Dans son édito du 02/05/2023, Mathieu Bock-Côté revient sur [thématique de l'édito]
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00:00 Il faut chercher à rentrer dans la tête de Jean-Luc Mélenchon pour voir quel est son rapport au monde.
00:05 Parce que manifestement, cet homme ne pense pas dans les mêmes termes que le citoyen ordinaire,
00:11 qu'il soit de centre, de gauche ou de droite.
00:13 Il a un tout autre rapport à la République, un tout autre rapport à la politique,
00:17 un tout autre rapport à la violence.
00:19 Il faut entrer dans sa tête pour comprendre le sens de ses déclarations,
00:22 qui peuvent nous sembler outrancières et qui le sont, soit dit en passant.
00:26 Point de départ, un appel il y a quelques jours à la fraternisation.
00:29 C'est très particulier ça.
00:31 Donc on est aujourd'hui dans une démocratie libérale en France, une république en France,
00:35 et il demande aux forces de l'ordre, au moment des manifestations du 1er mai, rejoignez-nous.
00:39 Il demande autrement dit aux forces de l'ordre, responsables d'assurer la sécurité publique,
00:44 la sécurité des citoyens, de désobéir à l'État, de trahir leur mission,
00:50 de se retourner contre l'État pour rejoindre les manifestants.
00:54 Ça c'est un appel objectif à l'insurrection.
00:58 C'est une logique de factieux.
01:00 Pour tous ceux qui sont à la recherche de propos anti-républicains,
01:03 pour tous ceux qui sont à la recherche de gestes qui seraient objectivement factieux et extrêmes,
01:09 ou extrémistes pour reprendre les termes à la mode, en voilà un.
01:12 Mais, mais quoi qu'il en soit, on ne lui fait pas le reproche.
01:14 Pourtant Jean-Luc Mélenchon est clair, il ne cherche pas à dissimuler sa pensée.
01:20 Je cite une de ses phrases qui a quand même circulé beaucoup ces derniers jours,
01:23 « Abat la mauvaise république ! »
01:26 « Abat la mauvaise république ! »
01:27 Imaginons un seul instant, Marine Le Pen ou Éric Zemmour ou quelqu'un à droite utilisait cette formule.
01:33 La République serait en danger.
01:35 Là, « Abat la mauvaise république ! »
01:37 Et ça passe comme ça, ça passe comme si ça allait de soi.
01:40 On le sait, pour Jean-Luc Mélenchon, c'est l'appel à la sixième république qui compte.
01:43 Mais nous avons premièrement fraternisation,
01:46 alliance des policiers et des manifestants.
01:49 Deuxièmement, « Abat la mauvaise république ! »
01:51 Et là, on arrive à la question de la violence qui est centrale.
01:54 Et je pense que c'est vraiment la question qu'on doit se poser.
01:56 Comment Jean-Luc Mélenchon pense-t-il la violence politique ?
02:00 Alors, si on est familier avec deux, trois auteurs en sociologie, en philosophie politique,
02:04 on connaît même la formule « L'État a le monopole de la violence légitime ».
02:08 Et on est normalement tous d'accord avec ça,
02:10 c'est le point de définition consensuel de l'État moderne selon Weber.
02:14 Puis on peut remonter à Hobbes qui disait à peu près la même chose de sa manière.
02:18 Jean-Luc Mélenchon n'est pas d'accord avec ça.
02:20 Il faut comprendre que Jean-Luc Mélenchon a un désaccord fondamental
02:23 par rapport au rôle de la violence.
02:25 Qui a le monopole de la violence légitime pour Jean-Luc Mélenchon ?
02:29 C'est Jean-Luc Mélenchon lui-même, le mouvement qu'il incarne,
02:32 le mouvement dit révolutionnaire, le mouvement qui veut transformer l'histoire.
02:37 Donc ce n'est plus l'État qui a le monopole de la violence légitime pour lui,
02:40 c'est le mouvement dont il se veut le porte-parole.
02:42 Je cite hier sa déclaration tweet.
02:45 « Le maintien de l'ordre » - c'est-à-dire en guillemets -
02:48 « hier a tourné une fois de plus à une absurde violence générale.
02:52 Darmanin en est 100% responsable.
02:56 C'est pourquoi il veut reporter sa responsabilité sur les autres.
02:59 Les policiers devraient se méfier d'un chef aussi lamentable. »
03:03 Je comprends que pour M. Mélenchon, les milices d'ultra-gauche qui arrivent armées,
03:09 qui arrivent avec l'intention de tuer des policiers,
03:13 lancer un cocktail molotov sur un policier, c'est une tentative de meurtre.
03:17 Je ne sais pas comment on va qualifier ça juridiquement,
03:20 mais le commun des mortels, dont je me veux le porte-parole à ce moment précis,
03:23 considère que lancer un cocktail molotov sur un policier, c'est une tentative de meurtre.
03:26 Point final. Nous sommes devant des gens qui se comportent comme des assassins.
03:30 Je ne sais pas tous les black box...
03:32 Vous parlez comme Marine Le Pen, entre paroles.
03:34 Qui parle comme 99% des Français, je crois, sur cette question-là.
03:37 Et franchement, je pense que quiconque en ce moment dit
03:40 « nous sommes devant des gens qui ont une logique d'assassin »,
03:42 nomme simplement la réalité des choses.
03:44 Mais Jean-Luc Mélenchon nous dit « non, non, non, ce ne sont pas des gens qui attaquent les policiers,
03:48 ce ne sont pas ceux qui foutent le feu, ce ne sont pas ceux qui veulent bordéliser objectivement,
03:52 qui sont à l'origine du mal, ce sont les gardiens de l'ordre, les gardiens de la sécurité ».
03:58 Alors, il faut comprendre, qu'est-ce qu'il nous dit à travers ça ?
04:01 Je disais, pour lui, la légitimité de la violence, le monopole de la violence légitime n'appartient pas à l'État.
04:06 Ça appartient au mouvement parti.
04:08 Et les filles, c'est une forme de psychologie léniniste.
04:10 Jean-Luc Mélenchon nous dit « il y a une cause, une cause plus importante que tout,
04:14 c'est la révolution, telle qu'il l'a définie ».
04:16 Ça, ça lui appartient, il peut bien le penser.
04:18 Dès lors, l'État est un obstacle sur le chemin de cette révolution,
04:21 parce qu'il empêche les forces insurrectionnelles, il empêche les forces vivantes,
04:25 il empêche les forces transgressives d'émerger et de faire tomber le vieux monde
04:30 qui entrave, qui empêche, qui inhibe, qui étouffe la révolution.
04:34 Dès lors, qu'est-ce qu'on peut faire ?
04:36 Tout ce qui est bon pour faire tomber ce vieux monde est légitime.
04:40 Et quand on voit la violence de l'État, violence légitime pour défendre les biens,
04:43 pour défendre les personnes, pour défendre la propriété, pour défendre les individus,
04:47 il s'agit pour lui d'une violence de système à laquelle répond la contre-violence défensive
04:53 des manifestants.
04:54 Et on aura compris que Jean-Luc Mélenchon, de ce point de vue, est le prince de l'amalgame,
04:58 parce qu'il considère finalement que les « black blocs » violents
05:01 sont les véritables représentants des manifestants.
05:04 Quand il nous dit « le peuple est en colère, le peuple est prêt à la violence »,
05:07 non, non, non, non, l'immense majorité des gens qui manifestaient hier
05:10 n'étaient pas prêts à la violence, n'étaient pas prêts à la destruction des biens, des choses,
05:15 ils voulaient pas attaquer les policiers, ils voulaient pas tuer des policiers.
05:17 Quand Jean-Luc Mélenchon décide de dire « le peuple est violent »,
05:20 c'est qu'il y a un esprit d'amalgame chez lui,
05:23 il dit finalement que les « black blocs » sont les vrais représentants du peuple.
05:26 Il va encore un peu plus loin, il nous dit, c'est cette espèce de leader maximum
05:30 un peu tardif dans sa carrière, il nous dit « même les élections, même les élections
05:34 génèrent pas une légitimité suffisante ».
05:37 Donc on sait que Jean-Luc Mélenchon, s'il gagne les élections,
05:40 alors c'est très bien, la révolution est autorisée, on part ensemble.
05:44 Si la révolution, si les élections sont perdues, qu'est-ce qu'on fait ?
05:47 Eh bien, il y a le troisième tour social, si le troisième tour social fonctionne pas,
05:51 qu'est-ce qu'il y a ? Il y a la censure sociale, il y a la légitime défense sociale.
05:55 Donc on doit, j'y reviens parce que c'est vraiment important, il faut garder ça à l'esprit,
05:59 quand Jean-Luc Mélenchon parle de violence, de son point de vue,
06:02 la violence légitime, c'est celle qui est portée d'une manière ou de l'autre
06:06 par le mouvement de gauche radicale dont il se veut l'expression politique.
06:11 Et la violence de l'État n'est plus une violence légitime,
06:14 il y a un renversement du cadre d'analyse et si on ne comprend pas ça,
06:18 on ne comprend pas ces déclarations multiples, nombreuses, qui visent à semer le chaos.
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