• l’année dernière
Plus de cent personnes se sont réunies, jeudi 11 mai, pour protester contre la destruction de ce morceau de patrimoine de la commune des Hauts-de-Seine. L’occasion pour chacun de faire part de ses souvenirs et de son attachement au bâtiment, dont ils proposent une réhabilitation qui prenne en compte le changement climatique.

Une immense tour de cinquante mètres de haut et des questions en cascade. Faut-il la démolir ? La réhabiliter ? Et à quel prix ? À l’entrée de la ville de Malakoff (Hauts-de-Seine), au sud de Paris, la tour Insee doit être détruite dans les prochains mois pour laisser la place à un nouveau bâtiment, flambant neuf, accueillant les fonctionnaires du ministère de la Santé. C’est le souhait de l’État. Mais la municipalité communiste et les habitants ne l’entendent pas de cette oreille, et appellent à restaurer la tour, en s’appuyant sur l’existant, pour en faire un lieu de vie.

Un mois jour pour jour après avoir été reçue par le cabinet du ministre de la Transition écologique, la maire PCF Jacqueline Belhomme appelait à un rassemblement au pied de la tour jeudi 11 mai. Dans une ambiance festive, où les verres de jus de pomme se sont mêlés aux chips, le tout au rythme des chansons de Zaz ou de Mylène Farmer, une centaine de personnes s’est réunie pour dire non à la démolition de la tour. « C’est complètement fou, s’agace Murer, 91 ans. Ils veulent faire ça sans notre accord, en utilisant les deniers publics. Bien sûr ce n’est pas un bijou architectural, mais c’est notre histoire. » Construite au cours des années 1970, la tour Insee a fait les belles heures de la ville de Malakoff. Murer se souvient y avoir travaillé pendant plusieurs années. Il n’en garde que de bons souvenirs. « C’était la bonne époque. Voir cette tour à plat, ça me ferait un pincement au cœur », reconnaît-il.

Non loin de là, Guido, un Néerlandais installé en France depuis trente ans, prend des photos. Il ne trouve pas non plus l’immeuble particulièrement joli, mais explique : « Qu’est-ce qui est beau ? À qui revient la responsabilité de dire ce qui est beau et ce qui ne l’est pas ? À une certaine époque, la Tour Eiffel n’était pas jugée belle. Est-ce qu’il fallait la raser pour autant ? » Il s’en va, happé par la chaîne humaine qui se constitue tout autour de la tour.

Quelques mètres plus loin, Jacqueline Delhomme discute avec des riverains remontés. « L’État nous a délaissés, abandonnés, assure l’édile. C’est une forfaiture démocratique inacceptable. Ils ne peuvent pas imposer un projet dont personne ne veut. Sans parler de l’aberration écologique. » De fait, selon les calculs d’un collectif d’habitants, quelque 6 000 tonnes de CO 2 seraient dégagées par le chantier de déconstruction.

Ce qui a le don d’énerver Jean-Christophe Hanoteau, membre de l’association In’C Malakoff. Il le répète à chaque ami qu’il croise : « La tour ne tombera pas ». « La faire disparaître, ce serait faire disparaître l’histoire des gens qui l’ont construite.»

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Transcription
00:00 C'est une aberration écologique, humaine et architecturale.
00:04 C'est un des derniers témoins de l'architecture du XXe siècle.
00:08 On a la chance d'avoir un témoin de cette qualité à Malakoff.
00:11 Il faut la conserver absolument.
00:13 En fait, il reconstruit en hauteur
00:28 ce qui a été la coupure de Paris et de Malakoff avec le périphérique.
00:35 Alors on s'est battu depuis 1969
00:39 pour faire boucher ce périphérique et le faire couvrir.
00:43 Et on s'est battu pendant des années pour qu'on bouche un trou.
00:46 C'est pas pour qu'on nous construise une muraille à la place.
00:49 Malakoff n'a pas besoin d'être enmuré.
00:52 Les murailles de tiers, elles sont démolies depuis de nombreuses années.
00:56 C'est pas pour en construire une autre.
00:57 Et cette idée de faire cette tour,
00:59 qui est une tour qui est ouverte et arrondie,
01:02 c'est la conclusion volumétrique de toute la rénovation Nord.
01:06 Et c'est une conclusion douce et ouverte à la lumière.
01:10 Et je crois qu'il faut vraiment insister en ce moment
01:13 l'importance de la lumière dans les espaces de travail.
01:17 C'est quand même le gâchis, le scandale écologique
01:20 qui consiste à démolir un bâtiment de dizaines de milliers de mètres carrés
01:25 de béton, de verre, d'acier pour reconstruire la même chose.
01:28 Donc aujourd'hui, dans le contexte actuel,
01:29 c'est vraiment quelque chose de complètement aberrant.
01:32 On est aussi attaché à cette œuvre parce que c'est une œuvre aussi,
01:37 le bâtiment de l'INSEE, c'est aussi une œuvre architecturale
01:39 emblématique aussi des années 70.
01:41 C'est aussi un bâtiment qui est important
01:44 dans le paysage de l'île de France, du périphérique.
01:47 Donc voilà.
01:48 Un an et demi de mobilisation.
01:49 Et oui, depuis novembre 2021.
01:53 Après avoir étudié dans le détail le bâtiment,
01:57 à la fois sa structure, à la fois son organisation spatiale,
02:02 eh bien on s'est rendu compte que c'était très simple
02:04 de remettre du bureau là où il y avait du bureau.
02:07 On a une surface construite de plus de 50 000 mètres carrés
02:12 en comptant les sous-sols.
02:14 Les besoins de ministères sont de 32 000 mètres carrés.
02:17 Donc on est très largement au-dessus.
02:19 Et aujourd'hui, on aménage très facilement des sous-sols
02:23 en créant des patios pour les éclairer.
02:25 Alors évidemment, l'enveloppe est vétuste.
02:27 Elle a été construite dans les années 70.
02:30 Donc l'enveloppe est à remplacer.
02:31 C'est ce qui est en train de se faire,
02:33 puisque de toute façon,
02:34 les joints des parois de la façade sont amiantés.
02:39 Donc l'amiante est en train d'être enlevée.
02:41 Les travaux sont en cours.
02:43 Et donc dans quelques mois,
02:44 le bâtiment sera prêt à réhabiliter.
02:47 Et on est vraiment moteur là-dessus
02:50 parce que quand on connaît ce que ça représente
02:54 en termes de quantité de matériaux
02:56 qui devront être broyés, puis recyclés,
03:02 plus les matériaux qu'on va ramener
03:04 pour reconstruire la même surface,
03:07 eh bien voilà, ça paraît d'une grande cohérence
03:12 de ne pas démolir.
03:13 On se rend compte qu'en fait,
03:18 le chantier de démolition/reconstruction,
03:20 donc le rouge, émet plus de 53 000 tonnes de CO2,
03:23 alors que le chantier vert,
03:25 lui, il est plutôt autour de 35.
03:27 On a donc 18 000 tonnes d'écart.
03:29 Ensuite, ici, c'est le carbone qu'on émet
03:31 quand on utilise la tour.
03:33 L'État part du principe que son bâtiment futur
03:37 va être beaucoup plus performant
03:39 que le bâtiment réhabilité.
03:41 Il considère donc que la courbe verte,
03:42 ça ne se voit pas ici à l'œil nu,
03:44 mais émet un petit peu plus de carbone chaque jour
03:47 que la courbe rouge.
03:48 On a donc regardé ce qui se passait.
03:50 La courbe verte, si on attend 82 ans,
03:54 donc on fait les émissions du chantier
03:57 plus 82 ans de la courbe verte,
03:59 alors ici, on arrive au niveau du chantier seul
04:03 de la démolition/reconstruction.
04:06 On comprend donc que quand on aura fini
04:08 le chantier de démolition/reconstruction,
04:11 on aura émis autant de carbone
04:13 que le chantier de restructuration plus 82 ans.
04:17 On s'est dit que 82 ans, ce n'est peut-être pas tant que ça.
04:21 Alors on a regardé les chiffres autrement.
04:24 Encore une fois, c'est les chiffres de l'État.
04:26 Au bout de combien de temps,
04:28 puisque soi-disant la courbe verte émet plus de carbone
04:30 que la courbe rouge,
04:31 au bout de combien de temps ?
04:32 Eh bien, elles se croisent.
04:34 Elles se croisent au bout de 823 ans.
04:37 Donc l'État nous dit que notre solution
04:38 est bonne pour l'environnement.
04:40 Au bout de 800 ans, ce qui est fabuleux,
04:42 puisque ce bâtiment-là a été abandonné
04:44 au bout de moins de 40 ans.
04:45 Et ce qu'il y a bien une chose qui est sûre,
04:47 c'est qu'un bâtiment comme ça ne sera jamais capable
04:50 de tenir 800 ans.
04:51 Au mieux, son béton,
04:53 mais pas toute l'enveloppe qui est autour.
04:55 Et donc dans 50 ans, peut-être 30 ans,
04:59 peut-être seulement 10 ans,
05:00 il faudra le réhabiliter, ce bâtiment-là.
05:02 On y croit.
05:14 On pense qu'on mène un combat juste,
05:20 qui est actuel,
05:22 qui répond à de véritables inquiétudes de la société.
05:26 Là, vous avez des rapports sur rapports
05:28 qui viennent dire que les gens sont de plus en plus inquiets
05:30 par le réchauffement climatique.
05:32 Et c'est vrai, quand on voit ce qui est en train
05:33 de se préparer ici, on se dit,
05:35 mais comment se fait-il que l'État,
05:38 qui devrait être exemplaire,
05:40 continue son projet incroyable ?
05:42 Donc, notre idée, c'est, en nous mobilisant,
05:45 de faire comprendre au maximum de gens
05:49 qu'il faut faire des choses partout
05:51 et qu'on peut les faire.
05:52 Parce que l'État, c'est nous.
05:53 On a lancé une pétition sur Internet,
05:56 il y a un an, on a presque 19 000 signataires.
05:59 On a été rejoint par la municipalité de Malakoff.
06:03 On a été rejoint par la municipalité
06:05 du 14e arrondissement,
06:06 par le Conseil de l'ordre des architectes,
06:08 la Société des architectes.
06:10 Voilà, ça fait boule de neige, j'ai envie de dire.
06:12 Et notre détermination et la justesse
06:14 du combat qu'on mène font que,
06:16 finalement, les gens nous rejoignent.
06:18 Incréabilité ! Incréabilité !
06:23 Nous refusons de comprendre les arguments
06:25 qui sont avancés pour le projet de démolition
06:28 et de reconstruction voulu par l'État,
06:31 car ce sont des arguments d'un urbanisme dépassé.
06:35 C'est les erreurs que nous faisions
06:37 et qui ont été faites.
06:38 Il y a aujourd'hui 70 ans.
06:41 Et c'est aujourd'hui l'État qui présente un projet
06:44 qui a non seulement 70 ans de retard,
06:48 mais qui, en plus, va aggraver la crise écologique
06:51 et la crise démocratique aussi en agissant de la sorte.
06:56 Et je tiens aussi à rappeler,
06:58 comme maire du 14e arrondissement de Paris,
07:01 que juste dans le 14e arrondissement,
07:03 vous avez deux exemples de réhabilitation de bâtiments
07:08 de la même époque, qui sont du même modèle
07:11 et qui ont été entièrement réhabilités.
07:13 Un, un immeuble de bureaux juste à Porte de Venves,
07:16 où nous avions pris la décision
07:18 de ne pas démolir l'ossature et la structure du bâtiment.
07:22 Et aujourd'hui, vous pouvez très bien y aller.
07:24 Et à la fin de cette année 2023,
07:26 vous avez la tour Montparnasse,
07:28 qui va également être entièrement réhabilitée,
07:31 sans être démolie,
07:32 et dont la façade va être entièrement restaurée.
07:36 Voilà, donc la mobilisation s'amplifie,
07:38 la prise de conscience aussi.
07:40 Et donc l'idée, c'est de continuer
07:42 à aller à la rencontre des habitants,
07:44 d'expliquer encore et toujours.
07:46 Je pense que la prochaine étape,
07:48 ça va plutôt être le président de la République directement.
07:50 Voilà, parce que je pense qu'il y a une décision politique
07:53 à prendre, on l'a bien vu, vous l'avez entendu.
07:55 Tous les aspects autour de l'environnement,
07:57 de l'architecture, de l'insertion urbaine,
08:01 de l'empreinte carbone,
08:03 on les connaît. Aujourd'hui, on a quand même un État
08:05 qui écrase notre PLU,
08:07 qui s'assoit sur notre plan global de déplacement,
08:09 et qui ne répond pas à la volonté de la municipalité,
08:12 donc des élus, d'être reçus
08:15 et de se remettre autour de la table.
08:16 À Malakoff, on a toujours eu des histoires de tours.
08:18 Le nom de Malakoff vient de la tour Malakoff
08:23 de la bataille de Crimée.
08:24 Donc évidemment, on est très attaché à cette tour.
08:28 Et donc on pense aujourd'hui qu'il faut la faire.
08:30 Il faut la garder, la conserver.
08:32 Conserver aussi la mémoire de Malakoff.
08:35 - Ah, mais il est mignon !
08:37 Oh, mais il est mignon ! Très bien !
08:39 - Ah, mais il est mignon !
08:41 Oh, mais il est mignon ! Très bien !
08:43 C'était impossible !
08:45 - C'est bon, c'est bon. - Idiot, merde.

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