étendue,
00:07:56 et donc le comté de LA comprend à la fois la ville de Los Angeles,
00:08:01 mais également les villes intégrées de Compton, de Long Beach,
00:08:05 et toutes ces villes qui m'ont été citées, nous sommes originaires des rappeurs,
00:08:08 il y a Inglewood pour Ice Cube, et dans ce cas on peut inclure Kendrick Lamar,
00:08:12 et tous les rappeurs de Compton, qui sont des rappeurs de Los Angeles.
00:08:16 Donc, généralement dans le rap, lorsqu'on parle de LA, on parle de cette zone étendue,
00:08:22 ce qui n'empêche pas les rappeurs d'ajouter un niveau de granularité supplémentaire,
00:08:28 et de mentionner leur ancrage spécifique dans un quartier,
00:08:32 comme on l'a vu Compton, Long Beach, Inglewood.
00:08:36 Pour revenir à la vidéo, le clip que j'ai choisi en introduction, celui du Grand Paris,
00:08:43 il y a un vers d'un rappeur, Lino, qui dit "En province je suis parisien, je suis du 9.5 à Paris",
00:08:49 c'est un peu dans le rap américain, lorsque l'on se compare à une autre ville,
00:08:54 de dire que l'on est de New York, lorsqu'on est dans une autre ville américaine,
00:08:59 et lorsqu'on est en intra-New York, dire que l'on est de Brooklyn, de Staten Island, du Bronx,
00:09:05 ou d'un autre borough.
00:09:08 Donc, dans ce cours, qui ne sera pas véritablement un cours de cinéma,
00:09:14 puisque je ne suis pas expert en cinéma,
00:09:17 j'aborderai plutôt la question des études visuelles ou des études culturelles,
00:09:22 et ce, pour mettre en contexte, à travers certaines illustrations
00:09:27 que l'on trouvera dans des extraits tirés soit de films ou de clips,
00:09:31 l'esthétique géomusicale du rap de Los Angeles, dont certains de ses artistes,
00:09:36 en façonnant une identité sonore spécifique, visuelle, vestimentaire,
00:09:41 en sont devenus les porte-paroles, les porte-étendards.
00:09:45 Ils l'ont placé avec ces quartiers emblématiques,
00:09:48 on en a déjà parlé, Compton, Long Beach, Inglewood, Watts, South Central,
00:09:53 durablement sur la carte du rap états-unien,
00:09:56 la même chose que si l'on se réfère au rap new-yorkais,
00:09:59 qu'on parle du Bronx, de Brooklyn, et de Queens,
00:10:03 qui sont aussi des places emblématiques de cette musique.
00:10:07 Donc, mon objectif est à la fois de contextualiser cette imagerie géomusicale,
00:10:13 mais également, peut-être, de faciliter votre décodage
00:10:16 pour ceux encore qui resteront à la projection de "Boys in the Hood",
00:10:19 de certaines scènes qui se situent dans différents quartiers de Los Angeles,
00:10:28 et notamment de comprendre comment une certaine dangerosité a été appliquée
00:10:33 à certains quartiers, comme à Compton, par rapport à d'autres,
00:10:35 et comment naviguer dans cette ville de Los Angeles.
00:10:39 Donc, lorsque je parle d'esthétique géomusicale,
00:10:45 je fais référence au concept de géomusicalité,
00:10:48 qui est au cœur du travail de ma collègue Elsa Grassi,
00:10:51 qui est maîtresse de conférences à l'Université de Strasbourg.
00:10:54 Dans sa thèse de doctorat, Elsa a étudié en détail
00:10:59 le discours de la presse musicale américaine,
00:11:01 pour en faire ressortir de nombreux termes géographiques,
00:11:05 dont la fonction n'est pas uniquement de localiser l'origine des artistes,
00:11:10 ou des cours musicaux,
00:11:12 mais d'opérer leur catégorisation par genre ou sous-genre.
00:11:16 Il y a du rap, du rap new-yorkais, du rap Angelino,
00:11:19 du rap de Chicago, il y a différentes scènes.
00:11:22 Ces renvois à des lieux spécifiques, comme elle explique,
00:11:26 sont l'indice d'une véritable esthétique géomusicale,
00:11:29 par laquelle des lieux et des musiques se donnent à la fois sens et valeur.
00:11:34 Donc, l'ancrage d'un lieu, si vous voulez,
00:11:37 dans un lieu confère à la musique la valeur de vérité,
00:11:40 c'est que je suis new-yorkais, donc je fais du rap de New York,
00:11:43 en tout cas j'ai une légitimité socio-culturelle à faire du rap,
00:11:46 parce que je suis de la ville qui a été le verso de cette musique,
00:11:49 et également de réalité, que recouvre la notion d'authenticité,
00:11:54 et qui donne lieu à des jugements esthétiques
00:11:56 qui sont généralement imprégnés de déterminisme géographique.
00:11:59 Lorsqu'on va écouter un certain style de musique,
00:12:02 on va directement le reconnaître et qualifier soit du rap East Coast,
00:12:05 West Coast, de New York, de Chicago, du Sud, de Miami,
00:12:08 en raison des basses ou d'autres éléments musicaux.
00:12:11 Par cette géomusicalité, la musique parvient donc à rendre un lieu magnétique,
00:12:18 puisqu'il devient l'objet de désir des fans,
00:12:21 la fiction musicale générant ainsi sa propre réalité.
00:12:25 Ceci est d'autant plus le cas lorsque ce lieu et cette musique
00:12:31 retient l'attention des responsables locaux,
00:12:34 parfois politiques, et exploité dans le cadre d'initiatives
00:12:37 de développement économique, ce qui correspond notamment
00:12:41 sous un angle touristique, ce qui correspond à ce que ma collègue appelle
00:12:48 une géomusicalité appliquée.
00:12:50 C'est d'ailleurs le cas à Los Angeles, où sont proposés
00:12:54 les LA Hood Live Tours, qui sont en fait, vous montez dans un bus
00:13:02 avec un guide local.
00:13:05 Alors, ça a peut-être changé depuis, mais la dernière fois que j'avais vérifié,
00:13:08 c'était un cousin ou un ami éloigné de The Game,
00:13:12 qui était un rappeur local de Compton, et qui, grâce à son capital social
00:13:16 sur la scène locale, va, et ses connaissances sur le terrain,
00:13:22 prendre le bus et va faire un tour de Los Angeles,
00:13:25 en allant dans tous les lieux emblématiques, à la fois de cette musique
00:13:29 et du cinéma qui lui est associé.
00:13:32 Donc on voit bien, c'est peut-être un petit peu petit,
00:13:35 mais on voit le West Coast, le W emblématique.
00:13:40 Donc, on va ici avancer, voilà, il y a le bus en question,
00:13:44 et on voit que les fans de cette musique ou de ce cinéma
00:13:49 peuvent se rendre sur place, monter dans le bus,
00:13:51 et suivre ce guide qui les conduit, on a vu, c'est vraiment très très grand.
00:13:56 On part de Compton, on va à Long Beach, et on va sur des lieux
00:13:59 où ont été tournés des films, notamment le film Friday,
00:14:02 avec Ice Cube 2, et avec Ice Cube.
00:14:05 On voit des portraits de personnalités emblématiques,
00:14:08 donc on voit Nipsey Hussle, Kobe Bryant, des musiciens.
00:14:15 On pose devant les lieux de chaque ville, devant les Low Riders,
00:14:20 ces voitures, pas sous-élevées, au ras du sol,
00:14:26 et qui peuvent se surélever de manière automatique.
00:14:28 On en reparlera un petit peu plus tard.
00:14:30 Et d'ailleurs, je vous invite, il y a une expo,
00:14:32 juste à la sortie de cette salle, d'une série de photos
00:14:36 sur les Low Riders californiennes.
00:14:38 Donc on peut poser dedans, ou fièrement dans une de ces voitures,
00:14:42 également aller devant les pavillons, ces maisons que l'on trouve
00:14:46 à Los Angeles, avec ces jardins grillagés, ces contralets.
00:14:52 Donc on peut véritablement aller dans ces lieux,
00:14:56 et comme il l'explique, se retrouver face à une réalité
00:15:00 qui n'est pas celle d'Hollywood, mais la réalité du Hollywood tour,
00:15:06 qui donne valeur d'authenticité à travers ces différents repères
00:15:11 construits par la musique rap de l'époque.
00:15:14 Cette patrimonialisation du rap de Los Angeles
00:15:19 permet de mesurer les enjeux de l'association entre musique
00:15:24 rap et les lieux aux Etats-Unis, et leur répercussion
00:15:27 sur les identités locales.
00:15:29 Donc voilà, on est fiers d'être Los Angeles,
00:15:31 fiers de promouvoir cette musique,
00:15:33 et fiers de montrer qu'on appartient à cette scène,
00:15:35 qu'on a des contacts dans cette scène,
00:15:37 et qu'elle a donné un rayonnement particulier à notre quartier.
00:15:41 Elle révèle, d'une part, le rapport riche et complexe
00:15:44 entretienne la musique rap avec la ville,
00:15:46 étendue de Los Angeles, d'une géomusicalité, je l'ai dit,
00:15:50 et de comprendre comment le rap crée des lieux
00:15:52 et des identités géographiques dont il est lui-même le produit.
00:15:55 Il y a du rap qui se positionne à LA
00:15:58 et qui contribue au rayonnement de cette musique
00:16:00 et qui devient du rap de LA.
00:16:02 Donc le rap, par exemple, on l'a dit, de Annable UA,
00:16:05 de Snoop Dogg, Dr. Dre, Cypress Hill, Jurassic Five,
00:16:08 Bus Driver, et plus récemment de Nipsey Hussle,
00:16:13 de Tyler, The Creator, nourrit par exemple
00:16:17 l'imaginaire de la Californie, et a permis donc
00:16:20 au quartier d'origine de chacun de ces musiciens
00:16:23 d'acquérir une dimension symbolique importante
00:16:26 sur la carte imaginaire des lieux musicaux américains,
00:16:31 donc la ville avec Compton, Long Beach, il y en a d'autres,
00:16:34 qui a été entretenue par la suite, au fil des années,
00:16:37 par d'autres musiciens, je parlais de The Game,
00:16:40 ou on parlait de Kendrick Lamar, Anderson .Paak, et bien d'autres,
00:16:44 et ce, sur toutes les scènes, à la fois sur les scènes,
00:16:46 on peut dire rapidement, de manière caricaturale,
00:16:48 la scène mainstream et les scènes indépendantes.
00:16:51 Donc voilà, toutes ces scènes ont pu tirer profit
00:16:55 de ce rayonnement symbolique que l'on a
00:17:00 dès lors que l'on est originaire de cette scène.
00:17:03 De quoi est-ce que je parle quand je parle de scène de A,
00:17:07 le terme est assez complexe, plusieurs collègues
00:17:10 ont essayé de travailler dessus pour le définir et s'entendre.
00:17:13 Alors généralement, lorsque l'on travaille là-dessus,
00:17:19 on se réfère à deux définitions qui sont utilisées
00:17:23 par un collègue à la fois qui est géographe
00:17:26 et l'autre qui est spécialiste d'études en musicologie.
00:17:29 Donc Séverin Guillard, qui est géographe,
00:17:33 et Jérôme Guybert, qui est un chercheur sur la musique populaire,
00:17:37 désignent les scènes comme des ensembles géographiques
00:17:41 ayant une forme d'autonomie et de cohérence.
00:17:44 En 2007 et 2008, il y a donc des siècles en temporalité rap,
00:17:50 j'ai contribué à deux ouvrages édités par un collègue américain,
00:17:55 je vais faire un peu d'auto-promo.
00:17:58 Donc c'est "Regional Hip-Hop" en deux volumes,
00:18:02 qui montre la richesse, comment cette musique est partie du Bronx
00:18:06 pour ensuite, petit à petit, coloniser d'autres territoires géographiques aux États-Unis.
00:18:12 J'avais à l'époque travaillé sur la scène rap de LA,
00:18:16 "From Electro Rap to G-Funk, a social history of rap music in LA and Compton, California".
00:18:21 Donc Compton, clairement, c'est un des lieux emblématiques,
00:18:25 on reviendra dessus un petit peu plus tard.
00:18:28 Mais souvent, lorsque l'on cite Los Angeles,
00:18:32 on parle de Ice Cube, Hannibal Uie, Kendrick Lamar, Dr. Dre,
00:18:37 ces rappeurs sont issus de Compton pour une raison assez simple.
00:18:42 Compton a été le berceau, non pas de l'electro-rap californien,
00:18:46 mais du gangsta-rap californien,
00:18:49 parce que l'endroit d'émergence de ce courant,
00:18:53 cette musique a décollé à Compton,
00:18:57 parce que les clubs de la ville de Los Angeles devaient fermer à 2h du matin.
00:19:02 Et Compton était, non pas dans la ville de LA, mais dans le comté de LA,
00:19:08 et il y avait un arrêté préfectoral différent qui a permis à des clubs de Compton
00:19:13 de se développer et de développer cette scène musicale
00:19:16 qui se substituait aux soirées disco ou electro-rap
00:19:22 que l'on trouvait dans d'autres centres de la ville de LA.
00:19:25 En fait, ils ont attiré le public de soirées dansantes de Los Angeles
00:19:32 en leur proposant des soirées qui débutaient vers 1h-2h du matin
00:19:37 et qui duraient plus longtemps.
00:19:39 Et tout le réseau de musiciens dont on parle aujourd'hui,
00:19:42 Dre, ou même Eazy, ou d'autres artistes de l'époque sur place,
00:19:48 ont réussi à générer une dynamique, ou lancer une dynamique musicale autour de cette musique,
00:19:55 plutôt que dans l'épicentre de Los Angeles, dans sa banlieue à Compton,
00:20:00 et uniquement pour des raisons pratiques,
00:20:03 de pouvoir continuer à jouer de la musique forte
00:20:06 et à rassembler des danseurs dans des lieux où on n'avait pas le droit de se rassembler
00:20:09 dans la ville de Los Angeles.
00:20:10 Donc c'est pour ça que Compton est devenu l'épicentre,
00:20:13 le cœur du mouvement musical de Los Angeles,
00:20:17 même si les radios ont joué un rôle important.
00:20:19 En tout cas, c'est pour ça que cette ville figure généralement en premier lieu
00:20:23 sur la carte durable de Los Angeles,
00:20:25 puisque c'est là où les premiers clubs emblématiques
00:20:30 ont accueilli les soirées d'artistes comme Dre
00:20:34 ou d'autres musiciens et DJ de l'époque.
00:20:37 Il était important pour l'éditeur de cet ouvrage
00:20:46 de comprendre comment la musique rap,
00:20:49 après avoir quitté New York,
00:20:52 s'était retrouvée récupérée par différentes villes, différentes régions,
00:20:59 où chacune avait réussi à construire une scène locale
00:21:04 avec une identité sonore et musicale propre.
00:21:07 Et comprendre également pourquoi,
00:21:12 ou en quoi les pratiques de création des diffusions de cette musique rap
00:21:16 et de mise en scène de cette musique,
00:21:19 même si elle part de New York,
00:21:21 à chaque fois est marquée par un fort ancrage local.
00:21:25 Donc on est parti de New York,
00:21:26 mais ensuite on a parlé du rap de Los Angeles,
00:21:29 du rap de Miami, du rap de Chicago, du rap des Détroits.
00:21:33 Donc comment on a une musique qui part d'un lieu emblématique fort,
00:21:37 mais comment à chaque fois qu'elle est récupérée,
00:21:40 cette musique va développer une identité locale
00:21:43 avec des sonorités particulières,
00:21:45 avec des codes vestimentaires particuliers,
00:21:48 et comment chaque lieu va s'approprier cette musique
00:21:53 pour la faire sienne et en même temps développer,
00:21:57 ou donner un rayonnement au lieu où elle a été accueillie.
00:22:02 Et ça on le retrouve par exemple avec la ville de New York,
00:22:06 je l'ai dit, par la suite Détroits, Atlanta, Miami,
00:22:09 Los Angeles, et par ce processus de diffusion
00:22:14 à partir de la ville de New York,
00:22:16 devenue l'une des capitales du rap,
00:22:19 où cette territorialisation musicale a véritablement atteint son apogée.
00:22:24 En gros, c'est un peu comme en caricature rapidement,
00:22:27 le rap français à Paris, Marseille,
00:22:29 à l'époque il y avait New York et la côte ouest, Los Angeles.
00:22:33 Et ce avec une logique appuyée,
00:22:36 d'une revendication de l'identité géographique de cette ville.
00:22:40 Donc cet ancrage géographique,
00:22:43 comme le sociologue Kareem Amoul souligne dans son carnet de recherche
00:22:47 sur un son rap,
00:22:49 est parfaitement résumé par l'utilisation récurrente dans cette musique
00:22:54 du verbe "to represent", "représenter".
00:22:57 Les rappeurs ne sont pas des artistes isolés,
00:22:59 mais les champions de leur ville ou de leur quartier,
00:23:02 dont ils font le matériau même de leurs morceaux.
00:23:06 Donc Kareem Amoul met d'ailleurs, notamment en lumière,
00:23:09 les modes de revendication de l'identité spatiale dans le rap,
00:23:12 à travers l'emploi justement de ce terme "to represent",
00:23:15 et sur la manière dont cette inscription de soi dans un espace
00:23:19 est à la fois une entreprise d'auto-légitimation,
00:23:22 je fais du rap de LA,
00:23:24 et une manière de consolider l'unité de la scène locale.
00:23:27 Je fais du rap de LA avec mes autres congénères
00:23:30 qui contribuent au rayonnement de cette même scène.
00:23:33 Donc pour revenir à la définition de Sévrin Guillard et de Jérôme Guibert,
00:23:38 comment est-ce que l'on peut comprendre une scène,
00:23:41 ou ce qui constitue une scène,
00:23:44 et quels éléments permettent de distinguer une scène plutôt qu'une autre ?
00:23:48 Alors, qu'est-ce qui fait une scène locale ?
00:23:50 Tout d'abord un territoire, un territoire géographique spécifique,
00:23:53 un territoire localisé,
00:23:55 mais également les liens sociaux entre les artistes
00:23:58 qui s'inscrivent dans ces territoires,
00:24:00 soit par des collaborations,
00:24:02 par des signatures au sein d'un même label,
00:24:04 par la fréquentation des mêmes lieux,
00:24:06 ce qui était le cas à Los Angeles dans The Eve After Dark,
00:24:09 qui est le premier club de Compton,
00:24:11 donc l'épicentre, ou l'endroit où le noyau du rap Angeleno à l'époque.
00:24:16 On retrouve également, mais pas systématiquement,
00:24:20 aussi un son, ou des sonorités identifiables communes.
00:24:24 Je dis pas systématiquement,
00:24:26 parce qu'il arrive parfois que certains rappeurs d'autres quartiers
00:24:30 prennent des sonorités d'autres régions,
00:24:33 juste par contamination.
00:24:36 Donc la définition que donne mon collègue Sèvrin Guillard,
00:24:41 qui a travaillé sur les scènes locales du rap en France, à Lille et à Atlanta,
00:24:48 est particulièrement éclairante dans le cadre de ce cours,
00:24:51 puisqu'elle parlera aux amateurs d'images,
00:24:54 puisqu'elle souligne à quel point la notion de scène
00:24:58 fait écho à celle de mise en scène.
00:25:01 De mise en scène de la ville et de ses artistes,
00:25:04 des artistes qui, par leur musique, mettent en scène un territoire,
00:25:08 comme nous allons le voir dans le Cube Sivan.
00:25:10 Est-ce qu'on peut m'envoyer le prochain extrait, s'il vous plaît ?
00:25:14 [Musique]
00:25:18 [Musique]
00:25:22 [Musique]
00:25:25 [Musique]
00:25:34 [Musique]
00:25:45 [Musique]
00:25:48 [Musique]
00:25:57 [Musique]
00:26:10 [Musique]
00:26:14 [Musique]
00:26:23 [Musique]
00:26:34 [Musique]
00:26:37 [Musique]
00:26:43 [Musique]
00:26:49 [Musique]
00:27:00 [Musique]
00:27:03 [Musique]
00:27:10 [Musique]
00:27:16 [Musique]
00:27:23 [Musique]
00:27:26 Ce clip de Vince Staples, "Fun", qui date de 2018,
00:27:38 au-delà de son approche esthétique singulière,
00:27:41 reprend plusieurs codes, plusieurs conventions établies du rap de Los Angeles.
00:27:46 On l'a dit, ces maisons basses que l'on voyait dans le Hailey Hood Store,
00:27:50 avec ses porches, jardin d'accueil, ses contralets.
00:27:53 Des interactions avec le LAPD, ici, le Gang Unit.
00:28:03 On voit ici, avec la police, la scène d'arrestation,
00:28:06 que l'on retrouve souvent dans des clips de rap.
00:28:09 Et, bien entendu, l'ancrage dans un quartier précis,
00:28:14 dans cette scène, où l'on voit de très loin,
00:28:18 il y fait référence ici au Ramona Park,
00:28:21 qui est le quartier dans lequel a grandi Vince Staples,
00:28:25 avec le coin de rue, vous savez, ces rues américaines,
00:28:28 où l'on voit à l'intersection le nom de chaque rue.
00:28:32 Et également, la vue d'hélicoptère.
00:28:37 Je ne sais pas, si jamais vous restez pour regarder "Boys in the Hood",
00:28:42 ce qui est intéressant dans la bande-son du film,
00:28:44 c'est que ce sont des sirènes qui sont omniprésents,
00:28:47 et ces bruits d'hélicoptères qui survolent la ville de Los Angeles,
00:28:51 les unités anti-gang qui survolent cette ville,
00:28:54 et qui font partie du paysage chaud nord.
00:28:57 Et ici, visuel, on voit bien l'hélicoptère volé en arrière-plan.
00:29:02 Donc on a pas mal de codes repris ici, dans ce clip,
00:29:07 qui renvoient à une imagerie qui s'est lentement mise en place,
00:29:13 dès que la scène en généose s'est structurée,
00:29:18 à partir d'une sorte de rap spécifique.
00:29:22 Et ici également, en sous-texte, on trouve des éléments
00:29:29 de mention explicite et implicite à la culture des gangs.
00:29:32 On voit très bien que les policiers, ici,
00:29:35 font partie d'une unité spéciale de gang unit.
00:29:39 Ici, on a une carte des gangs de LA,
00:29:49 en bleu, les zones géographiques,
00:29:53 c'est une carte assez vieille, qui date du début des années 2000.
00:29:58 Mais on voit les différents gangs de rue,
00:30:02 avec les Bloods en rouge, les Creeps en bleu.
00:30:05 Ici, le clip a été tourné dans un quartier de Long Beach,
00:30:10 avec des Creeps.
00:30:12 Et dans le clip, il y a en sous-texte, parfois de manière explicite,
00:30:15 avec les codes couleurs choisis, on parle de chaussures bleues,
00:30:18 de converse bleue, de nuances de bleu.
00:30:23 Même dans les paroles, il y fait allusion à des lieux spécifiques,
00:30:28 le molle de Lakewood.
00:30:32 Une subtilité aussi, vu que Vince Taple faisait partie des gangs des Creeps,
00:30:36 et pour se dissocier des Bloods, souvent, on substituait la lettre B
00:30:41 dans un mot, par la lettre C.
00:30:43 On n'utilisait pas le mot "bitch", mais "sitch".
00:30:46 Ce sont des évocations à ce monde de la rue,
00:30:51 et des street gangs, qui sont à la fois implicites et explicites.
00:30:55 Je ne vais pas vous spoiler "Boys in the Hood",
00:31:00 mais on renvoie à une des scènes du film.
00:31:02 On est donc dans cette esthétique des gangs de rue de la ville,
00:31:09 qui fascine.
00:31:11 On le voit bien, comme c'est bien mis en image et en scène,
00:31:14 à la fin du clip, où on voit cette mise en abîme d'un jeune,
00:31:20 un peu à la manière des Blancs qui, lors des périodes de jazz,
00:31:25 allaient s'encanaher dans les clubs de jazz,
00:31:28 aller faire du slumming.
00:31:30 Ici, on a la même chose.
00:31:31 On ne peut pas se rendre dans ces lieux, qui sont des lieux dangereux.
00:31:34 En revanche, on peut, par fascination, se mettre derrière son ordinateur.
00:31:38 On le voit bien avec le parti pré-esthétique de choisir Google Street View
00:31:42 pour pouvoir aller comprendre comment ces lieux fonctionnent.
00:31:45 Ces lieux qui fascinent, mais dont la dangerosité qui a été mise en scène
00:31:49 à la fois dans cette musique et dans le cinéma qui lui a rattaché,
00:31:52 peut faire peur.
00:31:54 Donc, il y a un effet réalité,
00:31:56 un effet réalité mise en scène, mais en tout cas,
00:31:58 la dangerosité et la violence de ces gangs est omniprésente
00:32:01 et toujours mise en image.
00:32:04 Donc, je l'ai dit, ce clip regorge de scènes d'images familières
00:32:08 dans le rap de LA, où le gangbanging tragique des années 80-90
00:32:12 a été amplement soit symbolisé, évoqué ou parfois glorifié.
00:32:17 Le poids de cette imagerie trouve un exemple édifiant
00:32:21 dans le cinéma de la fin des années 80, début des années 90,
00:32:24 jusqu'au cinéma plus récent.
00:32:26 Je pense à Turning Day, ou des séries télé comme The Shield, Rampart, Creed,
00:32:31 plus récemment, ou avec la scène suivante tirée d'un film de 1988.
00:32:37 Est-ce que je pourrais avoir l'extrait suivant, s'il vous plaît ?
00:32:40 [Extrait du film]
00:32:43 [Extrait du film]
00:32:47 [Extrait du film]
00:32:51 [Extrait du film]
00:32:54 [Extrait du film]
00:32:59 [Extrait du film]
00:33:04 [Extrait du film]
00:33:09 [Extrait du film]
00:33:14 [Extrait du film]
00:33:20 [Extrait du film]
00:33:23 [Extrait du film]
00:33:29 [Extrait du film]
00:33:34 [Extrait du film]
00:33:40 [Extrait du film]
00:33:47 [Extrait du film]
00:33:50 [Extrait du film]
00:33:56 [Extrait du film]
00:34:02 [Extrait du film]
00:34:08 [Extrait du film]
00:34:15 [Extrait du film]
00:34:18 [Extrait du film]
00:34:24 [Extrait du film]
00:34:30 [Extrait du film]
00:34:41 [Extrait du film]
00:34:44 [Extrait du film]
00:34:49 [Extrait du film]
00:34:54 [Extrait du film]
00:34:59 Cette scène est tirée du film "Colors" de 1988.
00:35:10 Elle nous plonge en immersion dans la culture des gangs de l'époque,
00:35:13 des "Crips" et des "Bloods", ou des "Bloods", vous vous souvenez,
00:35:17 prononcés comme Médine le faisait dans le clip inaugural.
00:35:21 Cette bande-son, avec ce "Colors" lancinant,
00:35:25 en temps qui revient de façon insistante, monotone, répétitive,
00:35:29 marqua une génération entière de cinéphiles et de fans de rap,
00:35:33 en esthétisant le gang-banging californien,
00:35:38 noir et chicano, ou latino.
00:35:41 Elle vient également raffermir le lien séminal,
00:35:45 le lien original de la musique rap avec la culture des gangs,
00:35:49 la culture des "Street Gangs", des gangs de rue.
00:35:53 Ce lien qui prédate ce morceau d'A.S.T.,
00:35:57 le rappeur A.S.T. qui chante sur ce morceau,
00:36:01 et l'omniprésence des gangs de Los Angeles dans les médias,
00:36:06 si ce lien est constaté par des chercheurs
00:36:09 qui s'intéressent à cette musique,
00:36:13 n'a pas généralement fait l'objet d'une attention particulière.
00:36:17 Pour Pierre Evil,
00:36:21 la transformation subséquente de cette culture des gangs
00:36:25 en marchandise de l'industrie musicale et des loisirs,
00:36:29 même lorsqu'elle est emballée de scandales,
00:36:34 comme les coups de feu ou les drive-by avec Snoop Dogg ou d'autres rappeurs,
00:36:37 serait responsable de son éloignement
00:36:41 des discussions journalistiques et universitaires.
00:36:45 Ce n'est pas une forme d'expression légitime,
00:36:49 qui n'a pas sa place dans les travaux universitaires
00:36:53 puisque c'est une forme musicale dérivée d'une culture hors-la-loi.
00:36:57 Pourtant, comme Evil le montre dans son ouvrage "Gangsta Rap",
00:37:02 qui se concentre principalement sur le rap de Los Angeles,
00:37:05 cette musique et ses pratiques satellites
00:37:09 sont sans conteste des sous-produits
00:37:13 directs de l'activité des gangs de rue,
00:37:17 de leur rythme et de leur rivalité.
00:37:21 Même si le lien est évident,
00:37:25 ce lien apparaît en filigrane dans les travaux
00:37:30 de ces artistes qui se sont penchés sur cette musique.
00:37:33 Ils veulent lui consacrer un chapitre dans son ouvrage,
00:37:37 il y a également des histoires orales de cette musique
00:37:41 qui se sont penchées dessus, mais généralement,
00:37:45 ce lien a été sous-exploité ou escamoté
00:37:49 pour mettre en avant des dimensions esthétiques ou poétiques
00:37:53 qui ont permis une légitimation de cette musique
00:37:58 et d'y faire l'objet d'études ou de travaux universitaires.
00:38:01 En revanche, si l'on se plonge
00:38:05 ou si l'on regarde le moment fondateur de cette musique
00:38:09 et ce qu'on appelle les pères fondateurs de cette musique,
00:38:13 à savoir Kool Herc, Grandmaster Flash et Afrika Bambaataa,
00:38:17 ces trois founding fathers, ces pères fondateurs,
00:38:21 étaient tous les trois membres de Gangs de rue.
00:38:26 Ils étaient membres des Black Spades à New York.
00:38:29 Cette origine semi-criminelle du rap,
00:38:33 les Gangs de rue ne sont pas tous des gangs de criminels,
00:38:37 ce ne sont pas tous des vendeurs de drogue,
00:38:41 il y a une organisation sociale en Gangs de rue
00:38:45 qui s'est structurée dans divers lieux pauvres
00:38:49 de la ville de New York et d'autres villes des gros centres urbains américains.
00:38:54 Il y avait des pratiques illicites qui leur permettaient de s'organiser
00:38:57 et de subvenir à leurs besoins,
00:39:01 et de créer des entreprises criminelles à la manière d'entreprises formelles.
00:39:05 Cette origine semi-criminelle,
00:39:09 susceptible de contrarier la légitimation de cette musique
00:39:13 comme pratique artistique, est généralement évoquée succinctement
00:39:17 comme si elle constituait un élément encambrant de l'histoire d'une musique
00:39:22 ou des qualités esthétiques.
00:39:25 Le rap c'est une musique militante,
00:39:29 c'est la nouvelle poésie, une forme poétique.
00:39:33 Certes, c'est un discours et une approche qui est valable,
00:39:37 mais elle a été généralement surévaluée
00:39:41 par rapport au constat objectif de l'origine de cette musique
00:39:45 et des premiers acteurs qui l'ont mise en place dans les rues new-yorkaises.
00:39:50 Cette approche pourtant,
00:39:53 qui nous permet d'envisager cette musique,
00:39:57 qui montre qu'il s'agit d'une musique dérivée des pratiques des gangs de rue,
00:40:01 permet de saisir avec plus de justesse plusieurs spécificités de cette musique
00:40:05 et les liens parfois étroits ou distendus avec cette pratique des gangs.
00:40:09 Plusieurs caractéristiques de la musique rap,
00:40:13 comme la revendication appuyée d'un esprit de groupe, par exemple,
00:40:18 et la culture des gangs.
00:40:21 Si vous écoutez le rap, vous savez très bien,
00:40:25 lorsque vous suivez un artiste, sur quel label il est signé,
00:40:29 d'où il vient, quel est son réseau ou son entourage,
00:40:33 ou les gens qui participent à son album ou au réseau d'artistes auquel il appartient.
00:40:37 Cette logique est une rétention des pratiques des gangs de rue,
00:40:41 où on a une logique de force dans le nombre.
00:40:46 Ensuite, plusieurs...
00:40:49 L'emploi récurrent par les rappeurs de termes comme Posse, Crew, Gang.
00:40:53 Le premier groupe de rap formel, c'est le Sugarhill Gang.
00:40:57 C'est le gang de Sugarhill.
00:41:01 Ce n'est pas le Bronx, c'est un quartier un peu plus vipé,
00:41:05 mais on a aussi un gang parce qu'il fallait, pour trouver une légitimité socioculturelle
00:41:09 chez les premiers MC, revendiquer cette organisation en gang.
00:41:14 Même si, là, on est plus proche du Boy's Band que d'un gang de rue.
00:41:17 En revanche, il fallait utiliser cette imagerie pour être crédible
00:41:21 dans cette musique à ses débuts.
00:41:25 Même chose, Klik, Squad, Clan, Mob.
00:41:29 Il y a plusieurs groupes qui ont repris cette architecture, cette dénomination.
00:41:33 Le Wu-Tang Clan, Flip Mob Squad, Rehab Gang, il y en a plusieurs.
00:41:37 L'utilisation de ces termes manifeste ouvertement la mentalité de groupe
00:41:42 et la vérité des gangs qui prédominent dans cette musique.
00:41:45 L'organisation des collectifs, des rap, sont des groupes d'artistes
00:41:49 qui se présentent comme un gang, avec un logo, un code vestimentaire choisi.
00:41:53 Même s'il y a une logique marketing derrière,
00:41:57 il y a aussi la question de montrer son unité à un collectif.
00:42:01 Ensuite, l'institutionnalisation du ghetto, du hood.
00:42:05 On l'a vu, les Hood Live Tours, c'est la réalité.
00:42:10 Comme caution légitimatrice des pratiques hip-hop,
00:42:13 elle trouve son principe dans les racines culturelles et l'ancrage social
00:42:17 des débuts de cette musique.
00:42:21 Cette musique a grandi dans le ghetto, elle sort du ghetto.
00:42:25 C'est la musique du hood et du quartier.
00:42:29 Tout comme l'inscription territoriale ou l'insistance de ces artistes
00:42:33 qui nous intéressent ici.
00:42:38 Je suis de Paris en province, du 95 à Paris,
00:42:41 donc on sait exactement le nom d'un rappeur.
00:42:45 Vous allez pouvoir me le situer sur la carte du rap français
00:42:49 ou sur la carte du rap des Etats-Unis.
00:42:53 Il y a clairement un ancrage local fort,
00:42:57 même si ces dernières années, avec l'apparition de nouveaux modes
00:43:01 de consommation de diffusion de cette musique,
00:43:06 on a pu voir que la musique de la rue,
00:43:09 elle est plus générale, plus géographique,
00:43:13 mais elle relève du virtuel, puisqu'elle sort des réseaux sociaux.
00:43:17 Il y avait été souvent question de cela pour les Soundcloud Rappers,
00:43:21 les rappeurs Soundcloud qui ont connu le succès sur cette plateforme.
00:43:25 Généralement, ce n'étaient pas des rappeurs sortis de nulle part,
00:43:29 ce sont des rappeurs qui avaient fait leurs dents ou leurs armes
00:43:34 pour faire leur communication, pour percer dans cette musique,
00:43:37 là où jusqu'à présent on perçait grâce à un collectif,
00:43:41 grâce à un label qui nous poussait ou un groupe déjà bien structuré.
00:43:45 Le territoire, qui dans ce contexte particulier renvoie
00:43:49 à l'exception zoologique du terme, est considéré comme un habitat privilégié,
00:43:53 marqué soit par des graffitis
00:43:57 et défendu contre l'intrusion de congénères.
00:44:02 C'est vraiment le cas ici dans les gangs de Los Angeles.
00:44:05 Si vous êtes intéressé à cette question, on sait que nous avons un découpage territorial,
00:44:09 mais si on zoomait sur les rues, ce découpage on le voit
00:44:13 avec des graffitis bleus pour les quartiers Crip
00:44:17 et rouges pour délimiter les quartiers Blood.
00:44:21 Il y a un code couleur à connaître pour savoir où on se trouve
00:44:25 et éviter de porter les mauvaises couleurs si on est dans un quartier
00:44:30 tenu par le gang en question.
00:44:33 Cette appropriation symbolique d'un territoire et l'esprit de groupe
00:44:37 qui caractérise les gangs se retrouvent aussi bien dans le grand nombre
00:44:41 de références que les rappeurs font à leur famille d'appartenance
00:44:45 que celles qu'ils font à leur lieu de résidence, leur quartier, leur ville,
00:44:49 leur département ou leur pays. Il y a une multitude d'exemples
00:44:53 de cette célébration de l'origine géographique qu'effectuent
00:44:58 les rappeurs de la région. Dans le rap US, on a Boogie Down Productions,
00:45:01 le Bronx, Compton's Most Wanted, après NWA, qui a donné suite à
00:45:06 Detroit's Most Wanted, The Saint Lunatics de Saint Louis,
00:45:10 Nelly pour les plus anciens peut-être, ou The 213,
00:45:15 qui est un groupe de Snoop Dogg et des cousins,
00:45:19 qui fait référence au 213, le code téléphonique,
00:45:23 encore une fois pour les anciens, de la ville de Long Beach.
00:45:27 Vous savez, à une époque, lorsqu'on voulait donner un coup de téléphone
00:45:30 quelque part, il fallait composer l'indicatif. Ici, c'est le 213,
00:45:34 nom choisi par le groupe de Snoop Dogg, qui est originaire de Long Beach,
00:45:38 The 213. Même chose avec Cypress Hill,
00:45:42 ou West Side Connection, qui vient du West Side, ou autres.
00:45:46 Ce sont des artistes qui revendiquent, à la fois dans leur nom d'artiste
00:45:50 ou explicitement dans leur parole, leur lieu d'origine.
00:45:55 Ils ont cette exaltation du lieu d'origine, d'affiliation, de résidence.
00:46:00 Je parlais de résidence ou d'affiliation parce qu'on a parlé de 2Pac,
00:46:04 par exemple, qui au départ était, ou même Ice-T, qui vient de New Jersey,
00:46:08 qui s'est relocalisé en Californie pour devenir un rappeur emblématique
00:46:12 de cette région, alors qu'il n'est pas de là à l'origine.
00:46:16 Donc cet ancrage symbolique dans la rue résulte d'un processus
00:46:20 de structuration particulièrement prégnant, j'y reviendrai plus loin,
00:46:24 qui a établi la rue et les gens qui y vivent comme réservoir symbolique
00:46:30 incontournable de cette musique.
00:46:33 Le rap, c'est dans la rue, c'est la rue.
00:46:36 La rue ou la voiture qui circule dans la rue, dans cette variante
00:46:40 angélino de Los Angeles, de la scène rap.
00:46:43 D'ailleurs, à ce sujet, il y a une anecdote, je ne sais pas si elle est vraie,
00:46:47 qui dit que Dr. Dre, le producteur, à chaque fois qu'il travaillait
00:46:52 dans un bureau, allait le tester dans sa voiture, justement pour s'assurer
00:46:55 qu'il était auto-compatible, puisque la plupart des gens qui écoutaient
00:46:58 la musique à l'époque, l'écoutaient dans leur voiture en circulant
00:47:02 dans les rues de Los Angeles.
00:47:04 Je ne sais pas si c'est vrai, mais en tout cas, ça colle bien à la présentation.
00:47:07 Je l'utilise ici.
00:47:09 Et donc, dans cette voiture, et la voiture emblématique de Los Angeles,
00:47:14 on l'a vu tout à l'heure en photo, c'est la Low Rider, dont on retrouve
00:47:19 les sons de transmission hydraulique dans pas mal de morceaux
00:47:22 qui traversent les albums de Dre ou de Exhibit.
00:47:25 Je ne sais pas si vous vous souvenez, lui, c'était le présentateur
00:47:28 de Pimp My Ride, qui se rendait dans des lieux où on pouvait amener
00:47:32 une Kia et on la récupérait totalement tunée.
00:47:36 C'est ça.
00:47:38 Donc, ce modèle de voiture établit un lien explicite avec la gang life,
00:47:44 un sujet controversé d'ailleurs pour la communauté Low Rider.
00:47:48 Parce que même si ces voitures ont souvent été utilisées
00:47:51 par les membres de gang, elles étaient utilisées aussi
00:47:55 par des groupes de Low Rider traditionnels qui essayaient
00:48:00 de rassembler des communautés de jeunes autour de cette passion
00:48:03 des voitures, comme l'avait fait Africa Mabata avec la Zulu Nation,
00:48:08 à savoir, pour les sortir de la guerre des gangs,
00:48:11 trouver des pratiques qui allaient empêcher ces jeunes de rejoindre
00:48:16 des gangs de rue en leur donnant, non pas un hobby, mais une pratique
00:48:22 dans laquelle ils allaient pouvoir s'investir et sortir de la vie des gangs,
00:48:27 de la gang life.
00:48:29 Ce qui est intéressant également avec cette Low Rider, c'est qu'elle appartient
00:48:34 à une culture qui dépasse l'appartenance raciale.
00:48:38 A l'origine, les Low Riders, ce sont des voitures qui sont originaires
00:48:42 des barrios latino de la Californie du Sud,
00:48:45 mais elles ont été rapidement adoptées par des amateurs africains-américains
00:48:49 de quartiers noirs de Los Angeles, qui les ont développées,
00:48:53 mises à leur sauce, et qui, chaque semaine, allaient descendre
00:48:57 le long de Crenshaw Boulevard pour aller regarder les plus belles voitures
00:49:01 et celles qui arrivaient à sauter le plus haut, à s'en monter sur des systèmes
00:49:05 hydrauliques qui permettent aux voitures, on le verra plus tard,
00:49:12 de monter et de descendre en suivant le son des basses qui sortent des enceintes.
00:49:17 On a un châssis rabaissé de long carrosserie vintage,
00:49:22 qu'on retrouve également dans les paroles de chansons,
00:49:25 les paroles de Eazy-E par exemple, "Cruising down the street in my 6-4",
00:49:31 "The game", "6-4 in palace", ce sont des voitures que l'on retrouve tout le temps,
00:49:36 et même si ce sont des voitures datées, on retrouve encore aujourd'hui,
00:49:41 c'est un modèle rétro, nostalgique, chic, des voitures d'autrefois qui sont,
00:49:45 et vous le verrez si vous jetez un oeil aux photos qu'il y a dans le couloir,
00:49:49 ce sont des vieux modèles de voitures, mais mises au goût du jour avec la technologie actuelle.
00:49:53 Donc je l'ai dit, Dr. Dre qui en parle, qui appelle ça "hitting switches",
00:49:59 on touche les boutons pour faire bouger les voitures,
00:50:02 ou encore The Game, le rappeur The Game qui a intitulé un morceau
00:50:09 avec un autre rappeur, Reason, récemment intitulé "In Palace and Hydraulics" il me semble,
00:50:13 ou les rappeurs de Cypress Hill qui ont quant à eux consacré un morceau intitulé "Low Rider".
00:50:20 On la retrouve également dans cette scène d'un film qui aurait également pu être projeté,
00:50:24 à mon sens, sans sa mise en scène ou en image de LA,
00:50:27 et fortement influencée par l'imagerie rap qui prévaut dans cette ville.
00:50:31 Est-ce que je pourrais avoir le prochain extrait s'il vous plaît ?
00:50:33 [Extrait]
00:51:03 [Extrait]
00:51:13 [Extrait]
00:51:42 [Extrait]
00:52:11 [Extrait]
00:52:40 [Extrait]
00:53:09 [Extrait]
00:53:28 Je voudrais revenir un instant sur cette "Low Rider" et sur le "How's yours" espagnol de Denzel Washington ici,
00:53:37 car l'hétérogénéité culturelle, l'origine Chicano de ces voitures,
00:53:42 et son transfert comme symbole rap, en tout cas du rap West Coast,
00:53:46 contraste avec l'assignation raciale communément appliquée au rap.
00:53:50 Une musique par essence noire, aussi bien à New York qu'à Los Angeles,
00:53:55 alors que son histoire est en réalité bien plus complexe, en tout cas à Los Angeles,
00:54:00 avec des liens culturels étroits entre les communautés african-américaines et les communautés latino-americaines.
00:54:06 Avec une proximité socio-économique, et le fait que les membres de ces deux groupes partageaient les mêmes espaces publics,
00:54:13 les parcs, les écoles, les coins de rue, ce qui donna lieu à des interactions fréquentes entre leurs membres,
00:54:19 notamment les plus jeunes. On le voit très bien d'ailleurs dans une scène de "Boys in the Hood"
00:54:23 où Ice Cube essaie de faire la cour à une jeune fille latino et essaie de baragouiner en espagnol.
00:54:30 Donc on voit très bien cette proximité entre les deux groupes.
00:54:35 Et cette mitoyanté, donc ajoutée à un profit sociologique similaire,
00:54:40 permet donc aux jeunes des deux communautés et d'autres groupes à collaborer à l'essor du rap à Los Angeles
00:54:46 et dans le reste de la Californie, et d'élaborer une culture urbaine cohésive,
00:54:51 avec certes des tensions autour des questions d'authenticité et de légitimité socio-culturelles.
00:54:56 Chaque groupe cherchant à valoriser sa place ou la place jouée par ses artistes
00:55:04 et en défendant le rayonnement de la scène rap locale.
00:55:08 Avec pas mal de "beefs" ou de clashs peut-être entre des artistes,
00:55:17 notamment entre Ice Cube et Cypress Hill, en disant "non, c'est moi, the king of the hill,
00:55:23 c'est moi le porte-étendard de Los Angeles et pas vous".
00:55:28 Pourtant, en dépit de multiples contributions avérées et documentées d'artistes latinaux,
00:55:34 le rap de LA continue d'avoir comme métonymie d'un mouvement plus large,
00:55:43 et demeure très largement racialisé.
00:55:48 L'idée de "blackness" de rap noir reste donc clairement attachée à cette musique rap
00:55:56 dont les acteurs et les observateurs assignèrent d'emblée un référent racial subjectif.
00:56:00 Même chose, je ne vais pas passer trop de temps dessus, mais si on regarde la scène rap new-yorkaise,
00:56:06 on trouvait autant de MC ou de producteurs portoriquains que africains-américains.
00:56:14 Et même, on présentera comme une musique african-américaine,
00:56:18 c'est-à-dire, la dénomination renvoie aux descendants d'esclaves,
00:56:23 les "Aidos", les descendants américains de la slaverie.
00:56:26 Or, si on prend "Cool Herc", "Bambaataa" ou "Flash",
00:56:33 ils sont soit de la Barbade, soit de la Jamaïque, ils n'ont rien d'africain-américain.
00:56:38 En revanche, il y a eu une essentialisation de cette musique,
00:56:42 qui a été réalisée au départ et récupérée par la jeunesse african-américaine de ces lieux.
00:56:50 Et donc, on retrouve ce même phénomène et cette même tension dans le champ de production de Los Angeles,
00:56:56 où chaque groupe a essayé de s'approprier un rôle plus ou moins important
00:57:04 à l'ancrage et au développement de cette musique et des scènes locales.
00:57:09 Et donc, cette diversification découle à la fois de la division en gang, avec des gangs de rue,
00:57:17 donc on le voit, il y a les Blood, les Creep, il y a aussi des gangs latino,
00:57:22 qui ont contribué, pas à échelle égale, puisque très rapidement, je l'ai dit,
00:57:27 c'était Compton, le cœur névralgique, vraiment l'endroit où cette musique s'est véritablement développée.
00:57:35 Et à l'époque, c'était une place forte où il y avait énormément d'Africains-Américains,
00:57:40 mais avec une communauté latino tout aussi importante,
00:57:44 qui ont fréquenté ces soirées et qui, par contamination et en fréquentant ces soirées,
00:57:50 s'est, elle aussi, mise à produire du rap et à voir certains artistes qui, eux aussi,
00:57:57 sur la scène embryonnaire du rap de LA, ont réussi à se faire une place.
00:58:01 Alors, comment est-ce que cette scène a évolué ?
00:58:05 Au début des milieux des années 80, le rap de Los Angeles, c'est principalement, je l'ai dit,
00:58:11 un mouvement électro-rap préliminaire, comme on le voit dans cet extrait du film "Breaking",
00:58:15 qui est très proche de ce qu'on pouvait trouver au début du rap new-yorkais, dans les premières soirées.
00:58:20 Est-ce que je pourrais avoir l'extrait suivant, s'il vous plaît ?
00:58:24 [Musique]
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00:58:30 [Musique]
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01:00:30 [Musique]
01:00:34 [Musique]
01:00:38 [Musique]
01:00:42 [Musique]
01:00:49 Alors, cet extrait tiré des films "Breaking", même dans ses outrances vestimentaires,
01:00:56 reflète assez bien les débuts du rap de la scène de Los Angeles à l'époque.
01:01:03 Une scène démographiquement hétérogène, on l'a vu, avec des jeunes noirs, des jeunes latinos,
01:01:09 qui se retrouvaient aux énormes soirées rap, je l'ai dit, de "Uncle Jum's Army" de Roger Clayton,
01:01:16 qui était un des premiers gros DJ, ou de la "World Class Wrecking Crew" de Lonzo Williams,
01:01:21 qui était le crew de DJ où jouait Dr. Dre. Alors, je ne sais pas si vous l'avez reconnu dans la vidéo,
01:01:27 on entend le rappeur, c'est Ice Cube, le même qui rappait "Colors, Colors", avec une esthétique,
01:01:34 une bande son totalement différente, et un co-advestimentaire aussi, il avait des lunettes de ski,
01:01:38 un jogging flashy en satin, donc c'est vraiment les débuts. C'est Ice T, oui.
01:01:45 Ah pardon, désolé, Ice T. Merci.
01:01:48 Et donc, on voit, c'était un public hétérogène, qui sous l'influence de Greg Mack,
01:01:56 qui était un DJ radio à l'époque, qui a contribué aussi au décollage de cette musique,
01:02:01 s'est avéré être un tremplin précieux pour de nombreux artistes et de labels,
01:02:05 qui ont contribué à mettre Los Angeles et Compton sur la carte de cette musique.
01:02:12 Alors, même si on dépasse les caractéristiques unidimensionnelles,
01:02:19 les représentations un peu guimauves et égulturelles de la vie du centre-ville de L.A.,
01:02:24 ici, "Breaking" et sa suite "Breaking II" constituent néanmoins un repère important de la culture hip-hop,
01:02:31 ou rap, de la ville. Et donc, je l'ai dit, ces films étaient notamment en vedette,
01:02:37 par un rappeur local réputé nommé Ice T. Comme le remarque le critique de rap Brian Cross,
01:02:45 Ice T, pardon de son vrai nom Tracy Morrow, était à l'époque de ses films encore un MC amateur,
01:02:51 imitant ce que les rappeurs new-yorkais faisaient sur la côte Est.
01:02:56 Néanmoins, sur ses premières sorties, notamment sur un rap, un type de "Coldest Rap",
01:03:02 "Coldest Rap III" ou "Le Plus Cool", qui était une phase B,
01:03:07 il travaillait déjà sur le personnage de gangsta, proxénète, proto-gangsta,
01:03:12 qui allait le rendre célèbre. Cette hymne racontait comment Ice T,
01:03:17 c'est un refrain que l'on entend souvent dans la musique rap,
01:03:21 était le meilleur dealer avec le plus de femmes, les plus belles voitures,
01:03:25 les plus beaux jogging, les plus belles baskets et les plus de casquettes.
01:03:29 Et comment il préférait l'argent de la vente de drogue à un boulot 9 to 5,
01:03:35 où on va travailler tous les jours de 9h à 17h.
01:03:38 Et donc présenter une version régionale, une version locale de l'imagerie criminelle,
01:03:45 qui serait bientôt générique, standardisée, et qui s'était déjà un petit peu
01:03:51 institutionnalisée sur la côte Est. Le discours de proxénète, d'ailleurs,
01:03:57 qu'il expose dans ses rimes, a été manifestement, il le dit lui-même,
01:04:00 influencé par les écrits du proxénète devenu romancier Iceberg Slim,
01:04:06 qui a écrit un bouquin qui s'appelait Pimp, le P-I-M-P, qui a été repris par Snoop
01:04:13 et d'autres rappeurs. D'ailleurs, à ce sujet, dans un essai intitulé
01:04:21 "Kicking reality, kicking ballistics, gangsta rap" dans le LA post-industriel,
01:04:26 Robin D. Kelly note la réapparition d'une esthétique Mac, qu'il désigne "rétro-Mac",
01:04:33 dans les représentations des souteneurs, des proxénètes de la musique rap.
01:04:38 On la retrouve dans des films de la Bloxpotation, par exemple, avec des personnages
01:04:42 comme Dolomite, qui était repris dans un clip d'un rappeur, c'était un rappeur du Wu-Tang.
01:04:50 C'est celui qui est mort, je me souviens. Dans le clip, il reprend l'esthétique de Dolomite
01:04:56 et reprend l'esthétique des films de la Bloxpotation, alors qu'il vient de la côte Est,
01:05:01 sur la côte Ouest. Dolomite, qui a été tourné à Los Angeles, Iceberg Slim et d'autres,
01:05:09 qui rentre en résonance avec le style de vie flamboyant des vendeurs de drogue
01:05:17 qui ont travaillé sur la côte Ouest à l'époque, qui commencent à faire pas mal d'argent avec la banque de drogue.
01:05:21 Cette esthétique est celle que les rappeurs commencent à faire vouloir passer dans leurs textes,
01:05:27 parce qu'on le retrouve déjà dans des proto-raps ou des narrations orales que l'on trouve dans les ghettos
01:05:31 new-yorkais ou de Philadelphie, sur lesquels se sont penchés des folkloristes,
01:05:35 des gens qui utilisent les narrations orales, qui circulent entre les jeunes hommes du ghetto
01:05:41 et qui ont souvent le même type de héros hors-la-loi.
01:05:45 Ici, on assiste à une mise en musique, une mise en rap d'un vieux modèle ou d'un vieux héros
01:05:51 du folklore africain-américain, d'un homme armé qui est dans le monde de la pègre
01:05:58 et qui a un style vestimentaire distingué, des pratiques violentes et un discours sexiste et machiste,
01:06:05 comme le personnage de Staggoli par exemple.
01:06:09 Donc, raison pour laquelle les rappeurs ont choisi ce type de personnages, de souteneurs, de hustlers,
01:06:16 pour justement faire passer dans leur musique cette idée d'un style de vie flamboyant et criminel.
01:06:23 Non seulement Ice-T avait choisi ce nom en hommage à cet auteur, à Iceberg Slim,
01:06:30 mais il avait également créé un personnage de proxénèse fantastique, de super pimp,
01:06:36 qui a documenté en rimes et en rythmes certaines de ses expériences de hustler.
01:06:41 À cette époque, Ice-T, lorsqu'il rappait dans "Breaking",
01:06:47 s'associe régulièrement avec un rappeur d'origine mexicaine, Arturo "Kid Frost" Molina Jr.,
01:06:53 qui est un MC de LA, qui en 90 va ouvrir véritablement la voie aux rappeurs latinos
01:06:59 avec un album intitulé "Hispanic Causing Panic".
01:07:04 Donc, les deux, Ice-T et lui, généralement à cette époque-là,
01:07:07 commencent à se produire dans des petites fêtes de quartier, dans des salons de lowrider à travers Los Angeles.
01:07:13 Il commence à acquérir une certaine notoriété, et il attire l'œil de certaines maisons de disques
01:07:19 qui lui demandent d'enregistrer certains morceaux, ou de participer à des soirées de DJ,
01:07:25 donc il participe à des soirées dans des lieux emblématiques du rap, dont "The Eve After Dark",
01:07:30 qui est le lieu où le crew, où Dr. Dre et de futurs membres de N.W.A. commençaient à faire des sons.
01:07:40 Il se retrouve également invité aux soirées du plus gros collectif de DJ à l'époque,
01:07:46 parce qu'à l'époque, dans cette musique, comme au début du rap new-yorkais,
01:07:49 c'est véritablement le DJ qui est au centre des soirées,
01:07:54 et les MC ont encore une place qui n'est pas l'épicentre de la forme d'expression,
01:08:02 c'est une expression qui consiste à essayer de monter plusieurs morceaux,
01:08:07 de créer des boucles, et de faire danser un maximum les foules qui se déplacent,
01:08:12 mais pas nécessairement d'écouter les discours et les rimes d'un MC.
01:08:17 Graduellement, le MC va prendre la place du DJ en déplaçant le curseur,
01:08:23 mais à l'époque, ce sont des gros supergroupes de DJ qui jouent cet électro-rap qu'on vient d'entendre.
01:08:28 D'ailleurs, ce passage est tourné dans "The Eve After Dark",
01:08:31 qui est le club dont je vous parlais, qui était l'épicentre du rap de Los Angeles à l'époque.
01:08:37 Donc très rapidement, Ice-T va sortir de l'esthétique que l'on vient de voir ici,
01:08:43 un peu à la "YMCA" si vous voulez, pour adopter le look de la rue,
01:08:51 en tout cas des "hustlers", des vendeurs de drogue de la rue,
01:08:53 à savoir un look un peu plus rugueux, casquette noire, jean, carat, basket, converse, que l'on trouve.
01:09:02 Et notamment, ce qui va lui permettre d'asseoir et de donner un rayonnement important à cette imagerie,
01:09:08 à ces codes vestimentaires, c'est son morceau "Six in the Morning".
01:09:12 "Six in the Morning", c'est un morceau pivot qui a clairement marqué,
01:09:18 en tout cas a constitué un moment charnière pour la scène hip-hop de Los Angeles,
01:09:22 qui a marqué une évolution formelle et thématique vers des rythmes plus clairsemés,
01:09:27 des paroles orientées vers la rue, et avec un discours tranchant plus net.
01:09:33 Donc on est vraiment loin de ce qu'on vient de voir ici, de l'électro-rap,
01:09:36 pour se rapprocher de ce que l'on connaît, ou ce que l'on verra, plus proche du rap de "Handle the Body Way".
01:09:43 Les pionniers de la scène rap de Los Angeles, je l'ai dit, étaient principalement des DJs,
01:09:49 et ont contribué à établir une culture DJ.
01:09:52 Mais ce morceau, celui de "Six in the Morning", aura un impact considérable à celui de "The Message" sur la Côte-Ouest,
01:10:02 à savoir qu'il va redéfinir les codes d'écriture du rap, et les codes thématiques de cette musique,
01:10:09 en dirigeant le contenu, qui est un contenu généralement dédié à la fête, à la rue et ses pratiques illégales.
01:10:18 Ce discours que reprendront quelques années plus tard "Easy E" et "Handle the Body Way".
01:10:26 Pour bien comprendre la transition stylistique et esthétique entre les deux, on l'a vu,
01:10:31 "Ice T" c'était "Jogging Violet", "Lunettes de Ski", "Casquette".
01:10:38 À l'époque, "Dr. Dre" c'était ça.
01:10:40 Vous le voyez, vous le retrouverez peut-être en image.
01:10:43 C'était en haut à gauche.
01:10:47 On est plus proche de l'esthétique new-yorkaise des premiers groupes comme "The Furious Five".
01:10:54 C'est vraiment une performance avec des tenues de scène, maquillage, gloss, eyeliner, sourcils, même ici.
01:11:06 C'est tiré d'un... je ne sais pas si c'est une couverture, mais c'est "Easy E"
01:11:12 lorsque "Dr. Dre" a quitté son label pour rejoindre "Death Row".
01:11:16 Il a voulu le tourner en dérision.
01:11:19 Je pense que "Dre" l'a vraiment très mal vécu, je pense qu'il n'a toujours pas digéré.
01:11:23 On voit très bien comment il a essayé de le ridiculiser en faisant sortir cette photo.
01:11:28 Une photo de promo sur les premières soirées DJ auxquelles il participait.
01:11:34 C'est vraiment loin de l'esthétique qui allait être celle qui allait être mise en avant avec "Boys in the Hood" et "NWA".
01:11:43 Regardez la transition entre les deux.
01:11:45 Donc vous reconnaissez "Dre", c'est chêne en or, casquette aile,
01:11:52 un look qui est bien plus proche de celui des jeunes de la rue à l'époque.
01:11:58 Lorsque l'on regarde les scènes électro-rap, c'était vraiment une musique de performance avec des tenues de scène.
01:12:05 Alors que là, on évacue totalement cet aspect glam, tenue de scène,
01:12:10 et on se rapproche de la rue et de ce que portaient les jeunes dealers à l'époque,
01:12:14 à savoir des carats, des jeans, des converse, casquette.
01:12:17 Donc après, cette esthétique sera reprise par "Ice Cube" qui changera de style également, "NWA".
01:12:28 Puis "Colors" en 88, puis "Boys in the Hood".
01:12:32 Je vais essayer de faire un saut dans le temps.
01:12:36 Et d'ailleurs, ce qui est assez intéressant, encore une fois, je reviens à "Boys in the Hood", le film.
01:12:41 Dans le film, il y a un saut dans le temps.
01:12:44 Le début du film, on est en 1984, où il y a une scène drâce spécifique.
01:12:48 Et le film saute ensuite en 1991, et on voit, c'est clairement marquant,
01:12:54 donc c'est marquant sur les photos que je viens de vous montrer, mais également très marquant dans le film,
01:12:58 où on voit qu'on a une bande son totalement différente et des codes vestimentaires totalement différents.
01:13:03 En tout cas, dans les soirées rap.
01:13:05 Donc avec une évolution formelle, esthétique, avec des beats moins travaillés,
01:13:10 on avait dans l'électro-rap, il y avait un grand nombre de couches musicales.
01:13:15 Et là, on passe vers un style musical plus brut, qui était plus proche de ce que faisait "Public Enemy" déjà sur la côte Est.
01:13:23 Des beats moins travaillés, des paroles plus violentes,
01:13:25 et l'inclusion de références visuelles, sonores aux street gangs, à leur culture, leurs couleurs, je l'ai dit.
01:13:30 Snoop Dogg et son bleu des Creeps, on l'a vu, Vince Staples avec aussi le bleu des Creeps.
01:13:35 Le rouge des Bloods pour "The Game", par exemple, on l'a vu aussi dans le clip de "Colors".
01:13:41 Des motifs comme je l'ai dit, les Impala 64, le cognac Hennessy, par exemple,
01:13:50 il y a des alcools de prédilection suivant les périodes et les lieux.
01:13:54 Pour eux, sur la côte Est, c'est le Hennessy, dans le Sud, ça sera le Syrup.
01:13:59 Chaque scène a sa drogue de choix, son motif de choix.
01:14:02 Le mélange de Gin and Juice, clairement associé au morceau de Dre Snoop Dogg.
01:14:07 Les Chuck Taylors, les Converse qui sont aujourd'hui revenus, les Gin Carhartt et autres.
01:14:12 Tout ça correspond à l'affirmation d'une esthétique forte,
01:14:16 destinée à s'éloigner de ces tenues de scène et d'une scène électro-rap
01:14:21 qui était pour, en tout cas, ces acteurs un peu niaises,
01:14:24 pour aller vers quelque chose qui se rapproche plus de la rue, plus concret, plus street et plus ghetto.
01:14:30 Donc, l'étape suivante, c'est "Straight Outta Compton" de Andrew Baldwy,
01:14:37 son morceau phare de ce groupe, qui exprime précisément l'ancrage récurrent des rappeurs
01:14:43 dans un lieu spécifique aux caractéristiques distinctes des lieux de pauvreté, de criminalité,
01:14:49 qui font écho à ceux introduits déjà dans les premiers textes de rap.
01:14:54 On retrouve déjà les traces, je parlais de "Message" ou même si on écoute "Rapper's Delight",
01:15:00 on voit que c'est ancré dans un ghetto-pore avec des pratiques délictueuses.
01:15:05 Mais là, on passe au degré supérieur où c'est véritablement une glorification sans phare
01:15:12 de ces pratiques.
01:15:14 Ils font écho à celles introduites dans les premiers raps.
01:15:19 Les rappeurs de NWA emploient plusieurs symboles identitaires qui renvoient à Los Angeles.
01:15:24 On voit qu'ils portent des casquettes de LA, des LA Raiders à l'époque.
01:15:29 C'est les "Converse".
01:15:32 Donc, revêtir à l'époque une casquette d'une équipe de sport de la ville où on habite,
01:15:41 c'est clairement un marqueur fort d'un ancrage identitaire et local.
01:15:44 Pareil pour le maillot de l'équipe de sport, qui est une pratique quasi rituelle dans cette musique,
01:15:50 et qui constitue un des moyens les plus directs de déterminer l'adresse d'un rappeur,
01:15:55 tout en éclairant le lien social entre cette musique et le lieu d'où elle sort.
01:16:01 Clairement, leur morceau "Straight Outta Compton" survint à un moment clé dans l'histoire du rap.
01:16:09 Et il fut, en 1999, à sa sortie, de manière éclatante,
01:16:14 le morceau qui viendra placer la scène rap de Los Angeles sur la carte de la musique rap.
01:16:19 Après "Six in the Morning", et qui établit LA comme un rival sérieux à New York sur la carte rap des Etats-Unis.
01:16:30 Ce rapport de force, c'est un rapport de force qu'on retrouvera souvent entre les deux côtes,
01:16:36 même s'il y a des collaborations entre des artistes des deux côtes.
01:16:39 Je pense à un morceau de "The Game" où il y a Nas, vice versa,
01:16:42 où il y a 50 Cent qui vient du Queens, mais qui viendra poser sur plusieurs morceaux de rappeurs de Los Angeles, et vice versa.
01:16:51 Mais clairement, on a les deux grosses scènes phares, en tout cas pendant longtemps, de la musique rap aux Etats-Unis,
01:16:57 avec ensuite l'émergence des scènes comme Atlanta, de Dirty South, ou d'autres villes comme Chicago.
01:17:02 C'est clairement des morceaux qui ont véritablement marqué un discours localiste fort sur la côte ouest,
01:17:12 dont les premiers jalons avaient été posés par Ice-T et N.W.A.
01:17:17 Je vais accélérer parce que sinon je pense que je n'aurais pas terminé avant le début du film.
01:17:26 Je risque de me répéter, mais l'une des conventions principales lorsqu'on fait ce type de musique,
01:17:32 c'est de, dans ses paroles, convoquer des marqueurs forts de nos lieux d'origine.
01:17:37 Pour la ville de LA, ce sera les équipes de sport, je l'ai dit.
01:17:42 Je vais prendre ce qui est assez intéressant.
01:17:46 Généralement, on retrouve soit les équipes de basket, les LA Lakers, ou les équipes de baseball ou de foot américain.
01:17:55 La logique a été poussée à son paroxysme, mais on voit véritablement une récupération mercantile de cette imagerie rap et du rayonnement de la ville de LA.
01:18:07 Je ne vais pas jouer la vidéo parce qu'elle est un peu longue, mais on voit ici la bande-son officielle de l'équipe de foot,
01:18:16 pas de foot américain, de soccer, le foot qu'on connaît ici, le foot du PSG si vous voulez.
01:18:23 Qui, comme bande-son, est d'usage aux Etats-Unis, lorsqu'on a une équipe de sport,
01:18:28 de trouver un morceau emblématique que les supporters achèteront, parfois chanteront,
01:18:35 lorsque l'équipe marquera un but ou lorsque l'équipe rentrera sur le stade.
01:18:39 L'équipe de LA, je ne sais pas si c'est les Angels, je ne sais pas trop, ont sorti un clip.
01:18:49 Pour donner une certaine légitimité à l'équipe et l'ancrer dans un territoire spécifique avec une géomusicalité forte,
01:18:57 on fait appel à Be Real, qui est un des premiers rappeurs de Cypress Hill.
01:19:01 On voit ici, on reprend les codes, ce n'est plus la casquette des Raiders,
01:19:07 mais on est vraiment dans le marketing sans gêne, où on demande à des artistes pour faire la promotion d'un lieu emblématique de cette musique,
01:19:17 de porter une casquette à l'effigie du club, une écharpe à l'effigie du club et le maillot à l'effigie du club.
01:19:21 C'est clairement une logique marketing appliquée à un lieu et à une équipe.
01:19:27 Même s'il y a eu des partenariats signés entre musiciens de rap,
01:19:32 notamment je pense à Run DMC qui avait très tôt signé un partenariat avec Adidas pour des baskets spécifiques,
01:19:38 généralement au départ c'était l'inverse, c'était d'abord les artistes qui portaient des maillots des LA Raiders
01:19:46 ou d'équipes spécifiques pour marquer un ancrage fort dans un lieu et il ne faisait pas ça à la demande des équipes.
01:19:53 Or ici on a une logique inverse où on a des équipes qui demandent à des artistes,
01:19:59 en tout cas ici peut-être des artistes de seconde zone ou sur le déclin, je pense à Beer Hill qui est très loin de l'apogée de son groupe et de Cypress Hill
01:20:10 qui aujourd'hui est probablement allé chercher un chèque pour donner son image et du crédit,
01:20:17 en tout cas une légitimité à ce morceau de rap que je vous invite à aller écouter, je ne vais pas le jouer pour vous,
01:20:24 on a déjà joué des bons morceaux, mais je vous invite si vous êtes intéressés à aller écouter
01:20:30 et à comprendre comment on est passé de établir une crédibilité rap dans la ville de Los Angeles
01:20:40 pour aujourd'hui capitaliser sur tout ce qui a été mis en place par les premiers rappeurs
01:20:46 qui ont véritablement mis Los Angeles sur la carte du rap américain.
01:20:50 Et ce justement en s'éloignant du discours de la rue, en place tous sur la rue,
01:21:00 qui a été mis en place et qui a perduré et qui est repris encore plusieurs années plus tard,
01:21:07 en fait ici on reprend le discours de glorification du hustler, du vendeur de drogue et du rappeur affilié à un gang de rue
01:21:17 comme avec Vince Staples ou Snoop Dogg, qui n'a pas décliné puisqu'aujourd'hui des rappeurs continuent,
01:21:24 lorsqu'ils émergent, à revendiquer une identité forte et un rattachement à la rue et à des gangs de rue.
01:21:32 Est-ce que je pourrais avoir le dernier extrait s'il vous plaît ?
01:21:35 Comme dans l'extrait qui va suivre et conclure cette présentation.
01:21:41 [Musique]
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01:25:17 J'étais un peu gêné quand j'ai vu qu'il y allait avoir des enfants
01:25:20 pour assister au cours.
01:25:22 Mais bon, j'ai passé quand même le clip jusqu'au bout.
01:25:25 Donc pour conclure, je voudrais dire que le succès de N.W.A.
01:25:30 et d'autres groupes emblématiques de la scène rap de Los Angeles,
01:25:34 à la suite d'un gangsta rap en juillet/novembre,
01:25:37 je l'ai dit, amorcé par Ice-T,
01:25:40 et repris, ou en tout cas qui revisitaient ce qui commençait à se faire sur la côte Est,
01:25:44 un rap gangsta dont les codes, je l'ai dit, seront repris par des artistes d'autres scènes,
01:25:49 contribua à ancrer la base conceptuelle de la scène rap de Los Angeles.
01:25:54 Et le West Coast Rap, dans un street style, dans un rap de la rue,
01:25:59 gangsta vendu, en tout cas marqueté comme, ou commercialisé comme du reality rap,
01:26:05 en établissant des formes esthétiques, et avec ses propres codes,
01:26:08 on l'a vu, des codes vestimentaires, langagiers.
01:26:11 Plus dans l'outrance, avec le début du gangsta rap,
01:26:15 l'introduction du N-word, qu'on ne trouvait pas, en tout cas,
01:26:19 utilisé aussi fréquemment sur le rap de la côte Est au départ,
01:26:22 qui renvoie à une esthétique géomusicale,
01:26:25 qui d'ailleurs, comme le disait le scénariste de Training Day, David Ayer,
01:26:29 lorsqu'on écoute du rap, directement, certaines images sentent comme Ailey,
01:26:35 en l'odeur de Los Angeles, et l'odeur du vrai,
01:26:40 en conférant un effet vérité à ce qui est mis en image.
01:26:44 Même si on voit qu'on est quand même dans l'exagération,
01:26:47 et l'effet magnifié et stylisé, en tout cas dans une sorte d'authenticité,
01:26:52 entre guillemets, qui est parfois fantasmée,
01:26:54 notamment si vous vous rendez à Compton aujourd'hui,
01:26:56 vous allez voir, ça a vraiment changé.
01:26:58 Ce n'est pas le Compton soit de Boys in the Hood,
01:27:00 ou que l'on nous vend dans le rap.
01:27:02 D'ailleurs, il y a de nombreux hommes politiques
01:27:04 qui ont invité des médias à venir se rendre dans la ville
01:27:06 pour juger eux-mêmes.
01:27:08 Alors certes, il y a encore beaucoup d'homicides,
01:27:10 mais même la démographie de la ville a changé,
01:27:12 il y a beaucoup moins d'Africains et Américains,
01:27:14 et la population est davantage latino.
01:27:17 Et donc, cette imagerie a contaminé petit à petit
01:27:22 d'autres formes d'expression.
01:27:24 En mettant en scène et en avant dans les clips de rap et la musique rap
01:27:28 des lieux et des marqueurs géographiques,
01:27:30 je l'ai dit, casquettes à l'effigie de l'équipe locale,
01:27:32 stades, lieux emblématiques,
01:27:34 les musiciens de rap contribuent donc
01:27:37 au rayonnement symbolique de cette ville,
01:27:39 et également à façonner une identité esthétique, sonore, propre.
01:27:44 Cette identité dans le rap de Los Angeles
01:27:47 est mise en image, je l'ai dit, par des renvois quasi systématiques
01:27:50 à la culture des gangs, des Crips, les Bloods,
01:27:52 les Latin Kings et d'autres groupes.
01:27:54 Des renvois désormais codifiés,
01:27:57 qui participent à une entreprise de redéfinition même de cet espace,
01:28:01 à des fins de légitimation, comme un rap West Coast,
01:28:04 à l'imagerie spécifique et distincte.
01:28:08 Même dans un mode d'expression, je l'ai dit,
01:28:10 où les codes esthétiques, comme les sonorités,
01:28:13 peuvent voyager d'un état à l'autre, au-delà des frontières.
01:28:16 Comme par exemple, alors je suis désolé,
01:28:18 je vais encore parler aux anciens,
01:28:20 mais vous vous souvenez de Doc Gineco ?
01:28:22 Son premier album, il était allé enregistrer son premier album
01:28:24 à Los Angeles justement pour avoir cette sonorité G-Funk,
01:28:28 et que l'on entend très bien avec des vocodeurs
01:28:30 ou les instruments qui sont utilisés.
01:28:32 Donc on voit très bien qu'il y a une scène emblématique
01:28:34 avec une sonorité propre, mais que l'on peut retrouver
01:28:36 dans d'autres états et dans d'autres lieux.
01:28:39 Je terminerai là-dessus.
01:28:40 Il y a par exemple, un rap, c'est Currency,
01:28:43 qui est un rappeur de la Nouvelle-Orléans,
01:28:45 mais qui fait du gangsta rap, du G-Funk,
01:28:48 comme il était fait à l'époque en Californie.
01:28:51 Ou même chose, c'est le rappeur A$AP Rocky,
01:28:54 qui lui vient de Harlem, mais qui en revanche,
01:28:57 s'inspire de sonorités du rap du Sud,
01:29:00 qui montre bien que même lorsqu'on a un ancrage local fort,
01:29:03 on a quand même un voyage translocal
01:29:06 qui permet de reprendre plusieurs sonorités,
01:29:09 codes langagiers et esthétiques, et ce, à travers tout le pays.
01:29:12 Je m'arrêterai là-dessus. Je vous remercie.
01:29:14 (Applaudissements)