Hommage à Jean Moulin: "Il avait la certitude intime que la France en laquelle il croyait serait victorieuse"

  • l’année dernière
Après une commémoration du 8 Mai 1945 sur des Champs-Elysées quasiment vides, Emmanuel Macron s'est rendu à Lyon pour rendre hommage à Jean Moulin et à la Résistance. Plusieurs milliers de personnes ont manifesté pour protester contre la réforme des retraites, alors que la préfecture du Rhône avait interdit tout rassemblement dans un large périmètre autour du mémorial.
Transcript
00:00 Jean Moulin était l'arrière-petit-fils
00:01 d'un soldat de la Révolution,
00:03 petit-fils d'un insurgé de 1851,
00:06 fils d'un hussard noir de la Troisième République.
00:10 Dans ses veines coulait cet amour des lumières
00:13 réchauffé au grand soleil de son Languedoc natal.
00:17 Jean Moulin était enfant de la République,
00:21 serviteur de l'Etat au point d'être nommé
00:23 plus jeune préfet de France à 37 ans,
00:25 à Rodez, puis à Chartres.
00:28 Soldat de la France,
00:30 au point de demander à être relevé de ses fonctions de préfet
00:33 pour pouvoir aller se battre.
00:36 Cela ne lui fut pas permis, et c'est face aux nazis
00:39 que le préfet de Chartres mit à l'épreuve son propre courage,
00:42 refusant, lors de la débâcle de 1940,
00:46 de signer un texte mensonger accusant à tort
00:48 des tirailleurs sénégalais de l'armée française
00:51 de massacre sur les civils du Hamo de la Thé,
00:54 en Neures et Loire.
00:57 Arrêté, emprisonné, torturé,
01:01 il tenta d'échapper à l'étau des nazis
01:02 en se tranchant la gorge avec un tesson de verre.
01:07 Libéré par ceux qui n'avaient pu le briser,
01:09 révoqué par le régime du maréchal Pétain,
01:12 il rejoignit alors à Londres le général de Gaulle.
01:18 C'est de sa main qu'il reçut en décembre 1941
01:22 la mission de constituer l'armée secrète,
01:25 d'accomplir le rassemblement de tous les éléments
01:27 qui résistaient à l'ennemi,
01:30 d'unir les droites et les gauches,
01:32 les gaullistes et les socialistes,
01:34 les communistes et les radicaux,
01:36 les francs-maçons et les catholiques,
01:37 les protestants et les libres-penseurs,
01:39 les civils et les militaires,
01:41 les chefs de réseau et les politiques
01:43 de la Troisième République.
01:46 Alors Jean Moulin se mit à la tâche.
01:49 Parachuté en Provence dans la nuit du 2 janvier 1942,
01:54 il commença à sillonner la France en tous sens,
01:57 à multiplier les rencontres secrètes
01:59 où se déployaient ses talents de diplomate.
02:02 Ses compagnons de route qu'il épaulait sans relâche,
02:05 se dénommaient Daniel Cordier, Colette Ponce,
02:07 Pierre Meunier, Robert Chambéron et tant d'autres.
02:12 A force de pourparler de négociations, de persuasions,
02:15 défiant la menace de la police de Vichy,
02:18 les chefs des 3 principaux mouvements de la zone
02:21 dites alors "libre", "combat", "libération" et "franc-tireur",
02:25 Henri Frénet, Emmanuel Dacier de la Vigerie et Jean-Pierre Lévy,
02:30 s'assemblèrent en janvier 1943
02:33 au sein des Mouvements unis de la résistance.
02:36 Voici Jean Moulin dans le bureau londonien du général de Gaulle
02:40 ce 14 février 1943 pour lui rendre compte
02:43 de ses 1ers succès.
02:45 Et le voici dans la nuit du 20 février grave,
02:50 méditant les paroles du général qui lui a confié la tâche
02:53 d'aller plus loin encore et de fédérer
02:55 toutes les autres forces résistantes.
02:57 Et le voici, infatigable,
03:00 parlementante avec chacune d'elles.
03:03 Le voici enfin, le 27 mai 1943,
03:08 président dans un appartement de la rue du Four à Paris,
03:11 la réunion fondatrice du Conseil national de la résistance.
03:17 Le Parti communiste est là avec André Mercier,
03:20 le Parti radical avec Marc Rucard,
03:23 la SFIOU avec André Le Troquer,
03:25 l'Alliance démocratique, la Fédération républicaine
03:28 avec Joseph Lagnel et Jacques de Bruyredel,
03:31 le Parti démocrate populaire est là avec Georges Bidot.
03:36 Jean Moulin est l'homme de Londres
03:38 et pourtant, les résistants de l'intérieur sont là,
03:41 tout comme les 2 grands syndicats de la France républicaine,
03:44 la CGT et la CFTC.
03:48 Sont ainsi présentes toutes les forces du renouveau,
03:50 forces du travail, forces de la jeunesse,
03:53 assemblées enfin au sein de la même organisation
03:56 et qui toutes désignent Jean Moulin, président du CNR.
04:01 Le dépassement voulu par de Gaulle était accompli.
04:07 Ainsi, Jean Moulin répondait à Marc Bloch.
04:12 Il existait encore en France une catégorie de Français
04:16 qui vibrait au souvenir du Sacre de Reims
04:18 et lisait avec émotion le récit de la fête de la Fédération.
04:25 Le CNR, dès sa naissance, portait l'ambition prophétique
04:28 d'une 4e République qui instaurait un vrai suffrage universel,
04:32 ouvert aux femmes, nationaliserait l'énergie,
04:35 fonderait la sécurité sociale,
04:37 libérerait la presse des forces de l'argent.
04:40 Tout cela germa en mars 1944.
04:47 C'est grâce à ce qu'il avait semé que de Gaulle
04:49 put imposer son gouvernement provisoire aux Américains
04:52 qui entendaient mettre la France sous tutelle
04:55 lors de la Libération,
04:57 et que notre pays put recueillir le 8 mai 1945
05:02 la capitulation de l'Allemagne nazie.
05:07 Et si Jean Moulin n'a jamais vu la publication
05:10 de ce programme qui porte son empreinte,
05:13 moins encore sa concrétisation,
05:16 il n'a jamais douté de l'issue du combat.
05:21 La tristesse de ceux qui n'ont pas d'espérance
05:25 n'avait pas prise sur lui.
05:28 Car il avait la certitude intime, indéracinable,
05:32 que la France en laquelle il croyait serait victorieuse,
05:36 que d'autres, si ce n'est lui, en cueilleraient les fruits
05:40 et que la justice triompherait.
05:43 Mais il ne pouvait imaginer à quel point ce serait vrai
05:45 dans les lieux même de son agonie,
05:47 et que ces murs où nous nous tenons en seraient le prétoire.
05:52 En 1983, 40 ans après sa mort,
05:55 alors que Montluc n'était plus depuis longtemps une prison nazie,
05:59 la grande porte de la Jaule s'est ouverte à nouveau sur son passé.
06:04 Un fantôme de son histoire est revenu hanter ces murs,
06:08 blanchi, vieilli, émacié.
06:12 Klaus Barbie.
06:14 Mais cette fois-là, il n'était pas vêtu de son uniforme.
06:18 La porte se ferma sur son destin
06:20 qu'il avait tant de fois refermé sur d'autres.
06:23 Car après 30 ans de cavale, d'espionnage et de trafic
06:26 en Amérique du Sud,
06:28 grâce à l'acharnement d'hommes et de femmes,
06:31 de courage et de mémoire,
06:33 Béathe et Serge Klarsfeld,
06:36 une fois encore, je remercie et admire.
06:39 Ladislas de Hoyos, Régis Debré,
06:43 le tortionnaire de Jean Moulin venait d'être extradé
06:45 pour être jugé à Lyon au cours du procès
06:49 qui allait faire retentir pour la 1re fois
06:51 dans les Assises françaises le terme de crime contre l'humanité.
06:57 Et le garde des Sceaux, Robert Bannater,
06:59 avait obtenu que la 1re incarcération du bourreau
07:03 fut sur le lieu même de ces crimes.
07:06 Dans la nuit de Montluc,
07:08 le boucher de Lyon s'est trouvé face à l'histoire.
07:13 Et cette nuit avait 10 000 regards.

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