Ingérence: l'audition de François Fillon en intégralité

  • l’année dernière
L'ancien Premier ministre était auditionné par la commission d'enquête parlementaire sur les ingérences politiques, économiques et financières des puissances étrangères.

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00:00:00 -Chers collègues, la séance va reprendre.
00:00:02 Merci de fermer les portes.
00:00:04 Bonjour à tous.
00:00:07 Mes chers collègues,
00:00:09 nous avons l'honneur de recevoir aujourd'hui
00:00:11 M. François Fillon, ancien Premier ministre.
00:00:14 M. le Premier ministre, je vous remercie
00:00:16 d'avoir répondu à notre convocation
00:00:18 et de vous être rendu disponible pour nos travaux.
00:00:21 Comme vous le savez, M. le Premier ministre,
00:00:23 notre commission travaille depuis plusieurs mois,
00:00:25 et c'est sa dernière semaine d'audition
00:00:28 sur les tentatives ou les réalités d'ingérence
00:00:31 de puissances étrangères
00:00:32 dans la vie politique, économique française,
00:00:36 ainsi que ses ingérences auprès des relais d'opinion
00:00:38 de notre pays, qui pourraient avoir une influence
00:00:40 sur nos concitoyens et sur notre démocratie.
00:00:43 A ce titre, notre commission s'est intéressée
00:00:46 à la question des recrutements
00:00:47 ou des collaborations professionnelles
00:00:49 entre des anciens hauts responsables politiques
00:00:51 ou des hauts fonctionnaires
00:00:53 par des entreprises étrangères
00:00:55 liées de près ou de moins
00:00:57 à des régimes étrangers,
00:00:58 souvent des régimes autoritaires, voire des dictatures.
00:01:02 Le cas de l'ancien chancelier allemand Gérard Schröder
00:01:06 est emblématique sur des questions
00:01:07 qui ont pu poser de graves problèmes
00:01:10 dans la mise sous dépendance de l'Europe
00:01:12 et des pays européens
00:01:14 des approvisionnements en gaz russe.
00:01:17 Vous avez, M. le Premier ministre,
00:01:19 une longue carrière de responsable politique français
00:01:22 à tous les échelons de notre démocratie,
00:01:24 jusqu'à l'une des plus éminentes, Premier ministre.
00:01:27 Vous avez été amené, dans le cadre de vos fonctions,
00:01:30 à rencontrer à plusieurs reprises
00:01:33 votre homologue d'alors, Vladimir Poutine,
00:01:35 à l'époque Premier ministre de Dmitri Medvedev,
00:01:38 qui était lui-même à l'époque président
00:01:40 de la Fédération de Russie entre 2008 et 2012.
00:01:43 Vous avez, selon toute apparence,
00:01:46 et je tiens à le préciser sans que ce soit un reproche
00:01:48 de la part de notre commission,
00:01:50 qui n'est pas une instance judiciaire,
00:01:52 maintenu des relations avec la Russie
00:01:54 après 2012.
00:01:56 En 2021, vous avez été notamment nommé
00:01:58 au conseil d'administration de 2 importantes sociétés russes,
00:02:01 le groupe pétrolier Zarubezhnev
00:02:03 et le groupe de pétrochimie Sibur.
00:02:05 Vous avez démissionné ensuite de ces 2 postes
00:02:08 au lendemain de l'agression militaire russe
00:02:10 contre l'Ukraine.
00:02:12 Nous souhaitons, M. le Premier ministre,
00:02:13 et c'est l'objet de cette convocation,
00:02:14 comprendre votre vision,
00:02:18 non seulement des relations entre la France et la Russie,
00:02:20 mais surtout votre appréciation
00:02:24 de la réalité ou des tentatives d'ingérence
00:02:27 des puissances étrangères envers la France,
00:02:29 en particulier les tentatives du régime russe
00:02:32 d'influencer notre démocratie.
00:02:35 Nous souhaitons recueillir votre témoignage
00:02:37 sur votre expérience personnelle
00:02:39 et aussi sur cette expérience professionnelle.
00:02:41 Nous souhaitons comprendre comment et pourquoi
00:02:44 vous avez accepté d'exercer ces fonctions
00:02:46 et comment et pourquoi vous avez souhaité les cesser.
00:02:51 Cette audition, M. le Premier ministre,
00:02:53 est retransmise en direct sur le site de l'Assemblée nationale.
00:02:56 L'enregistrement vidéo sera ensuite disponible à la demande.
00:03:00 Elle est, bien sûr, ouverte à la presse.
00:03:02 M. le Premier ministre, je vous propose
00:03:04 de vous laisser la parole pour une intervention liminaire
00:03:06 d'une quinzaine de minutes sur les thèmes
00:03:08 qui vous ont été communiqués.
00:03:09 Evidemment, si vous avez besoin de plus de temps
00:03:12 pour exposer votre propos, vous pouvez la voir.
00:03:15 Nous poursuivons en ce temps nos échanges
00:03:16 par des questions de votre serviteur,
00:03:17 de Mme la rapporteure Constance Legripe
00:03:20 et des différents commissaires présents.
00:03:23 Je vous rappelle, M. le Premier ministre,
00:03:24 qu'au titre de l'article 6 de l'ordonnance
00:03:26 du 17 novembre 1958
00:03:27 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires,
00:03:30 les personnes auditionnées par une commission d'enquête
00:03:32 doivent prêter le serment de dire la vérité,
00:03:34 toute la vérité, rien que la vérité.
00:03:35 Aussi, je vous invite, M. le Premier ministre,
00:03:37 à lever la main droite et à dire "je le jure".
00:03:41 -Je le jure.
00:03:43 -Je vous remercie. Vous avez la parole.
00:03:46 -M. le Président, je ne vais pas vous imposer
00:03:48 15 minutes de propos liminaires
00:03:49 parce que je pense que le plus utile
00:03:52 est que je réponde aux questions que vous souhaitez me poser.
00:03:55 Je veux juste faire 3 remarques
00:03:59 avant de commencer à répondre à vos questions.
00:04:02 La 1re, pour dire que j'ai siégé
00:04:06 dans cette assemblée pendant 22 ans,
00:04:09 que j'ai siégé 3 ans au Sénat
00:04:11 et que j'ai été membre du gouvernement de la République
00:04:14 pendant 12 ans.
00:04:17 A aucun de ces moments,
00:04:19 jamais pendant ces 36 années, je crois, de vie publique,
00:04:24 on a pu trouver une seule action de ma part
00:04:29 qui soit influencée par une puissance étrangère.
00:04:33 J'ai toujours défendu l'intérêt national,
00:04:35 en tout cas tel que je le conçois,
00:04:38 et cette attitude n'a pas changé.
00:04:42 La 2e chose que je voudrais dire, c'est que j'ai des convictions
00:04:45 qui n'ont pas varié, notamment sur cette question
00:04:48 du rapport entre la France et la Russie.
00:04:51 Je pourrais résumer ces convictions
00:04:54 en disant qu'elles sont gaullistes,
00:04:55 mais immédiatement, je vois les ricanements,
00:04:58 non pas ici, naturellement, mais à l'extérieur,
00:05:01 arriver en disant que tout ça, c'est du passé
00:05:04 et que le monde a changé.
00:05:06 C'est vrai que le monde a changé,
00:05:08 que la situation est différente aujourd'hui
00:05:10 de celle que nous avons connue,
00:05:12 mais il y a une chose qui n'a pas changé
00:05:14 et qui, au fond, était la base de la vision
00:05:18 qui était celle du général de Gaulle
00:05:20 en politique étrangère, c'est la géographie.
00:05:22 Nous sommes sur le même continent que la Russie.
00:05:26 Et une immense partie de la Russie est européenne.
00:05:31 On peut aimer, pas aimer, combattre,
00:05:35 être en désaccord, et il y a bien des raisons
00:05:37 d'être en désaccord avec le régime russe,
00:05:38 et pas seulement avec celui-là,
00:05:40 mais avec tous ceux que la Russie a connus
00:05:42 depuis bien longtemps.
00:05:43 Ça n'efface pas cette constatation
00:05:47 que la proximité de la Russie
00:05:50 et de notre pays et de l'Europe
00:05:54 oblige à trouver un mode de relation
00:05:58 avec la Russie qui permette d'assurer
00:06:01 la paix et la sécurité.
00:06:04 C'est d'ailleurs ces convictions qui m'ont conduit
00:06:06 à m'intéresser assez tôt à la Russie,
00:06:11 puisque j'y ai effectué mon premier déplacement
00:06:15 à la tête d'une délégation parlementaire
00:06:17 de la Commission de la défense nationale
00:06:19 et des forces armées dont j'étais le président
00:06:21 en 1986 ou 87, je ne me souviens plus très bien,
00:06:25 mais je pense que c'était en 1986.
00:06:28 Et c'était une mission assez historique,
00:06:31 enfin, sans exagération,
00:06:34 puisque c'était la 1re fois
00:06:35 que la Commission de la défense nationale
00:06:37 se rendait dans le pays qui était notre adversaire principal.
00:06:41 J'y suis retourné d'ailleurs l'année suivante,
00:06:43 en 1988, cette fois-ci en étant dans l'opposition
00:06:48 avec Jean-Pierre Chevènement,
00:06:49 que vous avez auditionné il y a quelques instants.
00:06:54 Jean-Pierre Chevènement a effectué une visite
00:06:57 en Union soviétique, dans les forces armées soviétiques
00:07:00 en 1988, et il avait souhaité que je l'accompagne
00:07:05 pour démontrer ou pour montrer aux Russes
00:07:07 qu'en matière de défense, il n'y avait pas de division
00:07:12 à l'intérieur de notre pays et que nous étions solidaires.
00:07:16 La 3e et dernière remarque que je veux faire,
00:07:19 elle concerne mon expérience des ingérences étrangères.
00:07:23 Est-ce que j'ai rencontré dans ma vie politique,
00:07:27 et en particulier lorsque j'étais au gouvernement,
00:07:29 des ingérences étrangères ?
00:07:31 Oui, j'en ai rencontré.
00:07:34 La plupart du temps, elle venait d'un pays ami et allié
00:07:38 qui s'appelle les Etats-Unis.
00:07:41 Je ne porte pas de jugement.
00:07:42 Je dis...
00:07:44 Votre commission travaille sur les ingérences étrangères.
00:07:46 Je vous dis que, par exemple, j'ai été écouté
00:07:48 avec le président Sarkozy pendant 5 ans par l'ANSA.
00:07:53 On l'a su lorsque des documents,
00:07:59 des services secrets américains ont fuité.
00:08:01 Tout le monde s'est fixé sur le fait que l'ANSA
00:08:03 écoutait Mme Merkel, mais enfin, elle écoutait aussi
00:08:05 l'ensemble des membres du gouvernement français,
00:08:08 sans doute des autres pays européens.
00:08:10 C'est une pratique assez généralisée
00:08:13 parmi les grandes puissances.
00:08:14 Mais il y a une ingérence américaine
00:08:18 qui me pose problème
00:08:20 et que je considère comme la plus sérieuse
00:08:24 quant à ses conséquences sur la vie économique de notre pays.
00:08:29 C'est le principe d'extéritorialité
00:08:34 de la justice américaine qui permet à la justice américaine
00:08:38 et souvent à l'administration américaine d'intervenir
00:08:41 au mépris de mon point de vue des principes du droit international
00:08:44 dans les affaires des entreprises européennes.
00:08:47 C'est systématique.
00:08:49 Ca avait commencé avec...
00:08:51 comme prétexte pour intervenir l'utilisation du dollar,
00:08:58 ce qui m'avait d'ailleurs conduit, avant 2016,
00:09:02 à proposer une réforme profonde de la monnaie européenne
00:09:07 pour qu'elle devienne une monnaie internationale.
00:09:11 Désormais, c'est sans doute la monnaie chinoise
00:09:13 qui deviendra la monnaie internationale
00:09:15 concurrente de la monnaie américaine.
00:09:17 Mais maintenant, ce n'est même plus la question du dollar
00:09:21 qui sert de prétexte,
00:09:22 puisque les Américains ont voté des lois,
00:09:25 entre guillemets, sur la corruption
00:09:27 qui leur permettent d'intervenir dans n'importe quelle condition
00:09:29 sur la vie des entreprises européennes.
00:09:32 Et j'ai été particulièrement concerné
00:09:35 par l'amende de 9 milliards d'euros
00:09:39 qui avait été imposée à la BNP
00:09:44 dans des conditions, de mon point de vue,
00:09:47 tout à fait anormales,
00:09:48 puisqu'il s'agissait de sanctionner des financements
00:09:52 que la BNP avait apportés à des entreprises
00:09:54 ou à des opérations au Soudan,
00:09:57 alors que le Soudan ne faisait l'objet d'aucune sanction
00:09:59 de la part des autorités françaises
00:10:03 ou des autorités américaines.
00:10:05 J'ai été confronté à d'autres exemples d'ingérence.
00:10:11 L'espionnage chinois.
00:10:15 Peut-être vous souvenez-vous d'une affaire retentissante
00:10:18 où une délégation de haut niveau d'officiels chinois
00:10:22 avait, en visitant Airbus,
00:10:25 placé des clés USB
00:10:28 pour récupérer des informations sur des ordinateurs.
00:10:33 Et puis j'ai été confronté,
00:10:35 même si ce n'est pas la même dimension,
00:10:36 mais c'est peut-être plus proche encore de votre sujet,
00:10:40 à des ingérences venant de pays comme la Turquie,
00:10:44 le Maroc, l'Algérie,
00:10:48 qui donnent directement des consignes de vote
00:10:52 au moment des élections françaises
00:10:54 par l'intermédiaire de responsables religieux.
00:10:58 Je n'ai pas été concerné directement
00:11:02 par des ingérences russes.
00:11:03 Ca ne veut pas dire qu'il n'y en a pas, naturellement.
00:11:04 Bien sûr qu'il y en a.
00:11:06 La Russie, comme toutes les grandes puissances,
00:11:10 tente de faire prévaloir son point de vue.
00:11:13 Elle le fait souvent d'une façon assez grossière
00:11:17 qui, de mon point de vue, n'a pas une très grande efficacité.
00:11:22 Mais en ce qui me concerne,
00:11:24 et je devais vous le dire en commençant cette séance,
00:11:28 je n'ai pas été directement concerné
00:11:31 par ces ingérences russes.
00:11:34 Voilà, je vais m'arrêter là, parce que je pense que le mieux,
00:11:35 c'est que je réponde à toutes vos questions
00:11:38 qui, j'imagine, sont nombreuses.
00:11:40 -Merci, M. le Premier ministre.
00:11:44 Ma 1re question, et je me limiterai à quelques questions
00:11:46 puisqu'il y a de nombreux commissaires,
00:11:48 et j'aimerais que tout le monde puisse avoir le temps
00:11:50 de poser ses questions.
00:11:52 Vous venez de parler
00:11:54 des ingérences étrangères venant de Russie.
00:11:58 Vous avez indiqué qu'on n'avait jamais été concerné
00:12:00 par ces ingérences.
00:12:02 Vous les avez qualifiées d'assez grossières.
00:12:05 Est-ce que vous pourriez revenir sur votre expérience
00:12:08 ou votre analyse de ces tentatives d'ingérences russes en France
00:12:11 pour que nous puissions avoir une meilleure appréciation
00:12:14 de la manière dont vous les voyez ?
00:12:16 -Quand je dis "questions grossières",
00:12:17 ces questions sont tellement visibles
00:12:18 que l'idée que les populations de nos pays européens
00:12:24 soient influençables à ce point
00:12:28 que les comptes...
00:12:31 Je ne suis pas un grand spécialiste des réseaux sociaux,
00:12:33 et donc mon vocabulaire n'est peut-être pas totalement adapté,
00:12:36 mais ces comptes fantômes,
00:12:39 qui sont d'ailleurs utilisés pas seulement par les Russes,
00:12:41 mais assez massivement par les Russes,
00:12:43 et une influence réelle sur les scrutins dans nos pays
00:12:49 est une idée que je trouve assez farfelue.
00:12:52 L'idée que la Russie, par exemple,
00:12:55 ait été à l'origine du Brexit,
00:12:58 une affirmation qu'on entend assez souvent,
00:13:02 me paraît totalement farfelue.
00:13:03 Ca ne veut pas dire qu'ils n'ont pas cherché à influencer
00:13:08 les votes au moment du Brexit, peut-être,
00:13:12 mais enfin, quand on connaît bien la Grande-Bretagne,
00:13:14 on sait qu'il y a, au fond du pays,
00:13:17 une force qui n'a rien à voir avec les ingérences russes
00:13:21 qui étaient favorables à ce Brexit.
00:13:22 De la même façon, quand on pense que c'est les Russes
00:13:27 qui ont fait élire le président Trump,
00:13:30 ce que j'ai entendu, y compris d'Américains
00:13:32 de très, très haut niveau, honnêtement,
00:13:34 je pense que c'est un fantasme.
00:13:36 Encore une fois, ça ne veut pas dire qu'ils n'ont pas essayé,
00:13:38 mais ça veut dire que l'impact de ces opérations,
00:13:42 là, je parle des réseaux sociaux, des fausses informations,
00:13:48 je pense que cet impact n'est pas négligeable,
00:13:52 mais qu'il est, comment dirais-je,
00:13:55 marginal par rapport à l'objectif
00:13:58 qu'on veut bien lui assigner.
00:14:01 D'une manière générale, la Russie est un pays
00:14:04 qui est assez, comment dirais-je,
00:14:09 brutal dans tout son fonctionnement.
00:14:15 Je me souviens, lors de ce voyage
00:14:19 de la Commission de la défense en 1986,
00:14:22 nous étions déjà un certain nombre à être convaincus
00:14:24 qu'il n'y avait pas de menace militaire existentielle
00:14:29 pour les Européens venant du RSS.
00:14:33 Pourquoi ? Parce que le RSS,
00:14:37 c'était un système qui fonctionnait mal.
00:14:40 Et donc, ils avaient beau accumuler des armes,
00:14:43 des soldats et une immense puissance,
00:14:46 il y avait toujours quelque part quelqu'un
00:14:48 qui avait oublié de mettre de l'essence
00:14:50 dans le réservoir du char,
00:14:52 quand il ne l'avait pas détourné,
00:14:55 ou des problèmes d'organisation
00:14:57 qui rendaient cet outil militaire assez...
00:15:00 Non pas...
00:15:02 Il ne faut pas me faire dire ce que je ne veux pas dire.
00:15:04 Je ne dis pas que ce n'est pas une menace,
00:15:06 mais en tout cas, pas une menace au niveau
00:15:09 de l'existence même de nos pays.
00:15:14 Et je mets le nucléaire à part.
00:15:17 Dans mes visites en URSS, puis en Russie,
00:15:22 j'ai remarqué que les choses ne se passaient jamais
00:15:24 comme elles sont prévues.
00:15:27 Il y a toujours quelqu'un, quelque part,
00:15:28 qui n'a pas vraiment fait son boulot
00:15:30 ou qui a oublié d'être là.
00:15:33 Et je trouve que l'exemple peut-être le plus triste
00:15:37 et le plus symbolique de ce mauvais fonctionnement
00:15:41 de la Russie en général,
00:15:44 c'est l'accident du président de Total,
00:15:51 qui est typiquement, voilà,
00:15:58 un employé qui, sans doute, a un peu abusé de la vodka,
00:16:03 à qui on confie un matériel qu'il n'a jamais conduit
00:16:06 et qu'on envoie dans une partie de l'aéroport
00:16:09 dans lequel il n'est jamais allé.
00:16:11 Et le résultat, c'est la mort de monsieur De Margerie.
00:16:16 Voilà. Donc la Russie, c'est un immense pays,
00:16:20 mais d'une assez grande fragilité
00:16:22 en raison de ses dysfonctionnements internes.
00:16:27 -Je vous remercie. Ma 2e question, ce serait,
00:16:31 quand vous étiez Premier ministre,
00:16:32 est-ce que vous avez eu une perception,
00:16:34 une analyse peut-être des services
00:16:35 ou d'autres institutions
00:16:37 garant de la sécurité de notre pays
00:16:40 sur une évolution peut-être du comportement de la Russie
00:16:43 et de ses façons de s'ingérer dans les autres démocraties,
00:16:46 en particulier la France,
00:16:48 notamment du fait du conflit, de l'invasion par la Russie
00:16:53 d'une partie du territoire géorgien,
00:16:56 d'autres tensions géopolitiques
00:16:58 qui sont apparues entre 2007 et 2012 ?
00:17:02 Est-ce qu'il y a eu une évolution de votre point de vue
00:17:05 ou du point de vue des services que vous avez eus à connaître ?
00:17:09 Et question parallèle,
00:17:11 parallèlement à cette évolution politique,
00:17:13 est-ce qu'il y a eu une évolution des relations économiques
00:17:15 avec la Russie, une intensification
00:17:18 des investissements dans les contrats énergétiques,
00:17:20 dans un certain nombre de domaines régaliens
00:17:23 ou d'entreprises dans lesquelles l'Etat a maille à partir,
00:17:28 Renault ou un certain Engie ?
00:17:30 Est-ce qu'il y a eu une évolution à la fois de l'extérieur
00:17:34 des ingérences russes envers la France
00:17:36 et une évolution depuis la France
00:17:39 de la stratégie d'investissement des relations faites
00:17:41 avec la Russie sur des contrats
00:17:43 qu'on peut qualifier de stratégiques ?
00:17:47 -Je ne sais pas jusqu'où je dois remonter,
00:17:49 mais j'ai évoqué tout à l'heure mes visites en URSS.
00:17:55 J'aurais pu évoquer ma présence au dernier conseil
00:17:59 du Parti communiste de l'Union soviétique
00:18:01 en tant que représentant de ma famille politique,
00:18:05 où j'avais croisé les membres du Parti communiste français
00:18:08 qui étaient malheureux de voir disparaître
00:18:13 le parti frère avec lequel ils avaient collaboré
00:18:17 dans une forme d'ingérence qui était à l'époque
00:18:19 totalement assumée par tout le monde.
00:18:22 Mais à partir de 1993,
00:18:27 j'ai été ministre de l'Enseignement supérieur
00:18:29 et de la Recherche,
00:18:30 et nous avons entrepris de coopérer avec la Russie
00:18:36 sur les sujets de recherche et sur les sujets de l'espace.
00:18:40 A l'époque, il faut se souvenir
00:18:42 que la chute de l'Union soviétique a entraîné un véritable chaos.
00:18:46 La recherche russe était par terre,
00:18:50 les chercheurs n'étaient plus payés,
00:18:52 les laboratoires de recherche étaient en déshérence,
00:18:55 et nous avons encouragé
00:18:57 les organismes de recherche français publics
00:19:01 à coopérer avec les organismes de recherche russes,
00:19:03 en fait, pour l'essentiel,
00:19:04 pour aider les chercheurs russes à survivre,
00:19:07 et en même temps, pour profiter des capacités
00:19:10 de la recherche fondamentale russe,
00:19:11 notamment en matière de mathématiques.
00:19:14 Je pense aussi aux industriels de l'aéronautique
00:19:17 qui ont beaucoup utilisé les immenses facilités,
00:19:21 les souffleries qu'avait l'Union soviétique
00:19:26 qui ne servaient plus à rien.
00:19:28 Et enfin, nous avons engagé une coopération
00:19:30 en matière spatiale.
00:19:33 J'ai été avec d'autres à l'origine, à cette époque,
00:19:36 de la création de la 1re société franco-russe
00:19:39 de commercialisation de vols de Soyouz,
00:19:42 de vols de lancement de satellites,
00:19:45 la société Starsem,
00:19:47 qui visait, en fait, à donner des garanties occidentales
00:19:51 en termes de commercialisation de finances, d'assurance, etc.,
00:19:55 à des lancements de Soyouz.
00:19:58 Quand j'ai pris mes fonctions de Premier ministre,
00:20:02 puisque, entre-temps,
00:20:04 j'ai eu des fonctions de ministre des Affaires sociales
00:20:06 qui ne m'ont pas conduit à une coopération
00:20:09 très fructueuse avec la Russie,
00:20:12 la période était très particulière,
00:20:16 d'abord parce que, comme vous l'avez rappelé,
00:20:20 Vladimir Poutine était Premier ministre
00:20:22 dans le cadre d'un swap
00:20:24 qu'il avait réalisé avec le président Medvedev
00:20:28 pour tordre un peu l'esprit de la Constitution russe,
00:20:33 et donc c'était mon interlocuteur.
00:20:35 Et j'ai eu avec Vladimir Poutine pendant ces 5 années
00:20:40 une relation assez intense
00:20:43 et qui a été très fructueuse pour l'économie française.
00:20:47 Et je vais vous en citer quelques exemples.
00:20:50 Parce que je pense qu'à cette époque,
00:20:52 la Russie et le président Poutine
00:20:55 avaient un objectif qui était un objectif
00:20:57 de modernisation du pays,
00:20:59 qui n'était pas encore dans la phase
00:21:01 que l'on connaît aujourd'hui.
00:21:03 Il y a eu d'ailleurs des discussions à cette époque,
00:21:06 je vous le rappelle, pour créer une forme de zone
00:21:09 de libre-échange entre la Russie et l'Union européenne
00:21:12 qui avait été proposée par le président Sarkozy,
00:21:14 qui n'avait pas fait l'unanimité chez les Européens.
00:21:18 Mais en ce qui concerne la relation franco-russe,
00:21:20 c'est une période où Renault est devenu
00:21:24 le 1er constructeur automobile en Russie.
00:21:27 D'ailleurs, tous les exemples que je vais vous citer
00:21:29 sont des exemples qui sont favorables à la France.
00:21:33 C'est-à-dire que ce ne sont pas des exemples
00:21:34 qui nous mettent en dépendance de la Russie,
00:21:36 c'est exactement le contraire.
00:21:38 Donc Renault a racheté Avtovaz,
00:21:39 qui était une grande entreprise russe
00:21:42 et est devenu le 1er constructeur automobile en Russie.
00:21:46 Alstom a investi dans les chemins de fer russes.
00:21:51 La Société générale est devenue
00:21:52 quasiment la 1re banque étrangère en Russie.
00:21:56 Vinci a construit l'autoroute entre Saint-Pétersbourg et Moscou.
00:22:01 Total est devenu la tributaire
00:22:05 d'un des plus grands champs gaziers, Yamal,
00:22:08 au nord de la Russie.
00:22:11 Soyouz a été installé.
00:22:14 On a construit un pas de tir à Kourou
00:22:17 pour lancer Soyouz à partir de Kourou
00:22:19 pour pouvoir diversifier,
00:22:22 compléter l'offre de lancement européenne.
00:22:26 Je cherche si j'en oublie encore,
00:22:28 mais il me semble que j'en oublie.
00:22:30 Donc ça a été une période assez...
00:22:34 assez riche
00:22:36 en matière de coopération économique.
00:22:38 Et je voudrais insister sur un point,
00:22:40 c'est que pendant cette période,
00:22:43 il était assez facile de parler avec la Russie.
00:22:46 Et c'est parce qu'il était assez facile
00:22:48 de parler avec la Russie
00:22:49 que le président Sarkozy a pu stopper
00:22:52 l'opération militaire en Géorgie.
00:22:55 Car je rappelle qu'au mois d'août 2008, je crois,
00:23:00 la Russie était entrée en conflit avec la Géorgie,
00:23:06 que le président Sarkozy,
00:23:08 qui était président de l'Union européenne en exercice,
00:23:11 s'est rendu à Moscou.
00:23:15 Et après une discussion qui a été assez orageuse,
00:23:18 a obtenu l'arrêt des combats
00:23:21 et le retrait des forces russes.
00:23:26 Moi, c'est mon expérience.
00:23:30 Après 2012, je ne suis plus en charge
00:23:32 des affaires de notre pays,
00:23:34 et donc je ne peux pas m'exprimer sur ce qui s'est passé après,
00:23:36 en tout cas en ce qui concerne la coopération économique.
00:23:40 -Merci, M. le Premier ministre.
00:23:44 Vous avez mentionné une intensification fructueuse
00:23:48 des échanges économiques
00:23:50 et des investissements français en Russie.
00:23:53 La Russie, vous le savez,
00:23:55 est aussi un régime de haut niveau de corruption,
00:23:57 notamment dans le haut niveau
00:23:59 de ce qu'on appelle les oligarques, évidemment,
00:24:01 mais suite, justement, aussi à l'effondrement de l'URSS,
00:24:04 le niveau de corruption du régime russe est important.
00:24:07 Il n'allait pas sur une pente, il n'allait pas en s'améliorant.
00:24:10 Est-ce que, compte tenu du fait que vous souteniez
00:24:13 l'intensification des relations avec la Russie,
00:24:15 est-ce que, parallèlement, vous avez renforcé aussi
00:24:18 la lutte contre les risques de corruption
00:24:20 qui pouvaient être liés à ces contrats
00:24:22 et les risques, évidemment, d'ingérence,
00:24:24 d'influence qu'il peut y avoir
00:24:26 entre 2 pays qui intensifient leurs investissements,
00:24:29 c'est-à-dire qu'on peut imaginer
00:24:31 que la Russie aurait pu intensifier ses efforts
00:24:33 pour avoir des relais en France
00:24:34 ou favoriser, dans l'autre sens,
00:24:36 qui étaient liés à ces grands contrats
00:24:38 avec des risques de corruption ?
00:24:40 Et donc, est-ce que les outils de corruption...
00:24:42 anticorruption, pardon, française
00:24:43 ont été renforcés sur la même période ?
00:24:45 -Les outils de corruption français,
00:24:47 ils ont été renforcés à plusieurs reprises,
00:24:50 mais je voudrais indiquer que le niveau de corruption en Russie,
00:24:54 il n'est pas différent de celui qui existe en Chine,
00:24:57 qui existe en Arabie saoudite,
00:24:59 qui existe dans la plupart des pays autoritaires.
00:25:05 Et donc, il est même peut-être, à cette époque-là,
00:25:08 peut-être un peu moindre, parce que la caricature
00:25:12 qui est faite en permanence des oligarques,
00:25:14 il y a... Au fond, qu'est-ce que c'est qu'un oligarque ?
00:25:16 C'est une bonne question.
00:25:18 Parce que...
00:25:19 Si on prend les grands capitaines d'industrie française,
00:25:22 on les appelle des oligarques.
00:25:24 Pour quelle raison ?
00:25:26 Parce qu'ils sont riches, parce qu'ils sont proches du pouvoir.
00:25:29 La définition d'un oligarque, c'était, en fait,
00:25:31 des gens qui s'étaient enrichis
00:25:33 au moment de la chute de l'Union soviétique
00:25:36 en s'emparant de richesses publiques
00:25:41 et en les captant à leur profit.
00:25:43 Et donc, tous les responsables d'entreprises en Russie
00:25:47 ne sont pas coupables de ce crime-là.
00:25:51 Certains, oui, d'autres, non.
00:25:53 Les contrats qui ont été signés,
00:25:58 ils ont été signés dans le respect des règles françaises
00:26:01 et des règles russes.
00:26:03 On a eu parfois des discussions un peu difficiles
00:26:06 avec le gouvernement russe
00:26:10 et avec le président Poutine sur un certain nombre de sujets.
00:26:14 Je n'ai pas le souvenir d'une seule négociation
00:26:16 que nous ayons perdue.
00:26:19 Peut-être que je me trompe,
00:26:20 mais j'ai cherché, avant de venir dans cette commission,
00:26:24 je me souviens, par exemple, d'une négociation
00:26:26 très, très, très difficile sur le président Poutine.
00:26:29 On a aidé la Russie, oui, j'ai oublié cet aspect,
00:26:31 à construire un avion de transport
00:26:34 qui s'appelle le Super Jet-5,
00:26:35 un avion, une sorte de petit Airbus,
00:26:38 et qui a été construit en coopération
00:26:42 avec Thalès et Safran.
00:26:43 Safran a fourni les moteurs et Thalès l'avionique.
00:26:46 Et le président Poutine,
00:26:47 une fois que cet avion a été construit,
00:26:49 voulait qu'on l'achète.
00:26:50 Je me souviens d'une discussion de 3 heures,
00:26:53 extrêmement difficile,
00:26:55 où il menaçait de retirer des droits de vol
00:27:01 au-dessus de la Sibérie.
00:27:02 Je pense que c'était...
00:27:04 Je ne sais plus s'il voulait interdire le survol
00:27:07 de la Sibérie par la 380, quelque chose de ce genre.
00:27:10 La discussion a duré 3 heures.
00:27:13 Il y avait tout le gouvernement français
00:27:15 et tout le gouvernement russe qui attendaient pour déjeuner.
00:27:17 Ils étaient debout devant leur chaise.
00:27:18 On est arrivés à 4 heures de l'après-midi,
00:27:20 mais à la fin, on n'a pas acheté le Super Jet-100
00:27:24 et le 380 a survenu à la Sibérie.
00:27:26 Ce que je veux dire par là, c'est que...
00:27:28 Au moins dans cette période,
00:27:31 la négociation avec la Russie était parfois difficile,
00:27:36 mais elle était possible.
00:27:38 -Merci, monsieur le Premier ministre.
00:27:42 Ma dernière question avant de donner la parole,
00:27:43 passer la parole à madame la rapporteure.
00:27:46 Vous n'avez pas souhaité, sauf erreur de ma part,
00:27:49 dans votre intervention préliminaire,
00:27:50 revenir sur le fait que vous ayez occupé
00:27:53 jusqu'à l'agression de l'Ukraine par la Russie,
00:27:56 l'agression militaire, l'invasion de l'Ukraine par la Russie,
00:28:00 revenir sur les 2 postes que vous occupiez.
00:28:02 Est-ce que vous pourriez revenir sur ces 2 postes ?
00:28:05 Ce qui intéresse, il me semble, cette commission,
00:28:07 en tout cas pour ma part,
00:28:09 c'est comment vous, en tant qu'ancien Premier ministre,
00:28:12 quel parcours vous amène à occuper ces 2 postes ?
00:28:15 A quel moment vous estimez que l'occupation de ces postes
00:28:18 sur au moins une entreprise qui est vraiment très stratégique,
00:28:21 celle qui relève des hydrocarbures,
00:28:23 ne pose pas de conflit de loyauté ?
00:28:29 Et aussi, le magazine "Challenge" a révélé,
00:28:31 il me semble, la semaine dernière,
00:28:32 que vous avez travaillé pour la société Sifal
00:28:35 dans une concession pétrolière.
00:28:39 Vous auriez été recruté par l'entreprise Sifal
00:28:43 à hauteur de 45 000 euros
00:28:44 pour favoriser les contacts
00:28:45 entre un responsable congolais
00:28:48 et des responsables russes
00:28:50 pour l'exploitation de cette concession pétrolière.
00:28:52 Est-ce que vous pourriez aussi revenir
00:28:54 sur cette révélation de "Challenge" ?
00:28:56 -Je n'ai pas évoqué ces sujets
00:28:57 parce que j'imaginais bien que vous alliez m'interroger dessus.
00:29:02 D'abord, je voudrais revenir sur les conditions
00:29:05 dans lesquelles j'ai commencé à partir de 2017.
00:29:09 Enfin, en 2017, dans les circonstances
00:29:14 que chacun connaît,
00:29:15 j'ai quitté la vie publique, et de manière définitive.
00:29:20 Et donc, j'ai entamé une carrière professionnelle.
00:29:24 Je tiens d'ailleurs à préciser
00:29:25 que cette carrière professionnelle ne regarde que moi,
00:29:27 que je n'ai de compte à rendre à personne
00:29:29 sur la manière dont je la conduis,
00:29:32 dans le respect, naturellement, des lois de la République
00:29:34 et des intérêts et des règlements européens.
00:29:38 Je suis une personne privée depuis 2017.
00:29:42 J'ai commencé par, pendant 3 ans,
00:29:44 être associé d'une société d'investissement française.
00:29:50 Et pendant ces 3 années,
00:29:54 je n'ai eu aucune occasion de travailler avec la Russie
00:29:56 puisque, comme vous le savez,
00:29:58 travailler avec la Russie
00:29:59 pour un établissement financier européen,
00:30:01 c'est s'exposer immédiatement aux sanctions américaines,
00:30:04 d'une manière ou d'une autre.
00:30:06 C'est une période où j'ai siégé au conseil d'administration
00:30:09 d'une entreprise d'intelligence artificielle aux Etats-Unis.
00:30:16 Pour cette entreprise d'investissement française,
00:30:22 j'ai notamment ouvert un bureau au Japon.
00:30:29 J'ai été à l'origine de la création d'un fonds
00:30:35 dédié à la transition énergétique,
00:30:38 donc d'un fonds qui, aujourd'hui, doit représenter
00:30:40 près de 2 milliards d'actifs sous gestion
00:30:44 et qui, donc, est destiné à tout ce qui touche
00:30:47 à la transition énergétique.
00:30:48 J'ai créé pour cette société un conseil international
00:30:53 dans lequel j'ai recruté un ancien Premier ministre
00:30:57 social-démocrate italien ou encore une femme
00:31:02 qui est aujourd'hui la patronne
00:31:03 des services de renseignement américains,
00:31:05 celle qui coiffe l'ensemble
00:31:06 des services de renseignement américains.
00:31:09 Pour vous donner une idée des activités
00:31:11 qui ont été les miennes pendant ces 3 années.
00:31:15 Au bout de 3 ans, j'ai décidé de conduire
00:31:19 ma propre activité de conseil
00:31:22 et j'ai commencé à conseiller les entreprises françaises
00:31:24 et les entreprises européennes.
00:31:26 Et un certain nombre de ces entreprises
00:31:28 m'ont demandé de les aider à entrer
00:31:30 ou à se développer en Russie,
00:31:33 sachant que, naturellement, j'avais
00:31:34 et une connaissance de la Russie
00:31:37 et une connaissance de son fonctionnement.
00:31:41 Et donc, j'ai commencé à faire des séjours
00:31:43 relativement longs, en cas de quelques semaines,
00:31:48 pour aider ces entreprises à se développer.
00:31:51 Et l'une d'entre elles, c'est l'entreprise Sifal,
00:31:55 m'a demandé de l'aider à établir des contacts
00:31:58 avec une entreprise qui est l'entreprise Rosnef
00:32:02 pour un de ses clients.
00:32:04 Je veux mentionner à ce sujet, d'ailleurs,
00:32:06 que les articles qui sont parus sur ce sujet
00:32:09 sont des exemples, j'allais dire,
00:32:12 de manipulation soft de l'information,
00:32:15 puisque je ne suis pas concerné
00:32:17 par les enquêtes qui sont en cours.
00:32:20 J'ai travaillé pour une entreprise
00:32:22 qui, elle, est concernée par une enquête.
00:32:24 Et ça devient, en titre,
00:32:26 "François Fillon concerné par une enquête sur..."
00:32:28 Non, je ne suis pas concerné par cette enquête.
00:32:31 Et je n'en dirai pas plus sur ce sujet, sur Sifal,
00:32:34 puisqu'il y a une instruction judiciaire en cours.
00:32:37 Je veux juste faire une remarque, si vous me le permettez,
00:32:40 pour dire mon très grand respect pour Sifal
00:32:43 et mon très grand respect pour son dirigeant
00:32:45 qui s'appelle Gilles Rémy.
00:32:47 Sifal, c'est une entreprise qui a été créée
00:32:49 au lendemain de la Seconde Guerre mondiale
00:32:50 par les communistes
00:32:52 pour permettre de développer la relation économique
00:32:56 entre la France et la Russie.
00:32:58 Ces 15-20 dernières années, son dirigeant, Gilles Rémy,
00:33:02 a oeuvré pour le développement des entreprises françaises
00:33:06 et des intérêts français en Russie de manière remarquable.
00:33:10 Et donc, aujourd'hui,
00:33:12 jeter l'opprobre sur Sifal
00:33:14 parce qu'il y a la guerre en Ukraine,
00:33:17 je trouve que c'est très injuste.
00:33:18 Ce n'est pas Gilles Rémy qui a déclenché la guerre en Ukraine,
00:33:22 c'est le président Poutine.
00:33:23 Et Gilles Rémy n'est pas responsable
00:33:25 de la situation stratégique
00:33:29 qui est celle que nous connaissons aujourd'hui.
00:33:32 Alors j'en viens maintenant au Conseil d'administration
00:33:34 où j'ai accepté de siéger.
00:33:36 Dans le cadre, donc, des...
00:33:38 fonctions que j'ai occupées,
00:33:42 enfin, des missions que j'ai conduites en Russie
00:33:45 pour le compte d'entreprises françaises,
00:33:46 d'un grand nombre, enfin, d'un grand nombre,
00:33:47 d'un nombre important d'entreprises françaises,
00:33:50 j'ai été amené à plusieurs reprises
00:33:52 à rencontrer le président de Zarubi à Genève,
00:33:55 qui est une entreprise pétrolière
00:33:57 qui n'intervient qu'en dehors de la Russie,
00:34:00 une entreprise qui, pour l'essentiel,
00:34:04 gère des forages
00:34:07 et de l'exploitation de pétrole et de gaz en Asie,
00:34:10 pour l'essentiel en Asie,
00:34:12 beaucoup au Vietnam,
00:34:14 un peu en Amérique latine
00:34:16 et un peu en Asie centrale.
00:34:20 J'ai rencontré le président de cette société
00:34:22 à plusieurs reprises pour lui demander
00:34:26 ou lui proposer des coopérations
00:34:28 avec des entreprises françaises,
00:34:30 et notamment cette entreprise Sifal.
00:34:31 Ca n'a jamais abouti,
00:34:33 mais à la suite de ces discussions,
00:34:35 il m'a proposé d'entrer au conseil de Zarubi à Genève.
00:34:38 Et j'ai considéré que c'était utile
00:34:41 au développement de mes activités professionnelles en Russie,
00:34:43 puisqu'au fond, mon projet, c'était de continuer
00:34:45 à développer ces activités de conseil
00:34:49 des entreprises françaises et européennes en Russie.
00:34:52 Et donc j'ai accepté,
00:34:53 et j'ai accepté d'autant plus facilement
00:34:55 qu'il n'y a strictement aucune friction
00:35:00 entre Zarubi à Genève et la France.
00:35:03 C'est une entreprise qui n'intervient pas en France,
00:35:05 qui n'a pas de rapport avec la France
00:35:09 et avec les entreprises pétrolières françaises,
00:35:11 puisque, comme je vous l'ai indiqué,
00:35:13 elle oeuvre pour l'essentiel en Asie
00:35:15 et un peu en Amérique latine.
00:35:18 Dans la foulée de cette nomination
00:35:22 au conseil de Zarubi à Genève,
00:35:24 j'ai été sollicité par le président de Novatec,
00:35:28 qui est la société pétrolière qui est associée avec Total
00:35:32 dans la gestion, notamment, des gisements gaziers de Yamal,
00:35:39 pour siéger au conseil d'administration
00:35:41 d'une société de pétrochimie privée qui s'appelle Sibourg.
00:35:45 Et donc j'ai accepté de siéger
00:35:47 au conseil d'administration de cette société,
00:35:49 où j'étais en charge, ça vous fera sourire certains,
00:35:52 mais c'est comme ça,
00:35:54 de, j'allais dire, d'une certaine occidentalisation
00:35:58 de l'entreprise, c'est-à-dire de l'introduction
00:36:00 de critères environnementaux, sociaux et de gouvernance
00:36:06 dans la gestion de Sibourg.
00:36:09 Je ne vais pas pouvoir vous en dire beaucoup plus là-dessus,
00:36:11 pour une raison très simple, c'est que tout ça,
00:36:13 s'est passé à la fin de l'année 2021.
00:36:16 J'ai assisté à un conseil de la société Zarubi et Genève,
00:36:21 j'ai assisté à un conseil en visioconférence
00:36:24 pour cause de Covid de la société Sibourg,
00:36:27 et j'ai, dès l'invasion de l'Ukraine par la Russie,
00:36:35 donné ma démission de ces deux conseils d'administration.
00:36:40 -Je vous remercie.
00:36:41 Madame la rapporteur, vous avez la parole.
00:36:44 M. le Premier ministre...
00:36:46 (Propos inaudibles)
00:36:47 (...)
00:36:52 -Merci, M. le Président.
00:36:53 M. le Premier ministre, je voulais, dans un 1er temps,
00:36:58 vous demander si, dans le cadre des différents mandats
00:37:03 et fonctions éminentes que vous avez exercées,
00:37:07 notamment en tant que Premier ministre
00:37:11 du gouvernement de la République,
00:37:13 vous avez eu l'occasion de bénéficier
00:37:16 d'une sensibilisation de la part de nos services
00:37:20 sur les risques d'influence, d'incidence,
00:37:25 d'ingérence étrangère.
00:37:28 -Bien sûr, mais concernant un très grand nombre de pays.
00:37:34 Par exemple, je n'emmène jamais mon téléphone portable
00:37:39 ni mon ordinateur lorsque je me rends en Chine.
00:37:42 Voilà, donc évidemment, ce sont des précautions indispensables
00:37:47 et qui valent malheureusement pour un très grand nombre de pays
00:37:51 et, j'ai envie de dire, un nombre de plus en plus importants
00:37:54 de pays dans le monde.
00:37:57 (Propos inaudibles)
00:38:00 (...)
00:38:05 -Merci.
00:38:06 Vous nous avez donné des informations
00:38:10 sur les modalités et circonstances
00:38:14 avec lesquelles vous aviez été amené en 2021
00:38:20 à rejoindre les conseils d'administration
00:38:23 de 2 entreprises du secteur pétrochimique et pétrolier
00:38:30 de manière générale,
00:38:32 à la suite de rencontres et de mises en contact diverses.
00:38:40 Est-ce que vous ne pensez pas
00:38:45 que votre qualité d'ancien Premier ministre de la France
00:38:50 a joué plus qu'un rôle déterminant
00:38:53 dans le recrutement qui a été fait ainsi
00:38:58 de la part de ces 2 sociétés,
00:38:59 dont une est détenue à 100 % par l'Etat russe ?
00:39:02 -J'imagine que vous aurez à coeur de poser cette question
00:39:08 à beaucoup de responsables, de très hauts responsables,
00:39:11 certains que vous connaissez bien.
00:39:15 Evidemment que c'est mon expérience d'ancien Premier ministre
00:39:20 et d'ancien ministre qui est souhaitée
00:39:25 quand je siège dans un conseil d'administration en Russie
00:39:28 ou quand je siège dans une société d'investissement en France.
00:39:32 Et d'ailleurs, je pense que ce serait quand même utile
00:39:35 qu'on accepte de reconnaître
00:39:38 que le fait d'avoir été pendant 5 ans
00:39:40 chef du gouvernement vous donne une certaine expérience
00:39:43 et pas seulement un carnet d'adresses,
00:39:45 comme je l'entends écrit si souvent.
00:39:48 Quand on a exercé des fonctions de responsabilité,
00:39:52 politique d'abord,
00:39:54 de gestion de grande collectivité locale,
00:39:56 puis ensuite, de gouvernement,
00:39:58 on a un savoir-faire, une expérience,
00:40:00 une capacité à gérer des situations difficiles
00:40:04 qui est naturellement souhaitée par des entreprises.
00:40:08 Et à partir du moment où j'ai quitté la vie publique,
00:40:10 je veux le rappeler, je veux dire,
00:40:12 je suis une personne privée
00:40:13 et je mène ma carrière professionnelle,
00:40:15 comme je l'entends.
00:40:16 Si j'ai envie de vendre des rillettes sur la place Rouge,
00:40:18 je vendrais des rillettes sur la place Rouge.
00:40:20 Je le dis parce que cette idée
00:40:23 que parce que j'ai été Premier ministre,
00:40:25 je n'ai plus le droit
00:40:26 d'avoir quelque activité professionnelle que ce soit,
00:40:31 ce qui n'est pas du tout ce que vous avez dit,
00:40:32 mais c'est ce que pensent un certain nombre d'observateurs,
00:40:36 ça n'est pas pour moi acceptable.
00:40:40 La question que vous êtes fondée à me poser,
00:40:44 c'est la question de savoir
00:40:45 si c'est un cas d'ingérence étrangère ou pas.
00:40:48 Et moi, je vous réponds non.
00:40:50 Je vous réponds non pour 3 raisons.
00:40:52 La 1re raison, c'est que c'est moi qui suis allé en Russie
00:40:54 pour développer mes activités professionnelles en Russie
00:40:58 avant la déclaration de la guerre,
00:41:02 et donc ce n'est pas les Russes qui sont venus me chercher.
00:41:04 La 2e raison, c'est que les entreprises
00:41:07 dans lesquelles j'ai accepté de siéger
00:41:10 sont des entreprises pour lesquelles
00:41:12 il n'y a pas de relation stratégique avec la France, aucune.
00:41:17 Cybourg vend un peu de matériaux
00:41:21 qui servent à faire les pneus de vos voitures,
00:41:25 et quant à Zaroubi et Genève, il n'y en a pas du tout.
00:41:28 Et la 3e raison, et là, il faudra me croire sur parole,
00:41:33 c'est que mon parcours montre que je ne suis pas sensible
00:41:37 aux ingérences étrangères.
00:41:39 Et donc mes convictions sur la nécessité
00:41:43 d'une relation réaliste entre la France et la Russie
00:41:47 ne datent pas de l'époque
00:41:49 où j'ai siégé dans des conseils d'administration.
00:41:52 Elle a commencé en 1986,
00:41:55 à l'époque où la Russie s'appelait l'URSS.
00:41:58 Et donc personne ne peut espérer me faire changer d'avis
00:42:01 d'une manière ou d'une autre à cette occasion.
00:42:05 Et donc je considère qu'il n'y a là
00:42:07 aucune ingérence étrangère.
00:42:10 -Merci.
00:42:19 Vous avez vous-même abordé le sujet certes délicat
00:42:24 et sur lequel beaucoup de gens ont plein d'avis
00:42:27 des pistes de reconversion professionnelle
00:42:31 et d'évolution de parcours professionnel
00:42:33 pour d'anciens hauts responsables politiques
00:42:37 une fois quittés leurs fonctions politiques
00:42:39 et une fois qu'ils redeviennent des personnes privées.
00:42:43 Il y a des règles et des législations
00:42:46 qui peuvent être d'ailleurs différentes
00:42:48 d'un pays européen à l'autre.
00:42:51 Dans le cas de notre pays,
00:42:53 pensez-vous que le délai de 3 ans
00:42:55 durant lequel un ancien haut fonctionnaire
00:42:58 ou un ancien responsable politique
00:43:01 doit faire valider sa reconversion
00:43:03 par une instance déontologique est adapté ?
00:43:07 -Il me semble que c'est adapté.
00:43:14 Et en ce qui me concerne, c'est beaucoup plus que 3 ans,
00:43:16 puisque j'ai quitté mes fonctions exécutives en 2012.
00:43:19 Donc la question, on ne parle pas de délai de cet ordre.
00:43:27 Je pense qu'il serait tout à fait dommageable
00:43:31 de cantonner les responsables politiques
00:43:35 et les responsables d'administration
00:43:39 dans le secteur public jusqu'à la fin de leur jour.
00:43:42 Je pense que c'est pas sain.
00:43:44 Ca permet pas une bonne respiration de la vie politique.
00:43:47 On entend trop souvent dire
00:43:51 que c'est toujours les mêmes,
00:43:53 il n'y a pas de renouvellement.
00:43:56 Eh bien, je pense que l'interaction
00:43:58 entre le secteur privé et le secteur public,
00:44:02 qui est d'ailleurs la caractéristique, par exemple,
00:44:03 de la politique américaine, ne me choque pas.
00:44:07 -Et dernière question qui vient en réalité
00:44:18 en complément de ce que nous venons d'aborder.
00:44:22 Que pensez-vous de l'idée selon laquelle
00:44:26 pourrait être listé un sombre de catégories,
00:44:31 de secteurs économiques,
00:44:33 voire de zones géographiques ou de pays
00:44:36 avec lesquels il pourrait y avoir,
00:44:40 de la part d'anciens hauts fonctionnaires
00:44:42 ou d'anciens responsables politiques,
00:44:45 une possibilité de poursuivre ou d'entamer
00:44:49 un parcours professionnel, un parcours de reconversion ?
00:44:54 -Je suis totalement hostile.
00:44:57 Je ne sais pas si vous vous rendez compte
00:44:58 du rétrécissement progressif des libertés individuelles
00:45:02 auxquelles on assiste, avec à chaque fois
00:45:04 de bons raisonnements, des raisonnements qui sont...
00:45:08 Enfin, ou bien on est en conflit avec un Etat,
00:45:13 on n'a plus de relation diplomatique avec lui,
00:45:18 c'est un pays dangereux, et à ce moment-là,
00:45:21 naturellement, on ne peut pas y travailler,
00:45:25 ou bien on a des relations diplomatiques
00:45:29 et je ne vois pas de quel droit un Etat peut interdire
00:45:33 à ses ressortissants de travailler avec des Etats
00:45:37 avec lesquels on n'est pas en conflit.
00:45:39 Aujourd'hui, la situation est différente
00:45:41 puisqu'on est en conflit avec la Russie.
00:45:42 D'ailleurs, il y aurait beaucoup de choses à dire
00:45:45 sur ce conflit, et vous savez que j'ai une opinion
00:45:47 qui n'est pas forcément tout à fait la même
00:45:50 que celle qu'on entend à longueur d'émissions
00:45:53 sur les télévisions d'information.
00:45:56 Mais je ne m'exprime pas sur ce sujet,
00:45:58 et je ne m'exprimerai pas sur ce sujet,
00:46:00 parce que je considère que mon pays est en conflit
00:46:03 avec la Russie, à tort ou à raison,
00:46:06 il est en conflit avec la Russie.
00:46:07 Et ce qui compte pour moi, dans ces conditions-là,
00:46:11 c'est l'intérêt de mon pays, et donc je ne ferai rien
00:46:14 qui puisse gêner le gouvernement de mon pays
00:46:17 dans la gestion de ce conflit.
00:46:20 C'est ça, la règle qu'on doit s'appliquer,
00:46:23 et pas qu'une bureaucratie européenne ou française
00:46:28 se mette à découper les régions
00:46:31 où les uns ou les autres peuvent travailler.
00:46:34 D'autant qu'il y a, comme vous le savez,
00:46:36 une immense hypocrisie dans ces analyses,
00:46:40 puisque la manière dont on traite les pays,
00:46:44 quel que soit leur régime, n'est pas du tout la même.
00:46:47 Par exemple, comme la Chine est loin,
00:46:51 personne ne considère que la Chine est un problème.
00:46:54 Or, le régime chinois est bien plus dur.
00:46:56 Non, ça commence un peu depuis 2 ans,
00:47:00 et surtout parce que les Américains
00:47:01 sont en train de se rendre compte
00:47:02 qu'ils vont perdre le leadership mondial,
00:47:04 donc il y a une vraie compétition qui s'installe
00:47:07 et un risque de conflit majeur, d'ailleurs,
00:47:09 qui est, à mon avis, le seul vrai risque
00:47:12 de conflit mondial.
00:47:15 Mais enfin, jusqu'à maintenant,
00:47:17 il n'y avait pas la même sensibilité en Europe,
00:47:22 et en particulier dans les médias européens,
00:47:25 par rapport à la Russie et par rapport à la Chine.
00:47:27 Le régime chinois est un régime
00:47:29 qui est plus dur que le régime russe.
00:47:32 Et la Chine est, de mon point de vue,
00:47:36 et en disant ça, c'est pas une attaque contre la Chine,
00:47:38 c'est juste une constatation,
00:47:40 c'est une menace pour l'économie mondiale
00:47:45 et pour notre influence dans le monde
00:47:48 bien plus grande que la menace russe.
00:47:53 Qu'est-ce qu'on fait avec les pays du Golfe ?
00:47:56 Ce sont des régimes démocratiques.
00:47:59 L'Arabie saoudite est un régime démocratique.
00:48:02 L'Algérie est un régime démocratique.
00:48:06 Enfin, on peut continuer la liste,
00:48:07 et donc, voilà, attention à la manière
00:48:10 dont on cherche à encadrer
00:48:15 les activités privées, professionnelles
00:48:19 des uns et des autres.
00:48:21 La règle, pour moi, ça doit être la règle
00:48:23 de la nature de la relation diplomatique avec le pays.
00:48:28 -Merci, M. le Premier ministre.
00:48:34 La parole est à le vice-président Dumont.
00:48:37 -Merci, M. le Président, M. le Premier ministre.
00:48:40 Merci de vous présenter ici devant nous
00:48:43 pour répondre à nos questions.
00:48:45 C'est extrêmement intéressant d'avoir le point de vue
00:48:47 de quelqu'un qui a été aux affaires
00:48:48 pendant 5 ans sur ce phénomène des ingérences,
00:48:50 et j'aimerais en cela savoir où pour vous
00:48:53 se situe la frontière entre influence et ingérence.
00:48:58 Où est-ce que vous pouvez la définir ?
00:49:00 Est-ce que vous pouvez,
00:49:01 de votre point de vue d'ancien Premier ministre,
00:49:03 nous dire où vous la situez ?
00:49:05 Et si, à votre avis, la France,
00:49:09 et évidemment en particulier lors de votre passage à Matignon,
00:49:12 a pu franchir cette frontière à certains moments
00:49:16 en s'immisçant dans la vie et les affaires de pays étrangers.
00:49:20 Deuxième question, est-ce que ça vous est arrivé
00:49:23 lors de votre passage à Matignon
00:49:26 de déconseiller à des membres de votre exécutif
00:49:30 de se rendre dans tel ou tel pays
00:49:33 pour des risques potentiels d'ingérence
00:49:35 qui étaient identifiés par vos services ?
00:49:39 Ou avez-vous pu déconseiller à des parlementaires
00:49:42 ou des ministres, qu'ils soient en fonction en ce moment ou non,
00:49:45 de travailler à l'issue de leur mandat
00:49:48 ou parce qu'ils ont déjà terminé leur mandat à ce moment-là
00:49:50 avec telle ou telle entreprise étrangère
00:49:52 du fait des risques que cela pouvait comporter
00:49:55 qui avaient été une fois plus identifiés par vos services ?
00:49:58 Et en réalité, quelles étaient les mesures
00:50:01 qui ont été prises ou pu être prises
00:50:02 par votre gouvernement, par vos services
00:50:05 pour éviter les ingérences étrangères ?
00:50:08 Je vous remercie.
00:50:09 -Les ingérences étrangères, il y en a toujours eu,
00:50:12 il y en aura toujours.
00:50:13 On en a nous-mêmes pratiqué.
00:50:16 La question, c'est au fond de les identifier
00:50:20 et d'être capable de les combattre.
00:50:22 Ce qui, pour moi, est la frontière,
00:50:26 c'est quand un pays, par exemple, appelle
00:50:30 à voter pour un candidat à une élection présidentielle
00:50:35 ou quand un pays voudrait...
00:50:39 Alors, ce n'est plus possible aujourd'hui
00:50:42 dans notre pays en raison des règles,
00:50:44 mais c'est possible encore dans d'autres pays dans le monde
00:50:46 financer la vie politique.
00:50:49 Le reste, je veux dire qu'il y ait des télévisions
00:50:55 qui défendent le point de vue de la Russie,
00:50:58 du Qatar ou de je ne sais qui,
00:51:04 il faut juste le savoir et faire confiance
00:51:07 à la capacité de jugement de nos concitoyens
00:51:09 et à la pluralité de l'information
00:51:13 dans un pays comme le nôtre.
00:51:15 Donc la ligne qui ne doit pas être franchie,
00:51:17 c'est celle qui consiste à s'ingérer directement
00:51:20 dans la vie politique par des consignes de vote,
00:51:23 par le choix de candidat
00:51:25 ou par le financement de cette vie politique.
00:51:30 Est-ce que j'ai été amené à dire à des ministres
00:51:35 de Passecombe dans certains pays,
00:51:38 je cherche dans ma mémoire, mais je ne le crois pas,
00:51:42 nous avons eu avec le président Sarkozy
00:51:44 une grande interrogation
00:51:46 après l'affaire de la Géorgie,
00:51:48 donc en août 2008, je crois,
00:51:52 nous avions programmé...
00:51:58 Vous savez qu'il y a une instance
00:52:01 qu'on appelle la commission franco-russe,
00:52:04 qui est en fait la réunion des deux gouvernements.
00:52:07 Les deux gouvernements, presque au complet,
00:52:09 pas tout à fait au complet,
00:52:11 mais se réunissent de façon assez régulière,
00:52:13 je crois que c'était une fois tous les six mois,
00:52:16 une fois en Russie, une fois en France,
00:52:17 il y a ça avec d'autres pays
00:52:19 et ça existe depuis très longtemps.
00:52:22 Cette commission franco-russe devait se tenir à Sochi
00:52:25 début septembre et on a très longtemps hésité
00:52:29 avant de la maintenir,
00:52:30 compte tenu de ce qui venait de se passer en Géorgie.
00:52:34 On a finalement décidé de la maintenir
00:52:36 dans des conditions, j'allais dire, de distance,
00:52:41 ce qui me permet d'ailleurs d'évoquer un sujet,
00:52:43 parce que j'entends souvent dire
00:52:45 que j'ai des relations personnelles
00:52:47 avec le président Poutine.
00:52:49 J'ai eu des relations intenses, professionnelles
00:52:53 avec le président Poutine, pas de relations personnelles.
00:52:57 Je n'ai jamais participé à quelques manifestations privées
00:53:01 que ce soit, parce que ça, pour moi,
00:53:03 c'est une ligne qui ne doit pas être franchie,
00:53:06 en tout cas, tant qu'on est un responsable politique.
00:53:11 Est-ce que j'ai des souvenirs d'ingérence française ?
00:53:14 D'abord, si j'en avais, je ne vous les dirais pas.
00:53:17 Il nous est quand même arrivé dans certains pays africains
00:53:21 de se mêler un peu de ce qui ne nous regardait pas.
00:53:23 Au Liban, parfois aussi un peu.
00:53:27 J'ai envie de dire que ça continue,
00:53:29 avec un succès qui n'est pas fantastique.
00:53:33 Mais les Anglais sont des grands spécialistes
00:53:36 de l'ingérence étrangère.
00:53:38 Les Anglais ont une diplomatie remarquable
00:53:41 et une capacité à agir à travers le monde,
00:53:45 ou ils avaient en tout cas une capacité
00:53:47 à agir à travers le monde considérable.
00:53:49 Les Américains aussi.
00:53:51 Je sais bien que quand il s'agit d'alliés,
00:53:53 ce n'est pas le même sujet que quand il s'agit d'adversaires.
00:53:56 Mais si je peux raconter une anecdote,
00:53:59 lorsque j'ai créé ce conseil international
00:54:02 pour la société d'investissement Ticket au Capital,
00:54:07 où j'avais donc recruté celle qui est aujourd'hui
00:54:09 la patronne des services de renseignement américains,
00:54:11 Avery Lanes, un jour, nous avions une discussion
00:54:14 sur la question de savoir si on devait investir,
00:54:17 si on pouvait investir chez Huawei,
00:54:21 chez les Chinois Huawei.
00:54:24 Madame Haynes et un certain nombre d'autres personnes
00:54:26 autour du conseil se sont mis à pousser des cris d'orfraie
00:54:30 en disant qu'on ne peut pas investir
00:54:31 chez des gens qui nous écoutent.
00:54:33 Et donc là, je me suis permis de dire
00:54:35 que la NSA m'avait écouté pendant 5 ans.
00:54:38 Alors vous allez me dire que les objectifs ne sont pas les mêmes.
00:54:41 Oui, c'est vrai, effectivement.
00:54:43 Mais enfin, quand même, il y a un sujet
00:54:46 qui mérite que votre commission,
00:54:49 parce qu'elle travaille sur les ingérences étrangères,
00:54:53 fasse une analyse globale.
00:54:56 -Merci, monsieur Dumont. Est-ce que vous avez une autre question ?
00:55:02 Je passe la parole à monsieur Bayou.
00:55:05 -Question. Est-ce que je l'ai fait en séquence ?
00:55:15 -Vous l'avez fait, ce qui vous semble le plus adapté
00:55:18 pour obtenir la réponse qui vous satisfira.
00:55:22 -Merci, monsieur le Premier ministre,
00:55:24 de participer à cette audition.
00:55:26 Je voulais revenir d'abord sur vos propos.
00:55:30 Vous dites "J'ai pas été concerné directement
00:55:32 "par une ingérence russe", et je comprends votre point de vue.
00:55:35 Comprenez le mien.
00:55:37 Est-ce que vous estimez pas que par le fait
00:55:41 que l'ancien Premier ministre soit recruté
00:55:42 par des conseils d'administration d'entreprises russes
00:55:44 proches du pouvoir, en tout cas décrites comme telles,
00:55:46 est-ce que c'est pas vous faire le bras, finalement,
00:55:49 de l'ingérence quand on se met au service
00:55:51 des intérêts financiers russes proches de l'Etat russe ?
00:55:54 Je sais que vous faites la distingo sur la question diplomatique,
00:55:58 mais si ce n'est pas pour votre carnet d'adresse
00:56:05 et votre expérience acquise lors de votre mandat
00:56:08 de Premier ministre, alors, finalement,
00:56:10 pourquoi vous ont-ils recruté ?
00:56:12 Et est-ce que c'est pas vraiment trop simple, pour le coup,
00:56:16 de dire "Je suis une personne privée" ?
00:56:18 Je précise que si j'avais devant moi Dominique de Villepin,
00:56:21 également ancien Premier ministre, également ancien avocat,
00:56:24 et qui a ensuite basculé sa société
00:56:27 en société de lobbying internationale,
00:56:28 je lui dirais la même chose.
00:56:30 Est-ce que vous ne pensez pas que, contrairement
00:56:34 à des fonctionnaires de haut niveau,
00:56:36 mais évidemment moins expérimentés, on va dire,
00:56:40 qu'un ancien Premier ministre,
00:56:41 il y a une responsabilité supérieure,
00:56:43 ne serait-ce que parce que vous avez connaissance de secrets,
00:56:47 vous en avez évoqué quelques-uns, je ne vous en demande pas plus,
00:56:50 mais de secrets que je ne vous demande pas,
00:56:53 ici, ils ne vous sont pas demandés,
00:56:55 mais sous couvert du secret professionnel
00:56:58 et notamment de l'avocat,
00:57:00 eh bien, vous pouvez en faire bénéficier des entreprises.
00:57:04 Voilà pour une première question.
00:57:05 Est-ce que le fait de travailler tout simplement
00:57:07 pour une puissance économique étrangère
00:57:10 ne relève pas de l'ingérence sur le haut ?
00:57:12 -C'est pas du tout mon avis.
00:57:19 Je ne suis pas avocat, d'ailleurs,
00:57:21 donc je ne suis pas protégé par le secret professionnel.
00:57:27 Les entreprises dans lesquelles j'aurais exercé des fonctions,
00:57:30 puisque je ne les ai pas exercées,
00:57:33 étaient des entreprises qui, je vous l'ai dit,
00:57:36 n'avaient aucun intérêt stratégique
00:57:40 en compétition avec la France.
00:57:43 Et j'ai dit tout à l'heure que, naturellement,
00:57:46 les entreprises, qu'elles soient russes ou américaines,
00:57:49 puisque j'ai aussi siégé dans des conseils américains,
00:57:52 s'intéressent à vous parce que vous avez cette expérience-là.
00:57:55 Bien entendu, je n'ai pas dit le contraire.
00:57:58 Parce que vous avez une expérience globale,
00:58:00 une vision du monde,
00:58:02 une capacité à en comprendre le fonctionnement,
00:58:05 une analyse des situations économiques.
00:58:09 Et tant que la relation entre la France et la Russie
00:58:12 était une relation normale,
00:58:15 je ne vois pas d'obstacle, de mon point de vue,
00:58:19 à participer à ces conseils.
00:58:21 -Merci.
00:58:25 Sur l'entreprise que vous aviez créée en juin 2012,
00:58:30 2F Conseil, donc c'était effectivement pas avocat,
00:58:32 mais conseil, je me souviens,
00:58:34 vous l'aviez créée 10 jours avant que ce soit plus possible,
00:58:37 puisque vous l'aviez créée juste avant
00:58:39 de devenir député.
00:58:42 Ensuite, c'était incompatible.
00:58:45 Et je me souviens qu'en 2016,
00:58:47 alors que vous étiez candidat à la présidentielle,
00:58:49 nous n'avions, en tant que vos opposants,
00:58:52 mais même en tant que citoyens lambda,
00:58:55 pas la possibilité de savoir qui étaient vos clients,
00:58:58 et du fait de savoir qui finançait,
00:59:00 directement ou indirectement, votre campagne,
00:59:03 ou en tout cas votre train de vie,
00:59:06 et pour qui vous aviez travaillé.
00:59:08 Et peut-être à qui deviez-vous...
00:59:11 Peut-être pas à les gens, parce que le mot est un peu fort,
00:59:13 mais en tout cas, reconnaissance
00:59:16 et le fait d'avoir exercé votre travail.
00:59:19 Moi, j'y voyais un problème de transparence démocratique.
00:59:23 Les différents candidats, on savait qui ils étaient
00:59:26 et d'où venaient leurs moyens, mais pas vous.
00:59:31 Et avec le recul, j'y vois aussi une question de souveraineté
00:59:34 de la France et d'indépendance.
00:59:38 On n'a pas eu du tout le détail de ces clients
00:59:42 ni même de ces activités,
00:59:43 et tout ce qui a pu ressortir dans la presse,
00:59:46 c'était que c'était le produit de conférences.
00:59:49 Donc j'ai deux questions.
00:59:51 Quelles étaient les activités de votre société,
00:59:53 qui est aujourd'hui dissoute et qui est peut-être
00:59:55 moins protégée par ce secret des affaires,
00:59:56 en tout cas, vous vous en êtes délié.
00:59:59 Et est-ce que vous pourriez nous donner le nom de ces clients
01:00:01 pendant ces 5 ans ?
01:00:04 -Pardon, deux choses. D'abord, pour pas tout mélanger,
01:00:07 aucune de ces activités n'a financé mes campagnes.
01:00:11 Les campagnes sont financées selon des règles
01:00:13 extrêmement strictes.
01:00:14 Mes comptes de campagne ont été validés.
01:00:16 Il n'y a pas un euro qui ait été, de mes comptes de campagne,
01:00:22 qui ait été financé par mes activités professionnelles.
01:00:25 Deuxième réponse.
01:00:29 Je pensais que vous étiez un observateur plus attentif
01:00:31 de la presse, parce que, franchement,
01:00:33 la quasi-totalité de la liste de mes clients
01:00:36 m'a été jetée en pâture un très grand nombre de fois.
01:00:40 Et d'ailleurs, il y a même eu une instruction judiciaire.
01:00:42 C'est pour ça que je vais être assez bref sur le sujet.
01:00:46 En 2017, le juge d'instruction a inclus
01:00:50 dans l'instruction judiciaire me concernant
01:00:53 toutes mes activités professionnelles.
01:00:55 Et donc, l'ensemble de mes contrats, de mes clients,
01:00:59 de mes comptes ont fait l'objet de l'analyse
01:01:03 de ce juge d'instruction, qui, comme chacun sait,
01:01:06 est assez précis dans sa manière de conduire les instructions.
01:01:11 Et aucun de ces sujets n'a été retenu à charge contre moi.
01:01:16 C'est-à-dire que sur toutes les questions liées
01:01:19 à mon activité professionnelle, j'ai obtenu un non-lieu,
01:01:23 ce qui fait que c'est une chose jugée
01:01:24 et que, donc, je n'ai pas de commentaires à faire
01:01:29 pour ne pas complètement...
01:01:34 Comment dirais-je ?
01:01:37 Vous décevoir.
01:01:39 Les clients, c'était AXA, c'était...
01:01:43 la Société de la Charrière, c'était...
01:01:51 J'avais une activité avec Total.
01:01:56 Il y avait un certain nombre de groupes français importants
01:01:59 pour lesquels j'avais conduit des missions.
01:02:02 La banque...
01:02:04 Une banque française, une banque d'affaires française importante
01:02:10 qui a racheté une banque en Allemagne.
01:02:13 Voilà, ça me reviendra.
01:02:15 Que j'avais aidé, par exemple, auprès des autorités allemandes
01:02:19 pour aider à planir un certain nombre d'obstacles
01:02:24 qu'il y avait dans le rachat de cette banque allemande
01:02:26 par une banque française.
01:02:28 Tous ces sujets ont fait l'objet de l'instruction judiciaire
01:02:31 et n'ont donné lieu à aucune charge.
01:02:34 -Une dernière question sur un sujet différent,
01:02:41 mais qui intéresse notre commission.
01:02:43 On a auditionné l'ancien ambassadeur de France en Russie,
01:02:46 Jean-Maurice Ripert, qui était en poste
01:02:50 après votre mandat de Premier ministre.
01:02:51 Je précise, il n'y a pas de confusion dans les dates.
01:02:55 Il nous a expliqué que la Russie,
01:02:57 en tout cas le Kremlin ou des proches,
01:03:01 les termes précis, c'était que des membres
01:03:02 de partis politiques français venaient en Russie
01:03:04 et repartaient ou en tout cas venaient
01:03:06 pour financer leur campagne.
01:03:08 Il a été relativement prudent lors de cette commission,
01:03:12 mais il a néanmoins précisé
01:03:14 qu'il parlait de membres du Front national.
01:03:17 Est-ce que vous en avez eu vent
01:03:19 du fait que des membres,
01:03:22 hommes ou femmes politiques français,
01:03:24 allaient chercher en Russie,
01:03:26 peut-être du temps où vous étiez Premier ministre ou après,
01:03:29 un financement ?
01:03:30 Est-ce que vous en aviez eu vent ?
01:03:31 Et est-ce que vous pensez que ça,
01:03:33 c'est une ingérence d'une puissance étrangère,
01:03:35 le fait de financer un parti politique français ?
01:03:38 -Alors, à la dernière question, je réponds oui,
01:03:41 et je l'ai dit tout à l'heure.
01:03:42 Je pense que ça, c'est un sujet d'ingérence.
01:03:45 En revanche, je n'ai eu aucune connaissance
01:03:48 d'une ingérence de ce type
01:03:50 lorsque j'étais Premier ministre.
01:03:51 Après, je ne sais pas.
01:03:53 Mais vous êtes vous-même
01:03:57 engagé dans la vie politique,
01:03:59 donc vous avez vécu des campagnes présidentielles.
01:04:01 Les règles de financement des campagnes présidentielles
01:04:04 sont aujourd'hui tellement strictes
01:04:07 que je ne vois pas comment est-ce que
01:04:11 une puissance étrangère peut financer
01:04:13 une campagne présidentielle.
01:04:14 Je ne vois pas.
01:04:15 Autrefois, oui, ça a beaucoup existé.
01:04:20 Aujourd'hui, les règles sont d'une très grande rigueur
01:04:23 et elles sont examinées par les autorités compétentes
01:04:28 avec une rigueur encore plus grande.
01:04:30 Donc vraiment, je serais extrêmement étonné
01:04:34 que de l'argent provenant de l'étranger,
01:04:38 de manière significative, puisse aboutir
01:04:42 dans les comptes de campagne d'un candidat.
01:04:45 -Je vous remercie.
01:04:49 M. Saint-Aulp, avez-vous le temps de poser votre question ?
01:04:51 Vous avez la parole.
01:04:53 -Merci, M. le président.
01:04:54 Merci, M. le Premier ministre.
01:04:56 Quelques simples questions.
01:04:58 Comment caractérisez...
01:05:00 Bon.
01:05:01 Comment définiriez-vous les relations
01:05:04 entre les entreprises pour lesquelles vous étiez...
01:05:06 Russes, pour lesquelles vous étiez censés travailler
01:05:09 et le gouvernement russe lui-même ?
01:05:12 Vous avez précisé que Zahoubi et Genève
01:05:14 n'opèrent pas en France et que, de ce point de vue,
01:05:17 ça ne vous plaçait pas dans une situation
01:05:18 de conflit d'intérêts.
01:05:20 Est-ce que, d'une façon un peu triviale,
01:05:22 vous pourriez nous préciser, dans ces cas-là,
01:05:23 ce que vous pouviez apporter à Zahoubi et Genève ?
01:05:28 Je ne fais pas l'injure à vos compétences
01:05:29 et même à votre capacité à comprendre le monde,
01:05:31 mais si leurs activités sont plutôt en Asie,
01:05:35 voilà, on peut se demander quelle est la plus-value.
01:05:38 Et est-ce que vous pourriez préciser un peu
01:05:40 les étapes du processus de recrutement ?
01:05:43 Parce que l'évocation que vous en avez faite
01:05:45 est très affinitaire, j'ai envie de dire.
01:05:46 Vous avez rencontré le PDG, et puis les choses se sont faites.
01:05:50 Est-ce que vous pourriez rentrer un peu plus dans le détail,
01:05:52 s'il vous plaît ?
01:05:53 -Alors, d'abord, il faut préciser ce que c'est.
01:05:56 Un conseil d'administration, ce n'est pas une fonction exécutive.
01:06:00 Toutes les entreprises du monde ont des conseils d'administration
01:06:04 dans lesquels il y a des administrateurs qui siègent,
01:06:06 en général, 3 fois, 4 fois, 5 fois dans l'année.
01:06:11 Ils apportent leur regard, leur jugement.
01:06:17 Ils sont membres des comités d'audit, censeurs.
01:06:21 Ce n'est pas des fonctions exécutives.
01:06:24 Donc c'est des fonctions de contrôle,
01:06:27 où, au fond, chacun, à partir du moment
01:06:29 où il a une certaine compétence et une certaine connaissance
01:06:33 du fonctionnement des affaires, peut apporter sa plus-value.
01:06:37 2e remarque, la société Zaro-Biège-Neves
01:06:40 est une société d'Etat, c'est incontestable.
01:06:43 Et donc le processus a été une sollicitation
01:06:47 du directeur de cette entreprise,
01:06:51 une discussion autour de la mission,
01:06:55 des contraintes, du rythme de réunion, etc.,
01:06:59 et ensuite, une nomination par décret,
01:07:03 puisque en Russie, c'est comme ça que ça fonctionne.
01:07:06 Qu'est-ce que je pouvais apporter à Zaro-Biège-Neves ?
01:07:10 Un regard sur la situation internationale.
01:07:14 On a évoqué tout à l'heure l'Asie.
01:07:18 J'ai, par exemple, développé des activités
01:07:22 pour le Fonds d'investissement français,
01:07:24 dont j'étais partenaire en Asie, au Japon, à Singapour.
01:07:29 Voilà, j'ai changé de...
01:07:32 Comment dirais-je ? J'ai changé de vie,
01:07:35 j'ai fait autre chose aujourd'hui, et je vais beaucoup en Asie.
01:07:39 Et quant à la société Cibourg,
01:07:44 c'est une société absolument privée,
01:07:46 où, comme je vous l'ai dit tout à l'heure,
01:07:48 on m'avait demandé d'être au Conseil,
01:07:51 une sorte de référent sur les sujets d'environnement,
01:07:56 de gouvernance et sur les sujets sociaux.
01:08:00 Je vous ai dit que je ne pouvais pas vous en dire plus,
01:08:02 car je n'ai jamais siégé dans ces entreprises.
01:08:05 D'ailleurs, je précise un point,
01:08:07 c'est que je n'ai jamais touché un centime d'argent
01:08:12 venu de Russie dans toute ma vie politique.
01:08:16 Et privé, jamais.
01:08:18 Vous allez me dire, si j'avais continué à être membre
01:08:20 de ces 2 conseils d'administration,
01:08:22 j'aurais naturellement été rémunéré,
01:08:24 comme tous les membres de conseils d'administration,
01:08:26 mais comme j'ai démissionné dans les conditions que vous savez,
01:08:30 ça n'a pas été le cas.
01:08:31 Donc je n'ai jamais touché un centime d'argent
01:08:35 en provenance de Russie.
01:08:37 -Vous êtes prêt ?
01:08:44 -Merci de vos réponses.
01:08:46 Une dernière question.
01:08:48 Vous avez parlé de votre travail
01:08:50 pour une société d'intelligence artificielle étatsunienne.
01:08:53 Et dans le même temps, vous avez précisé
01:08:54 à quel point les Etats-Unis vous semblaient, à la rigueur,
01:08:57 plus ingérants que n'importe quelle autre puissance.
01:09:02 Est-ce que vous pourriez nous expliquer
01:09:04 dans quelle mesure, finalement, cette société-là
01:09:09 ne vous plaçait pas dans une forme de société
01:09:11 ou ne vous plaçait pas dans une forme de conflit d'intérêts
01:09:14 plus important, dans la mesure où on comprend
01:09:18 qu'il s'agit d'un enjeu stratégique,
01:09:21 l'intelligence artificielle,
01:09:23 et que, d'une certaine façon,
01:09:26 permettre aux Etats-Unis de maintenir leur situation hégémonique
01:09:30 dans ce domaine-là, ou en tout cas, de leur leadership très fort,
01:09:34 c'est une forme d'aide qui est peut-être curieuse.
01:09:41 -D'abord, j'ai évoqué tout à l'heure
01:09:43 l'ingérence américaine à travers le principe d'extéritorialité.
01:09:50 Je ne place pas ça sur le même plan
01:09:53 que l'ingérence de pays autoritaires,
01:09:57 mais je voulais tout à l'heure dire
01:09:59 que c'est quand même un énorme sujet
01:10:01 pour l'économie française et pour l'économie européenne
01:10:03 que d'être... Au fond, aujourd'hui,
01:10:05 si vous êtes le patron d'une grande entreprise européenne,
01:10:08 vous avez deux souverainetés à respecter.
01:10:11 Vous avez la souveraineté nationale et européenne,
01:10:15 et puis vous avez la souveraineté américaine
01:10:16 qui s'impose à vous en tout état de cause.
01:10:19 Il y a un livre magnifique sur ce sujet
01:10:22 écrit par un ancien cadre d'Alstom
01:10:25 qui a fait quelques mois de prison aux Etats-Unis
01:10:29 dans des conditions, d'un point de vue juridique,
01:10:33 parfaitement scandaleuses.
01:10:35 Mais la différence, évidemment, par rapport à la Russie,
01:10:38 c'est que les entreprises américaines
01:10:41 ne sont pas liées à ce travail d'ingérence.
01:10:45 Ce sont des entreprises privées qui n'ont pas de lien,
01:10:48 en tout cas pour un grand nombre d'entre elles,
01:10:50 qui n'ont pas de lien avec le gouvernement américain.
01:10:53 Et l'entreprise dans laquelle j'ai travaillé, siégée
01:10:56 pendant 5 ou 6 ans
01:11:00 faisait une forme d'intelligence artificielle
01:11:04 qui n'était pas très stratégique, mais qui est assez utile,
01:11:07 qui consiste à mettre de l'intelligence artificielle
01:11:09 dans la relation téléphonique que vous avez
01:11:13 avec votre fournisseur.
01:11:15 Quand vous appelez votre banque,
01:11:17 vous appelez votre opérateur téléphonique,
01:11:19 au lieu de faire le 1, faire le 2, faire le 3,
01:11:22 cette entreprise met de l'intelligence artificielle
01:11:25 dans le système, c'est-à-dire que quand vous appelez
01:11:28 toutes les informations vous concernant, on remonte,
01:11:31 ce qui, dans notre pays, n'est pas très stratégique,
01:11:33 ce qui n'est pas très important, parce qu'il y a des règles
01:11:36 de protection de la vie privée qui sont très strictes,
01:11:38 mais aux Etats-Unis, c'est gigantesque.
01:11:40 Par exemple, aux Etats-Unis, on va savoir
01:11:43 quel est le niveau de revenu de l'immeuble
01:11:46 dans lequel vous habitez.
01:11:48 A partir de là, le système d'intelligence artificielle
01:11:50 essaye de prédire les questions que vous allez poser
01:11:53 et surtout d'imaginer les produits que vous pourriez acheter.
01:11:58 Et là où ça devient très sophistiqué,
01:12:00 c'est que l'intelligence artificielle
01:12:01 va choisir l'opérateur qui va vous répondre,
01:12:05 parce que c'est celui qui est le plus à même.
01:12:07 Vous voyez que c'est pas très stratégique.
01:12:09 -Merci, M. le Premier ministre. Mme Clapot, s'il vous plaît.
01:12:16 -Merci, M. le Président.
01:12:19 M. le Premier ministre, je vais avoir 3 questions pour vous.
01:12:23 Première question, j'ai sursauté tout à l'heure,
01:12:26 mais je pense que vous allez préciser votre pensée
01:12:30 à propos des oligarques.
01:12:32 Vous êtes un bon connaisseur de la vie économique russe
01:12:35 et la vie politique russe aussi,
01:12:37 et donc vous connaissez les liens étroits
01:12:39 qui existent entre oligarques et pouvoir,
01:12:42 des liens qui vont de la connivence à la haine
01:12:46 et qui ont d'ailleurs entraîné de façon surprenante
01:12:51 des décès, des accidents inexpliqués,
01:12:54 et en tout cas, avant ça, des emprisonnements.
01:12:57 Donc j'étais un peu surprise tout à l'heure
01:12:59 de vous entendre minimiser la différence
01:13:02 entre les oligarques russes
01:13:04 et les chefs d'entreprises occidentaux.
01:13:06 Donc est-ce que vous pourriez préciser votre pensée,
01:13:08 s'il vous plaît ?
01:13:09 -Ce que j'ai voulu dire, c'est qu'il faut pas...
01:13:12 Enfin, cette généralisation qui fait qu'il y a le bien d'un côté
01:13:15 et le mal de l'autre, il y a cette Russie épouvantable
01:13:17 qui a tous les défauts de la Terre
01:13:19 et puis l'Occident merveilleux et parfait
01:13:21 est une vision qui est évidemment fausse
01:13:23 et qui est évidemment inexacte.
01:13:25 Et donc il y a en Russie un système économique
01:13:28 qui est totalement vertical et dépendant de l'Etat, bien sûr,
01:13:32 mais c'est le cas en Arabie saoudite,
01:13:34 c'est le cas au Qatar, c'est le cas dans les Émirats,
01:13:37 c'est le cas en Chine.
01:13:39 En Chine, c'est un peu plus compliqué,
01:13:41 mais enfin, c'est quand même pas très loin du même système.
01:13:46 Et ce que j'ai voulu dire tout à l'heure,
01:13:47 c'est que traiter tous les chefs d'entreprises russes
01:13:49 de la même façon,
01:13:50 penser que parce qu'ils sont chefs d'entreprises
01:13:52 et qu'ils ont réussi, c'est tous des...
01:13:54 Je sais pas, des corrompus, des gens...
01:13:58 totalement inféodés au pouvoir, je trouve que c'est injuste.
01:14:01 Et ça ne correspond pas à la réalité.
01:14:02 Il y a des chefs d'entreprises de qualité en Russie
01:14:05 et il y en a d'autres qui sont enrichis dans des conditions
01:14:08 qui sont des conditions discutables,
01:14:10 qui d'ailleurs étaient assez liées, si vous vous en souvenez,
01:14:13 à la manière dont la Russie a été prise en main
01:14:20 par tous les organismes de conseil anglo-saxons
01:14:23 au moment de la chute de l'Union soviétique,
01:14:26 parce que c'est là que ça s'est passé.
01:14:28 L'Union soviétique s'est effondrée.
01:14:30 Beaucoup d'Américains sont arrivés en Russie
01:14:34 pour expliquer aux Russes
01:14:36 comment faisait fonctionner l'économie libérale.
01:14:39 Et c'est comme ça qu'ont commencé à s'installer
01:14:41 les premiers oligarques en accaparant des richesses
01:14:45 qui n'ont pas contribué à créer par leur propre intelligence
01:14:49 ou par leur propre travail.
01:14:50 Mais aujourd'hui, il faut distinguer,
01:14:53 parmi les responsables russes,
01:14:55 puisqu'il y en a qui sont tout à fait dans ce schéma-là,
01:14:58 il y en a d'autres qui sont des gens de qualité.
01:15:01 Et j'ai rencontré, notamment dans l'entreprise Sibourg,
01:15:05 toute une classe de dirigeants de moins de 40 ans,
01:15:11 beaucoup formés, d'ailleurs, dans les pays occidentaux,
01:15:14 qui sont des gens tout à fait comparables
01:15:17 à ceux qui gèrent les entreprises occidentales.
01:15:19 C'était ça, la nuance que je voulais apporter.
01:15:22 Mais je ne nie pas du tout qu'il y ait un système vertical
01:15:28 dirigé par le pouvoir.
01:15:30 Voilà, dans d'autres pays, c'est des familles.
01:15:33 Si on prend l'Arabie saoudite ou le Qatar,
01:15:35 c'est tous les membres de la famille royale
01:15:37 qui possèdent les entreprises du pays.
01:15:39 C'est une autre façon de concevoir les choses.
01:15:42 -Vous pouvez couper votre... -Merci.
01:15:48 Merci. 2e question.
01:15:52 Lors des premières auditions de cette commission d'enquête,
01:15:56 nous avons entendu des experts, des universitaires
01:15:59 qui ont attiré...
01:16:02 Nous avons entendu des experts, des universitaires
01:16:04 qui ont attiré notre attention sur les ressorts humains
01:16:08 qui peuvent amener quelqu'un à céder aux sirènes de la corruption
01:16:13 ou des approches et donc des tentatives d'ingérence.
01:16:17 En particulier, ce sont le besoin de reconnaissance,
01:16:22 le besoin d'argent.
01:16:23 Ca nous a été bien expliqué par les experts.
01:16:26 Alors, vous qui avez observé vos semblables français
01:16:29 quand vous étiez aux affaires,
01:16:31 et puis vos collègues russes,
01:16:35 est-ce que vous avez constaté des tentatives d'ingérence
01:16:39 basées sur ces ressorts humains
01:16:41 dans les personnes que vous avez côtoyées ?
01:16:44 J'ai dit tout à l'heure que je n'avais pas eu directement
01:16:48 connaissance d'ingérence comme cela.
01:16:49 Enfin, on imagine bien qu'il y a des gens
01:16:51 qui peuvent être tentés
01:16:53 par des propositions financières alléchantes.
01:16:57 Autrefois, en URSS, il y avait d'autres méthodes
01:16:59 pour attirer les Occidentaux
01:17:01 dans les filets du Parti communiste.
01:17:06 Je me souviens que dans la première mission
01:17:08 que j'ai conduite en Union soviétique,
01:17:09 nous avions été confrontés à ce risque-là.
01:17:12 Et oui, bien sûr, c'est une réalité,
01:17:16 mais je n'en ai jamais rencontré
01:17:17 qui soit d'une dimension telle qu'on me les fait remonter.
01:17:21 Donc, ce n'est pas, pour moi, une généralité.
01:17:25 Et je crois vraiment,
01:17:27 alors ça, c'est vraiment une conviction profonde,
01:17:29 que le risque de corruption en Russie
01:17:35 est élevé, mais pas plus que dans les autres pays
01:17:40 avec des régimes équivalents dans le monde.
01:17:43 Et je trouve que cette focalisation sur la Russie
01:17:47 est dommageable, parce que, d'une certaine façon,
01:17:50 elle ne nous fait pas voir les dangers qui sont ailleurs.
01:17:54 -Mme Clapaud, vous avez encore une question ?
01:18:01 -Une dernière question qui sera plus courte.
01:18:04 Donc, si je retrace la chronologie
01:18:06 de l'invasion de l'Ukraine par la Russie
01:18:09 le 24 février 2022,
01:18:11 et vous démissionnez de vos fonctions
01:18:12 le 25 février 2022,
01:18:15 avec 14 mois de recul aujourd'hui,
01:18:17 est-ce que vous jugez qu'il y avait des signes avant-coureurs
01:18:21 à cette catastrophe absolue
01:18:24 qui auraient pu vous amener à considérer
01:18:28 que la ligne rouge était franchie plus tôt
01:18:30 et à démissionner plus tôt ?
01:18:33 -Je pourrais vous répondre d'une manière différente
01:18:36 en vous disant qu'il y avait des risques avant-coureurs
01:18:38 qui auraient pu aussi nous conduire à prendre des mesures
01:18:42 pour éviter cette catastrophe absolue.
01:18:44 Mais comme j'ai dit tout à l'heure
01:18:45 que je ne viendrai pas aujourd'hui gêner l'action du gouvernement
01:18:49 par des jugements sur la façon dont toute cette affaire
01:18:53 a été gérée, je m'abstiendrai.
01:18:55 Je me suis trompé sur un point.
01:18:58 Je le reconnais bien volontiers.
01:19:00 J'étais convaincu que le président Poutine
01:19:05 ne passerait pas à l'acte.
01:19:07 Et la veille de l'invasion,
01:19:10 j'ai eu une discussion avec le vice-premier ministre
01:19:14 en charge de l'énergie,
01:19:16 puisque j'avais entrepris, notamment avec Sifald,
01:19:19 d'organiser à Paris
01:19:23 une sorte de forum ou de colloque
01:19:26 réunissant des entreprises russes
01:19:28 et toutes les grandes entreprises françaises
01:19:30 intéressées autour de la question de l'hydrogène,
01:19:33 de la production de l'hydrogène propre, etc.
01:19:36 Et il ressortait de cette discussion.
01:19:41 Je ne sais pas si vous vous souvenez du timing,
01:19:43 mais une partie des forces russes qui étaient massées,
01:19:47 qui faisaient des exercices à la frontière ukrainienne
01:19:50 avait été retirée.
01:19:51 Et tout le monde avait pensé
01:19:52 que c'était le signe d'une forme de détente.
01:19:56 Et c'était exactement le climat de l'entretien que j'avais
01:19:58 la veille de cette invasion.
01:20:03 Je pense que oui,
01:20:06 parce que quand on réfléchit
01:20:10 à cette décision d'invahir l'Ukraine,
01:20:14 elle est terrible.
01:20:15 Elle est terrible pour tout le monde,
01:20:17 mais elle est d'abord terrible pour la Russie.
01:20:18 Et donc c'est une erreur,
01:20:20 c'est une faute qui a été commise par la Russie
01:20:24 qui va avoir des conséquences à très long terme
01:20:27 pour elle, pour l'Ukraine, pour l'Europe.
01:20:30 Et le président Poutine que je connaissais,
01:20:35 puisque moi, je l'ai rencontré de manière intense
01:20:38 entre 2007 et 2012,
01:20:42 je l'ai revu dans des manifestations publiques
01:20:46 deux fois entre 2012 et 2017.
01:20:51 Et je l'ai vu une fois après 2017, en 2018.
01:20:57 Je participais au Conseil mondial
01:21:02 de la Fédération internationale de l'automobile,
01:21:05 dont j'étais un des vice-présidents.
01:21:07 Le Conseil mondial se tenait à Saint-Pétersbourg,
01:21:10 et le président Poutine,
01:21:13 apprenant que j'étais à Saint-Pétersbourg,
01:21:15 a demandé à me voir.
01:21:17 Donc je me suis allé le voir,
01:21:19 et en allant vers Moscou,
01:21:22 je me demandais de quoi est-ce qu'on allait parler,
01:21:25 et je n'avais aucune responsabilité.
01:21:28 Donc je cherchais les thèmes de l'entretien.
01:21:33 Et j'ai choisi, en arrivant à cet entretien,
01:21:38 de lui dire que la situation d'isolement diplomatique
01:21:42 dans laquelle la Russie s'installait
01:21:45 à cause du conflit au Donbass
01:21:48 et de la question de la Crimée était une impasse,
01:21:52 et qu'il fallait qu'il ouvre le dialogue diplomatique
01:21:56 pour essayer de sortir de cette impasse.
01:21:58 Et je me souviens toujours de sa réponse.
01:22:01 Il m'a regardé avec un air dubitatif,
01:22:04 et il m'a dit "Ah oui, et avec qui je parle ?"
01:22:07 Et donc là, je n'avais pas réfléchi
01:22:09 à cette question suffisamment,
01:22:11 donc j'ai passé en revue dans ma tête
01:22:14 la totalité des chefs de gouvernement européens,
01:22:16 et j'ai fini par lui dire
01:22:19 "Il faut parler avec le président Macron."
01:22:21 Et en rentrant de ce voyage,
01:22:23 j'ai appelé le président Macron
01:22:26 pour le tenir informé de cet échange
01:22:30 et lui indiquer qu'il y avait, de mon point de vue,
01:22:34 une voie de dialogue avec la Russie
01:22:36 qu'il fallait ouvrir.
01:22:38 Voilà, c'est tout ce que je peux vous dire à ce niveau.
01:22:44 Je pense qu'il y avait des solutions pour éviter cette crise.
01:22:47 On a réussi à stopper la Russie en Géorgie.
01:22:50 Je pense que c'était possible de le faire là.
01:22:53 Peut-être pas au moment où on s'y est pris,
01:22:55 c'est-à-dire que la dégradation des relations
01:23:00 a commencé en 2014, en fait.
01:23:02 C'est en 2014 qu'il aurait fallu, sans doute,
01:23:04 être plus actif sur le plan diplomatique.
01:23:08 Maintenant, ça ne sert pas à grand-chose de constater ça,
01:23:14 parce que la situation, elle est dramatique,
01:23:17 elle va durer longtemps,
01:23:19 et de mon point de vue, elle va se traduire
01:23:21 par une fracture très, très importante
01:23:25 entre le monde occidental et une grande partie du reste du monde.
01:23:29 -Merci. Mme Fassaniel, vous avez la parole.
01:23:35 -Merci. Merci, M. le Président.
01:23:38 Merci, M. le Premier ministre, pour votre présence,
01:23:41 pour vos réponses.
01:23:42 Vous avez dit que vous n'avez pas été témoin
01:23:45 d'ingérence directement.
01:23:47 Néanmoins, vous avez été au coeur des liens diplomatiques,
01:23:50 politiques entre la France et la Russie,
01:23:51 dans votre expérience à la fois politique et professionnelle.
01:23:54 Est-ce que cette expérience vous a permis de constater
01:23:58 que des partis politiques ou des élus individuellement
01:24:02 avaient des liens privilégiés avec la Russie,
01:24:04 avec ses dirigeants ou avec ses oligarques,
01:24:06 voire des liens de nature à impliquer des ingérences
01:24:09 ou une influence sur la politique nationale
01:24:12 ou sur la politique européenne ?
01:24:15 Et si vous en avez eu connaissance
01:24:17 ou si vous avez pu me supposer,
01:24:20 quel parti politique ou quelle personne
01:24:23 aurait pu être soumis à cette influence ?
01:24:26 Je vous remercie.
01:24:27 -Suivant les époques...
01:24:30 J'ai écouté tout à l'heure l'audition
01:24:34 de Jean-Pierre Chevènement.
01:24:35 Il a eu une remarque très, très juste.
01:24:38 On fait comme si la Russie avait été à un moment
01:24:42 un pays quasi démocratique,
01:24:44 et tout d'un coup, c'était devenu une dictature.
01:24:46 Non, la Russie a toujours été un régime autoritaire.
01:24:50 Et même, il y a eu des époques où c'était pire qu'aujourd'hui.
01:24:52 Si on peut faire une échelle
01:24:54 dans ce qui est pire en matière de droit de l'homme
01:24:59 et en matière de liberté publique.
01:25:02 Et donc, c'est pas une découverte.
01:25:05 Personne ne découvre tout d'un coup
01:25:09 que la Russie est un pays autoritaire.
01:25:12 Et dans l'histoire de la relation franco-russe,
01:25:16 suivant les époques, il y a eu des partis politiques
01:25:19 qui ont été plus proches que d'autres de la Russie
01:25:22 à des moments différents.
01:25:23 C'est pas un scoop de dire ça, c'est une réalité.
01:25:28 Est-ce que ça a eu une influence...
01:25:32 Il y a eu une époque où la Russie
01:25:35 affichait ouvertement sa volonté
01:25:39 de propager la Révolution mondiale.
01:25:43 Et où il y avait en France un parti,
01:25:46 le Parti communiste,
01:25:48 qui affichait sa volonté
01:25:50 de participer à cette Révolution mondiale.
01:25:52 Donc là, il y avait un lien qui était extrêmement fort.
01:25:56 Il y a un très beau livre qui vient d'être écrit
01:26:01 par un ancien inspecteur des finances et diplomate français
01:26:06 sur les relations entre De Gaulle et la Russie,
01:26:10 qui est fascinant de ce point de vue-là.
01:26:13 Il y a notamment des exemples dans ce livre
01:26:16 parce qu'il est lié aux archives secrètes russes
01:26:20 qui ont été ouvertes assez récemment sur ces sujets-là.
01:26:23 Et il y a des échanges, par exemple,
01:26:27 qui montrent que quand la relation entre De Gaulle
01:26:31 et les Américains devenait compliquée
01:26:33 pendant la Seconde Guerre mondiale,
01:26:35 il se servait de Staline et de la Russie
01:26:37 pour contrebalancer les vilainies
01:26:41 que lui faisaient les Américains.
01:26:43 Donc ça, c'est une réalité qui est, comment dirais-je,
01:26:48 documentée par les historiens.
01:26:50 Il y a des partis politiques en France
01:26:53 qui ont toujours considéré,
01:26:56 le mien en faisait partie,
01:26:58 je ne sais pas s'il en fait encore partie,
01:27:00 mais il en faisait partie,
01:27:02 que nous avions le devoir d'avoir une relation spéciale
01:27:06 avec la Russie en raison de la géographie
01:27:10 et de ce que j'évoquais tout à l'heure.
01:27:12 Et avec le président Sarkozy, on a conduit
01:27:16 les affaires de la France dans cet état d'esprit-là.
01:27:20 Voilà. Je ne peux pas vous en dire plus.
01:27:23 -Merci, M. le président. Vous avez une 2e question.
01:27:29 M. Vogeta.
01:27:32 -Merci. Merci, M. le président.
01:27:34 M. le Premier ministre.
01:27:36 Une 1re question, tout d'abord liée au...
01:27:39 Vous avez dit, et je suis d'accord avec vous,
01:27:44 qu'il ne faut absolument pas qu'on rentre
01:27:47 dans une mentalité qui empêcherait
01:27:50 les personnes qui ont le talent de le faire
01:27:53 de passer du secteur privé au secteur public
01:27:55 et vice-versa.
01:27:58 Je pense que ces personnalités peuvent,
01:28:00 ces personnalités peuvent nourrir l'un et l'autre.
01:28:02 Et tant que les règles sont respectées,
01:28:04 notamment de transparence,
01:28:06 et que les situations de conflit d'intérêt
01:28:09 sont évitées, c'est quelque chose de, je pense, bénéfique.
01:28:12 D'où ma 1re question.
01:28:14 Vous n'étiez plus en responsabilité
01:28:16 quand la Haute Autorité de Transparence de la vie politique
01:28:18 a été créée, il me semble, en 2013 ou 2014.
01:28:21 Ma 1re question, c'est, est-ce que vous avez déjà eu
01:28:24 l'occasion de soumettre une déclaration,
01:28:27 soit de patrimoine, soit d'intérêt,
01:28:29 au titre des obligations de transparence
01:28:31 de cette autorité ?
01:28:34 Cette question n'est pas personnelle.
01:28:36 Simplement, je voudrais avoir votre opinion informée
01:28:38 puisque maintenant, vous êtes devenu, je pense,
01:28:40 un expert dans la gestion, notamment des fonds d'investissement.
01:28:43 Vous connaissez très bien comment sont structurés
01:28:46 ces véhicules avec les beneficiary holders
01:28:49 et ensuite la structuration des participations.
01:28:51 Est-ce que vous pensez, si vous la connaissez suffisamment
01:28:53 pour pouvoir avoir une opinion sur le sujet,
01:28:55 que ces obligations déclaratives
01:28:58 auxquelles sont soumises les autorités publiques,
01:29:00 les hommes publics ou les femmes publiques
01:29:02 par la HATPV, TVP,
01:29:04 est suffisante et permet effectivement
01:29:06 d'identifier les situations potentielles
01:29:09 de conflit d'intérêt ?
01:29:11 -Je ne sais pas où on en est aujourd'hui.
01:29:16 Je constate que dans le secteur privé,
01:29:21 contrairement à une idée reçue,
01:29:23 en tout cas, au moins dans le secteur financier,
01:29:26 les contraintes sont très élevées
01:29:30 et les services de compliance
01:29:32 des entreprises financières,
01:29:34 aidés d'ailleurs par l'automatisation des contrôles
01:29:38 dans lequel l'intelligence artificielle
01:29:40 va venir encore ajouter une couche,
01:29:43 sont d'une rigueur extrême,
01:29:46 qui parfois, d'ailleurs, est paralysante.
01:29:49 Par exemple, je m'éloigne un tout petit peu
01:29:55 du sujet des conflits d'intérêt,
01:29:57 mais les choix imposés
01:30:02 par ce système aux établissements financiers
01:30:06 qui les amènent à ne pas financer certaines activités
01:30:10 peuvent virer parfois l'absurde.
01:30:12 J'ai le souvenir d'avoir entendu
01:30:17 un service de compliance refuser un investissement
01:30:20 dans une entreprise qui, d'une manière ou d'une autre,
01:30:24 fabriquait des pièces pour les sous-marins nucléaires
01:30:26 au motif que ce n'était pas bien d'investir dans la défense,
01:30:30 qu'un établissement financier ne pouvait pas investir,
01:30:34 ce qui était la règle quasiment
01:30:36 jusqu'à ces événements en Ukraine.
01:30:39 Depuis la guerre en Ukraine,
01:30:40 tout d'un coup, la défense est redevenue.
01:30:42 Je reconnais que je m'éloigne un tout petit peu du sujet,
01:30:45 mais il faut dire qu'il faut faire attention.
01:30:48 Peut-être que c'est une question de génération,
01:30:51 mais j'ai la nostalgie d'une époque
01:30:54 où il y a des arbitres qui sont capables
01:30:58 de peser le pour et le contre dans des situations
01:31:02 et de dire "Là, on y va, là, on n'y va pas",
01:31:04 et pas des systèmes automatisés,
01:31:06 un peu stupides, bureaucratiques,
01:31:11 qui pèsent sur les responsables publics.
01:31:14 L'exemple que j'aime bien citer, c'est celui d'autrefois,
01:31:18 au début de ma vie politique,
01:31:20 il y avait des préfets dans les départements.
01:31:22 Vous allez me dire "Il y en a toujours".
01:31:23 Je ne suis pas sûr.
01:31:24 En tout cas, ils n'ont plus tout à fait le même rôle.
01:31:27 Autrefois, le préfet, il prenait des décisions,
01:31:29 c'est-à-dire qu'il y avait un service administratif
01:31:32 qui n'était pas d'accord avec une décision,
01:31:34 il y en avait un autre qui était favorable.
01:31:38 Il y avait un arbitre qui, à un moment donné,
01:31:42 était capable de prendre ses responsabilités
01:31:44 et de dire "On y va, on n'y va pas".
01:31:46 Aujourd'hui, c'est totalement terminé.
01:31:48 Pourquoi ? Parce que l'arbitre ne veut pas prendre une décision
01:31:52 qui l'exposerait à des risques personnels,
01:31:55 parce qu'il aurait, à un moment donné,
01:31:57 été limite par rapport à une réglementation,
01:32:01 par rapport à un texte.
01:32:02 C'est ça, le sujet de l'autorité de la transparence.
01:32:06 C'est comment faire pour qu'il y ait une grande rigueur
01:32:11 dans l'examen des conflits d'intérêts,
01:32:14 mais que cette rigueur ne devienne pas stupide
01:32:18 et ne devienne pas démocratique
01:32:20 et n'aboutisse pas à des résultats absurdes.
01:32:22 Et puis le deuxième sujet, c'est que les hommes politiques
01:32:25 sont la cible, pour des raisons de compétition,
01:32:29 mais aussi en raison du climat politique et social général.
01:32:34 Et donc il y a un sujet de mise en pâture
01:32:39 de leur patrimoine, de leurs activités,
01:32:45 qui, de mon point de vue, peut parfois être à la limite du malsain.
01:32:51 -Première question. C'est vrai qu'on s'est un peu éloignés.
01:32:57 Du coup, je vais repréciser un petit peu.
01:32:59 Non, mais il n'y a pas de problème.
01:33:02 Du coup, je ne sais pas si vous connaissez les dernières,
01:33:03 mais les dernières évolutions, en fait,
01:33:05 disent que si, par exemple, un député, actuellement,
01:33:08 était actionnaire d'un fonds, par exemple, TKO,
01:33:13 eh bien, ce député devrait uniquement déclarer
01:33:15 sa participation dans ce fonds,
01:33:17 mais pas les actifs sous-jacents à ce fonds,
01:33:19 et donc pas les entreprises auxquelles il participe
01:33:22 à travers ce fonds.
01:33:23 Est-ce que vous pensez que c'est une manière adaptée
01:33:24 de faire les choses et que ça révèle adéquatement
01:33:27 les conflits d'intérêts potentiels ?
01:33:29 -C'est-à-dire que si le député est obligé
01:33:30 de déclarer la totalité des entreprises
01:33:34 qui sont financées par son fonds,
01:33:37 il y a assez peu de chances pour que le fonds le garde
01:33:40 dans ces... Voilà.
01:33:44 Est-ce que c'est possible, aujourd'hui, pour un député,
01:33:50 d'avoir des activités financières exécutives ?
01:33:55 Enfin, je sais pas.
01:33:57 Il y a toujours eu, sur ce sujet, un...
01:34:02 Comment dirais-je ? Il y avait des tolérances.
01:34:04 C'est-à-dire qu'autrefois, vous pouviez être avocat,
01:34:08 vous pouviez être médecin, vous pouviez...
01:34:10 En gros, vous pouviez avoir une profession libérale
01:34:12 et être parlementaire.
01:34:13 En revanche, vous ne pouviez pas avoir d'activité professionnelle
01:34:17 autre que les professions libérales,
01:34:19 ce qui était une drôle de façon de concevoir les choses.
01:34:22 On interdit tout, on interdit rien.
01:34:24 Enfin, je veux dire, il n'y a pas des professions nobles
01:34:28 et d'autres qui ne le sont pas.
01:34:30 Mais je ne suis pas sûr que je sois très intéressant
01:34:32 sur le sujet parce que je suis trop d'athée
01:34:36 par rapport à des pratiques qui étaient très différentes.
01:34:41 -Donc, vous êtes trop modeste.
01:34:49 Deuxième question.
01:34:50 Alors, j'étais un peu surpris, apparemment, de votre exposition,
01:34:54 et je l'étais encore plus après,
01:34:55 quand je vous ai trouvé très dissert et très connaisseur
01:34:59 du fait de l'intelligence artificielle.
01:35:01 Et du coup, je suis revenu en arrière, je me suis dit
01:35:02 que j'étais encore plus surpris, du coup, de votre appréciation
01:35:06 de l'influence potentielle de la technologie et des réseaux sociaux
01:35:08 sur les résultats d'élections, d'élections importantes.
01:35:11 Vous avez, il me semble, un peu balayé du revers de la main
01:35:13 un peu rapidement la capacité de certaines ingérences extérieures
01:35:19 d'avoir influé, notamment, on a parlé du Brexit,
01:35:21 de l'élection de Trump.
01:35:23 On se rappelle tous de l'affaire de Cambridge Analytica,
01:35:27 avec les suspicions d'influence de la part de la Russie
01:35:31 aussi bien sur le Brexit que sur l'élection de Trump.
01:35:35 Et il me semble que vous avez dit,
01:35:38 bon, ce n'est pas possible d'influer sur une élection,
01:35:40 c'est trop gros.
01:35:41 En fait, il faut se rappeler que même si le Brexit
01:35:44 s'est dépassé à un million de voix près,
01:35:45 donc c'est 500 000 personnes qui changent d'avis,
01:35:47 c'est compliqué.
01:35:48 Par contre, Trump avait gagné son élection
01:35:51 en ayant 3 millions de votes de moins que Hillary Clinton.
01:35:53 L'élection, finalement, si vous vous rappelez,
01:35:55 s'était jouée à 6 heures du matin à notre heure
01:35:57 sur un ou deux petits États qui se sont joués
01:36:00 à 10 ou 15 000 voix près.
01:36:02 Donc finalement, Cambridge Analytica,
01:36:04 qui, par son design, a pour but d'analyser
01:36:08 très précisément les profils psychologiques,
01:36:12 les profils politiques de certains électeurs
01:36:14 pour déterminer une sorte de ciblage très précis
01:36:17 d'une action de propagande politique
01:36:19 et de marketing politique à un moment donné,
01:36:21 ça peut faire basculer une élection.
01:36:24 Bon, vous n'étiez pas impliqué dans celle-là.
01:36:26 Ma question, elle porte plus sur l'élection de 2017
01:36:28 dans laquelle vous étiez très directement impliqué.
01:36:30 Et moi, je me rappelle qu'à l'époque, il y avait eu,
01:36:32 là encore, bon, ça s'appelle des bots,
01:36:34 les robots qui aident à drainer le trafic des réseaux sociaux
01:36:39 et à pousser certaines informations vers certaines personnes.
01:36:42 Donc on a des bots qui sont sur nos réseaux sociaux,
01:36:46 surtout sur Twitter.
01:36:47 Et en France, on avait aussi Russia Today et Sputnik
01:36:50 qui étaient actifs depuis 2016, il me semble,
01:36:53 et qui, à l'occasion des élections présidentielles de 2017,
01:36:58 et c'est de notoriété publique,
01:37:00 et je pense que ça a été reconnu assez clairement,
01:37:02 ont surtout pris une position publique
01:37:05 plutôt anti... un candidat spécifique qui était anti-Macron,
01:37:09 en diffusant notamment certaines informations, entre guillemets,
01:37:12 issues des Macronleaks,
01:37:14 donc des informations plutôt apportées
01:37:17 à connotations négatives et péjoratives sur ce candidat,
01:37:20 tout en étant plutôt discret quant à leur couverture
01:37:24 des autres candidats favoris, notamment de vous-même,
01:37:26 de Mme Le Pen et de M. Mélenchon.
01:37:28 Et on pourrait se demander, et d'ailleurs je vous pose la question,
01:37:32 si, à votre sens, est-ce que, à votre corps défendant,
01:37:35 vous auriez pu être favorisé par l'interventionnisme,
01:37:40 l'influence de la Russie à travers Russia Today,
01:37:42 à travers Sputnik, à travers ces bots,
01:37:44 au moment des élections de 2017 ?
01:37:46 -Bonjour. Compte tenu du volume de critiques
01:37:51 qui s'est abattu sur moi,
01:37:54 je ne vois pas bien où était l'intervention favorable
01:37:56 de qui que ce soit en faveur de...
01:38:01 Enfin, je veux dire, celui qui a pris le plus gros tombereau
01:38:04 sur la tête, c'est quand même moi.
01:38:06 Et donc, c'est pas M. Macron.
01:38:09 Et donc, si j'avais été le candidat des Russes
01:38:11 et que les Russes avaient été très, très influents,
01:38:14 je pense que...
01:38:16 Voilà, ça aurait été plus...
01:38:18 Enfin, la quantité d'ordures
01:38:22 aurait peut-être été un peu moins élevée.
01:38:24 Donc, franchement, je...
01:38:26 Vous parlez tout à l'heure du Brexit et de Trump,
01:38:30 et vous évoquez un sujet qui est pas le même,
01:38:33 qui est le sujet de...
01:38:35 les techniques d'intelligence artificielle
01:38:38 au service des campagnes électorales, etc.
01:38:42 C'est pas seulement un problème d'ingérence.
01:38:44 Et en l'occurrence, sur Oxford Analytica,
01:38:47 à ma connaissance, c'est pas la Russie
01:38:49 qui est derrière cette affaire.
01:38:51 Et surtout, ce que je voulais dire tout à l'heure,
01:38:53 c'est que quand vous connaissez la Grande-Bretagne,
01:38:56 comme je la connais, vous savez qu'il y a un énorme fond
01:38:59 d'anti-européens historiques.
01:39:03 Et donc, oui, bien sûr,
01:39:07 il peut y avoir une ingérence étrangère,
01:39:09 mais vous pouvez pas dire, c'est cette ingérence étrangère-là
01:39:12 qui est la cause du Brexit. C'est ça que je veux dire.
01:39:14 Voilà, comme chacun sait, j'ai épousé une Anglaise,
01:39:18 je me souviens que dès mes premiers déplacements chez elle,
01:39:24 j'avais droit à chaque repas
01:39:28 à la leçon anti-européenne de son père,
01:39:32 qui est mort sans jamais changer d'avis sur le sujet.
01:39:36 Les Anglais, et sur l'élection de Trump,
01:39:40 si ce que vous dites est exact,
01:39:45 et que les Américains sont en train de se prémunir
01:39:51 contre ces risques-là, alors comment est-ce que Trump
01:39:55 peut être aussi élevé dans les sondages ?
01:39:57 Peut-être que j'ai tort, parce que peut-être que je suis trop marqué
01:40:02 par les campagnes électorales que j'ai faites,
01:40:04 avec les instruments qui étaient ceux de l'époque.
01:40:06 Mais j'ai quand même du mal à concevoir cette manière
01:40:11 qu'ont beaucoup d'observateurs de considérer, en réalité,
01:40:15 que eux savent et que le peuple ne sait pas.
01:40:18 Et donc le peuple ne sait pas, donc il faut lui expliquer,
01:40:20 parce que sinon il va se tromper dans ses choix.
01:40:23 Et cette idée que le peuple n'est pas capable d'analyser,
01:40:32 de comprendre, de voir les trucages dans la vie politique,
01:40:37 je pense que c'est une erreur.
01:40:38 Moi, ma conviction, c'est qu'en tout cas pour les Français,
01:40:42 ils voient les choses au laser, ils savent exactement
01:40:48 qui sont les candidats, quelles sont leurs qualités,
01:40:50 quels sont leurs défauts, et ils s'expriment assez largement
01:40:57 en connaissance de cause.
01:40:59 Très difficile, au fond, de cacher la vérité, ce qu'on est
01:41:03 aux électeurs dans une campagne électorale.
01:41:10 Peut-être que je suis trop confiant dans la nature humaine,
01:41:13 mais c'est ma conviction.
01:41:15 -Merci, M. le Premier ministre.
01:41:20 Notre collègue doit nous quitter, donc M. Ménager,
01:41:22 je vous ferai passer après, ça ne vous ennuie pas.
01:41:24 La parole est à Nadej Abou-Mangoli.
01:41:26 -Merci, M. le Président.
01:41:28 M. le Premier ministre, vous l'avez évoqué rapidement
01:41:31 tout à l'heure, un rapport avait été remis en 2012
01:41:34 au président de la République, Nicolas Sarkozy,
01:41:36 qui appelait dans ses conclusions à créer un espace économique
01:41:40 commun entre la Russie et l'Union européenne.
01:41:42 Vous avez rappelé que ça n'avait pas été très bien reçu.
01:41:45 A l'époque, M. Jean-Pierre Thomas,
01:41:48 ancien député des Vosges reconverti dans le privé,
01:41:50 était l'auteur de ce rapport,
01:41:51 enfin, il s'était vu confier la rédaction de ce rapport.
01:41:56 Il a par la suite été nommé en 2018
01:41:58 président du Conseil d'administration
01:42:00 du groupe russe RUSSAL,
01:42:01 qui est le leader mondial de la production d'aluminium.
01:42:04 Il n'est plus en poste depuis 2019, dit-on,
01:42:08 à la suite de pressions américaines.
01:42:10 Comme quoi, ça peut venir un peu de partout.
01:42:12 Ces activités peuvent-elles, à votre avis,
01:42:14 questionner la sincérité, du coup,
01:42:16 du rapport qui avait été remis par M. Thomas en 2012 ?
01:42:20 Finalement, ce rapport pourrait presque apparaître
01:42:23 comme une lettre de motivation avant embauche.
01:42:26 Bon, ça, c'est la 1re de mes questions.
01:42:29 2e question, entend qu'ancien Premier ministre,
01:42:33 au fait des affaires de l'Etat
01:42:34 et au fait de la politique étrangère,
01:42:37 ne pensez-vous pas quand même que la reconversion
01:42:39 de haut cadre administratif ou politique d'élus français
01:42:43 auprès d'entreprises étrangères,
01:42:45 notamment quand ces entreprises sont fortement adossées
01:42:48 à l'Etat, il y a des entreprises Etat, on le sait,
01:42:51 n'est pas préjudiciable à notre politique étrangère ?
01:42:53 Vous avez évoqué tout à l'heure, en fait,
01:42:55 les conditions qui, pour vous, sont centrales,
01:42:58 qui sont la nature des relations diplomatiques.
01:43:02 Est-ce qu'il n'y a pas quand même d'autres éléments ?
01:43:04 Est-ce que c'est suffisant ?
01:43:05 Vous avez évoqué la Russie qui est en guerre contre l'Ukraine
01:43:08 et donc contre l'un de nos alliés.
01:43:09 N'y a-t-il pas d'autres conditions,
01:43:11 par exemple, la nature des activités
01:43:13 ou bien un délai de carence conséquent
01:43:16 après la fin des activités publiques ?
01:43:18 Je vous remercie.
01:43:19 -Sur le 1er sujet, l'idée d'un espace économique
01:43:24 avec la Russie est bien antérieure à 2012.
01:43:26 C'était une idée que le président Sarkozy a mise sur la table
01:43:29 en 2008 lorsqu'il présidait l'Union européenne.
01:43:34 Honnêtement, je ne me souviens pas du rapport de M. Thomas,
01:43:37 mais en 2012, c'était un peu tard pour réaliser l'opération.
01:43:42 Au fond, il y avait deux philosophies.
01:43:46 Il y a la philosophie qui consiste à dire
01:43:49 que plus on va aider la Russie à se développer,
01:43:54 plus il y aura d'aspiration,
01:43:59 peut-être pas à la démocratie, mais en tout cas à une...
01:44:03 Comment dirais-je ?
01:44:04 à une vie politique et sociale plus libre et plus apaisée.
01:44:09 Et puis ceux qui considèrent qu'il n'y a rien à faire
01:44:11 avec la Russie et donc on refait la guerre froide
01:44:15 jusqu'à la fin des temps.
01:44:16 Nous, on considérait qu'il y avait une voie...
01:44:20 Et je pense sincèrement qu'il y a un président Poutine avant
01:44:25 et un président Poutine après.
01:44:26 Il y a un président Poutine qui, à un moment,
01:44:29 est omnubilé par le développement économique de son pays, au fond.
01:44:34 Et ça correspond à la période que j'ai évoquée tout à l'heure.
01:44:38 Après, ses résultats économiques
01:44:42 n'étant sans doute pas très performants,
01:44:44 le temps passant, parce qu'il y a quelque chose
01:44:48 qui est très important dans les régimes autoritaires,
01:44:51 c'est le temps.
01:44:52 C'est-à-dire que les Chinois avaient inventé un système...
01:44:56 Le PCC avait inventé un système qui était assez intelligent
01:45:01 qui consistait à limiter à deux mandats
01:45:04 le mandat du président chinois.
01:45:06 Et le président chinois savait qu'au bout de deux mandats,
01:45:10 il aurait une fin de vie confortable
01:45:14 dans une jolie maison au bord de la mer
01:45:16 et dans des bonnes conditions.
01:45:17 Le président Xi Jinping a mis fin à ce système.
01:45:21 Je pense que c'est une assez grave erreur
01:45:23 parce que le problème du dirigeant autoritaire,
01:45:26 c'est que plus le temps va passer,
01:45:29 plus sa sortie du pouvoir devient impossible,
01:45:33 hypothétique, dangereuse.
01:45:36 Et donc c'est pour ça qu'il peut y avoir eu une évolution
01:45:42 dans le caractère et le comportement
01:45:45 du dirigeant russe lié à cette question du temps.
01:45:51 Sur le deuxième sujet, je vous ai déjà répondu,
01:45:57 je considère qu'on est dans un monde ouvert.
01:46:00 Tant qu'on respecte les règles,
01:46:04 il n'y a aucune raison d'empêcher des responsables,
01:46:09 parce qu'ils ont eu à un moment donné une activité publique,
01:46:11 d'exercer des fonctions privées, à condition naturellement
01:46:15 que ce ne soit pas dans des entreprises
01:46:18 qui constituent d'une manière ou d'une autre une menace
01:46:21 pour l'indépendance nationale.
01:46:23 Donc oui, là, il peut y avoir des sujets.
01:46:26 On n'a pas évoqué, par exemple,
01:46:30 vous n'avez personne à poser de questions
01:46:33 sur l'affaire des bateaux
01:46:36 que nous avions décidé de vendre à la Russie.
01:46:38 Par exemple, moi, j'ai toujours défendu,
01:46:40 en tant que Premier ministre, une politique consistant
01:46:42 à ne pas vendre des systèmes d'armes sophistiqués
01:46:47 à des pays dangereux.
01:46:49 Le Mistral n'était pas un système d'armes sophistiqué.
01:46:52 En revanche, je me suis opposé, par exemple,
01:46:54 à la vente de sous-marins à certains pays,
01:46:57 parce que je considère que moins il y a de sous-marins
01:47:00 sous les océans, mieux je me porte
01:47:02 et mieux la sécurité de mon pays est assurée.
01:47:05 Donc ça, c'est évidemment un élément important.
01:47:08 Et puis, après, où on est en paix, où on n'est pas en paix.
01:47:15 On ne peut pas découper de cette manière,
01:47:20 comme on le fait avec les sanctions, d'ailleurs,
01:47:22 d'une certaine façon.
01:47:23 Découper en essayant de ménager nos intérêts,
01:47:27 ce qui peut être imposé et ce qui ne peut pas être imposé.
01:47:31 Je ne sais pas, personne ne m'a interrogé sur les sanctions,
01:47:35 mais vous savez que je suis totalement hostile aux sanctions.
01:47:38 Et je pense que les sanctions, c'est...
01:47:40 J'y suis hostile pour trois raisons.
01:47:42 La première raison, c'est que ça n'a jamais marché.
01:47:44 Il n'y a pas un seul exemple dans le monde
01:47:48 d'un pays important qui ait baissé la tête
01:47:51 parce qu'on lui a imposé les sanctions économiques.
01:47:52 Ça n'existe pas.
01:47:54 Comment ?
01:47:55 Ce n'est pas les sanctions qui ont fait baisser l'Afrique du Sud,
01:47:58 c'est la situation intérieure qui a fait baisser...
01:48:01 L'exemple de Cuba est assez intéressant.
01:48:04 Ça dure depuis combien de temps ?
01:48:05 Il y a une deuxième raison pour laquelle je suis hostile
01:48:08 aux sanctions, c'est qu'elles ont des répercussions
01:48:10 sur notre économie qui sont assez désastreuses
01:48:13 et pas forcément des répercussions aussi graves qu'on le dit
01:48:16 sur l'économie d'en face.
01:48:17 J'ai vu en Russie entre 2014 et...
01:48:21 jusqu'en 2020, comment tout un pan de l'économie russe
01:48:27 s'est créé pour répondre aux sanctions.
01:48:29 Autrefois, on ne faisait pas de fromage en Russie,
01:48:31 maintenant, on fait des fromages en Russie.
01:48:32 Autrefois, on ne faisait pratiquement pas de viande bovine en Russie,
01:48:35 maintenant, on fait de la viande bovine en Russie.
01:48:38 Je prends ces deux exemples-là, mais il y en a plein d'autres.
01:48:40 Il y a une troisième raison qui est encore beaucoup plus grave
01:48:43 que tout le reste, c'est que les sanctions,
01:48:46 elles viennent toujours du même endroit.
01:48:47 Elles viennent des Etats-Unis et de l'Europe.
01:48:50 C'est les Occidentaux qui imposent leurs sanctions
01:48:52 aux autres pays, au reste du monde.
01:48:55 Et si vous ne ressentez pas à quel point cette politique-là
01:49:00 fait monter dans le monde un ressentiment contre nous,
01:49:03 contre les Occidentaux, vous ne voyez pas arriver l'orage
01:49:07 qui va malheureusement s'abattre à un moment donné
01:49:10 sur l'Europe et l'Occident, si nous ne sommes pas capables
01:49:14 de comprendre qu'on ne peut plus parler au reste du monde
01:49:19 comme si on était les maîtres de la classe,
01:49:23 et qu'on a le devoir de faire preuve
01:49:26 d'un tout petit peu plus de compréhension et de tact
01:49:31 dans notre manière de traiter le reste du monde.
01:49:36 Pourquoi est-ce qu'aujourd'hui, il y a une immense majorité
01:49:39 de la population mondiale qui réside dans des pays
01:49:41 qui ne sont pas hostiles à la guerre en Ukraine,
01:49:44 ou en tout cas qui ne s'associent pas aux sanctions ?
01:49:47 C'est pas parce que ces pays soutiennent la Russie,
01:49:49 c'est parce que ces pays ne supportent plus
01:49:52 ce qu'ils considèrent comme une forme d'arrogance,
01:49:55 qui est le fait que des pays riches
01:49:57 imposent à des pays plus pauvres des sanctions économiques.
01:50:05 -Réponse, mais du coup, moi, j'avais parlé à un moment donné
01:50:08 de nature des activités.
01:50:11 Juste, du coup, une question très simple.
01:50:13 Vous avez parlé de défense, d'industrie de la défense.
01:50:16 Est-ce que vous considérez normal, par exemple,
01:50:18 qu'un ancien ministre de la Défense puisse travailler
01:50:22 dans le sens d'une entreprise étrangère
01:50:24 qui traite d'industrie de la défense, en fait ?
01:50:28 -On a eu...
01:50:29 Responsable politique européen
01:50:33 qui travaille dans des entreprises de défense américaines,
01:50:35 sans doute.
01:50:37 Russes, non, je pense pas.
01:50:38 D'ailleurs, les Russes n'en voudraient pas.
01:50:40 (Propos inaudibles)
01:50:42 Non, mais bien sûr, il y a des secteurs
01:50:43 qui sont des secteurs stratégiques.
01:50:45 C'est ce que j'évoquais tout à l'heure.
01:50:47 -Merci, M. le Premier ministre.
01:50:51 Parole à M. Thomas Menel.
01:50:54 -Merci, M. le Président, M. le Premier ministre.
01:50:56 Alors, j'aurai 2 questions assez rapides,
01:50:58 mais qui font suite à votre exposé.
01:51:00 La 1re, c'est la question du financement.
01:51:01 Vous avez dit clairement qu'il était pour vous impossible
01:51:04 aujourd'hui qu'une puissance étrangère
01:51:05 finance une campagne électorale.
01:51:06 Vous avez dit, par contre, par le passé, c'était possible.
01:51:10 A quel moment vous avez considéré qu'il y avait eu une bascule ?
01:51:13 Quel cas passé vous aviez en tête quand vous expliquiez cela ?
01:51:18 Vous jugez qu'aujourd'hui, la CNCCFP permet un contrôle tel
01:51:21 qu'il est impossible.
01:51:22 Et c'est vrai que quand on a participé
01:51:23 à l'élection présidentielle,
01:51:24 quand on a regardé un compte de campagne
01:51:26 et quand on sait le contrôle actuel,
01:51:27 on peut difficilement imaginer qu'une puissance étrangère
01:51:31 puisse financer une campagne.
01:51:32 Mais j'aimerais savoir à quel moment vous jugez
01:51:33 que les méthodes et la moralisation ont permis
01:51:35 de faire évoluer ces pratiques.
01:51:36 Et la 2e question, vous avez parlé d'articles orientés,
01:51:39 d'articles médiatiques,
01:51:40 vous avez parlé de manipulation soft, de l'information,
01:51:43 si j'ai bien entendu.
01:51:44 Est-ce que vous considérez qu'aujourd'hui,
01:51:45 la question des ingérences,
01:51:47 la question qu'on traite dans cette commission,
01:51:48 est utilisée politiquement pour salir, pour nuire,
01:51:53 et souvent sans fondement, pour participer, en fait,
01:51:57 à des cabales médiatiques
01:51:58 contre un certain nombre d'opposants politiques ?
01:52:01 -Ce que j'ai voulu dire tout à l'heure,
01:52:04 c'est qu'un article est sorti me concernant,
01:52:08 qui, si vous le lisez, vous donne le sentiment
01:52:11 qu'il y a une enquête qui est ouverte contre moi
01:52:14 concernant des sujets en Russie.
01:52:16 Heureusement, il y a quelques journalistes
01:52:19 à la suite de cet article
01:52:20 qui ont dû aller pousser un peu plus loin l'investigation
01:52:23 et qui ont conclu qu'il n'y avait pas d'enquête ouverte
01:52:25 entre moi sur ce sujet.
01:52:27 Voilà. Mais une fois que le titre est sur les réseaux sociaux,
01:52:32 voilà, c'est comme ça.
01:52:34 Mais enfin, je vis avec ça depuis maintenant
01:52:36 un certain nombre d'années,
01:52:37 donc je ne vais pas aggraver mon cas
01:52:39 en faisant des commentaires qui se retourneront contre moi.
01:52:44 Sur le financement,
01:52:47 il y a eu toute une série d'étapes
01:52:51 qui ont conduit à, comment dirais-je,
01:52:54 encadrer, moraliser le financement des campagnes électorales.
01:52:58 Donc ça commence, grosso modo,
01:53:04 au milieu des années 80.
01:53:07 Avant, il y a quasiment zéro règle.
01:53:13 C'est l'époque de l'argent liquide.
01:53:16 Puis il y a ensuite
01:53:20 les premières décisions en matière de transparence,
01:53:22 la limitation des dons.
01:53:25 Et je pense qu'on est arrivé aujourd'hui à un système
01:53:27 qui est d'une extrême rigueur.
01:53:31 C'est pour ça que je disais tout à l'heure
01:53:33 que je ne vois pas comment un parti politique
01:53:37 ou un candidat à une élection présidentielle
01:53:40 peut intégrer des financements non autorisés
01:53:47 dans ses comptes de campagne,
01:53:48 quand on voit le degré de précision
01:53:51 dans lequel la haute autorité
01:53:53 ou la commission des comptes de campagne rentre,
01:53:57 puisqu'elle va analyser les factures d'imprimerie
01:54:03 pour voir si les tarifs qui sont pratiqués
01:54:06 sont des tarifs normaux.
01:54:08 Donc je ne vois pas du tout...
01:54:10 Alors c'est un système qui est très spécial à la France.
01:54:12 On est un des pays les plus rigoureux, je pense.
01:54:14 Enfin, je ne connais pas les pays d'Europe du Nord,
01:54:17 mais aux Etats-Unis, ce n'est pas comme ça.
01:54:20 Aux Etats-Unis, on peut financer sans limite.
01:54:23 C'est simplement transparent.
01:54:25 -Excusez-moi, M. le Premier ministre.
01:54:31 Pour la précision de M. Thauvin-Bénaglis,
01:54:33 vous considérez qu'en 2012, quand vous quittez Matignon,
01:54:38 l'Etat de la législation protège les partis politiques,
01:54:41 les personnalités politiques, notre démocratie
01:54:43 du fisclement des ingérences étrangères, pardon,
01:54:46 ou est-ce que vous estimez que c'est ensuite
01:54:48 que la législation le permet ?
01:54:51 -La législation a été durcie, c'est incontestable.
01:54:53 Mais déjà, je pense qu'en 2012,
01:54:57 la législation est très claire.
01:54:58 C'est-à-dire le montant des participations est limité.
01:55:04 La commission...
01:55:08 Enfin, chacun se souvient du sort
01:55:11 qui a été celui des comptes de campagne
01:55:13 du président Sarkozy en 2012.
01:55:16 Donc la commission va très, très loin dans son analyse.
01:55:21 Donc je pense que oui, en 2012, c'est quasiment impossible
01:55:25 que de l'argent provenant d'un pays étranger
01:55:29 serve de manière significative à financer une campagne.
01:55:32 -Merci, M. le Premier ministre.
01:55:37 J'aurais quelques questions. Je ne l'ai pas posées
01:55:38 à mon 1er tour pour que la parole puisse circuler.
01:55:41 Lors de votre exposé liminaire,
01:55:44 vous avez évoqué différents sujets.
01:55:47 C'est vrai que les questions se sont concentrées,
01:55:49 même si elles n'étaient pas exclusives,
01:55:51 sur la question de l'ingérence russe.
01:55:53 Je voudrais revenir à ce que vous avez évoqué,
01:55:55 des ingérences que vous avez eues à connaître et à traiter
01:55:58 et à lutter, j'imagine, contre
01:56:00 quand vous étiez Premier ministre,
01:56:01 notamment l'affaire des écoutes.
01:56:04 Donc vous avez mentionné le fait que la presse de mémoire
01:56:08 a révélé des écoutes opérées par les Etats-Unis, la NSA,
01:56:13 sur un certain nombre de responsables politiques
01:56:15 de pays alliés, vous avez mentionné la France,
01:56:18 il y a aussi eu de mémoire l'Allemagne,
01:56:19 qui avait fait grand bruit.
01:56:22 Grand bruit, c'est l'objet de ma question.
01:56:24 Pas tellement.
01:56:25 Quand on fait des recherches, évidemment,
01:56:27 en tant que président de la Commission,
01:56:28 j'en ai fait sur ce dossier,
01:56:30 on trouve finalement peu de suites,
01:56:33 en tout cas publiques, à ces écoutes.
01:56:36 Est-ce que, dans le respect, évidemment,
01:56:38 du secret défense, mais pour la bonne information
01:56:41 de la représentation nationale,
01:56:43 compte tenu du peu d'informations publiques qu'il y a,
01:56:45 que nous disposons sur cette affaire,
01:56:47 est-ce que vous pouvez nous exposer
01:56:48 quelles mesures ont été prises par votre gouvernement
01:56:52 quand ces écoutes ont été connues ?
01:56:54 Est-ce qu'elles étaient d'ailleurs peut-être connues
01:56:55 de votre gouvernement avant que nous soyons informés
01:56:57 par des voix publiques ?
01:56:59 Est-ce que vous avez envisagé peut-être
01:57:02 des adaptations législatives ou technologiques
01:57:05 qui permettent de protéger notre pays de ces écoutes ?
01:57:10 -Quand les écoutes ont été révélées,
01:57:12 nous n'étions plus aux affaires.
01:57:15 La vérité, c'est que tout le monde trouve ça normal.
01:57:18 Vous l'avez très bien dit.
01:57:20 Tout le monde trouve ça normal
01:57:21 parce que ça vient de nos amis américains,
01:57:23 et donc ça fait partie des choses qui sont...
01:57:25 C'est dans la nature des choses,
01:57:27 et ça n'a suscité que 2 ou 3 jours de commentaires.
01:57:32 Et je pense que personne n'a pris de mesures
01:57:35 pour sécuriser les communications téléphoniques
01:57:39 des membres du gouvernement, par exemple.
01:57:42 Le président Sarkozy et moi-même,
01:57:43 nous n'avons jamais utilisé autre chose
01:57:45 que nos téléphones portables.
01:57:48 On nous a donné un moment des téléphones cryptés
01:57:50 qui étaient tellement compliqués à utiliser
01:57:52 qu'on les a jamais utilisés.
01:57:55 J'avais un moment souhaité qu'on interdise les téléphones
01:57:59 dans certaines enceintes, notamment au Conseil des ministres,
01:58:02 et je n'avais pas réussi à convaincre.
01:58:06 Donc même au Conseil des ministres,
01:58:07 il y avait des téléphones portables,
01:58:10 et donc ça veut dire que n'importe qui
01:58:11 pouvait écouter n'importe quoi.
01:58:13 Je pense que c'est un vrai sujet qui mériterait
01:58:16 d'être beaucoup plus rigoureux, beaucoup plus attentif.
01:58:20 J'écoutais sur une radio, une télévision d'information
01:58:25 un commentaire sur le fait qu'il y a de plus en plus d'antennes
01:58:28 sur les toits des ambassades russes.
01:58:32 La belle affaire, il n'y a pas d'antenne
01:58:33 sur les toits des ambassades américaines.
01:58:35 Il faut juste aller regarder à celle
01:58:36 qui est juste à côté d'ici.
01:58:38 Et puis sur les toits des ambassades françaises.
01:58:40 Enfin, je veux dire, tout le monde écoute tout le monde.
01:58:43 On le sait, et je pense qu'on ne s'en protège pas assez.
01:58:48 -Merci, M. le Premier ministre.
01:58:52 Mais la réponse que vous venez de m'apporter, je dois dire,
01:58:56 accroît mon inquiétude,
01:58:58 puisque je me permets de reposer la question.
01:59:00 Justement, en tant que Premier ministre,
01:59:02 quand vous êtes au Conseil des ministres,
01:59:04 quand vous dirigez l'action du gouvernement,
01:59:06 quand on connaît, et ce n'est pas du tout ironique,
01:59:08 vos convictions, votre parcours et l'idéologie
01:59:11 de votre engagement,
01:59:13 et justement le fait que vous constatez
01:59:15 que les téléphones cryptés ne sont pas utilisés
01:59:16 ou sont trop compliqués à utiliser,
01:59:19 dans un contexte, on est quand même après le 11 septembre,
01:59:21 on connaît déjà l'ampleur des systèmes d'information
01:59:26 et des coûts d'enseignement
01:59:27 que les Etats-Unis mettent en place,
01:59:30 d'ailleurs en lien avec nos alliés,
01:59:31 on connaît la coopération avec le Royaume-Uni, l'Australie.
01:59:34 Bon, de l'autre côté, évidemment, d'autres puissances
01:59:36 qui ne sont pas nos alliés, qui sont plus directement hostiles
01:59:39 ou qui auraient pu être hostiles,
01:59:40 mènent les mêmes procédés.
01:59:42 Donc c'est vrai qu'on a du mal à comprendre,
01:59:43 ça fait maintenant 5 mois que nous travaillons,
01:59:45 en tout cas, moi, je persiste à être étonné,
01:59:49 parfois, du fait que plusieurs responsables politiques
01:59:52 ou de responsables d'administration
01:59:53 constatent de tels manquements,
01:59:54 qui semblent, je pense, évidents, en commun, des mortels,
01:59:56 sans que, une fois plus, c'est une question verte,
01:59:59 il ne semble pas que des dispositions,
02:00:02 même basiques, aient été prises
02:00:06 pour contrer cette évidence.
02:00:08 -Non, je pense que c'est un problème culturel.
02:00:11 On n'arrive pas, dans le secteur public,
02:00:14 enfin, on n'arrive pas,
02:00:16 peut-être que les choses changent aujourd'hui,
02:00:17 à prendre la mesure de cette menace.
02:00:20 J'ai constaté dans mes activités,
02:00:23 notamment lorsque j'étais associé de ce fonds d'investissement,
02:00:25 que la rigueur était beaucoup plus grande,
02:00:28 s'agissant des téléphones, de l'usage des mails, etc.,
02:00:32 dans le secteur privé.
02:00:34 Peut-être que c'est dû aussi à la...
02:00:37 Comment dire ?
02:00:39 A un caractère assez bureaucratique
02:00:44 du système de sécurité qu'on met en place.
02:00:46 Quand vous êtes ministre
02:00:48 et qu'un officier des services vient vous expliquer
02:00:54 qu'il ne faut pas utiliser Internet,
02:00:57 qu'il ne faut pas envoyer de mail,
02:00:58 qu'il ne faut pas aller sur les réseaux sociaux, etc.,
02:01:02 vous avez tendance à écouter d'une oreille
02:01:05 et à faire le contraire ensuite.
02:01:07 Peut-être qu'il faudrait avoir des équipes plus technologiques,
02:01:13 au sens plus au fait,
02:01:16 plus modernes dans l'usage des technologies,
02:01:20 parce qu'on ne peut pas imposer,
02:01:22 dans une société comme celle d'aujourd'hui,
02:01:26 l'absence totale d'utilisation des réseaux, etc.,
02:01:29 ce qui est un peu la tendance des services.
02:01:32 Moi, je me souviens que la 1re fois
02:01:34 que j'ai installé dans un bureau ministériel,
02:01:38 je crois que c'était au Télécom, une borne Wi-Fi,
02:01:41 sans prévenir les services de sécurité.
02:01:44 J'ai vu débouler dans mon bureau, tout d'un coup,
02:01:47 4 ou 5 officiers,
02:01:49 persuadés que quelqu'un venait d'installer
02:01:52 un système pirate dans le ministère.
02:01:56 Ils avaient raison, ce n'était pas raisonnable de ma part
02:01:59 d'avoir fait ça, mais je crois que c'est un vrai problème
02:02:02 de culture et qui passe par la mise en place
02:02:07 de systèmes technologiques qui ne soient pas trop restreignants,
02:02:12 enfin, qui ne soient pas trop contraignants,
02:02:14 qui permettent quand même aux responsables politiques
02:02:17 de rester branchés, si je puis dire.
02:02:19 Mais il y a un vrai sujet, oui.
02:02:22 -Merci, M. le Premier ministre.
02:02:24 Vous avez évoqué, pareil, dans votre exposé liminaire,
02:02:28 le droit extraterritorial américain
02:02:31 comme moyen d'influence ou d'ingérence.
02:02:36 Effectivement, entre 2012 et 2017,
02:02:38 un certain nombre d'entreprises ont eu à connaître
02:02:41 de ces tentatives d'ingérence.
02:02:44 D'ailleurs, de mémoire, vous en avez fait aussi un axe,
02:02:48 non pas central, mais quand même assez notable
02:02:51 de votre programme politique pour l'élection de 2017.
02:02:55 Et donc ma question est assez simple,
02:02:57 de la même façon que je vous ai posé la question
02:02:58 sur les écoutes.
02:03:01 M. Montebourg a témoigné dans une autre audition,
02:03:04 enfin, dans 2 auditions, il allait dans le même sens,
02:03:06 il a été cohérent avec lui-même, si je puis dire,
02:03:07 sur le fait que l'intelligence économique française,
02:03:10 pour alerter les décideurs politiques français
02:03:13 sur les tentatives d'ingérence en matière économique
02:03:16 ou dans des investissements stratégiques,
02:03:19 à ses yeux, dysfonctionnait gravement,
02:03:21 c'est le moins qu'on puisse dire, en 2012,
02:03:25 quand il est arrivé à Bercy.
02:03:27 Donc vous-même, en tant que Premier ministre,
02:03:28 est-ce que vous avez été alerté sur...
02:03:30 Est-ce que vous partagez les inquiétudes,
02:03:32 enfin, le constat de M. Montebourg
02:03:34 sur l'état de l'intelligence économique en 2012 ?
02:03:39 Et est-ce que vous, en tant que Premier ministre,
02:03:40 c'était un sujet d'inquiétude ?
02:03:42 Est-ce que vous avez, si c'était un sujet d'inquiétude,
02:03:44 tenté de l'améliorer ?
02:03:46 -Moi, je pense que c'est beaucoup plus grave
02:03:47 que la question de l'intelligence économique.
02:03:49 C'est tout à fait inacceptable
02:03:52 qu'un pays, fût-il notre meilleur allié,
02:03:54 se permette de sanctionner,
02:03:58 de mettre sous contrôle, de mettre sous monitoring
02:04:00 des entreprises qui ne sont pas des entreprises
02:04:03 qui dépendent de sa souveraineté.
02:04:06 Et j'ai cherché tous les moyens de lutter contre cette affaire.
02:04:12 Alors il y a un premier qui consisterait
02:04:13 à ce que les Européens se fâchent
02:04:15 et fassent un bras de fer avec les Etats-Unis sur ce sujet,
02:04:19 sauf que ce n'est pas possible,
02:04:20 puisque une grande partie des Européens
02:04:22 ne feront jamais de bras de fer avec les Américains.
02:04:25 Ensuite, il y avait une deuxième formule
02:04:28 qui est celle que j'avais retenue,
02:04:29 mais qui, je reconnais, est un peu ambitieuse, voire utopique,
02:04:33 qui était de faire de l'euro une monnaie internationale.
02:04:36 Vous savez que moi, j'ai voté contre la monnaie unique.
02:04:40 Et je me souviens que dans le débat sur la monnaie unique,
02:04:42 l'un des arguments qui étaient mis en avant
02:04:44 par les défenseurs de la monnaie unique,
02:04:45 c'était justement qu'on puisse avoir un jour
02:04:48 une monnaie qui soit l'équivalent du dollar.
02:04:49 Ben non, on n'a jamais eu une monnaie
02:04:52 qui soit l'équivalent du dollar.
02:04:54 J'avais réuni un petit groupe de travail
02:04:57 pour voir comment faire de l'euro une monnaie internationale.
02:04:59 Il y avait Michel Cantu,
02:05:01 il y avait un certain nombre de gens
02:05:03 qui avaient eu des responsabilités financières éminentes,
02:05:07 et on avait bâti un projet.
02:05:09 Et j'ai fait le tour des ministres des Finances européens,
02:05:13 c'était après, en 2013 ou 2014.
02:05:17 J'ai reçu un accueil relativement poli à peu près partout,
02:05:22 sauf en Allemagne.
02:05:24 Quand j'ai été présenter à M. Schauble
02:05:27 mon projet de faire de l'euro une monnaie internationale,
02:05:32 il m'a dit "T'as parfaitement raison, mais on ne le fera jamais."
02:05:35 Et il m'a dit "On ne le fera jamais
02:05:37 parce que les Américains assurent notre sécurité, nous défendent."
02:05:40 Et au fond, je me suis à ce moment-là dit
02:05:41 que je n'avais pas intégré cette dimension
02:05:47 dans le...
02:05:48 Donc oui, cette question, elle est vraiment insupportable,
02:05:51 parce que j'ai cité l'exemple de la BNP tout à l'heure.
02:05:54 La BNP, quand j'ai interrogé les dirigeants de la BNP,
02:05:59 en leur disant "Mais pourquoi est-ce que vous avez libellé en dollars
02:06:03 des transactions avec le Soudan ?
02:06:06 Vous auriez très bien pu les libeller en euros."
02:06:10 Et à ce moment-là, ils m'ont dit
02:06:11 "Non, mais si on libelle des transactions en euros,
02:06:13 nous aurons immédiatement des mesures de rétorsion aux Etats-Unis
02:06:16 et comme on est une banque mondiale et internationale,
02:06:19 on ne peut pas se permettre d'avoir
02:06:22 une hostilité américaine à notre égard."
02:06:26 Les mesures contre Airbus,
02:06:29 on peut toujours dire qu'il y a telle ou telle raison
02:06:32 qui ont poussé l'administration américaine à s'en prendre à Airbus,
02:06:36 mais enfin, on remarque que c'est quand même toujours
02:06:40 à un moment où il y a une compétition
02:06:42 entre une grande entreprise américaine
02:06:44 et une grande entreprise européenne
02:06:45 et où, comme par hasard, c'est l'entreprise européenne
02:06:48 qui se prend les sanctions,
02:06:50 les accusations de corruption, etc.
02:06:54 On ne peut pas ne pas penser qu'il y a,
02:06:57 dans la démarche américaine,
02:07:01 pas seulement une volonté de rigueur et d'éthique,
02:07:07 mais qu'il y a une volonté de favoriser
02:07:11 les entreprises américaines et l'économie américaine.
02:07:15 Et puis, d'une façon générale,
02:07:16 c'est tout à fait insupportable de penser
02:07:19 que des pays européens sont pieds et poings liés
02:07:22 devant cette situation.
02:07:26 Mais malheureusement, je ne vous apporte pas de solution,
02:07:28 puisque la solution de la monnaie,
02:07:31 de l'euro international, elle semble maintenant s'éloigner.
02:07:35 Et quant à l'idée que l'Europe pourrait exercer
02:07:38 une vraie pression sur les Etats-Unis
02:07:40 avec des rétorsions,
02:07:43 elle est absolument illusoire,
02:07:44 parce que l'Allemagne ne l'acceptera jamais,
02:07:47 la Pologne ne l'acceptera jamais, etc.
02:07:50 Enfin, en tout cas, à horizon visible.
02:07:54 -Merci, M. le Président. Je me permets de repréciser
02:07:58 ma question. En fait, ces auditions,
02:08:00 nos auditions nous ont montré qu'un certain nombre de mesures,
02:08:02 notamment la loi Sapin, un certain nombre de dispositions
02:08:05 qui ont été prises par le gouvernement précédent,
02:08:09 sous le 1er mandat d'Emmanuel Macron,
02:08:10 ont pu justement renforcer,
02:08:12 et ce sera l'appréciation, évidemment, du rapport
02:08:15 de la commission, mais ont pu grandement améliorer
02:08:18 justement la situation,
02:08:19 entre ce que M. Montebourg a constaté en 2012
02:08:22 et la situation présentée aujourd'hui.
02:08:24 Je me permets quand même de reposer une 2e fois
02:08:27 ma question, vous, en tant que Premier ministre,
02:08:29 est-ce que, même si je comprends que vous avez répondu
02:08:31 que ça allait au-delà de l'intelligence économique,
02:08:32 mais j'aimerais quand même avoir votre opinion
02:08:34 sur cette notion d'intelligence économique.
02:08:36 -Honnêtement, on n'a pas été...
02:08:37 Je ne sais pas le souvenir qu'on ait été très...
02:08:40 Enfin, très actifs sur ce sujet-là.
02:08:42 Donc j'accepte tout à fait l'idée
02:08:45 qu'il y ait eu depuis des progrès de faits
02:08:49 en matière d'intelligence économique.
02:08:52 -Question subséquente.
02:08:53 Une des faiblesses, en tout cas des failles,
02:08:55 qui a été utilisée par le droit extra-éditorial américain
02:08:59 est des pratiques de corruption
02:09:01 d'un certain nombre d'entreprises françaises
02:09:03 qui, on l'a aussi entendu dans d'autres auditions,
02:09:07 étaient peut-être exagérées,
02:09:08 et je m'insiste sur le "peut-être",
02:09:10 ce n'est pas moi de le juger, de la part du droit américain,
02:09:13 mais qui existaient quand même,
02:09:14 qui n'étaient pas non plus des faits de corruption
02:09:16 imaginés ou inventés.
02:09:18 Dans nos auditions, nous avons pu comprendre
02:09:19 qu'à Bercy même, il y avait un bureau
02:09:23 qui, non pas organisé, évidemment,
02:09:25 mais enfin qui était au courant d'un certain nombre de pratiques
02:09:29 qu'on peut estimer quand même fondannables
02:09:31 du point de vue moral ou même éthique
02:09:34 des grandes entreprises françaises.
02:09:35 Excusez-moi, monsieur le Premier ministre,
02:09:37 je finis ma question.
02:09:38 D'un point de vue moral ou éthique,
02:09:39 qui avait connaissance de ces diverses formes de pratiques
02:09:44 assimilables ou assimilées de la corruption,
02:09:46 et c'est vrai qu'on peut s'interroger sur le fait
02:09:49 que l'État français, les gouvernements successifs,
02:09:51 d'ailleurs, évidemment, pas seulement celui que vous avez dirigé,
02:09:54 ont semble-t-il, peut-être, d'ailleurs,
02:09:57 je ne sais pas si vous le saviez ou vous l'ignorez,
02:09:59 l'existence de ce service,
02:10:01 ont laissé quand même prospérer ces pratiques
02:10:04 alors que la législation américaine était assez claire
02:10:07 depuis les années 70.
02:10:09 -Il y a une immense hypocrisie américaine
02:10:12 parce que les entreprises américaines
02:10:14 se livrent exactement aux mêmes pratiques.
02:10:16 C'est ça, le sujet.
02:10:17 C'est pour ça que je ne dis pas
02:10:18 qu'il ne faut pas lutter contre la corruption.
02:10:21 Je dis que ce n'est pas aux Américains
02:10:22 d'imposer leurs règles en matière de corruption
02:10:24 aux entreprises européennes,
02:10:25 et ce n'est pas aux Européens d'imposer les leurs
02:10:27 aux entreprises américaines.
02:10:28 Voilà, c'est ça, mon point.
02:10:31 Oui, pour vendre des avions,
02:10:34 Boeing a certainement, dans le passé,
02:10:37 ou pour vendre des systèmes d'armes,
02:10:41 a certainement utilisé des méthodes qui sont condamnables.
02:10:45 Et des entreprises européennes ont fait la même chose.
02:10:48 C'est au gouvernement européen,
02:10:50 c'est au gouvernement français de combattre ces pratiques.
02:10:53 Ce qui n'est pas acceptable,
02:10:54 c'est que ce soit un gouvernement étranger
02:10:55 qui nous impose ces règles.
02:10:57 Pourquoi ?
02:10:58 Parce que vous ne pourrez jamais être sûrs
02:11:00 que ce gouvernement étranger est sincère
02:11:03 et qu'il agit, en l'occurrence,
02:11:06 uniquement pour combattre la corruption
02:11:08 et pas pour faire tomber une entreprise européenne
02:11:10 qui le gêne.
02:11:11 Et le fait qu'il y ait eu une grande concentration
02:11:15 des sanctions américaines
02:11:18 sur des grandes entreprises françaises
02:11:21 qui étaient en situation de concurrence
02:11:23 avec des grandes entreprises américaines
02:11:24 est quand même troublant.
02:11:26 C'est ça que je veux dire.
02:11:28 -Je vous remercie.
02:11:31 Dans votre exposé, votre introduction,
02:11:34 vous avez aussi mentionné des réalités d'ingérence
02:11:37 provenant, si ma liste est bonne,
02:11:39 au moins de la Turquie, du Maroc, de l'Algérie,
02:11:43 avec des consignes de vote qui étaient données.
02:11:46 Est-ce que vous pourriez développer ce point ?
02:11:48 Et pareil, est-ce que sous votre gouvernement,
02:11:50 des mesures ont été prises pour contrer, limiter
02:11:54 ou empêcher cette forme d'ingérence ?
02:11:58 -C'est dans cet esprit-là
02:11:59 que nous avions entrepris la création
02:12:02 du Conseil du culte musulman.
02:12:07 C'était pour essayer de faire en sorte
02:12:09 que, s'agissant de la religion musulmane,
02:12:13 elle puisse échapper progressivement
02:12:16 à l'influence de ses parrains
02:12:19 qui, suivant les nuances de cette religion,
02:12:23 sont la Turquie, le Maroc et l'Algérie.
02:12:26 Et oui, bien sûr, on a assisté à des...
02:12:30 On a vu de façon très précise
02:12:33 des consignes de vote données par les Turcs
02:12:37 ou par les Algériens ou par les Marocains
02:12:40 à travers leurs responsables religieux.
02:12:42 Et c'était... La réponse qu'on a essayée d'articuler,
02:12:46 c'était le Conseil du culte musulman.
02:12:48 Je ne dis pas que le résultat a été remarquable,
02:12:51 mais en tout cas, il faut déjà...
02:12:54 C'est important déjà d'être conscient que ça existe.
02:12:57 Et là, je trouve que l'ingérence, elle est directe.
02:13:02 Elle n'est pas fantaisiste,
02:13:05 elle n'est pas à travers je ne sais quel réseau social.
02:13:08 Elle est directe. C'est des instructions de vote.
02:13:12 -Merci pour la bonne compréhension, en tout cas, de ma personne
02:13:17 et de ceux qui nous écoutent.
02:13:19 Quand vous parlez de consignes de vote,
02:13:20 c'est-à-dire que ces gouvernements étrangers,
02:13:24 à travers leur réseau d'imams,
02:13:27 donnent des consignes de vote à toutes les élections...
02:13:29 -Je parle de ce que je connaissais.
02:13:32 -Dans votre connaissance...
02:13:33 Excusez-moi, M. le Premier ministre.
02:13:35 -Bien sûr.
02:13:36 -C'est à toutes les élections françaises,
02:13:38 c'est-à-dire à la fois des consignes de vote
02:13:39 pour les élections, on va dire, pour celles qui sont
02:13:41 les plus importantes, municipales, présidentielles
02:13:45 et législatives, par exemple ?
02:13:46 Et est-ce qu'elles favorisent un parti parmi d'autres
02:13:48 ou est-ce que ça tourne ?
02:13:50 -Il y a eu des consignes de vote au niveau local.
02:13:54 Il y a eu des consignes de vote...
02:13:55 Alors, parfois, elles peuvent s'annuler,
02:13:57 parce que ce ne sont pas les mêmes obédiences,
02:14:01 mais il y avait des consignes de vote au niveau local,
02:14:03 au niveau national, des consignes de vote
02:14:06 pour des partis qui étaient plus favorables
02:14:08 ou qui semblaient plus favorables au culte musulman.
02:14:11 Et donc, ce sont des ingérences qui sont considérables
02:14:15 compte tenu du nombre de personnes sensibles
02:14:20 ou qui pouvaient, à l'époque, être sensibles
02:14:22 à ces consignes de vote.
02:14:23 C'est-à-dire le nombre de ressortissants
02:14:25 ou d'anciens ressortissants
02:14:26 ou de personnes ayant une attache avec ces pays.
02:14:29 -Merci, mais justement, je dois dire
02:14:35 que cette information, quand même, me préoccupe.
02:14:39 Est-ce que vous avez, en tant que Premier ministre,
02:14:41 est-ce que vous avez quantifié cette influence ?
02:14:44 Est-ce que nos services l'ont quantifiée ?
02:14:45 Est-ce qu'à un moment, on s'est interrogé,
02:14:48 vous vous êtes interrogé avec votre gouvernement
02:14:50 sur le fait que sur certains territoires, peut-être,
02:14:52 où ces populations sensibles à ces consignes de vote
02:14:54 étaient importantes,
02:14:55 que des élections de notre République
02:14:57 aient pu aller dans un sens ou dans l'autre ?
02:14:59 Parce que... Excusez-moi, M. le Premier ministre,
02:15:01 mais il faut vraiment que je puisse finir mes questions.
02:15:03 -Pardon.
02:15:04 -Donc, ces consignes de vote qui ont été données, donc,
02:15:07 par des gouvernements étrangers à travers des réseaux religieux,
02:15:10 est-ce qu'il y a, à votre connaissance,
02:15:12 des territoires de la République, peut-être des municipalités,
02:15:15 qui ont pu aller dans un...
02:15:16 Il y a un certain nombre d'élections
02:15:17 sur notre territoire qui sont serrées.
02:15:19 Un certain nombre de territoires
02:15:21 qui auraient pu basculer d'un sens ou de l'autre
02:15:22 parce que des consignes de vote depuis l'étranger
02:15:24 ont été données.
02:15:26 -Non, je suis pas capable de répondre à cette question.
02:15:28 Je suis pas capable de quantifier les choses
02:15:30 et je veux pas m'aventurer sur des terrains
02:15:31 sur lesquels je suis pas...
02:15:33 Je n'ai pas suffisamment d'éléments.
02:15:35 Mais ce à quoi beaucoup d'élus locaux
02:15:39 qui, j'imagine, sont ici, ont été confrontés,
02:15:42 c'est quand même à la gestion de certaines mosquées,
02:15:46 pour dire les choses,
02:15:48 dépendant de certains Etats,
02:15:50 qui posaient problème.
02:15:52 Et c'est pour ça que nous avons pris des mesures
02:15:56 pour essayer de faire en sorte
02:15:57 qu'il y ait moins d'ingérences étrangères
02:15:59 dans la gestion des lieux de culte,
02:16:01 qu'on a créé le Conseil du culte musulman
02:16:04 et qu'on a essayé de bâtir
02:16:06 ce qu'on appelait l'islam français
02:16:10 ou l'islam de France.
02:16:12 Après, je suis incapable de mesurer
02:16:15 les conséquences de ces ingérences.
02:16:17 Simplement, je dis qu'elles sont connues,
02:16:20 mais c'est pas moi qui vous apprends ça aujourd'hui.
02:16:23 Ce sont des faits qui sont parfaitement documentés
02:16:29 et sur lesquels il y a une littérature.
02:16:33 -Merci, M. le Premier.
02:16:37 Ma dernière question sera...
02:16:40 Une question a déjà été posée là-dessus,
02:16:42 mais la réponse ne m'a pas parue complète
02:16:45 par rapport à l'enjeu de cette commission.
02:16:48 Vous avez évoqué des articles de presse
02:16:51 qui peuvent paraître, qui font des assimilations
02:16:53 par capillarité, par des titres choisis
02:16:55 qui peuvent renvoyer à un article
02:16:58 dont le contenu est assez différent,
02:16:59 contenu qui, d'ailleurs, parfois n'est pas accessible.
02:17:01 Donc le titre est accessible par le plus grand nombre
02:17:04 et le contenu qui peut dire l'inverse
02:17:06 ou en tout cas nuancer le titre ne l'est pas.
02:17:08 On peut considérer que la diffusion de ce genre d'articles
02:17:10 peut avoir une influence sur le processus électoraux
02:17:14 ou tout simplement sur la bonne information
02:17:16 de nos concitoyens ou de leur relais.
02:17:18 Vous avez dit que vous ne souhaitiez pas
02:17:20 faire des déclarations supplémentaires.
02:17:22 C'est évidemment votre droit,
02:17:24 mais quand même avec l'expérience que vous avez
02:17:25 de la vie politique française,
02:17:27 de son évolution aussi dans le temps,
02:17:31 différences de pratiques, d'évolution
02:17:32 de la manière dont les campagnes sont faites.
02:17:36 Un regard rapide sur les élections
02:17:39 de ces 20 dernières années,
02:17:40 on remarque à certaines périodes de tensions électorales
02:17:44 un certain nombre de partis politiques.
02:17:46 Tous ont plus ou moins été frappés.
02:17:47 Certains sont accusés d'être favorables aux Vésinulas,
02:17:50 certains favorables à la Russie,
02:17:51 certains favorables aux Etats-Unis,
02:17:54 où des noms d'oiseaux ou des soupçons
02:17:55 sont invoqués envers des personnalités engagées.
02:17:59 Est-ce que pour vous, c'est une pratique
02:18:00 qui a toujours existé ?
02:18:02 Est-ce que c'est une pratique qui a fait des allers-retours ?
02:18:03 Est-ce que pour vous, c'est une pratique qui existe ?
02:18:07 Ou est-ce que la question que je pose d'ailleurs
02:18:08 n'est pour vous pas pertinente
02:18:10 ou ne relève pas d'observations sérieuses ?
02:18:12 Bref, est-ce que, évidemment, cette commission s'occupe
02:18:15 des réalités des risques d'ingérence sur notre démocratie,
02:18:18 mais aussi de la possibilité que ces risques
02:18:20 ou ces réalités d'ingérence soient elles-mêmes utilisées
02:18:24 pour aussi manipuler l'opinion dans l'autre sens ?
02:18:27 -Ces risques-là, ils ont toujours existé.
02:18:29 Ces pratiques-là, elles ont toujours existé.
02:18:33 Dans les campagnes électorales d'autrefois,
02:18:36 on accusait les communistes d'être aux ordres de Moscou,
02:18:40 les centristes d'être payés par Washington.
02:18:44 Simplement...
02:18:45 Alors, je réponds prudemment parce que j'ai pris du recul
02:18:48 et je suis pas au coeur des choses comme vous l'êtes,
02:18:52 et donc peut-être que mon appréciation
02:18:54 est pas totalement pertinente,
02:18:57 mais je pense qu'à...
02:19:00 Dans ces époques, il y avait une presse plus contradictoire.
02:19:06 Là, on a le sentiment que sur un certain nombre de sujets,
02:19:10 c'est quasiment unanime.
02:19:12 C'est-à-dire que le papier qui va sortir à 8h d'un journal,
02:19:18 il va se propager toute la journée sur toutes les chaînes d'impôts,
02:19:23 sur tous les réseaux sociaux,
02:19:25 et avec une certaine forme d'unanimisme, quoi.
02:19:28 Et c'est ça que je trouve gênant.
02:19:31 Si je prends l'exemple de la crise de la guerre en Ukraine
02:19:34 et de la situation en Europe,
02:19:38 je lis beaucoup la presse américaine,
02:19:40 je suis frappé de voir qu'il y a aux États-Unis
02:19:43 un débat, paradoxalement,
02:19:45 dans le pays qui est le plus engagé
02:19:47 dans le combat contre la Russie,
02:19:49 il y a un débat beaucoup plus ouvert.
02:19:51 Il y a des gens qui donnent des arguments pour,
02:19:52 des arguments contre.
02:19:54 Chez nous, j'ai beau chercher,
02:19:58 c'est unanime.
02:20:01 Et c'est jamais bon quand c'est unanime.
02:20:03 En disant ça, je porte pas de jugement sur le conflit.
02:20:07 Je dis que c'est jamais bon
02:20:09 quand la totalité d'un système médiatique
02:20:11 ou la quasi-totalité d'un système médiatique
02:20:13 défend une seule thèse.
02:20:16 Et c'est ça, peut-être, qui est plus grave aujourd'hui
02:20:19 que ce que j'ai pu connaître dans le passé.
02:20:22 Autrefois, il y avait un débat contradictoire violent,
02:20:27 mais chacun allait vers le média
02:20:29 dans lequel il avait confiance
02:20:31 et dont il pensait qu'il défendait ses idées.
02:20:34 Aujourd'hui, sur un certain nombre de sujets,
02:20:36 pas sur tous, mais sur un certain nombre de sujets,
02:20:39 et notamment sur ceux que vous avez évoqués,
02:20:41 sur ces accusations de partis
02:20:44 qui seraient vendus à je ne sais quelle puissance étrangère,
02:20:48 il y a une certaine forme d'unanimité.
02:20:50 -Je vous remercie.
02:20:55 Question des commissaires, de la rapporteure.
02:20:57 Très bien. M. le Premier ministre,
02:20:58 je vous remercie du temps que vous avez consacré
02:21:00 à notre audition, aux réponses que vous avez apportées
02:21:05 à nos interrogations.
02:21:07 Cher collègue, nous nous retrouvons jeudi
02:21:08 pour les 2 dernières auditions
02:21:10 de notre commission d'enquête parlementaire
02:21:11 avec M. Beauvais, qui sera en visio
02:21:14 pour des raisons personnelles qui étaient justifiées,
02:21:18 et ensuite M. Schauffauser,
02:21:20 qui sera en présence de son avocat,
02:21:22 puisque, contrairement à d'autres,
02:21:23 ça demande de nous assembler avec Mme la rapporteure légitime
02:21:25 pour que l'audition puisse se produire,
02:21:27 ce qui est aussi ce qu'il compte.
02:21:28 M. le Premier, je vous remercie à nouveau.
02:21:30 Je remercie les services de l'Assemblée
02:21:32 pour l'organisation de cette journée de travail.
02:21:35 Je vous souhaite une belle soirée.
02:21:36 La séance est levée.
02:21:38 [SILENCE]

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