• l’année dernière
Cours de cinéma par Caroline Renouard, maîtresse de conférences de l'université de Lorraine à Metz.

Donné le 20 octobre 2023 dans le cadre de la thématique Acteurs, Actrices & Avatars au Forum des images:
https://www.forumdesimages.fr/les-programmes/acteurs-actrices-avatars

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Transcription
00:00:00 [Applaudissements]
00:00:07 Bonsoir, merci beaucoup d'être aussi présents et présentes.
00:00:11 Je suis ravie de pouvoir parler ce soir devant vous
00:00:15 de ces effets spéciaux et de ces effets visuels
00:00:18 qui touchent plus particulièrement la discipline du maquillage
00:00:21 et du maquillage chez les acteurs, les actrices
00:00:24 qui sont, vous le verrez, plutôt connus du grand public.
00:00:27 Donc on va aussi interroger par là l'acteur, l'actrice, leurs avatars
00:00:32 pour s'inscrire dans le cycle du Forum des images,
00:00:36 mais aussi la star. Qu'est-ce que la star porte en elle
00:00:39 et qu'est-ce que la star porte sur elle quand on va lui donner des rôles
00:00:43 où elle va être plus vieille ou plus jeune que son âge.
00:00:46 Donc on va aborder un petit peu tout ça.
00:00:49 En fait, la problématique de ce cours, c'est comment les effets spéciaux
00:00:53 questionnent-ils les rapports aux transformations physiques de la star de cinéma.
00:00:58 Donc on va interroger les artifices qui truquent l'âge des acteurs et des actrices
00:01:03 pour des besoins cosmétiques ou des besoins narratifs.
00:01:06 Avant de commencer, je tiens très vivement à remercier Zina Gaber
00:01:11 que vous venez d'écouter et de son invitation pour que je puisse intervenir
00:01:15 ce soir au Forum des images.
00:01:17 Et je remercie aussi Pascal et Sacha à la technique et à la régie.
00:01:22 Comme vous pouvez le voir aussi sur la diapo de présentation juste derrière moi,
00:01:27 vous voyez Brad Pitt qui interprète le rôle de Benjamin Button.
00:01:33 Donc à 20h30, vous le savez certainement, mais il y a une projection
00:01:37 de l'étrange histoire de Benjamin Button que je vais être amenée à présenter.
00:01:41 Donc peut-être que vous allez enchaîner et le cours et la projection du film.
00:01:45 Et j'ai choisi ce film, donc l'étrange histoire de Benjamin Button,
00:01:49 justement comme un fil conducteur de toute cette leçon de cinéma.
00:01:52 Donc je vais y revenir très régulièrement pour aborder justement
00:01:56 les différents cas de maquillage spéciaux qui ont été utilisés,
00:02:00 que ce soit du maquillage traditionnel, directement appliqué sur le corps
00:02:05 de Brad Pitt ou de Cat Blanchett qui était sa partenaire de jeu dans le film.
00:02:09 Et aussi du maquillage numérique, des effets visuels qui vont être ici réalisés,
00:02:16 non pas par un maquilleur, mais par une société d'effets visuels.
00:02:20 Je reviendrai un petit peu sur tous ces détails.
00:02:23 Benjamin Button, c'est aussi un film parfait pour comprendre le rapport
00:02:28 des acteurs et des actrices avec leur apparence physique au cinéma.
00:02:32 Ils sont à la fois jeunes et séduisants, et puis ces acteurs et ces actrices,
00:02:38 à la fois, vont aussi vieillir au fur et à mesure de leur carrière
00:02:42 et ils vont devenir vieux, mais pas pour autant repoussants,
00:02:46 comme généralement la vieillesse peut faire peur.
00:02:50 Et pourtant, ici, on va prendre des cas de figure de film,
00:02:55 comme avec Benjamin Button et bien d'autres,
00:02:57 où la vieillesse peut avoir un caractère repoussant,
00:02:59 mais en même temps pleine d'humanité.
00:03:01 Donc on va interroger aussi un petit peu à travers différents cas,
00:03:05 différents films, différents exemples de films,
00:03:08 ces techniques qui sont utilisées et comment cela questionne vraiment
00:03:13 l'acteur et l'actrice dans son propre rapport à la vieillesse,
00:03:16 mais aussi le rapport que le public, que vous, vous entretenez
00:03:19 avec la vieillesse et au fait de voir des comédiens, des comédiennes
00:03:23 que vous adorez depuis des années, depuis des décennies,
00:03:26 et qui vieillissent un petit peu en même temps que vous.
00:03:29 Et puis, comment ces acteurs et ces actrices deviennent l'avatar d'eux-mêmes
00:03:34 au fur et à mesure du temps qui passe, au fur et à mesure des rôles
00:03:38 qu'ils vont jouer et de tous ces rôles qui vont se superposer
00:03:41 les uns aux autres à travers leur personnalité médiatique,
00:03:45 quand on les voit en interview, quand on les voit dans des photos
00:03:47 de paparazzi, sur les réseaux sociaux.
00:03:49 Et puis, comment tout cela va construire une vraie personnalité,
00:03:53 une persona qu'ils vont continuer d'incarner, parfois même bien au-delà
00:03:58 des films et des différents rôles qu'ils vont jouer.
00:04:01 Donc, comment finalement ils construisent ces acteurs et ces actrices,
00:04:05 une image qui vit indépendamment d'eux et qui vit aussi surtout
00:04:09 à travers l'imaginaire du spectateur.
00:04:13 Et vous, spectateurs, vous êtes des spectateurs très exigeants
00:04:18 parce que vous scrutez les images, vous scrutez les gros plans
00:04:23 et vous êtes parfois un peu cruelle dans votre regard que vous portez
00:04:28 sur ces acteurs et ces actrices qui peuvent vieillir.
00:04:31 Comme un miroir, un reflet de miroir peut être cruel aussi,
00:04:35 comme l'œil de la caméra peut aussi être cruel.
00:04:38 Donc, on va un petit peu interroger implicitement, pas forcément de front,
00:04:42 mais implicitement toutes ces questions que pose la question de l'âge au cinéma
00:04:48 et des techniques qui vont être utilisées pour vieillir ou rajeunir dans les films.
00:04:56 Et pour poser un petit peu des bases théoriques,
00:05:08 comme je le fais avec mes propres étudiants à l'université,
00:05:11 ici je vais partir de deux citations de deux théoriciens,
00:05:15 de deux philosophes qui ont travaillé sur le cinéma,
00:05:19 qui ont interrogé vraiment les questions de cinéma et d'imaginaire au cinéma,
00:05:23 Edgar Morin dans "Le cinéma ou l'homme imaginaire" en 1954,
00:05:27 qui écrit dans son ouvrage "Le cinéma use de machinations et astuces
00:05:32 beaucoup plus artificielles que celles du théâtre,
00:05:35 mais qui trompent l'œil avec beaucoup plus d'efficacité.
00:05:38 On peut rêver sur ce réalisme fondé sur la du prix,
00:05:42 de quelques formes apparentes,
00:05:44 ce que le spectateur croit voir objectivement, corporellement,
00:05:48 c'est précisément du truqué et du chiqué.
00:05:51 Tel est l'étrange destin du cinéma,
00:05:54 fabriquer de l'illusion avec des êtres de chair réelle,
00:05:57 fabriquer de la réalité avec de l'illusion en carton pâte."
00:06:01 J'aime beaucoup cette citation,
00:06:03 c'est souvent une citation que j'emploie même dès mes premières années,
00:06:06 un petit peu en base pour réfléchir à l'esthétique du cinéma,
00:06:09 parce qu'il faut se rappeler que le cinéma c'est toujours un art de la mise en scène,
00:06:13 qu'il n'y a pas forcément besoin de trucage pour être déjà dans du trucage,
00:06:18 il n'y a pas besoin d'effets spéciaux pour que le cinéma soit déjà en tant que tel un trucage.
00:06:23 Ça répond d'ailleurs à cette autre citation de Christian Metz,
00:06:27 dans un chapitre d'un livre qui s'appelle "Trucage et cinéma",
00:06:31 publié en 1973,
00:06:33 que "le cinéma tout entier est en un sens un vaste trucage,
00:06:37 et les comédiens et les comédiennes ne sont-ils pas les premiers effets spéciaux du cinéma
00:06:44 puisqu'ils vont interpréter un rôle, ils vont jouer la comédie,
00:06:47 ils sont à la fois là et en même temps ils sont pas là."
00:06:51 Ce n'est pas vraiment Brad Pitt, ce n'est pas vraiment Cat Blanchett que nous voyons,
00:06:55 c'est avant tout Benjamin Button et Daisy.
00:06:58 Alors dans ces techniques, dans "Trucage et cinéma",
00:07:06 Christian Metz met en avant finalement différentes familles de techniques de trucage
00:07:10 qui vont être utilisées au cinéma.
00:07:12 Je suis à un point très bref avec vous pour essayer de vous expliquer un petit peu.
00:07:16 C'est un article qui date de 1973, "Trucage et cinéma",
00:07:20 mais en fait il a encore tout à fait d'actualité,
00:07:22 même si à l'époque le numérique n'existait pas.
00:07:24 En fait il explique qu'il existe des trucages profilmiques
00:07:29 et des trucages, qu'on va résumer en étant des trucages de post-production.
00:07:34 Donc les trucages profilmiques, c'est tout ce qui va être filmé par une caméra,
00:07:38 tout ce que l'on peut mettre devant une caméra et qu'une caméra peut directement enregistrer.
00:07:42 Ça existe toujours, le trucage profilmique, tout n'est pas fait entièrement par ordinateur,
00:07:46 et notamment dans le maquillage.
00:07:48 Le maquillage que vous voyez là de Cat Blanchett,
00:07:51 notamment les images où elle est la plus âgée,
00:07:56 c'est du maquillage profilmique, c'est du maquillage spécial
00:07:59 qui a été réellement fait par un maquilleur spécialisé dans le vieillissement au cinéma.
00:08:05 Et ensuite on va avoir tous les trucages de laboratoire.
00:08:09 Ça c'est les trucages qui vont plutôt être faits en post-production,
00:08:13 soit en laboratoire où on va retoucher directement les photogrammes sur une pellicule,
00:08:19 quand on tournait encore en Argentique,
00:08:22 et puis maintenant c'est directement fait par ordinateur.
00:08:25 Donc on utilise des légiciels qui vont retoucher les images et qui vont pouvoir soit vieillir,
00:08:29 mais en fait on va le voir beaucoup plus souvent rajeunir les comédiens et les comédiennes.
00:08:37 Donc c'est différentes familles qu'on va retrouver aussi dans les effets spéciaux.
00:08:41 Des effets spéciaux profilmiques et des effets spéciaux directement tournés par la caméra,
00:08:48 et maintenant des effets spéciaux numériques qu'on appelle aussi effets visuels.
00:08:53 Donc ne soyez pas étonnés si parfois je parle d'effets spéciaux et parfois d'effets visuels.
00:08:57 Quand je parle d'effets visuels, c'est des effets spéciaux numériques,
00:09:00 des effets spéciaux qui sont réalisés en post-production avec des ordinateurs.
00:09:06 Et puis ce qu'il faut aussi bien sûr comprendre, c'est que le maquillage ou les effets numériques ne font pas tout.
00:09:15 Un comédien ne va pas simplement être grimé devant une caméra ou être retouché par un ordinateur.
00:09:22 Il va devoir faire croire à son rôle de personne âgée ou de personne beaucoup plus jeune que lui,
00:09:29 par plein de techniques en fait.
00:09:31 C'est très pluridisciplinaire, il faut pouvoir mobiliser plein de corps de métiers différents,
00:09:37 notamment la prise de vue, le chef opérateur, le directeur de la photo qui va utiliser un éclairage très spécifique pour ce type d'effet.
00:09:48 Le cadrage aussi bien sûr va jouer.
00:09:50 Si on fait un gros plan, on peut voir peut-être davantage les défauts du maquillage
00:09:56 ou le fait que l'acteur est trop maquillé ou qu'il y a trop d'effets qui ont été utilisés.
00:10:00 On va ajuster aussi les échelles d'angle de caméra pour pouvoir être au plus près du comédien,
00:10:08 mais sans non plus trop en montrer.
00:10:10 On va utiliser les costumes, la coiffure pour pouvoir crédibiliser davantage la vieillesse ou la jeunesse.
00:10:17 Et puis bien sûr le jeu de l'acteur.
00:10:19 Et là je reviens vraiment sur cette idée que l'acteur c'est avant tout le premier trucage de cinéma.
00:10:29 Alors là on part sur le principe, sur ce cours de cinéma, de prendre des cas de vieillissement et de rajeunissement d'acteurs.
00:10:39 Des acteurs qui vont se plier à ces techniques de maquillage traditionnelles ou numériques pour jouer des rôles qui ne sont pas de leur âge.
00:10:50 Mais bien sûr dans plein de films, on va aussi avoir recours à deux acteurs différents pour jouer un même rôle.
00:10:57 Par exemple, Titanic, le personnage de Rose, va être joué par Gloria Stewart,
00:11:03 qui était une actrice de l'âge d'or d'Hollywood, qui avait un peu plus de 80 ans au moment du tournage de Titanic.
00:11:12 Et puis bien sûr, Kite Winslet, ou un exemple d'un film fantastique un peu plus récent qui a une dizaine d'années,
00:11:18 Looper avec Bruce Willis et Joseph Gordon-Levitt,
00:11:22 qui jouent le même personnage, qui est capable de voyager dans le temps et qui va se retrouver confronté à lui-même,
00:11:29 mais dans deux versions de sa vie, une version plus âgée et une version plus jeune.
00:11:34 Je ne l'ai pas mis aussi, mais beaucoup de films font le choix de choisir un père et son fils naturel, enfin un acteur et son fils.
00:11:44 Prenons l'exemple des De Pardieu dans Tous les matins du monde, où on va avoir Gérard Depardieu et Guillaume Depardieu,
00:11:50 qui vont là aussi jouer le même rôle. Guillaume jouant Marin Marais, jeune, et Depardieu, Gérard, jouant Marin Marais, plus vieux.
00:12:00 J'ai décidé de structurer ce cours de cinéma en trois parties.
00:12:07 Une première partie, on va plutôt interroger les techniques de vieillissement, comment on vieillit avec du maquillage traditionnel.
00:12:16 Les acteurs au cinéma, c'est un peu une revue technique, et puis des artistes emblématiques de cette discipline, de ce métier très particulier du cinéma.
00:12:25 Je vais vous proposer une forme de chronologie des métiers et des techniques.
00:12:32 Ensuite, on verra une deuxième partie sur quand il faut savoir rester jeune au cinéma, parce que depuis plus d'un siècle, il ne faut surtout pas vieillir.
00:12:42 Quelles sont les techniques employées pour que les acteurs et les actrices restent dans un âge un peu éternel, intemporel, où les marques de vieillissement sont gommées,
00:12:57 sont effacées, sont cachées du public ? Et ça, ça a toujours existé depuis le début de l'âge d'œuvre hollywoodien jusqu'à aujourd'hui.
00:13:04 On verra que c'est même l'un des trucages les plus utilisés dans toutes les familles de trucages, d'effets spéciaux et d'effets visuels qui existent à l'heure actuelle.
00:13:16 Je vous propose une troisième partie sur des films qui vont dévieillir leurs personnages.
00:13:27 On va être dans un enjeu narratif, où on va avoir un flashback qui va montrer un personnage beaucoup plus jeune.
00:13:35 On va avoir recours à des techniques numériques qui se sont très largement développées depuis une dizaine d'années,
00:13:42 et surtout dans les blockbusters, dans les films de super-héros de type Marvel, où c'est même devenu une forme de mode, que ce soit dans les films ou dans certaines séries.
00:13:51 Pour venir à cette première partie sur vieillir grâce à la magie du cinéma, il faut faire du moins avec du plus.
00:14:03 Quand on vieillit, on a nos traits qui se creusent, on a des rides qui se forment.
00:14:07 Il y a une perte de quelque chose dans la chair, dans la texture de l'épiderme.
00:14:15 On perd des cheveux, il y a du moins qui se passe forcément dans notre apparence.
00:14:21 Pour faire croire à ce moins, on va rajouter du plus.
00:14:25 On va rajouter des prothèses, des couches de latex pour faire de la peau artificielle, qu'on va ensuite travailler pour faire croire à ces creux.
00:14:35 On est vraiment dans une technique de trompe-l'œil par absolu.
00:14:40 On n'a pas attendu la naissance du cinéma pour pratiquer cet art du trompe-l'œil, pour vieillir des comédiens.
00:14:49 Puisque c'était déjà très largement exploité sur les scènes de théâtre, d'opéra, depuis des siècles.
00:14:58 Et c'est toujours le cas.
00:15:00 Vous connaissez tous Méliès, l'un des inventeurs du spectacle cinématographique.
00:15:09 L'un des premiers à avoir vraiment fait ce lien entre la tradition théâtrale et cette technologie nouvelle qu'était le cinéma.
00:15:19 Il va adapter ses techniques de maquillage de théâtre au cinéma.
00:15:24 On va voir un peu à quoi ça ressemble.
00:15:26 C'est un film à trucs de Méliès qui s'appelle "Le roi du maquillage" qui date de 1904.
00:15:33 Il va dessiner une sorte de modèle, le patron.
00:15:38 Ensuite, il va prendre la forme de ce croquis très rapidement esquissé.
00:15:43 Il utilise ici différentes techniques, le maquillage et les postiches qui sont vraiment issus de la pratique théâtrale qui existe depuis des siècles.
00:15:52 On est vraiment dans l'art du masque, dans l'art du grimage.
00:15:56 On va utiliser des phares, des postiches.
00:15:59 Et en même temps, on a une technique cinématographique qu'il a inventée.
00:16:04 Cela fait déjà à peu près cinq ans qu'il l'utilise dans de très nombreux de ses films, qui est le fondu enchaîné.
00:16:11 Qui lui permet de faire cette transformation à vue d'un âge à un autre en un clin d'œil.
00:16:17 Au théâtre, on va vraiment utiliser ces phares pour creuser les traits du visage avec des pinceaux, avec du col, avec ce qu'on appelle aussi des liners.
00:16:27 On va accentuer le regard, les cernes, les rides, ou au contraire, les effacer.
00:16:32 Et puis, on va utiliser ces postiches, ces perruques, ces barbes, ces fausses barbes pour compléter ce trompe-l'œil.
00:16:38 Et on va utiliser déjà aussi des prothèses au théâtre, au courant du 19e siècle, avec des prothèses en tissu, en carton, pour faire un faux nez, pour faire un faux menton, pour faire un grand front par exemple.
00:16:52 Ou après avec de la cire, de la cire malléable, comme de la pâte à modeler.
00:16:57 Alors, cela fonctionne très bien au théâtre, encore aujourd'hui.
00:17:01 C'est vraiment des techniques qui restent employées.
00:17:05 En revanche, au théâtre, les spectateurs sont loin de la scène.
00:17:09 On ne voit pas en détail.
00:17:11 Donc, s'il y a des défauts, ce n'est pas grave.
00:17:13 Et puis, on est au théâtre, on accepte.
00:17:15 C'est dans la convention théâtrale, si on voit grossièrement certaines techniques, ce n'est pas grave, parce qu'on est au théâtre.
00:17:23 En revanche, au cinéma, ce n'est pas possible.
00:17:25 Ici, Méliès, il fait quelque chose d'assez étonnant.
00:17:28 Il utilise ces techniques de théâtre.
00:17:31 On le voit, le maquillage, on voit le fard.
00:17:35 C'est un peu grossier, on peut le dire.
00:17:37 C'est Méliès, c'est toujours magnifique et magique, il n'y a pas de souci.
00:17:41 J'adore Méliès.
00:17:43 Mais il prend ce risque, très inhabituel dans ce cinéma de cette époque, de rapprocher la caméra.
00:17:50 Normalement, au temps de Méliès, on est vraiment sur un plan d'ensemble, comme si on filmait une scène de théâtre.
00:17:57 Donc, il faut voir les comédiens en pied.
00:18:01 Ici, on est sur un plan rapproché.
00:18:04 C'est très exceptionnel.
00:18:06 Il prend ce risque d'approcher la caméra pour vraiment mieux mettre en avant le maquillage qui est employé.
00:18:13 Il y a un côté assez spectaculaire, et en même temps, on voit le truc.
00:18:18 Ce n'est pas très réaliste, ce n'est pas très crédible, en quelque sorte.
00:18:22 Ce qui va rendre ce tour crédible, c'est ce fondu enchaîné, qui est un peu le côté exceptionnel de ce film à truc.
00:18:33 À partir des années 1920,
00:18:36 à partir de là, de ces premières années de cinéma, et notamment à partir des années 1920,
00:18:47 on va avoir un recours au maquillage qui va se perfectionner pour le cinéma,
00:18:53 et non pas reprendre uniquement des techniques de théâtre,
00:18:56 mais vraiment les adapter pour le cinéma et les adapter pour l'objectif de la caméra,
00:19:00 qui finalement va devoir tromper l'œil du spectateur bien différemment.
00:19:06 On va voir se développer un nouveau métier,
00:19:11 qui est le maquilleur professionnel de cinéma,
00:19:15 et qui va élaborer un maquillage de composition,
00:19:19 c'est-à-dire un maquillage un peu spectaculaire,
00:19:23 pour pouvoir représenter des vieillissements narratifs.
00:19:28 On va passer d'une décennie à plusieurs autres.
00:19:34 On va pouvoir faire des déformations physiques, des blessures, des transformations monstrueuses.
00:19:42 Ça va aussi dans le sens du développement du cinéma de genre, du cinéma fantastique.
00:19:46 Et qui va s'appeler maquillage de composition,
00:19:51 et qui fait écho au rôle de composition qui va aussi se développer,
00:19:56 c'est-à-dire l'interprétation d'un personnage,
00:19:59 derrière lequel un acteur doit complètement s'effacer.
00:20:02 Il faut aussi voir le maquillage,
00:20:06 mais en même temps ne pas trop voir la technique qui est utilisée derrière.
00:20:09 Il faut que ce soit impressionnant, il faut qu'on se rende compte qu'il y a bien un maquillage qui a été utilisé,
00:20:13 mais il ne faut pas comprendre comment ce maquillage a pu être fait,
00:20:16 pour rester toujours en état de sidération face à ce que l'on voit.
00:20:21 C'est un peu ce principe de la fiction, que vous connaissez peut-être, du pacte fictionnel,
00:20:28 du "je sais bien, mais quand même".
00:20:32 Je sais bien que c'est faux, mais quand même, j'ai envie d'y croire.
00:20:36 J'ai envie de mettre mon incrédulité en suspens,
00:20:42 le temps du spectacle, pour pouvoir vraiment en profiter.
00:20:47 Même si je sais que c'est bien Brad Pitt que je suis en train de regarder,
00:20:51 ou que c'est bien Cat Blanchett, j'ai envie de croire un instant que
00:20:55 Benjamin Button a pu exister, qu'il a pu naître vieux,
00:21:00 et finir, mourir à plus de 80 ans en étant un nourrisson.
00:21:04 Si vous ne connaissiez pas un peu l'histoire, je vous invite à vous rendre à 20h30 à la projection,
00:21:10 où je vous ferai une présentation un peu plus complète du film.
00:21:13 L'idée de Benjamin Button, c'est un Benjamin Button qui naît en étant vieillard,
00:21:20 et qui va évoluer tout au long de sa vie à rebours de tous les autres,
00:21:26 c'est-à-dire que plus il vieillit, plus il rajeunit.
00:21:33 Le maquillage de composition va bien souvent être appliqué sur des comédiens ou des comédiennes
00:21:41 qui sont connus par le grand public.
00:21:43 Appliquer ce type de maquillage, notamment de vieillissement ou de rajeunissement,
00:21:48 surtout de vieillissement, sur des anonymes, ça n'a pas de sens.
00:21:52 Autant choisir une personne déjà âgée plutôt que d'avoir recours à un comédien,
00:21:56 voire ici même des stars qui ont des cachets de plusieurs millions de dollars pour faire un film,
00:22:01 et de les vieillir, finalement ça n'a pas de sens.
00:22:05 Donc on va choisir des acteurs connus et leur performance va être en adéquation
00:22:11 avec la performance du maquilleur et du maquillage qu'il va proposer.
00:22:15 Ce qui fait qu'on va être sur un jeu en coprésence.
00:22:18 L'acteur et le maquillage du maquilleur qui va être spécialement élaboré pour cet acteur
00:22:25 et pour le rôle, pour le personnage qui va être joué.
00:22:28 Donc on a à la fois un maquilleur qui va faire une sculpture,
00:22:32 parce que le maquillage c'est vraiment ça, le maquillage traditionnel c'est vraiment une forme de sculpture unique
00:22:37 qui va être faite à partir de moules, de prothèses,
00:22:40 qui vont vraiment s'ajuster uniquement sur le visage ou sur le corps du comédien ou de la comédienne qui a été choisie.
00:22:48 Mais c'est fixe, un maquillage en tant que tel, un masque ou des prothèses, ça ne bouge pas.
00:22:55 Et c'est vraiment l'acteur et sa performance qui vont donner vie grâce à ce maquillage, au rôle, au personnage qui est choisi.
00:23:03 Donc on a vraiment ce travail en deux parties, le maquilleur, le maquillé, du fixe et de l'animé,
00:23:09 et vraiment de devoir donner vie à quelqu'un qui est le personnage du film.
00:23:17 Pour la petite histoire, vous connaissez certainement le premier maître du maquillage au cinéma qui est Leon Chenet,
00:23:26 qui va révolutionner, qui va être l'un des premiers, si ce n'est le premier, à vraiment développer un maquillage de composition,
00:23:35 un maquillage spécial pour ses rôles au cinéma.
00:23:38 Donc il va élaborer bien sûr tout un tas de personnages très très différents.
00:23:44 Le maquillage de vieillissement va simplement être une petite couleur dans sa palette très diverse et variée.
00:23:52 Et il va adopter aussi ses rôles d'être monstrueux, et donc très largement maquillé, avec la mise en scène cinématographique.
00:24:04 C'est que l'un ne peut pas aller sans les autres.
00:24:06 Le maquillage doit forcément aller avec un travail d'éclairage, de cadrage, d'interprétation subtile des comédiens, de montage, etc.
00:24:14 Je vous ai mis une photo de Leon Chenet avec sa palette de maquillage.
00:24:21 Et il dira d'ailleurs, je n'ai pas mis la citation à l'écran, mais je vous la lis,
00:24:30 il a fait des biographies, dans une de ses biographies il va écrire "Pour jouer un vieil homme, j'essaie de pénétrer son esprit,
00:24:38 je ne me contente pas de mettre un fauné et des favoris blancs, j'essaie de lui trouver un trait distinctif,
00:24:43 par exemple en le faisant boiter, en lui donnant un air crispé ou un tic nerveux qui lui déforme le visage,
00:24:49 tout pour m'éloigner du personnage, de la leçon numéro 52 du cours sur le maquillage du vieil homme.
00:24:55 Je veux que mon maquillage soit la touche finale qui permette au spectateur de deviner d'un seul coup d'œil quel rôle j'incarne".
00:25:03 Il va proposer finalement une grammaire du maquillage qui va être très largement reprise par la suite,
00:25:11 par bien d'autres maquilleurs et par bien d'autres comédiens qui vont se spécialiser parfois aussi dans les rôles à maquillage.
00:25:17 Il va utiliser aussi des techniques, notamment la technique du collodion qui est toujours utilisée chez les maquilleurs.
00:25:27 Le collodion est un produit d'origine médicale qui a été utilisé en application sur la peau pour servir de pansement provisoire.
00:25:35 Peut-être que vous en avez déjà utilisé.
00:25:37 Quand on l'applique, on voit très bien que la peau se rétracte et donc ça forme des rides.
00:25:43 Là, on a appliqué ce produit. Lui va en faire des formules adaptées bien sûr pour le maquillage,
00:25:50 pour ne pas non plus avoir la peau qui part en lambeau après une session de maquillage et de jeu maquillé sous les projecteurs
00:26:00 qui vont faire aussi que les formules chimiques vont parfois réagir.
00:26:04 Il faut savoir quand même que dans le collodion, c'est du nitrocellulose dissous dans un mélange d'éther et d'alcool.
00:26:11 Ce n'est pas non plus très anodin. On ne va pas chercher à s'en mettre comme ça pour retrouver toute la beauté.
00:26:19 Lui va beaucoup l'utiliser pour créer des rides profondes mais aussi des cicatrices, des brûlures.
00:26:26 Encore une fois, ce n'est pas si dangereux que ça malgré tout puisque c'est un produit qui est toujours utilisé par les maquilleurs aujourd'hui
00:26:33 et que vous pouvez très facilement acheter sur internet pour faire vous-même, pour des courts métrages, pour Halloween d'ailleurs, du maquillage vous-même.
00:26:41 Vous pouvez trouver du collodion pour faire tout ça.
00:26:44 En revanche, le collodion est hautement inflammable. Il ne faut surtout pas fumer à côté.
00:26:48 Quand on a des sessions de 3, 4, 5 heures de maquillage tous les matins et qu'on a des comédiens qui n'ont rien d'autre à faire
00:26:56 que normalement fumer leur cigarette, en tout cas sur les plateaux hollywoodiens dans l'âge d'or.
00:27:00 Boris Karloff par exemple, quand il a dû interpréter le monstre de Frankenstein, ne pas fumer pendant 5 heures, pendant plusieurs semaines de tournage, a été très dur pour lui.
00:27:12 Donc voilà, on va avoir le collodion qui va se développer surtout avec Laundrchenet.
00:27:16 Puis après, on va avoir d'autres maquilleurs, notamment Maurice Shederman qui va maquiller Orson Welles pour Citizen Kane.
00:27:24 On va avoir un personnage qui va passer d'une vingtaine d'années à plus de 70 ans.
00:27:28 On va voir aussi les différentes étapes de sa vie qui lui va aussi développer d'autres techniques.
00:27:35 Chacun va aussi écrire des livres, des leçons. Ils vont aussi faire des leçons d'une certaine manière.
00:27:43 Va se développer à cette époque aussi l'usage du latex liquide, toujours employé de nos jours par les maquilleurs,
00:27:51 qu'on va appliquer sur la peau en fine couche, qu'on va pouvoir travailler vraiment comme des couches de peau artificielles, en pointillés.
00:27:59 On appelle ça aussi le pointillé de latex et auquel on va pouvoir rajouter des postiches capillaires, des calottes pour agrandir un crâne, pour faire un crâne chauve, pour faire des tonsures.
00:28:12 Et puis, ça ne va pas que pour du maquillage de vieillissement. Par exemple, saviez-vous que Robert De Niro, pour son rôle dans Taxi Driver,
00:28:22 vous voyez, il est rasé sur les côtés avec une Iroquoise. C'est un trucage puisqu'il n'avait pas du tout voulu qu'on lui rase la tête.
00:28:30 Donc, on lui a posé une calotte et on a créé vraiment cette perruque pour son rôle.
00:28:43 Le maître incontesté du maquillage spécial dans cet âge d'or hollywoodien et qui va travailler jusqu'au début des années 2000, il va décéder en 2010 si je me souviens bien, c'est Dick Smith.
00:28:56 Donc, lui, il va être très influencé par le travail de Maurice Sederman sur Citizen Kane avec Orson Welles.
00:29:02 Et il va commencer à travailler au départ pour la télévision en Angleterre sur des feuilletons en direct où il devait, d'une scène à une autre,
00:29:11 faire vieillir des rois, des reines, des princesses en cinq minutes. Donc, il fallait qu'il développe une technique très, très rapide pour s'adapter à ce format-là.
00:29:20 Et puis, ensuite, il va travailler pour le cinéma à partir du début des années 1960. Et au cinéma, les années 1960, c'est aussi l'arrivée de nouvelles pellicules très sensibles qui vont capter beaucoup plus facilement les défauts.
00:29:35 Donc, il faut vraiment un maquillage qui soit complètement irréprochable, surtout quand on est avec des gros plans.
00:29:41 Et il va vraiment se spécialiser dans le vieillissement. Et alors, premier grand rôle, en fait, c'est souvent le film qui vient directement en tête quand on pose maquillage spécial et vieillissement au cinéma.
00:29:55 C'est qu'il va maquiller Dustin Hoffman, alors âgé de 32 ans, en 1970, qui sort tout juste du L'Oréa, un film que vous connaissez peut-être,
00:30:05 où il joue vraiment le jeune homme américain parfait dans toute l'étendue de la beauté d'un jeune homme américain.
00:30:15 Et il va le transformer en un vieillard de 121 ans. Donc, ça, c'est un gros challenge.
00:30:23 Et il va vraiment travailler pendant des mois et des mois une forme de sculpture autour de Dustin Hoffman en utilisant quelque chose d'assez nouveau à l'époque, qui est les prothèses.
00:30:40 Donc, il va travailler des petites prothèses en mousse de latex qu'il va superposer pièce par pièce sur le visage de Dustin Hoffman
00:30:48 pour que Dustin Hoffman, quand il va jouer son personnage de Little Big Man, qui est un visage pâle, un homme blanc qui a été adopté par une tribu de Cheyenne,
00:31:02 qui raconte une expérience traumatisante où toute sa tribu a été anéantie. Il en est le seul survivant.
00:31:10 Il raconte ce souvenir-là. Il faut que toute son expression, toute sa performance très subtile, très émouvante puisse transparaître malgré ces couches de latex sur son visage.
00:31:24 Il faut qu'on puisse voir l'émotion de ce personnage. Il faut qu'on puisse voir l'interprétation assez exceptionnelle de Dustin Hoffman.
00:31:33 Il ne faut pas que les couches de latex soient trop présentes, trop opacifiantes.
00:31:38 Le challenge de Dick Smith, c'est vraiment de superposer des couches de latex, de mousse de latex, et de pouvoir garder une vraie mobilité du visage de Dustin Hoffman, y compris sur les paupières.
00:31:53 Il va aussi développer un système un peu unique de jeu au niveau des paupières.
00:31:59 Je vous montre un petit extrait où on va voir une partie du travail qui est fait.
00:32:10 Là, vous entendez en voix Dustin Hoffman.
00:32:30 [Dustin Hoffman parle en anglais]
00:32:54 [Dustin Hoffman parle en anglais]
00:33:22 [Dustin Hoffman parle en anglais]
00:33:34 Pour vous résumer en trois mots, ce qu'il raconte, c'est le courage d'un acteur de ne pas être attractif, de ne pas être séduisant pour un rôle, alors qu'il passe justement du rôle de Benjamin qui joue pour le lauréat à Little Big Man.
00:33:51 Même si c'est que pour quelques scènes qu'il va être maquillé comme ça, ce n'est pas tout le film, puisque le film est construit en flashback.
00:33:57 Le vieil homme raconte son histoire, après on le voit plus jeune bien sûr, mais il avait aussi ce désir de paraître un peu repoussant, de questionner ce rapport-là à sa propre image, à l'image que le public, que les spectateurs avaient de lui à cette époque.
00:34:17 Vous pouvez trouver ce making-of sur YouTube, c'est assez fascinant. Et aussi ce travail sur la voix, quand on entend qu'il s'exerce à trouver aussi la voix qui va avec et qui va crédibiliser cette voix de vieil homme qu'il va composer, et qui va crédibiliser le maquillage qui va accompagner le rôle.
00:34:37 Il a été soumis à plus de cinq heures de maquillage par jour, à chaque fois qu'il était transformé en vieillard.
00:34:46 C'est un maquillage très long, mais ces maquillages de vieillissement sont toujours très longs et doivent être refaits tous les matins pendant plusieurs heures.
00:34:55 On ne peut pas le faire une fois et puis après le poser sur la tête du comédien et puis c'est bon, tous les autres jours de tournage vont se passer très vite.
00:35:04 Il faut reprendre le temps à chaque fois de recomposer en gardant les mêmes marques de vieillesse au même endroit, les mêmes rides au même endroit.
00:35:12 C'est vraiment un travail très minutieux.
00:35:15 Dix Miss va aussi trouver ce maquillage très particulier, mais très reconnaissable aussi entre tous, de Marlon Brondo pour jouer le parrain,
00:35:34 qui avait 47 ans au moment du tournage et qui devait en paraître 20 de plus.
00:35:40 Là, il va voir si tout ce travail sur la mâchoire et puis encore une fois, tout ce travail sur un mélange.
00:35:49 Il va utiliser une technique qui était déjà en cours dans les années 1920 qui s'appelle le "old age stipple", le point de vieillesse.
00:35:58 C'est à base de latex liquide, de gélatine, de pigments, de talc et qui va vraiment être appliqué comme une peinture avec différentes nuances de carnation
00:36:09 qu'on va appliquer sur le visage, vous voyez en milieu, et on va travailler comme ça, comme une peinture, le visage de l'acteur à travers ces petites couches de liquide,
00:36:21 de formule à base de latex qu'ils vont tamponner, qu'ils vont appliquer avec des pinceaux parfois poil par poil pour vraiment apporter cette transformation
00:36:34 et cette crédibilité de la vieillesse du personnage.
00:36:40 Autre exemple, "L'exorciste" sur lequel Dick Smith a travaillé où il va composer le maquillage du personnage du prêtre.
00:36:55 J'ai oublié le nom du prêtre, ce n'est pas grave, mais qui a été interprété par Max von Sydow.
00:37:02 C'était un peu particulier puisque William Friedkin, le réalisateur, voulait vraiment Max von Sydow pour jouer ce rôle,
00:37:09 qui était un vieux prêtre alors que lui-même n'avait qu'une quarantaine d'années. Max von Sydow n'avait que 40 ans.
00:37:17 Tout le long du film, il devait jouer un prêtre âgé d'une soixante ou soixante-dix ans.
00:37:24 Il tenait vraiment à cet acteur, il ne voulait pas changer d'acteur pour prendre un acteur plus âgé, ce qui aurait été peut-être plus simple,
00:37:30 mais il voulait Max von Sydow. On est tous très contents de voir Max von Sydow jouer l'exorciste, c'est très bien.
00:37:36 Ce qui fait qu'au moment de la sortie, les spectateurs étaient très surpris de savoir que c'était un plus jeune acteur qui avait tenu le rôle,
00:37:45 et non pas une personne plus âgée. Là aussi, il va pouvoir élaborer tout son talent pour vieillir le personnage.
00:37:55 Autre vieillissement qu'il a pu opérer, il va vieillir David Bowie dans The Hunger de Tony Scott en 1983.
00:38:06 Là, on passe d'un personnage qui a une quarantaine d'années à plus de 150 ans.
00:38:11 On va voir aussi un vieillissement très rapide, mais très impressionnant, très cauchemardesque,
00:38:19 avec en contrepoint Catherine Deneuve qui joue la partenaire de David Bowie, et qui ne bouge jamais dans le temps,
00:38:26 et qui reste toujours sublime, ce qui renforce encore plus l'aspect horrifiant du vieillissement de David Bowie.
00:38:33 Et puis Amadeus, réalisé par Milos Forman, avec le maquillage de F. Murray Abraham,
00:38:43 qui lui aussi va connaître des heures de maquillage pour jouer le rôle de Salieri vieillard.
00:38:50 On est aussi sur des scènes de flashback, donc il n'est pas tout le long du film vieilli.
00:38:56 Mais ça va être un travail si bien fait que Dick Smith va avoir l'Oscar du meilleur maquillage pour ce film.
00:39:06 Il va avoir plusieurs Oscars. Ce maquillage-là a été très renommé.
00:39:11 Il y a d'autres maquilleurs que Dick Smith qui vont se spécialiser dans le vieillissement,
00:39:17 ne vont pas faire que du vieillissement, mais ça va devenir un peu leur marque de fabrique.
00:39:21 Je ne l'ai pas cité, mais je vous montre quand même beaucoup d'acteurs masculins, peut-être que vous avez eu cette remarque.
00:39:28 Pas beaucoup de femmes, mais parce qu'en fait, on vieillit assez rarement les femmes pour ce type de rôle.
00:39:35 Mais malgré tout, on peut citer Marc Houllier qui a vieilli Meryl Streep en 2011 pour jouer Margaret Thatcher
00:39:42 et qui va avoir l'Oscar du meilleur maquillage.
00:39:45 Et puis, qui va aussi maquiller Tilda Swinton dans The Grand Budapest Hotel de Wes Anderson en 2014.
00:39:53 Et Greg Canom, c'est lui qui va faire le maquillage de Benjamin Button.
00:39:59 Je vais avoir l'occasion de vous en reparler.
00:40:01 Il va aussi faire le maquillage de Gary Oldman dans Dracula, qu'il va vieillir.
00:40:07 Russell Crowe dans Révélation, Robbie Williams dans L'homme bicentenaire et un autre film qui s'appelle Jack.
00:40:15 Et puis, bien sûr, donc Cat Blanchett et Brad Pitt dans L'étrange histoire de Benjamin Button.
00:40:21 Alors, je vous montre justement un petit aperçu des différents âges de maquillage, des différents âges de vieillissement du maquillage qui va être fait.
00:40:35 D'ailleurs, on voit vieillir et rajeunir en même temps Benjamin Button tout au long du film de quelques années.
00:40:44 Et à chaque fois, il fallait vraiment qu'on voit une différence.
00:40:48 Il a pris cinq ans de plus, mais en même temps, il en perd cinq physiquement.
00:40:53 Donc, il fallait que le spectateur se rende compte à chaque fois des petites nuances.
00:40:57 Donc, il fallait faire un maquillage absolument très précis, très sophistiqué.
00:41:03 Et Greg Canom va, depuis Dracula, depuis le début des années 90, va comme Dick Smith, vraiment se spécialiser dans le maquillage de vieillissement.
00:41:14 Et il va développer un nouveau type de prothèse.
00:41:18 Avant, c'était uniquement de la mousse de latex qui était utilisée.
00:41:22 Lui, il va développer des prothèses en silicone.
00:41:28 Donc, il va pouvoir jouer aussi sur des formes de transparence, sur la finesse aussi du silicone.
00:41:33 Et du silicone qui va être encapsulé de manière très précise pour apporter aussi certains creux,
00:41:40 pour renforcer certains creux ou pour apporter un petit peu de rondeur là où le visage le nécessite.
00:41:46 Et ensuite, il va pouvoir travailler ce silicone avec du latex, avec des techniques finalement de maquillage beaucoup plus traditionnelles,
00:41:52 avec des fards, des pigments.
00:41:54 Et ça va permettre de tromper l'œil encore plus facilement.
00:41:58 Et Dick Smith était très admirateur de cette nouvelle technique que Greg Canom avait développée.
00:42:04 Ce qui fait que pour le film Benjamin Button, Brad Pitt et Cat Blanchett n'ont pas du tout été perturbés par leur apparence vieillie.
00:42:15 Le maquillage n'a pas été une contrainte pour eux, hormis le temps de préparation chaque matin qui était très long.
00:42:22 Mais en fait, ils étaient même fascinés de se voir vieillir comme ça au fur et à mesure.
00:42:28 Et ça les a beaucoup questionnés aussi sur leur propre rapport au vieillissement.
00:42:34 Ce qui fait que même encore maintenant, vous pouvez entendre Brad Pitt en interview militer pour le caractère.
00:42:44 Enfin, il dénonce l'anti-âge systémique à Hollywood, par exemple.
00:42:48 Il en profite aussi pour vendre une marque de produits de beauté, de cosmétiques, mais pour bien vieillir de manière saine.
00:42:55 Brad Pitt incarne depuis des figures de proue à Hollywood, d'acteurs pro-vieillissement, qui acceptent aussi de vieillir.
00:43:04 Grâce à ce travail, tous les matins pendant le tournage de Benjamin Button avec Greg Canom, il s'est vu sous d'autres traits beaucoup plus vieillissants.
00:43:15 En France aussi, on a des maquilleurs très talentueux qui sont aussi spécialisés dans tout type de maquillage.
00:43:22 Mais qui ont réussi des vieillissements qui ont été très souvent récompensés, comme celui de Marion Cotillard, réalisé par Didier Lavergne dans "La Maume".
00:43:34 Chacun va obtenir un Oscar.
00:43:37 Marion Cotillard pour son interprétation d'Edith Piaf et Didier Lavergne, qui va être un Français, oscarisé pour le meilleur maquillage sur le travail du film d'Olivier Daon.
00:43:51 Et puis le film "Guy" de et avec Alex Lutz, un maquillage spécial réalisé par Geoffrey Fillet et Laetitia Kihlery.
00:44:00 En France, on n'a pas de César du meilleur maquillage. Ce n'est pas une récompense qui existe encore. Peut-être que ça arrivera.
00:44:08 Mais en revanche, Lutz a eu le César du meilleur interprète masculin pour ce film.
00:44:14 On peut se dire que le maquillage a pu y participer.
00:44:21 A travers tous ces cas de figure, on voit à quel point vieillir au cinéma par le truchement du maquillage, dans une forme de co-création, de co-présence entre le maquilleur, le maquillage et les acteurs qui jouent le rôle.
00:44:37 C'est un vrai travail de composition qui est visible, sur lequel une partie de la promotion des films se base.
00:44:45 On le met en avant, ce travail-là, on le récompense, on ne le cache absolument pas.
00:44:49 C'est des exploits en quelque sorte.
00:44:53 Et bien souvent, ces comédiens qui jouent ces rôles de personnages plus vieux qu'eux vont être souvent récompensés.
00:45:00 Comme Dick Smith ou Greg Canom, les récompenses qu'ils ont eues, notamment aux Oscars, c'était pour le maquillage qu'ils ont fait pour des personnages de personnes plus âgées.
00:45:12 On voit qu'il y a une forme de fascination de voir ces types de rôles, ces types de personnages à l'écran.
00:45:21 Parce qu'on a toujours aussi ce paradoxe de l'acteur qui se trouve sous le maquillage et qui questionne vraiment aussi le spectateur.
00:45:29 Qu'est-ce qui reste encore de lui ? Qu'est-ce qui est sublimé par le maquillage ?
00:45:34 On est dans la magie du cinéma, totalement, quand on est face à ces effets de vieillissement.
00:45:41 Alors là, je ne vous ai parlé que du maquillage traditionnel.
00:45:45 Petit mot quand même, et je reviens à Benjamin Button, sur le maquillage numérique qui est aussi utilisé pour vieillir.
00:45:54 Comme je vous l'ai dit, c'est souvent encore du maquillage traditionnel, concret, pragmatique, qu'on va directement appliquer sur la peau ou le corps des acteurs.
00:46:04 Mais ici, comme il fallait vraiment faire vivre Benjamin Button à l'âge d'enfant, mais qui en paraît 90,
00:46:16 d'un enfant de 0 à 5 ans, mais qui en paraît autour de 90 ans,
00:46:23 là, il fallait avoir nécessairement recours à des effets spéciaux numériques, avec une technologie très compliquée d'ailleurs qui a été utilisée.
00:46:32 Ça a été vraiment une expérimentation totale, trois ans de recherche pour essayer de trouver les bonnes technologies,
00:46:40 pour à la fois retrouver les traits de Brad Pitt, le jeu de Brad Pitt, sans qu'il n'incarne physiquement sur le tournage le rôle de Benjamin Button.
00:46:49 Donc on est avec des doublures, corps, on a des acteurs dont on a "coupé la tête" après en post-production.
00:46:56 C'est le corps d'acteur des doublures.
00:47:02 Et ensuite, par-dessus, c'est vraiment une tête numérique qui va être faite en images de synthèse,
00:47:08 sur lesquelles on va retrouver des animateurs qui vont appliquer les traits de Brad Pitt,
00:47:15 des traits qui vont être enregistrés sous toutes les coutures et mis dans une base de données.
00:47:21 Je vous montre un petit extrait du making-of.
00:47:26 Ça c'est juste aussi pour vous montrer, pour ceux qui ne connaissent pas le film, le maquillage numérique qui a été utilisé.
00:47:34 Je me suis arrêtée là.
00:47:38 Et ici c'est un petit making-of qui est fait par la société d'effets visuels Digital Domain.
00:47:47 Je baisse le son, mais je le remets juste après, juste pour vous expliquer ce que vous voyez.
00:47:55 Ce que vous entendez, c'est les répliques du film.
00:48:00 Digital Domain, c'est une grande société d'effets visuels, une société pionnière,
00:48:05 qui a été créée, fondée par James Cameron dans les années 90, notamment pour faire le film "Titanic".
00:48:12 Ils sont plutôt bons à la matière en termes d'effets visuels, mais c'était un vrai challenge de créer ce personnage de Benjamin Button,
00:48:20 tout en sachant que David Fincher, le réalisateur, tenait vraiment à ce que Brad Pitt soit aussi incarné, d'une certaine manière.
00:48:29 Donc ils vont filmer Brad Pitt sous toutes les coutures, dans une sorte de bulle, avec une multitude de caméras.
00:48:37 Cette patte sur le visage, c'est pour avoir des points de visage par millier,
00:48:44 qui vont servir ensuite de points de référence, comme une sorte de GPS appliqué sur un visage,
00:48:50 qui vont permettre ensuite d'enregistrer ces traits dans une base de données numériques.
00:48:54 On va appliquer ces expressions, sa performance, sur un maillage de fer, un masque en maillage de fer.
00:49:02 Les animateurs vont retoucher, image par image, la performance de Brad Pitt,
00:49:11 pour qu'elle soit vraiment complètement fluidifiée avec cette doublure 3D, à la fois de Brad Pitt et de Benjamin Button.
00:49:21 Donc ici, vous voyez cet acteur, cette doublure à qui on ne garde que le corps.
00:49:27 On enlève la tête pour remplacer cette sorte d'hybride composite d'images de synthèse et de performance de Brad Pitt.
00:49:35 Donc c'est que de la 3D que vous voyez ici, avec les expressions de Brad Pitt.
00:49:41 [Musique]
00:50:06 [Musique]
00:50:25 [Musique]
00:50:40 [Musique]
00:51:03 [Musique]
00:51:21 Il y a 325 plans qui ont été retouchés pour montrer ce Benjamin Button jeune vieillard.
00:51:30 C'est toujours compliqué de définir ce personnage, sans que Brad Pitt l'incarne directement sur le plateau de tournage.
00:51:41 Alors, j'en arrive à ma deuxième partie. Je vais essayer d'accélérer un petit peu, mais là c'était la partie la plus dense, avec le maquillage.
00:51:48 C'est toujours agréable de voir aussi tous ces acteurs ou ces actrices qui peuvent nous fasciner.
00:51:56 Ici, je vais aborder une des choses les plus taboues du cinéma. Ce dont il ne faut pas parler.
00:52:05 Ce qui est toujours caché sous des contrats de confidentialité, des accords de non-divulgation.
00:52:13 Donc à la fin, vous allez avoir plein de questions à poser. Dites des noms, mais je ne peux pas vous donner de noms.
00:52:20 Parce que c'est interdit de dire les comédiens ou les comédiennes qui ont recours au type de trucage que vous allez voir.
00:52:28 C'est de la retouche cosmétique. C'est vraiment l'idée d'embellir, de sublimer le visage ou le corps des comédiens et des comédiennes.
00:52:38 Ça se pratique depuis les années 1920 au cinéma. Ça ne se pratique pas même au théâtre, puisque Sarah Bernhardt a été l'une des premières à se faire lifter.
00:52:49 Elle paraît toujours plus jeune sur les scènes de théâtre.
00:52:53 Et puis même en photo, on faisait de la retouche pour pouvoir toujours rendre plus beau ce qui se faisait, tirer le portrait.
00:53:02 Ici, typiquement, ce sont des photographies qui sont tirées d'un ouvrage consacré à la retouche photographique de la fin du 19e siècle.
00:53:12 On est à peu près au début de la naissance du cinéma, mais là, c'est vraiment que pour la photo, notamment la photo amateur.
00:53:21 On donne un peu les clés de comment on peut rendre un visage plus beau, plus naturel.
00:53:27 C'est paradoxal, puisque finalement, on va gommer des défauts pour rendre un visage plus naturellement beau, mais qui n'est pas la réalité.
00:53:35 On est ici dans un vrai paradoxe qui existe depuis toujours et qui continue très largement à exister au cinéma ou à la télévision.
00:53:44 Là, vous voyez des portraits retouchés. On va directement retoucher le négatif avec des crayons, des fusains, pour pouvoir gommer des rides, effacer des boutons,
00:53:56 comme on continuait de le faire avec Photoshop.
00:53:59 Déjà fin 19e, on retouchait les photos.
00:54:03 Ici, vous voyez une petite main qui pratiquait la retouche photo pour pouvoir gommer, effacer et rendre, j'emploie toujours ces guillemets, plus naturel un visage.
00:54:20 En fait, il faut rendre un visage suffisamment naturel pour ne pas dénaturer la personnalité de la personne photographiée.
00:54:28 C'est vraiment troublant.
00:54:33 Ces artistes qui se sont spécialisés déjà dans la photographie fin 19e devaient à la fois connaître la photographie, la pratique de la photographie, la pratique de la peinture, du dessin,
00:54:47 et en même temps, devaient connaître parfaitement l'anatomie, notamment des visages, parce que ne pas trop rehausser des joues, ne pas déformer une mâchoire, un coup de crayon,
00:54:57 et on peut complètement dénaturer un visage.
00:55:00 Il y avait aussi un travail de retouche très complexe, où il fallait être un bon connaisseur de la photo, un bon peintre, un bon connaisseur en visage humain, des spécificités anatomiques.
00:55:12 Et puis, bien sûr, le star system hollywoodien a plus que largement développé ces techniques de retouche photographique, avec le développement de la presse People,
00:55:24 qui naît aussi avec le star system hollywoodien, les magazines en papier glacé, avec toutes ces stars qui faisaient rêver, étaient forcément retouchés,
00:55:32 donc retouchés un peu sur les mêmes principes que ces photos retouchées fin 19e.
00:55:38 Et puis, ça va être aussi ensuite à la prise de vue. On va utiliser différentes techniques pour adoucir un visage, qui va être filmé par une caméra.
00:55:48 Alors, il y a des petites astuces, vous avez peut-être déjà entendu parler, c'est un peu des anecdotes de tournage, mais qui pouvaient faire leur effet,
00:55:55 pour illuminer le teint d'une comédienne, adoucir les contours de son visage. On allait recouvrir l'objectif de la caméra d'un bas, d'un bas de soi.
00:56:07 Ou, on allait mettre devant l'objectif de la caméra, une vitre qui était du tulle, devant une vitre couverte de tulle.
00:56:20 Ou un film gras. On trouvait comme ça des astuces pour faire apporter un léger flou au visage, et enlever comme ça les principaux défauts.
00:56:29 Ça a été des choses très largement développées pendant l'âge d'or hollywoodien notamment.
00:56:36 Ici, vous avez Audrey Headburn et John Crawford. Les photos avant, après, retouchent.
00:56:44 Quand on n'allait pas directement retoucher par la chirurgie les visages, ici des cas connus de chirurgie plastique,
00:56:52 ont complètement remodelé un visage et qui vont créer la star, qui vont créer ici les actrices.
00:56:59 Puisque si vous prenez la photo "before" à gauche, on est incapable de reconnaître que c'est Rita E.Worth.
00:57:08 Et idem pour Marlene Dietrich. C'est vraiment tout ce travail plastique qui va être fait sur leur visage,
00:57:15 qui va leur donner ensuite leur aura, leur stature, leur persona.
00:57:20 C'est comme ça qu'on va les identifier tout au long de leur vie, de leur carrière.
00:57:26 L'un des maîtres de ce type de maquillage et de remodelage plastique en profondeur, en passant par la chirurgie,
00:57:34 c'est Max Factor, qui va vraiment devenir un empire à lui tout seul,
00:57:42 et qui va retoucher toutes les comédiennes de l'âge d'or hollywoodien.
00:57:45 Elles sont toutes passées entre ses mains.
00:57:47 Il va vraiment les retravailler pour pouvoir en faire des icônes.
00:57:54 Après, il développait ces produits qu'il vendait pour le grand public.
00:57:59 La marque Max Factor existe toujours. C'est toujours une marque de cosmétiques qui est vendue aux Etats-Unis.
00:58:06 Ici, vous voyez une publicité du fond de teint Max Factor par Rita Ewers,
00:58:13 qui permet aussi de faire la promotion du film Covergirl, dans lequel elle a le rôle principal.
00:58:21 Et puis, ici, l'exemple le plus fameux, en tout cas celui qui est le plus largement mis en avant par Max Factor,
00:58:30 c'est lui qui va créer Marilyn Monroe.
00:58:32 Il va créer Marilyn Monroe à partir de Norma Jean, et il va en faire l'icône que l'on connaît tous.
00:58:40 Tout cela renvoie à cette étude qu'Edgar Morin a faite dans un petit livre sociologique qui est passionnant,
00:58:49 qui s'appelle Les Stars, qui date de 1957 et qui est encore tout à fait d'actualité,
00:58:53 où il explique que le maquillage qui restitue jeunesse et fraîcheur dépersonnalise la star pour la surpersonnaliser.
00:59:01 En fait, la beauté archétypique de la star retrouve le hiératisme sacré du masque,
00:59:07 mais ce masque est devenu parfaitement adhérent.
00:59:10 Il s'est identifié au visage, confondu avec lui.
00:59:13 La beauté maquillée de la star impose une personnalité unificatrice à sa vie et ses rôles.
00:59:20 Ici, on voit bien comment ce maquillage et la personne qui porte le maquillage ont formé un tout qu'on ne peut plus séparer.
00:59:27 On ne peut plus en reconnaître Marilyn si elle n'a pas ce maquillage, ce masque tel que Max Factor l'avait imaginé pour elle.
00:59:38 La star et le maquillage sont un tout qui forment un nouvel être à la personnalité hybride.
00:59:44 Tout cela est dans un jeu de mise en scène, de promotion, qui est parfaitement orchestré et donc truqué,
00:59:51 et qui nous renvoie toujours au cinéma qui est un vaste trucage, que ce soit devant la caméra, derrière la caméra, devant l'écran,
01:00:02 mais aussi tout ce qui se passe dans les coulisses.
01:00:06 Je ne vous ai pas parlé des petites techniques d'adhésif de scotch qu'on va mettre sur les tempes,
01:00:14 qui existent toujours, qu'on peut très bien trouver, qui peuvent être très utiles parfois,
01:00:19 qui vont permettre de faire des petits liftings provisoires qui vont se cacher dans les cheveux,
01:00:25 qui vont permettre par exemple à Charlotte Rampling dans un film qui s'appelle Ad vitame immortal, de Anki Bilal,
01:00:36 de se rajeunir de 20 ou 30 ans grâce à des effets de maquillage de rajeunissement,
01:00:42 qui n'étaient pas encore complètement numériques, mais grâce à ces techniques de rajeunissement drastiques.
01:00:50 Là, ce sont des choses encore un peu connues, mais avec le numérique, ça se complexifie,
01:00:56 puisqu'il ne faut surtout plus du tout parler de ce type de retouches.
01:01:02 Parfois, c'est flagrant, même s'il ne faut pas en parler.
01:01:06 On se rend bien compte, notamment dans certaines publicités,
01:01:10 qu'on a beau apprécier certains acteurs ou certaines actrices,
01:01:15 mais soit il y a eu trop de botox, soit il y a eu trop de retouches en photoshop.
01:01:21 J'aurais pu mettre une image, par exemple, de Nicole Kidman, mais je pense que vous l'avez en tête.
01:01:26 Ici, je trouve que c'est une publicité de Leonardo DiCaprio. Je mets juste le début.
01:01:34 [Musique]
01:01:39 [Musique]
01:01:42 [Musique]
01:02:10 On se doute qu'il y a eu un peu de retouches, puisqu'il a quasiment 15 ans de moins de son âge réel dans la publicité.
01:02:18 Mais c'est de la publicité, on accepte.
01:02:21 Par contre, dans un rôle de cinéma, par exemple, dans "Le dernier Scorsese",
01:02:25 on lui ferait le même travail de lissage, de lifting, on serait tous un peu choqués.
01:02:30 Mais pour une publicité, ça passe, ce n'est pas grave.
01:02:33 Comme Brad Pitt, qui fait des publicités aussi pour des cafetières.
01:02:36 Il a beau prôner le caractère anti-âge et pro-vieillissement à Hollywood, il y passe, forcément.
01:02:44 Dans les publicités, ils n'ont même pas trop le choix.
01:02:48 Il faut que tout paraisse très beau, très sublimé, et donc ils vont être retouchés.
01:02:55 Mais tout ce travail de correction, de retouches qui va être fait, on est vraiment dans de la cosmétique.
01:03:05 Il n'y a rien de narratif ici. Il faut que ce soit caché.
01:03:13 En fait, il y a vraiment des accords, des contrats qui font qu'on n'a pas le droit de dire,
01:03:18 les maquilleurs numériques, les sociétés qui vont travailler de manière très spécifique sur ces beauty works,
01:03:29 sur ces retouches cosmétiques, n'ont vraiment pas le droit de dire sur qui ils travaillent.
01:03:34 Alors ici, une des sociétés les plus reconnues dans le domaine, c'est la société Flawless.
01:03:39 Je vous montre une vidéo promotionnelle qui date déjà d'il y a quelques années,
01:03:43 mais qui montre bien finalement qu'on ne peut pas mettre quelqu'un de connu pour ce type de promotion technique.
01:03:50 Ah, pardon, ça n'a pas marché.
01:03:54 Salut, je suis Heather.
01:03:57 Ici à Flawless, on reçoit beaucoup de requests pour des exemples avant et après notre travail.
01:04:01 Malheureusement, à cause de la privilégie de notre client, on ne peut pas faire ça.
01:04:05 Donc, on a fait cette petite vidéo pour vous donner une idée de comment on peut faire que votre prochain projet ressemble à Flawless.
01:04:11 Je suis une modèle professionnelle, mais je suis toujours humaine.
01:04:15 Et après tout, personne n'a de peau parfaite.
01:04:19 Au fait, vous avez regardé l'acteur de moi toute cette fois.
01:04:23 Ici, c'est ce que j'avais avant,
01:04:26 et après,
01:04:29 et avant encore.
01:04:31 Mais pas tous les projets ont besoin d'un point de vue de magasin.
01:04:35 Parfois, c'est juste de faire en sorte qu'il y ait quelques plages,
01:04:39 ou de faire en sorte qu'il y ait des ombres sombres sous les yeux,
01:04:43 ou peut-être une couleur de peau.
01:04:46 Ou peut-être que cette couleur de peau n'était pas sa couleur.
01:04:50 Peut-être qu'il y avait un peu de décollage dans le cadre,
01:04:54 ou que le support était juste un peu court.
01:04:57 Ici à Flawless, c'est notre travail de faire en sorte que votre cadre ressemble exactement à ce que vous avez imaginé.
01:05:02 Que ce soit en faisant que vos talents ressemblent, en faisant un rig,
01:05:05 ou en ajoutant des extensions de l'écran pour aider à créer votre histoire.
01:05:09 Nous pouvons t'aider.
01:05:10 Merci de nous avoir regardé, et nous espérons que vous aurez un beau jour.
01:05:13 Merci.
01:05:15 L'idée, c'est de voir un petit peu les petites retouches qui vont être faites,
01:05:19 et qui sont omniprésentes.
01:05:21 Vraiment omniprésentes.
01:05:22 Que ce soit dans les publicités, dans les clips.
01:05:24 D'ailleurs, c'est une technique qui vient surtout des vidéoclips,
01:05:27 et même au cinéma.
01:05:29 Il y a quelques années, encore quelques années,
01:05:32 c'était les comédiens ou les comédiennes eux-mêmes
01:05:35 qui demandaient à ce qu'en post-production, il y ait ce travail cosmétique qui soit fait.
01:05:40 Et qui prenaient eux-mêmes en charge financièrement ce surplus.
01:05:44 Maintenant, c'est négocié directement dans les contrats.
01:05:47 Vous pouvez faire attention si vous avez le temps de lire les génériques.
01:05:55 Il y a vraiment des sociétés spécialisées.
01:05:58 Flawless, Lola, Hydraulics.
01:06:01 Si ça apparaît vraiment en tout bas des génériques,
01:06:04 vous pouvez dire qu'il y a eu un travail cosmétique qui a été fait.
01:06:07 Sur les Marvel, pour avoir discuté avec un superviseur d'effets visuels
01:06:12 qui a travaillé récemment sur un Marvel,
01:06:14 tous les visages sont retouchés de tous les comédiens que l'on voit à un moment au gros plan.
01:06:18 Tout le monde y passe, c'est contractuel.
01:06:21 Il n'y a pas le choix.
01:06:23 Il faut que les visages soient débarrassés de l'iris de superflu,
01:06:27 des boutons, des cernes, des traces du repas trop arrosé à la cantine,
01:06:32 ou de la fête qui a été donnée la veille chez l'un ou l'autre comédien.
01:06:39 Il faut que tout soit absolument nickel.
01:06:44 C'est très ciblé, c'est très contrôlé, y compris maintenant par les studios,
01:06:48 pas simplement par les acteurs ou les actrices.
01:06:50 Qu'est-ce que je voulais vous dire ?
01:06:53 Ça fait partie des trucages imperceptibles.
01:06:55 Des trucages imperceptibles, c'est vraiment 80% des effets spéciaux,
01:06:59 des effets visuels qui sont réalisés dans toute l'industrie des effets spéciaux et des effets visuels.
01:07:05 Donc, en fait, si c'est imperceptible, c'est que vous n'êtes pas censé les voir.
01:07:09 Ça concerne les retouches des visages ou des corps,
01:07:13 parce qu'on va aussi étirer des corps pour les faire paraître plus minces.
01:07:17 On va rajouter des abdominaux à des acteurs.
01:07:19 On va gommer la cellulite.
01:07:21 On va retoucher, je ne l'ai pas dit, j'aurais pu vous faire un petit inventaire à l'après-vers
01:07:26 de tout ce qui peut être fait, mais ce n'est pas juste effacer les rides.
01:07:30 C'est vraiment un travail où on remodèle tout.
01:07:33 Ces trucages imperceptibles ne touchent pas que les corps et les visages.
01:07:40 C'est aussi tout.
01:07:43 Par exemple, imaginons ici, on va dégager le bureau pour mettre un bureau plus moderne.
01:07:49 On va retoucher la bouteille d'eau pour que ce soit un pichet avec un joli verre en cristal.
01:07:54 Ça va vraiment être du détail, mais qui va vous paraître,
01:07:58 que vous n'allez absolument pas voir et sur lequel on ne va absolument pas parler,
01:08:02 parce que pour les producteurs, il n'y a aucun intérêt à en parler.
01:08:06 Mais ça montre que tout est absolument truqué.
01:08:10 Ensuite, j'en arrive à la troisième partie.
01:08:16 Je quitte la partie un peu taboue, mais pour que vous soyez conscients que ça existe énormément
01:08:22 et encore plus avec le numérique.
01:08:26 On va parler maintenant du dévieillissement, du de-aging qui est fait.
01:08:32 Là, ce n'est pas simplement cosmétique.
01:08:35 On va rajeunir des comédiens et des comédiennes, mais dans des intentions narratives.
01:08:40 C'est-à-dire qu'il y a un vrai enjeu dans l'histoire qui est racontée
01:08:44 de rajeunir ces personnages, pas simplement de les rendre plus beaux, plus parfaits.
01:08:51 Dans le maquillage spécial traditionnel, c'est très compliqué de rajeunir.
01:08:58 En utilisant toutes ces techniques, notamment des adhérents, des scotches,
01:09:05 qui vont pouvoir faire des liftings un peu temporaires.
01:09:09 Mais on est un peu limité dans les outils.
01:09:11 C'est plus facile de vieillir un visage que de le rajeunir dans le maquillage traditionnel.
01:09:16 C'est là où les outils numériques vont être très intéressants,
01:09:20 parce qu'on va pouvoir complètement retravailler les visages
01:09:24 et faire des rajeunissements qui tiennent la route,
01:09:28 que le spectateur ne va pas voir ou alors il va en être conscient,
01:09:33 parce qu'il sait que l'âge de l'acteur ou de l'actrice qu'il voit
01:09:37 ne correspond pas à l'âge du personnage qu'ils incarnent à l'écran.
01:09:41 Le développement du numérique permet le développement de scènes au cinéma
01:09:50 de "de-aging", de dévieillissement.
01:09:53 Cela fait partie aussi des nouveaux enjeux narratifs.
01:09:56 On va avoir des flashbacks, on va avoir un personnage adolescent par exemple,
01:10:01 alors qu'on sait que l'acteur qui le joue a une cinquantaine d'années.
01:10:05 Il n'y a pas que les Américains qui font ça, bien sûr.
01:10:10 En France, on a un studio qui s'appelle MacGuff,
01:10:13 qui s'est spécialisé dans ces techniques de rajeunissement
01:10:16 à travers un logiciel qui repose sur l'intelligence artificielle,
01:10:20 le deep fake, le deep learning, des choses qui font toujours très peur,
01:10:24 mais qui, quand ils sont conçus dans un cadre vraiment purement artistique,
01:10:28 cinématographique, télévisuel, ne posent bien sûr aucun problème.
01:10:32 Tant est bien que MacGuff, pour son logiciel du Face Engine,
01:10:38 a été primé en France et aux Etats-Unis pour tout l'intérêt de leur technique
01:10:46 et du caractère complètement légitime et pertinent de l'outil déployé.
01:10:56 Ici, c'est un petit extrait du Making of, il n'y a pas de son,
01:11:01 donc je vais pouvoir parler dessus, du Bureau des légendes, saison 5.
01:11:05 On va voir pour des scènes de flashback des personnages qui doivent être plus jeunes.
01:11:12 Ici, Mathieu Amalric, et j'ai complètement oublié le nom de l'autre comédien.
01:11:17 Vous pouvez voir ici le travail effectué par MacGuff sur les visages.
01:11:24 MacGuff, avec ce même système, a participé à l'émission de télévision "Hôtel du temps"
01:11:36 qui a été diffusée l'année dernière sur France 3.
01:11:40 Ça devait être une série, mais finalement, je crois qu'il n'y a eu qu'un seul épisode
01:11:44 qui a été diffusé avec Dalida, ou Thierry Hardisson interview Dalida.
01:11:49 Est-ce que certains d'entre vous ont vu cette émission ?
01:11:52 C'était un peu troublant, je ne sais pas ce que vous en avez pensé.
01:11:56 Mais ils ont développé leur technique avec Hardisson pour ce projet "Hôtel du temps"
01:12:01 et ils devaient rajeunir Dalida, Jean Gabin, Coluche,
01:12:06 il y avait toute une série d'artistes que Hardisson devait interviewer,
01:12:12 d'artistes morts, mais qu'il devait interviewer vivants,
01:12:17 et dans le plus bel âge de leur carrière.
01:12:21 C'était un procédé un peu étrange, un procédé très sophistiqué,
01:12:28 mais pour un projet un peu étrange,
01:12:31 qui reprendra peut-être d'ici quelques mois, qu'on pourra revoir d'ici quelques mois.
01:12:35 Un des premiers films qui va utiliser ce principe de "de-aging" de ces personnages
01:12:42 et donc de ces comédiens qui les incarnent, c'est "X-Men 3" de Brett Ratner en 2007,
01:12:48 dont l'ouverture du film est une scène de flashback avec les deux héros principaux des X-Men,
01:13:00 le professeur Xavier et Manetto,
01:13:04 deux joués par Patrick Stewart et Ian McKellen,
01:13:07 qui, vous les connaissez, ne sont pas non plus de leur plus grande jeunesse,
01:13:12 même si on les adore,
01:13:14 ils devaient jouer leur rôle 30 ans auparavant.
01:13:18 Donc ils auraient pu choisir d'autres comédiens pour les interpréter,
01:13:23 et finalement, non, ils ont décidé d'avoir recours bien à Patrick Stewart et à Ian McKellen
01:13:29 et de faire un travail de rajeunissement, de dévieillissement, grâce aux effets numériques.
01:13:35 Et c'est la société Lola VFX qui va faire ce premier coup d'essai
01:13:41 pour retravailler les visages des deux comédiens.
01:13:45 Donc Lola VFX, c'est la société spécialisée la plus connue dans ces techniques de rajeunissement,
01:13:53 ici visible, spectaculaire, puisque ça s'intègre dans un cadre narratif très particulier,
01:14:01 on sait très bien qu'ils n'ont pas la tête qu'ils ont à droite,
01:14:06 on sait très bien l'âge qu'ils ont,
01:14:09 donc on voit bien le trucage, il n'y a rien de caché, il n'y a rien de tabou ici.
01:14:13 Mais Lola VFX est aussi une société qui est réputée pour tout le travail imperceptible.
01:14:19 Donc ils sont sur les deux enjeux de ces types de rajeunissement,
01:14:26 quand c'est spectaculaire, quand c'est que cosmétique,
01:14:29 tant et si bien que parfois ils travaillent sur des films, on ne les met pas au générique,
01:14:33 parce que là, il ne faut vraiment pas qu'on se doute qu'il y a eu de la retouche.
01:14:36 C'est le cas pour d'autres sociétés.
01:14:38 J'ai oublié tout à l'heure de regarder les génériques,
01:14:40 mais en fait, des fois, ils ont travaillé dessus, mais ce n'est pas pour autant qu'ils sont crédités.
01:14:45 Mais ne vous inquiétez pas, il y a des endommagements qui sont bien proposés.
01:14:51 Lola VFX est une société qui a été créée en 2004,
01:14:56 et qui au départ va travailler pour des clips, des clips de Cher par exemple,
01:15:02 ou Madonna, elles vont être parfaites.
01:15:05 Donc on peut comprendre un petit peu le travail qu'ils vont faire sur les clips ou sur les publicités.
01:15:09 Ils ne pensaient pas du tout passer au cinéma, et en fait, on va les appeler.
01:15:12 Les producteurs vont les appeler pour qu'ils puissent...
01:15:14 Alors au départ, c'était pour une scène d'un film d'action avec un acteur qui devait être torse nu.
01:15:20 C'est un acteur vieillissant qui n'avait plus d'abdos,
01:15:22 et donc on leur a demandé de recréer des abdos sur cet acteur.
01:15:25 Donc ils l'ont fait, et puis tant et si bien qu'ils ont commencé comme ça à travailler pour des films,
01:15:31 et puis on les a appelés pour cette fameuse scène d'ouverture de X-Men 3,
01:15:35 où on leur a demandé carrément de rajeunir de plus de 30 ans Patrick Stewart et Ian McKellen.
01:15:43 C'est un vrai enjeu, puisque les spectateurs connaissent très bien Ian McKellen et Patrick Stewart.
01:15:52 Et ils les connaissent parce qu'ils ont une carrière très longue.
01:15:55 Donc on sait très bien à quoi ils ressemblaient, pour ceux qui sont un peu cinéphiles ou téléphiles.
01:15:59 On sait très bien à quoi ils ressemblaient 30 ans auparavant.
01:16:03 Donc notre regard est expert. On ne peut pas nous tromper.
01:16:07 On voit tout de suite quand il y a quelque chose qui ne va pas.
01:16:10 Donc il faut être très précis, il faut être très méticuleux.
01:16:13 Et ça a été un vrai pari que Lola et VFX ont essayé de relever.
01:16:21 Et en même temps, ils expérimentaient.
01:16:23 Donc ils ont à la fois travaillé pendant le tournage avec les comédiens,
01:16:27 qu'il y avait du maquillage spécial sur eux pour essayer de les rajeunir,
01:16:32 et notamment ces fameux adhésifs.
01:16:34 Et après, il y a eu tout un travail de fait en post-production,
01:16:38 où ils ont utilisé vraiment la souris comme un scalpel numérique.
01:16:42 Ils ont fait un travail en coopération avec des chirurgiens plastiques.
01:16:49 Donc ils ont essayé d'appliquer ce que l'on fait en chirurgie plastique,
01:16:53 mais directement, de manière numérique, sur les visages.
01:16:57 C'est quand même beaucoup plus simple pour les acteurs.
01:16:59 Au moins, il n'y a pas de risque sur la table d'opération
01:17:02 qu'il y ait un coup de bistouri un peu trop mal appliqué.
01:17:08 En revanche, ils redoutaient de tomber dans un effet masque de cire, musée de cire.
01:17:17 Ils ont essayé d'éviter.
01:17:22 Ce n'est pas pour autant qu'ils ne sont pas forcément rentrés en plein dedans,
01:17:26 puisque sur certains plans, on voit que ça a été un peu très fort.
01:17:33 On n'y croit pas trop, mais c'était une première tentative.
01:17:38 Finalement, ils étaient plutôt contents.
01:17:40 Toute l'équipe était plutôt contente, le réalisateur était plutôt content,
01:17:43 les comédiens étaient plutôt contents.
01:17:44 C'était une première tentative, et à partir de là,
01:17:46 ils se sont vraiment développés sur le sujet.
01:17:51 C'est devenu leur spécialité, et encore aujourd'hui,
01:17:54 c'est la société vraiment de référence sur le sujet du rajeunissement.
01:18:05 Ce qu'il faut éviter, je fais une petite transition,
01:18:08 c'est certainement quelque chose que vous connaissez déjà,
01:18:11 c'est l'Uncanny Valley, cette vallée dérangeante
01:18:14 qui fait suite au concept freudien d'inquiétante étrangeté,
01:18:21 où plus on essaie de faire une représentation réaliste,
01:18:27 ultra réaliste d'un visage humain,
01:18:30 plus les défauts vont un peu transcender le tout,
01:18:38 et on ne va voir que ça, et ça va nous mettre dans un inconfort, dans une gêne.
01:18:43 Ici, c'est une courbe très connue qu'on retrouve partout
01:18:46 quand on tape "Uncanny Valley" sur Google.
01:18:51 Mais au départ, c'est né d'une théorie d'un roboticien japonais,
01:18:57 donc Mori, qui a élaboré cette théorie,
01:19:02 qui l'appliquait au départ aux robots humanoïdes,
01:19:06 qui devaient représenter vraiment des êtres humains.
01:19:11 Et si vous voyez des robots humanoïdes pour de vrai,
01:19:15 ou à la télé quand il y a des reportages, on est tous un peu crispés.
01:19:18 Il y a vraiment ce phénomène un peu aussi musé de cir,
01:19:20 où on peut être un peu mal à l'aise.
01:19:22 C'est le même principe, et c'est ça que tous les artistes
01:19:27 dans les effets visuels essayent d'éviter.
01:19:29 Dès qu'il y a un travail à faire sur un visage,
01:19:31 il ne faut surtout pas tomber dans l'Uncanny Valley.
01:19:34 Et plus les techniques se développent, plus la frontière se rapproche,
01:19:38 mais elle n'est jamais complètement là.
01:19:40 Parce que plus notre regard de spectateur se développe,
01:19:44 et on voit toujours des défauts.
01:19:46 Plus les techniques se perfectionnent pour être le plus réaliste possible,
01:19:50 plus on va quand même se raccrocher à des petits détails
01:19:53 qui vont nous dire "Ah non, mais là, il y a quand même un truc".
01:19:57 Et en même temps, ça devient toujours un peu compliqué.
01:20:01 Il faut parfois quelques années pour se rendre compte
01:20:04 "Comment j'ai pu me faire avoir ? Là, c'est clairement du numérique".
01:20:08 Donc cet Uncanny Valley, c'est la crainte absolue
01:20:13 de tous les graphistes et tous les superviseurs d'effets visuels.
01:20:17 Dans ces rajeunissements qui ont été effectués,
01:20:21 je vous ai mis quelques exemples typiques,
01:20:25 parce qu'encore une fois, on ne va pas rajeunir,
01:20:29 pour ce type de scène, des acteurs anonymes.
01:20:33 Ça n'a pas de sens.
01:20:35 Autant choisir de travailler avec un autre comédien plus jeune.
01:20:40 Non, l'enjeu, c'est de partir de stars que l'on connaît sous toutes les coutures,
01:20:45 qu'on a vues évoluer à travers le temps,
01:20:48 et de les faire rajeunir pour proposer aux spectateurs un effet nostalgique,
01:20:55 ce qui s'inscrit un peu dans la rétro-mania,
01:20:58 c'est-à-dire le plaisir de se souvenir des choses un peu plus anciennes
01:21:03 qui nous faisaient plaisir quand on était plus jeunes.
01:21:05 Ici, par exemple, Johnny Depp dans Pirates des Caraïbes 5,
01:21:11 qu'on retrouve en tant que jeune adulte adolescent pirate.
01:21:16 Le réalisateur et les producteurs avaient pris comme référence
01:21:24 là où Johnny Depp était le plus "beau",
01:21:29 c'est-à-dire quand il avait tourné Cry Baby et la série 21 Jump Street.
01:21:37 Ça avait servi de référence.
01:21:39 Ici, encore une fois, on est sur un être un peu hybride, composite,
01:21:44 de plusieurs âges, où on a à la fois Johnny Depp, de 50 ans,
01:21:50 et le Johnny Depp tel qu'on le connaissait quand il avait une vingtaine d'années.
01:21:55 Là, il faut lui faire perdre 30 ans, et en même temps que les deux soient reconnaissables.
01:22:00 Qu'on reconnaisse Johnny Depp et son personnage de Jack Sparrow,
01:22:03 et en même temps qu'on retrouve les traits de ce qu'il incarnait
01:22:08 quand il avait 20 ans et que c'était l'idole de toutes les adolescentes des années 80.
01:22:15 Et en même temps, ils se sont aussi appuyés sur une doublure
01:22:25 qui est l'acteur et le musicien Anthony de La Toré,
01:22:29 qui va seconder Johnny Depp au niveau du corps, mais aussi au niveau du trait du visage.
01:22:34 Donc ici, on va vraiment être sur un être palimpseste,
01:22:37 auquel on va appliquer différentes couches d'âge,
01:22:40 différentes couches de rôles, de lui, de pas de lui, du numérique, de pas de numérique.
01:22:46 Et tout ça se met en place devant le regard du spectateur.
01:22:50 On en pense, on aime ou on n'aime pas.
01:22:53 Mais ça permet aussi d'apporter des nouveaux enjeux narratifs.
01:22:57 À la fois une sorte de fascination sur la star et sur les rôles,
01:23:01 et en même temps de développer des facettes des personnages,
01:23:05 comme ici le personnage de Jack Sparrow.
01:23:08 Pour l'étrange histoire de Benjamin Button,
01:23:12 je vous l'ai dit, c'est vraiment le fil conducteur de toute la leçon de cinéma,
01:23:17 on va avoir un travail de Lola VFX.
01:23:21 Eux vont s'appuyer, donc plus Benjamin Button vieillit, plus il rajeunit,
01:23:26 donc plus il approche aussi de la vingtaine.
01:23:29 Brad Pitt devait retrouver là aussi un petit peu l'aura de ses 20 ans,
01:23:33 comme on a pu le découvrir dans "Elma & Louise" et au milieu "Coline Rivière",
01:23:37 quand il était considéré comme l'homme le plus beau,
01:23:41 selon certains sondages dans des magazines féminins,
01:23:45 l'homme le plus beau du monde, ou l'homme le plus sexy du monde.
01:23:48 Donc ils avaient ça comme référence, bien sûr,
01:23:52 et ils vont essayer de proposer un Benjamin Button naturellement radieux,
01:23:58 mais où on retrouve aussi la jeunesse de Brad Pitt.
01:24:02 Ça va être la même chose pour Kate Blanchett,
01:24:06 qui va aussi rajeunir,
01:24:09 dont l'actrice va devoir être rajeunie pour certains plans du film,
01:24:14 pour certaines séquences du film.
01:24:18 Et donc là, la référence, c'était les films qui l'ont fait connaître,
01:24:23 notamment "Élisabeth" ou "Le Seigneur des Anneaux",
01:24:27 donc fin des années 90, début 2000.
01:24:31 [Musique]
01:24:34 Vous allez pouvoir voir, typiquement pour ce plan,
01:24:48 voilà, pour ce plan-là, tout le travail, toutes les passes.
01:24:54 [Musique]
01:24:57 Alors, ce qu'on appelle les passes, c'est vraiment toutes les couches d'effets,
01:25:04 des caches qui vont être faites pour pouvoir appliquer des effets.
01:25:08 Donc ici, vous voyez tout le travail qui va...
01:25:12 tout le travail qui aboutit au résultat final.
01:25:22 Donc ici, des effets de rajeunissement opérés par Lola,
01:25:28 là encore une fois, complètement légitimes, officiels.
01:25:34 On n'est pas du tout dans des choses taboues.
01:25:37 J'avais opéré une petite trame chronologique,
01:25:41 donc on va aussi retrouver le même principe de rajeunissement.
01:25:45 C'est vraiment devenu un effet à la mode à partir de 2007,
01:25:49 à partir de X-Men 3.
01:25:52 Beaucoup de blockbusters vont tester leur scène de rajeunissement.
01:25:56 Donc ici, Jeff Bridges dans "Tron, l'héritage" en 2010.
01:26:00 Et là aussi, il a fallu...
01:26:03 John Bridges qui avait 60 ans, il a fallu lui redonner l'air de ses 30 ans,
01:26:07 notamment le rôle qu'il incarnait dans le premier "Tron" en 1982.
01:26:11 Donc il a fallu le rajeunir tout en préservant son charisme, son aura.
01:26:16 On est exactement dans le même principe que pour Brad Pitt et Johnny Depp.
01:26:23 Et tout ce que les Marvel ont aussi proposé dans les différents Avengers et compagnie,
01:26:30 pour Robert Downey Jr., Michael Douglas, Kurt Russell.
01:26:36 Et à chaque fois, en prenant comme référence les films
01:26:40 ou l'aspect physique de ces comédiens
01:26:43 quand ils ont été soit révélés ou quand ils avaient le plus de succès quand ils étaient jeunes.
01:26:49 Donc on a comme ça, encore une fois, des personnages un peu panamcèstes,
01:26:54 un peu hybrides entre plusieurs âges.
01:26:58 Et puis Samuel L. Jackson,
01:27:02 qui lui ne va pas juste tenir une scène ou deux de flashback,
01:27:06 comme c'est le cas pour les autres films dont je vous ai parlé,
01:27:10 Benjamin Button étant un petit peu à part,
01:27:12 mais qui lui va tenir tout un film, donc Captain Marvel,
01:27:15 où il va être rajeuni du début à la fin.
01:27:19 Donc ce n'est pas que sur quelques scènes, mais vraiment sur tout un film.
01:27:22 Et là, ils vont choisir comme référence les films dans lesquels il a joué dans les années 90.
01:27:32 Notamment Le Négociateur, Die Hard 3, et Sphère.
01:27:36 Donc vraiment des rôles aussi qui l'ont fait exploser au cinéma.
01:27:40 Et ils se sont basés sur ce physique-là pour son personnage de Nick Fury dans Captain Marvel.
01:27:46 Ils ont repris cette même technique de rajeunissement
01:27:51 pour quelques scènes dans la série Secret Invasion,
01:27:55 dans laquelle il joue pour Disney+, qui est aussi dans le prolongement des Marvel.
01:28:00 Autre acteur aussi qui s'est plié à ce type d'effet pour certaines séquences,
01:28:08 c'est Will Smith dans Jiminy Man de Ang Lee.
01:28:14 Et là, comme référence physique, le film Bad Boys.
01:28:20 Même dans le cinéma bollywoodien, on va avoir ces mêmes types de scènes.
01:28:29 Ici, un film avec Shah Rukh Khan, qui est la plus grande star du cinéma bollywood,
01:28:35 dans un film qui s'appelle Fan en 2016, où il va aussi être rajeuni.
01:28:40 Vous voyez, à chaque fois, on prend vraiment des icônes.
01:28:43 C'est vraiment les plus grandes stars.
01:28:46 Et puis, peut-être l'exemple le plus au sommet de tout ça
01:28:54 étant The Irishman de Martin Scorsese, un film pour Netflix,
01:29:00 où il va rajeunir Al Pacino, Robert De Niro et Joe Pesci.
01:29:05 Ils vont jouer des personnages qui vont évoluer,
01:29:11 qui vont avoir une vraie histoire qu'on va suivre pendant plusieurs décennies.
01:29:14 Et donc, on va les voir vieillir.
01:29:16 Ici, la volonté de Martin Scorsese, ce n'était pas d'essayer de retrouver la jeunesse des comédiens,
01:29:23 même s'ils se sont forcément basés sur les rôles qu'ils ont joués dans les années 60, 70, 80,
01:29:28 mais de retrouver la jeunesse de leurs personnages.
01:29:31 Ce qui pouvait permettre de faire des erreurs, des approximations.
01:29:36 Ce n'est pas grave si on ne retrouvait pas complètement les visages que l'on connaissait avant,
01:29:43 puisque c'est leurs personnages qui comptent, ce n'est pas ici les acteurs.
01:29:47 C'était un petit peu un tour de passe-passe de Martin Scorsese,
01:29:51 de mettre ça en avant dans la promotion du film,
01:29:53 de dire que c'est la jeunesse des personnages,
01:29:55 ce n'est pas la jeunesse des acteurs,
01:29:57 bien qu'ils soient quand même interprétés par Robert De Niro et Al Pacino,
01:30:01 entre autres, qui sont là aussi des stars incontournables.
01:30:07 Ils auraient pu choisir d'autres comédiens pour interpréter ces rôles,
01:30:12 mais malgré tout, il y avait cet intérêt, et aussi cet intérêt technologique,
01:30:15 que Martin Scorsese avait envie d'explorer.
01:30:19 Ça a coûté, ça a été un budget phénoménal, The Irishman,
01:30:23 mais on voyait vraiment aussi le caractère un petit peu expérimental
01:30:27 auquel Scorsese avait envie de se confronter,
01:30:31 et aussi les acteurs qui avaient envie de jouer ce type de rôle,
01:30:34 de rajeunir aussi en quelque sorte,
01:30:37 mais ils ne voulaient pas être empêchés par des capteurs.
01:30:43 Bien souvent, pour ce type de rôle, on les rajeunit,
01:30:46 on va avoir recours à de la performance capture,
01:30:49 c'est-à-dire qu'ils vont être filmés avec des capteurs sur eux,
01:30:52 et ensuite on va retravailler tous ces points qui vont être captés dans un logiciel,
01:30:58 comme un système GPS en quelque sorte,
01:31:01 mais ils ne voulaient pas de capteurs sur eux,
01:31:03 ils voulaient vraiment être libres de leurs mouvements,
01:31:05 ils ne voulaient pas être maquillés plus que ça,
01:31:08 et donc c'était un pari, un challenge technique,
01:31:12 de pouvoir développer une nouvelle technologie sans performance capture pour The Irishman.
01:31:21 J'avance un petit peu parce que je vois l'heure.
01:31:24 C'est quelque chose qu'on retrouve évidemment partout maintenant,
01:31:31 qui ne pose même plus question.
01:31:33 Il y avait des questions éthiques qui pouvaient se poser,
01:31:38 notamment en 2016, avec Rogue One,
01:31:42 j'avance un petit peu, je reviendrai juste après,
01:31:45 avec Rogue One, où on a ressuscité Peter Cushing,
01:31:49 pour le rôle de Tarkin dans Star Wars.
01:31:58 L'acteur étant décédé, l'acteur qui jouait le personnage étant décédé,
01:32:02 on va pour une scène le faire revivre avec une doublure 3D photoréaliste.
01:32:10 Est-ce qu'il y avait un droit à l'image, qu'il aurait pu négocier ?
01:32:14 Ça a posé vraiment une question éthique,
01:32:16 qui rejoint d'ailleurs les problématiques que soulève le film Le Congrès de Harry Fallman.
01:32:23 Mais je reviendrai juste un petit peu auparavant.
01:32:25 Une question aussi qui s'est posée pour Carrie Fisher,
01:32:29 qui est décédée juste avant le tournage d'un des derniers Star Wars.
01:32:34 Donc il a fallu en partie recréer numériquement pour quelques scènes,
01:32:39 pas pour tout un film, mais pour quelques scènes.
01:32:41 Et on a aussi recréé Mark Hamill, Luke Skywalker,
01:32:48 qu'on a rajeuni, enfin recréé, c'est-à-dire qu'on est parti de l'acteur proche des 70 ans,
01:32:55 qu'on a rajeuni pour une scène dans The Mandalorian saison 2,
01:32:59 pour qu'il retrouve son look de ses 30 ans.
01:33:03 Tout ça s'est réalisé maintenant avec de l'intelligence artificielle,
01:33:07 ce qui n'était pas le cas du temps de Benjamin Button en 2008,
01:33:10 mais depuis 2016, maintenant, toutes ces technologies de de-aging,
01:33:14 de rajeunissement, sont aidées par des enregistrements de bases de données
01:33:19 ultra complexes de toutes les images qui peuvent exister de ces comédiens.
01:33:23 Toutes les images qui peuvent exister, que ce soit les images des films,
01:33:26 des rushs des films, des photos de promotion, des photos de paparazzi.
01:33:31 Toutes ces images sont engrangées,
01:33:35 et qui permettent aussi de faire des doublures de ces comédiens ou de ces comédiennes
01:33:41 à n'importe quel âge de leur vie.
01:33:43 Parce que du moment où ils ont commencé à être filmés, des images d'eux ont existé.
01:33:47 Et maintenant on peut recréer Harrison Ford parfaitement quand il avait 40 ans,
01:33:56 alors qu'il en a 70.
01:33:59 J'en arrive à ma conclusion, justement, avec le cas Harrison Ford,
01:34:03 puisqu'on en a beaucoup parlé cet été.
01:34:06 C'était juste après qu'on me propose l'intervention,
01:34:08 ou au même moment où on me proposait l'intervention de ce soir.
01:34:11 Je trouvais ça amusant parce que je trouvais que cette même semaine,
01:34:15 Indiana Jones 5 sortait, et qu'on parlait justement de ces scènes de rajeunissement,
01:34:21 de dévieillissement de Harrison Ford grâce à l'intelligence artificielle.
01:34:29 Donc ici, ils ont recréé Indiana Jones jeune,
01:34:35 en se basant sur toutes les images que Lucasfilm,
01:34:40 qui est la société qui produit Indiana Jones,
01:34:43 pouvait avoir d'Harrison Ford.
01:34:45 Ils ont recréé une doublure numérique jeune d'Harrison Ford
01:34:49 en cédant des outils d'intelligence artificielle.
01:34:53 Alors c'est juste une scène, là encore, ce n'est pas sur tout un film,
01:34:56 mais malgré tout, Harrison Ford était plutôt très content de cette expérience
01:35:00 parce que pour lui, c'est comme ça qu'il existait il y a 35 ans,
01:35:04 et qu'il n'y a pas de mensonge.
01:35:06 C'est la réalité puisque c'est lui, il y a 35 ans,
01:35:11 sauf que ça reste encore lui maintenant, en quelque sorte.
01:35:15 C'était aussi un choix peut-être commercial assez judicieux
01:35:20 d'avoir choisi cette technique,
01:35:24 puisque il y a quelques années,
01:35:27 Lucasfilm, toujours dans la franchise Star Wars,
01:35:33 a fait un spin-off consacré au personnage de Han Solo,
01:35:38 initialement interprété par Harrison Ford,
01:35:41 un film qui s'appelle Solo,
01:35:43 mais qui n'était pas joué par Harrison Ford.
01:35:45 C'est-à-dire que c'était montré la jeunesse de Han Solo
01:35:49 avant sa rencontre avec les Skywalker, Leia et Luke.
01:35:53 Ils ont choisi un autre acteur.
01:35:56 Est-ce que j'ai son nom quelque part dans mes notes ?
01:36:01 Il me semblait l'avoir noté.
01:36:04 Je suis bien désolée pour lui, j'ai oublié son nom.
01:36:09 Ils ont choisi un autre acteur pour l'interpréter,
01:36:13 et le film n'a pas du tout eu le succès escompté au box-office.
01:36:17 Ils ont mis ça sur une partie des critiques, des spectateurs,
01:36:21 et le studio a mis ça sur le fait que ce n'était pas Harrison Ford.
01:36:25 Quand on veut voir Han Solo au cinéma, on attend de voir Harrison Ford.
01:36:29 Pour ne pas tomber dans ce "piège",
01:36:32 pour Indiana Jones, ils ont choisi de ne pas avoir recours à un autre acteur,
01:36:36 mais d'avoir recours directement à Harrison Ford,
01:36:38 pour ne pas troubler les spectateurs,
01:36:40 puisque, effectivement, Indiana Jones, c'est avant tout Harrison Ford.
01:36:44 Pour bien comprendre comment un personnage, un rôle,
01:36:47 est intrinsèquement lié à la personne qui l'incarne.
01:36:50 Et là, Han Solo et Indiana Jones sans Harrison Ford,
01:36:54 ça ne fonctionne pas.
01:36:57 Ça pose la question de l'intelligence artificielle.
01:37:03 Je termine comme ça, c'est une ouverture.
01:37:05 C'est un sujet qui est beaucoup trop complexe pour que l'on le développe très rapidement.
01:37:09 En 2013, vous connaissez peut-être ce film,
01:37:12 Harry Fallman a fait un film qui s'appelle "Le Congrès",
01:37:16 avec Robin White Pen, qui joue le rôle principal,
01:37:21 qui joue son propre rôle, c'est-à-dire une actrice hollywoodienne
01:37:26 qui approche de la cinquantaine,
01:37:28 et qui voit bien que son physique un peu vieillissant
01:37:31 commence à lui faire perdre des rôles, du succès et de l'argent.
01:37:35 Et le studio lui propose, un studio imaginaire qui s'appelle Miramonte,
01:37:40 lui propose de la scanner intégralement,
01:37:43 afin de créer un parfait clone numérique d'elle,
01:37:46 qui va pouvoir la remplacer dans toutes les productions
01:37:49 dans lesquelles elle va pouvoir être engagée.
01:37:51 Donc en gros, le clone va faire le boulot à sa place,
01:37:54 et va rester éternellement jeune.
01:37:56 Et elle accepte.
01:37:57 Donc forcément, ça pose des questions éthiques,
01:38:00 du droit à l'image, de ce qu'on devient même une fois qu'on est mort,
01:38:04 est-ce qu'on peut continuer à exploiter cette image.
01:38:07 C'est un peu une sorte de compte modernisé de Faust.
01:38:11 Alors ce qui est très étonnant,
01:38:14 c'est que toutes ces questions que pose le Congrès en 2013,
01:38:17 on est exactement en plein dedans.
01:38:20 Depuis deux, trois ans, avec l'intelligence artificielle,
01:38:23 avec les clones numériques qui sont faits par les studios,
01:38:26 qui sont utilisés dans tous les exemples que je viens de vous présenter,
01:38:31 et qui ne posent plus trop de problèmes,
01:38:34 en tout cas qui ne posent plus trop de problèmes éthiques ou philosophiques,
01:38:37 y compris aux comédiens,
01:38:39 sauf d'un point de vue financier, quand même.
01:38:43 C'est pour ça que les acteurs, vous le savez peut-être,
01:38:45 les acteurs à Hollywood sont en grève depuis plusieurs mois,
01:38:48 notamment à cause de ces questions que pose l'intelligence artificielle,
01:38:53 et comment on va exploiter leur image,
01:38:57 comment les studios vont exploiter leur image,
01:39:00 avec leur accord, sans leur accord, et surtout après leur mort,
01:39:03 qu'est-ce que ça va devenir ?
01:39:04 Est-ce qu'ils ont encore un droit à l'image
01:39:06 sur ces clones numériques qui sont faits d'eux,
01:39:08 et qui sont complètement utilisés,
01:39:10 parfois sans qu'ils soient vraiment à peine présents sur les plateaux de tournage ?
01:39:15 C'est une question ouverte.
01:39:17 Je pense que dans quelques années,
01:39:19 on pourra refaire une nouvelle leçon de cinéma,
01:39:21 les choses auront beaucoup évolué,
01:39:23 et on pourra continuer complètement à développer ce sujet-là.
01:39:28 Si vous voulez en savoir plus sur les effets spéciaux, les effets visuels,
01:39:32 sans trop toucher à la question de l'acteur,
01:39:35 c'est moi ma spécialité, c'est vraiment les techniques de trucage,
01:39:38 je vous invite à aller explorer ces livres,
01:39:44 "Les effets spéciaux au cinéma",
01:39:46 "Effets spéciaux crever l'écran",
01:39:48 qui est le catalogue d'une super exposition
01:39:50 qui a eu lieu à la Cité des sciences et de l'industrie il y a quelques années,
01:39:54 "Superviseurs des effets visuels pour le cinéma",
01:39:56 ces trois livres, j'y ai directement participé,
01:40:00 et un excellent ouvrage très exhaustif et rempli d'entretiens passionnants
01:40:06 avec des professionnels des effets spéciaux et des effets visuels,
01:40:12 et notamment des maquilleurs,
01:40:14 qui s'appelle "SFX, effets spéciaux, deux siècles d'histoire" de Pascal Pintou.
01:40:19 Merci beaucoup, s'il n'y a pas d'autres questions.
01:40:23 Merci vraiment.
01:40:25 (Applaudissements)
01:40:27 (...)

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