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Audrey Aronica, une Meylanaise de 41 ans, est atteinte depuis 3 ans d'algie vasculaire de la face, une maladie terrible, qu'on appelle aussi la maladie du suicide, tant elle est douloureuse. Mais Audrey a décidé de vivre sa vie, à fond, malgré la douleur omniprésente.

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Transcription
00:00 Bonjour et bienvenue dans Le Grand Format, le reportage en longueur de la rédaction
00:04 de France Bleu Isère.
00:06 Aujourd'hui, rencontre avec Audrey Aronica, cette mélanèse de 41 ans est atteinte depuis
00:12 trois ans d'algie vasculaire de la face, une maladie terrible qu'on appelle aussi
00:17 la maladie du suicide tant elle est douloureuse.
00:20 Mais Audrey a décidé de vivre sa vie à fond malgré la douleur omniprésente.
00:26 Le Grand Format de France Bleu Isère.
00:29 Bonjour Véronique Peuillot.
00:31 Bonjour Lionel Cariou.
00:32 Vous avez rencontré Audrey Aronica il y a deux ans.
00:36 Elle voulait faire connaître au grand public sa maladie, l'algie vasculaire de la face
00:41 qui fait partie de ces maladies invisibles mais si handicapantes.
00:45 Audrey m'avait raconté sa vie quand on s'était rencontré chez elle.
00:49 Avant la maladie, elle a un mari, deux enfants et un métier qu'elle adorait.
00:53 Elle était esthéticienne et praticienne de médecine chinoise.
00:56 Elle avait monté son cabinet qui commençait à bien marcher quand la maladie s'est déclarée
01:00 fin 2020.
01:01 J'ai commencé à consulter mon médecin généraliste pour ces douleurs à la tête
01:05 et il a commencé à m'expliquer que c'était rien de méchant, que les céphalées étaient
01:12 la première cause de consultation chez un médecin en France et que ça allait passer.
01:17 Sauf que ça n'a pas passé du tout.
01:19 Les semaines ont suivi et les douleurs se sont même intensifiées.
01:23 Comme si j'avais un hématome à l'arrière de la tête quand je me touchais le crâne.
01:27 Pas un mal de tête habituel, c'était beaucoup plus violent que ça car ça touchait vraiment
01:33 tout le crâne, un peu les yeux au début.
01:36 Et là on a rapidement posé le diagnostic de la névralgie d'Arnold.
01:40 La névralgie d'Arnold est quand même assez banalisée car on m'a dit en quelques séances
01:45 de kiné, 15 jours d'anti-inflammatoire que tout ça allait passer.
01:48 Au contraire, ça s'est amplifié jusqu'à un jour, à finir aux urgences tellement la
01:54 douleur était forte et a provoqué des vomissements.
01:57 Et là a commencé pour moi une grande errance médicale.
02:02 Je me suis retrouvée très seule face aux médecins, face à ces douleurs, ne sachant
02:06 plus quoi faire pour m'en sortir.
02:08 J'ai vu trois neurologues au début sur Grenoble.
02:10 La première, je ne l'oublierai jamais car elle m'a dit "Madame Aronica, mais tout va
02:15 bien chez vous.
02:16 A part la tête, donc à part vous la couper, je n'ai pas de solution".
02:18 Donc c'est vrai que quand elle m'a dit "à part vous couper la tête, je n'ai pas de solution",
02:22 c'est resté.
02:23 Et là j'ai compris que ça allait être compliqué.
02:26 Que je souffrais d'une pathologie que les médecins ne connaissaient pas, que les neurologues
02:31 ne connaissaient pas.
02:32 Comment vous avez réussi à mettre un nom sur votre maladie ?
02:34 Disons que j'ai commencé à chercher par moi-même.
02:37 Et là merci internet, merci les réseaux sociaux et les groupes de malades.
02:42 J'ai trouvé un spécialiste de ma maladie en Suisse.
02:45 J'ai une névralgie d'Arnold et une algie vasculaire de la face.
02:48 Mais l'algie vasculaire de la face n'est pas tombée tout de suite.
02:51 On me parlait de trijumeaux, on me parlait de névralgie faciale.
02:55 Je crois que j'ai tout entendu.
02:56 On m'a mis dans toutes les cases.
02:58 J'ai eu céphalie de tension, j'ai tout eu en termes de céphalie.
03:01 Mais c'est après un horologue parisien, quand je suis rentrée de Suisse, qui m'a posé
03:06 le vrai diagnostic.
03:07 Et là les vrais traitements ont commencé.
03:09 C'est ce qu'on appelle la maladie du suicide, l'algie vasculaire de la face.
03:12 Pourquoi ?
03:13 Les douleurs que provoque cette maladie sont tellement atroces que vous n'avez qu'une
03:17 envie, c'est que ça s'arrête.
03:18 Les neurologues la notent à 11 sur 10.
03:21 Ils disent que les douleurs qu'elle provoque sont les pires.
03:23 Toute maladie confondue.
03:25 On peut la comparer à une amputation sans anesthésie.
03:28 Donc c'est expliquer la violence de la douleur.
03:31 Moi lors des crises, plus maintenant, j'ai appris à les gérer.
03:34 Moi je me revois faire le tour de la table de mon salon, me tenant la tête, me disant
03:39 mais je vais mourir en fait.
03:41 Et puis vous avez plein d'idées qui vous passent par la tête.
03:43 Vous avez les médicaments qu'il faut chez vous.
03:45 Vous voulez vous endormir.
03:46 Que cette douleur s'arrête.
03:48 C'est pas humain en fait.
03:49 Alors il existe des médicaments pour les calmer, mais ces médicaments, parlez-nous-en,
03:54 c'est le début de votre combat.
03:55 Ils sont très chers.
03:56 Alors il existe plusieurs traitements.
03:58 Alors là le traitement dont vous me parlez, ce sont les anticorps monoclonaux qui existent
04:03 sous différentes molécules et marques de laboratoire.
04:06 Ces médicaments coûtent entre 245 et 500 euros par mois.
04:10 Moi ça fait deux ans que j'utilise un de ces médicaments.
04:13 Je vais pas dire que c'est le médicament miracle, car la maladie ne s'arrête pas,
04:17 mais ça me rend une vie plus supportable.
04:20 Et surtout, et ça c'est un point très important, c'est le seul médicament que
04:23 je supporte au niveau des effets secondaires.
04:26 Car j'ai eu beaucoup de traitements, je suis pas arrivée à celui à 245 euros, voilà,
04:30 en me disant "bon bah donnez-moi le médicament le plus cher et pas rembourser", alors qu'il
04:33 existe des médicaments d'une vingtaine d'euros qui sont remboursés.
04:36 Mais ces médicaments d'une vingtaine d'euros, je ne les ai pas supportés.
04:40 J'ai perdu plus de 10 kilos depuis le début de ma maladie, je fais à peine 42 kilos,
04:47 et les effets secondaires, je tombais à 8 de tension.
04:49 Audrey Aronica a dû arrêter de travailler, un renoncement très difficile pour elle.
04:55 Heureusement, elle le dit, elle a un mari en or qui est toujours à ses côtés, qui
05:00 la soutient, ainsi que leurs deux enfants.
05:01 Oui Lionel, et après la diffusion du reportage sur France Bleu Isère, Lise Hérois, Olivier
05:06 Ferrand, alors ministre de la Santé et neurologue de formation, l'a appelée.
05:09 Elle lui a demandé de l'aider pour que les anticorps monoclonaux qui la soulagent mais
05:13 qui ne sont pas remboursés le soient.
05:14 Elle pense bien sûr aux autres malades, ceux qui n'ont pas les moyens de les acheter,
05:18 mais ce combat-là n'est pas encore gagné, comme elle nous l'explique.
05:21 En gros, comme c'est un médicament que pour la migraine, et qu'il existe énormément
05:25 de médicaments qui sont remboursés et qui ont prouvé leur efficacité sur le marché,
05:30 le médicament n'est pas remboursé.
05:31 C'est malheureux, mais nous ne sommes pas suffisamment de malades à souffrir d'algies
05:36 vasculaires de la face pour pouvoir faire une étude clinique pour cette pathologie-là.
05:40 Je me bats surtout pour qu'on puisse avoir un accès compassionnel, déjà au moins pour
05:44 les malades qui utilisent ce traitement depuis des années, qui n'ont pas le choix que de
05:49 le continuer, parce que j'ai fait l'essai de l'arrêter un mois, je ne le referai plus.
05:52 En France, entre 120 000 et 150 000 personnes souffrent d'algies vasculaires de la face,
05:59 sans doute plus, car il y a un problème de dépistage.
06:02 Audrey, qui continue à sensibiliser les politiques, rencontre à ce que l'on appelle les maladies
06:08 invisibles en se rendant au Parlement, ou qu'elle croise sur le terrain au gré des
06:11 visites officielles.
06:13 Oui, et toujours pour aider les autres, elle a adhéré à l'association francophone pour
06:16 vaincre les douleurs, et elle s'est formée pour devenir patient-expert.
06:20 Être patient-expert, ça me donne le droit d'animer des ateliers, des groupes de malades,
06:25 d'aider les malades, même en organisant des animations, des ateliers, des conférences,
06:32 c'est une écoute active du malade, et surtout de tenir des permanences dans les centres
06:37 antidouleurs, d'animer ces ateliers dans les centres antidouleurs, parce que le patient-expert
06:42 n'est pas reconnu.
06:43 Donc je reste bénévole.
06:44 On a lancé un combat avec Servane Huck, qui est députée de la première circonscription
06:50 de l'ISER, pour faire reconnaître ce statut de patient-expert, dont elle nous a rencontrés
06:56 avec Nathalie Deparille, la présidente de l'association, car c'est important de faire
07:01 parler des patients-experts.
07:02 Moi, j'aurais aimé qu'on me dise "Audrey, il y a un patient-expert de ta maladie qui
07:08 va t'aider".
07:09 Moi, j'aurais aimé intégrer un groupe de malades au CHU pour m'aider à vivre avec
07:14 les douleurs, apprendre à mieux gérer mes médicaments, à mieux parler de ma maladie,
07:22 à mieux communiquer avec mon entourage, parce que c'est ça, le rôle d'un patient-expert.
07:27 Les malades devraient être au courant que le patient-expert existe.
07:30 Ça, ça serait mon premier objectif.
07:32 Et le deuxième, ça va me prendre un peu de temps, ça va être un nouveau challenge
07:36 pour moi, ça serait de mettre en place carrément un programme d'éducation thérapeutique
07:40 d'algésie vasculaire de la phase, de névralgie d'Arnold, du trijumeau, qui n'existe pas
07:44 en France.
07:45 En tout cas, je n'en ai pas trouvé.
07:46 J'ai cherché, mon formateur a cherché aussi et on n'en a pas trouvé.
07:50 Et alors, vous avez un autre défi aussi, c'est de suivre une autre formation, un
07:54 DIU en éthique de santé, c'est ça ?
07:56 Oui, c'est ça.
07:57 Je me suis dit qu'un diplomataire universitaire en éthique de santé, pour mieux comprendre
08:01 les comportements humains, on est tous différents, on gère tous d'une manière différente
08:07 nos maladies, nos douleurs.
08:09 L'être humain à étudier dans sa complexité m'interpelle et j'ai envie d'aller chercher
08:14 plus loin et de faire ce diplôme qui va être long sur une année, j'aurai un mémoire
08:20 à produire.
08:21 Ça va être mon nouveau défi et moi je crois que j'ai besoin de but pour avancer
08:25 et pour vivre en fait.
08:28 Audrey Aronica se bat également pour percevoir son allocation adulte handicapée.
08:33 Oui, elle y a droit mais comme son mari a des revenus, elle ne l'a touché pas jusqu'à
08:37 présent.
08:38 La loi a changé récemment intégrant la notion de déconjugalisation.
08:41 Encore faut-il qu'elle s'applique dans les faits.
08:43 Et le traitement des dossiers par la maison du handicap est très long.
08:46 Mais pour Audrey, c'est très important de retrouver une certaine indépendance financière,
08:50 elle qui avait toujours travaillé avant sa maladie.
08:52 Bref, vous l'aurez compris, Audrey Aronica est sur tous les fronts.
08:55 Quelle leçon de vie, quel chemin parcouru par ce petit bout de femme depuis notre rencontre
08:59 il y a deux ans ?
09:00 Il y a toujours de l'espoir, il faut toujours y croire, vraiment croire en soi.
09:04 Je crois pas avoir peur d'oser réaliser ses rêves.
09:07 La vie est une histoire de rencontres aussi, de bonnes rencontres.
09:11 Une rencontre, un instant T peut tout changer mais il faut oser y aller, il faut oser accepter
09:16 les mains tendues.
09:18 Il faut accepter aussi surtout sa maladie.
09:20 Moi j'ai accepté le fait d'être malade, d'avoir un handicap invisible.
09:25 J'ai accepté de vivre avec et de ne pas guérir.
09:28 Déjà, les douleurs ne s'arrêtent jamais.
09:30 J'ai mal, j'y supporte, c'est ma vie maintenant.
09:33 Ma douleur, elle fait partie de moi.
09:35 C'est ma colocataire, elle vit avec moi.
09:38 Dans ma tête, j'ai vraiment intégré le fait de vieillir avec.
09:41 Souvent ça fait peur vieillir avec parce que j'ai 41 ans et souvent je me dis "mais
09:47 comment va être ma vie quand j'aurai 80 ans et tous les autres problèmes d'une
09:51 personne âgée en plus de ma maladie ?"
09:53 Souvent j'y pense.
09:54 Mais j'ai accepté tout ça et je crois que si on n'accepte pas sa maladie, on n'avance
10:00 pas.
10:01 C'est un long chemin.
10:02 J'ai fait un long chemin et je positive au maximum parce que sans cette maladie, je
10:09 n'aurais pas rencontré tant de personnes.
10:11 Je ne serais pas là où j'en suis aujourd'hui quand je regarde tout ce que j'ai fait, toutes
10:17 les personnes que j'ai rencontrées.
10:19 Je trouve ça incroyable.
10:20 On peut rebondir et se reconstruire.
10:23 J'aime beaucoup dire que je me suis réinventée.
10:25 Je me suis carrément réinventée une vie.
10:27 Moi qui étais esthéticienne dans mon petit cabinet à mon compte, là maintenant je suis
10:32 dans une association de malades.
10:35 Je vais reprendre des études encore.
10:38 Je me suis même investie dans le monde politique, moi en politique.
10:42 On aurait dit ça il y a quelques années mais j'aurais dit "mais ça va pas".
10:45 Non je crois qu'il faut croire en soi et puis il ne faut rien lâcher.
10:48 Rien lâcher même au niveau du monde médical.
10:51 Quand on a vu un médecin une première fois qui vous dit "vous sentez qu'ils ne vous
10:56 écoutent pas mais font changer".
10:57 Je sais que c'est usant.
10:59 J'en ai fait beaucoup.
11:00 J'ai même été jusqu'en Suisse.
11:01 Je sais que c'est un combat qui est usant mais les bons médecins, les bons spécialistes
11:05 existent et il ne faut pas lâcher.
11:06 Il faut continuer encore et encore jusqu'à être entendu par les bonnes personnes.
11:10 Moi c'est cette maladie-là.
11:11 Même au sein de l'association on le voit bien mais toutes les maladies, toutes les
11:16 douleurs dont les gens peuvent souffrir.
11:19 Qu'on parle du cancer, qu'on parle de sclérose en plaques, qu'on parle de plein de maladies
11:23 mais il y a beaucoup à faire.
11:25 Il y a vraiment beaucoup à faire.
11:26 Voilà le témoignage d'Audrey Aronica, atteinte d'algie vasculaire de la face.
11:31 C'était le grand format de la rédaction de France Bleu Isère.
11:35 Merci à vous Véronique Peuillot.
11:37 Merci à Gérard Coste pour la réalisation.
11:40 Ce reportage est à retrouver sur notre site internet, nos réseaux sociaux et les plateformes
11:45 de podcast.

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