SMART JOB - Tips du mercredi 10 mai 2023

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Mercredi 10 mai 2023, SMART JOB reçoit Marianne Mercier (Consultante-philosophe pour les organisations)

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Transcript
00:00 -Smart, philo, de la philo, comme chaque semaine,
00:06 avec Marianne Mercier.
00:08 -Bonjour. -Ravie de vous accueillir.
00:10 C'est votre premier passage.
00:12 On est très heureux. Consultante, philosophe
00:14 pour les organisations, donc vous enseignez
00:17 et vous allez en entreprise pour professer, évangéliser.
00:20 Vous avez choisi de parler, pour cette première chronique,
00:23 de ce conflit de valeurs intergénérationnel au bureau
00:26 avec vraiment un point d'interrogation,
00:29 vous vous interrogez.
00:30 D'abord, la notion de valeur, c'est quoi ?
00:33 Avant de commencer à évoquer l'idée qu'il y a un conflit,
00:36 c'est quoi, cette notion de valeur ?
00:38 -La notion de valeur, c'est ce qui vaut,
00:40 c'est ce à quoi on donne de l'importance.
00:43 Ca vaut le coup de le rappeler, un petit peu ces bases-là.
00:46 Les valeurs, on peut les distinguer les unes entre les autres,
00:49 faire des classifications pour y voir plus clair.
00:52 On peut mettre d'un côté les valeurs qu'on éprouve,
00:55 donc c'est les valeurs que nous, on va choisir
00:58 pour donner du sens à notre action.
01:00 C'est vraiment nous qui, individuellement,
01:02 allons décider, moi, j'accorde de l'importance,
01:05 par exemple, au respect, à l'autonomie.
01:07 Ca, ce sont des choses qui comptent pour moi,
01:10 c'est ce que j'éprouve.
01:11 Ensuite, il y a les valeurs qui sont plus...
01:14 qu'on va mettre dans notre discours.
01:16 Ce sont les valeurs qu'on va exprimer,
01:18 qui, pour autant, ne sont pas moins importantes,
01:21 parce que ce sont ces valeurs-là en organisation
01:24 qui vont donner la direction, un sens commun
01:26 et, en fait, le plus important, c'est la vision.
01:29 Dans cette distinction, on peut voir
01:31 qu'il peut y avoir deux types de conflits.
01:34 A savoir que quand il y a un décalage
01:36 entre ce qu'on éprouve, ce qu'on fait dans l'action
01:39 et le discours de l'entreprise,
01:41 forcément, il peut y avoir une tension.
01:43 Et aussi, se dire,
01:44 est-ce que vraiment l'entreprise a des valeurs
01:47 qui vont être en correspondance avec les miennes ?
01:50 Parce qu'en soi, toute entreprise a des valeurs.
01:53 -Aussi, ça, c'est quelque chose...
01:55 Une valeur, c'est forcément
01:57 quelque chose qui est altruiste, humaniste, etc.
02:00 La performance, c'est une valeur.
02:02 -Une entreprise est-elle un être humain
02:04 qui porte des valeurs ? Le conflit peut émerger
02:07 ou être vécu à l'intérieur de l'être humain,
02:09 puisqu'elle a des valeurs silencieuses, non verbalisées.
02:12 L'entreprise ne porte pas les valeurs qu'on a en soi.
02:15 Allons à l'essentiel.
02:17 Est-ce qu'il y a un conflit de génération ?
02:19 On nous dit que les jeunes de cette génération Z
02:22 ont le sens, le travail.
02:23 Est-ce qu'on exagère un peu tout ça ?
02:26 -Bah non.
02:27 Est-ce qu'il y a une exagération ?
02:29 Moi, en tout cas, ce que je vois quand j'interviens en entreprise,
02:33 c'est que toutes ces valeurs-là, fortes,
02:35 ne sont pas apportées par les jeunes.
02:37 Je mettrais une nuance.
02:38 La crise de sens, elle est générale.
02:41 On l'a tous ressenti avec le Covid,
02:43 les thèmes comme les blue-sheet jobs.
02:45 -Pas besoin d'avoir 25 ans pour avoir des valeurs.
02:48 -Heureusement.
02:49 -Ca veut dire que, pour tuer un peu le sujet,
02:52 il y a une émergence de conflits de valeurs,
02:54 mais qui n'est pas un conflit entre générations,
02:57 mais un conflit entre l'entreprise et ce que porte l'individu.
03:00 -Ce serait plutôt ça, effectivement.
03:03 -Les seniors, vous dites "seniors", vous, en tant que philosophe ?
03:06 -On peut utiliser ça,
03:08 car il faut se repérer dans les générations.
03:10 Comment est-ce qu'on distingue les générations ?
03:13 Comment on peut les définir ?
03:15 Déjà, se poser la question, ça peut éclairer aussi.
03:18 Se dire, est-ce qu'on choisit de définir ça par tranche d'âge ?
03:22 Juste se dire, il y a les 18-25 ans,
03:24 les 25-34, les 34-50.
03:27 Est-ce qu'on se dit,
03:28 c'est plus en termes de catégories socioprofessionnelles,
03:32 donc on mettrait les étudiants, les jeunes actifs, etc. ?
03:37 Ou alors, est-ce qu'on va plutôt chercher des marqueurs culturels ?
03:40 C'est là-dessus qu'on va parler des baby-boomers,
03:43 de la génération X, Y, Z, Alpha, maintenant.
03:46 Ou là, quand on se positionne sur une définition de la génération
03:50 basée sur des valeurs, une culture commune,
03:52 on se pose la question de l'identité.
03:54 -J'étais sur la génération Z, vous m'éclairez.
03:57 La génération Alpha. -La génération TikTok.
04:00 -Je prends un gros coup de vieux.
04:02 Est-ce que la jeune génération,
04:03 vous avez un regard sur cette question,
04:06 est plus individualiste que les générations précédentes ?
04:09 -C'est ce qu'on nous dit.
04:11 Après, c'est quelque chose que je trouve intéressant
04:14 comme cliché, de façon générale.
04:16 Je pense que c'est important de se questionner sur les clichés,
04:20 mais on nous enseigne sur ce qu'on veut voir,
04:22 ce qui est dans l'inconscient collectif.
04:25 On veut voir les jeunes générations comme plus individualistes.
04:28 Quelque chose que j'ai envie de rappeler,
04:31 c'est que ces jeunes générations,
04:33 si elles ont un comportement tel qu'il est,
04:35 c'est parce qu'il y a eu les anciennes qui ont préparé le terrain.
04:39 Une génération n'émerge pas ex nihilo.
04:41 Déjà, ça, j'ai envie de le rappeler.
04:44 Et ensuite, sur cette question de l'individualisme,
04:47 il y a un courant utile pour apporter un éclairage,
04:49 c'est le postmodernisme en philosophie.
04:52 C'est un grand concept.
04:53 -C'est-à-dire les Deleuze, les Foucault.
04:56 -Voilà, Guattari, etc.
04:57 Un peu plus récemment, on a Bruno Latour,
05:00 qui s'est questionné sur la modernité.
05:02 Mais le postmodernisme, en gros,
05:04 ça nous permet d'envisager le fait qu'on est sortis de la modernité.
05:08 Donc on est sortis de l'idéal des lumières,
05:11 de l'idéal de la raison, de la vérité scientifique,
05:14 qu'on serait en quête permanente, en recherche là-dessus.
05:18 -On aurait tourné cette page. -Oui.
05:20 Et finalement, on serait un peu livrés à nous-mêmes.
05:24 -C'est vrai. Sans dieu, sans maître.
05:26 -Exactement, sans grand récit collectif.
05:28 Il y a plusieurs facteurs qui peuvent l'expliquer.
05:31 Il y a l'ère de surinformation dans laquelle on est
05:34 qui va multiplier ces récits, qui fait que tout se vaut.
05:37 Il y a le fait que, du coup, tout ce qui nous reste,
05:40 c'est nous-mêmes, pour nous repérer,
05:43 notre propre subjectivité, c'est se dire
05:45 "Qu'est-ce que moi, je décide comme sens ?"
05:48 Donc ça, c'est très vertigineux.
05:50 Ça a plusieurs effets délétères, évidemment,
05:53 parce que c'est un terrain idéal pour tout ce qui est
05:56 complotisme, délétère. -Absolument. Fake news.
05:58 -C'est pour ça que ça émerge autant aujourd'hui,
06:01 parce qu'on a moins de repères, sur aussi la cohésion du collectif,
06:05 ce qui fait que, voilà, on va se dire,
06:07 maintenant, les gens sont chacun dans leur coin,
06:10 on va avoir moins de solidarité, etc.
06:12 Donc, les questions intergénérationnelles,
06:15 on va avoir la sensation d'un délitement global.
06:17 Mais en même temps, je pense qu'il faut aussi voir ça
06:20 comme un espace de liberté, où on peut aussi s'autodéterminer
06:24 et choisir "Qu'est-ce qui, moi, m'importe ?"
06:27 Et c'est là-dessus, peut-être, les nouvelles générations
06:30 ont quelque chose d'intéressant sur cette conscience écologique
06:33 et sociale, qui ressort énormément.
06:35 On voit tous les discours qu'il y a pu avoir
06:38 dans les grandes écoles d'étudiants.
06:40 -C'est le fin d'année. -Dire qu'on n'est pas en accord
06:43 avec l'enseignement qui nous est donné,
06:45 on a envie d'autre chose, on pense qu'il y a des éléments importants
06:49 qui devraient être incorporés dans nos études.
06:52 C'est aussi voir que cet individualisme,
06:54 fondamentalement, c'est pas quelque chose
06:57 qui va conduire, nécessairement, à juste se reposer
07:00 sur le consumérisme, le statut social, etc.
07:02 -Merci, Marianne Mercier.
07:04 Il y a de l'optimisme, parce qu'il y a souvent beaucoup
07:07 de pessimistes sur ces sujets de génération Z et Alpha
07:10 et on peut réexplorer cet espace et se le réapproprier.
07:13 Merci d'être venue nous rendre visite.
07:15 A très bientôt, consultante philosophe
07:17 pour les organisations dont vous allez en entreprise
07:20 et vous donnez des cours dans des écoles de commerce.
07:23 Merci beaucoup. On fait une courte pause.
07:26 Tiens, ça va faire écho à ce que vient de nous dire Marianne,
07:29 la révolution du travail, où le travail fait sa révolution.
07:32 Il y a eu beaucoup de choses.
07:34 Il y a eu les assises dans le cadre du Conseil national
07:37 de la refondation. On en parle aujourd'hui
07:40 avec le conseil économique, social et environnemental.
07:43 On s'est emparé de ce sujet.
07:44 Une journée entière consacrée à cette révolution du sens.
07:48 On en parle avec nos invités, des experts.
07:50 C'est le "Cercle H".

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