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Samedi 20 mai 2023, SMART @WORK reçoit Luc Wise (Fondateur, The Good Company) , Antoine Compin (Directeur Général, Manutan France) et Christine Durroux (Vice Présidente, Entreprise et Progrès)

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00:00 [Musique]
00:06 On poursuit cette discussion toujours en compagnie de Christine Duru, vice-présidente du think tank Entreprises et Progrès.
00:12 A ses côtés, Luc Weiss, bonjour.
00:14 Bonjour.
00:15 Vous êtes fondateur de The Good Company, une agence de communication responsable.
00:19 Et puis Antoine Campin, bonjour.
00:20 Bonjour.
00:21 Vous êtes directeur général de Manut en France.
00:24 Antoine, je vais commencer par vous.
00:26 On vient de parler avec Christine Longman de ces fameux critères ESG.
00:29 Comment est-ce que vous, vous les intégrez dans votre stratégie d'entreprise ?
00:32 Alors Manut En, nous sommes un distributeur de matériel aux entreprises, aux collectivités, aux artisans.
00:38 Les critères ESG vont matérialiser la stratégie RSE de notre entreprise.
00:42 Manut En a décrit sa mission comme étant entreprendre pour un monde meilleur.
00:46 On va s'appuyer sur trois piliers, des piliers environnementaux, des piliers sociaux, des piliers de business aussi.
00:53 Donc on va caractériser ça par des actions qui vont faire que nous allons avoir un impact sur l'environnement.
01:00 Donc nous allons travailler sur des produits éco-responsables.
01:03 Nous allons travailler sur, alors de manière plus personnelle, sur équiper de LED et relamper nos entrepôts.
01:10 Travailler sur des panneaux solaires partout dans les filiales en Europe.
01:13 On va avoir des actions très concrètes sur notre environnement.
01:16 Des actions très concrètes aussi sur la société.
01:19 On va s'adosser à des associations comme Sport dans la Ville, Mouv'J et ensuite Mouv'Ismanutan qui vont promouvoir des jeux d'entrepreneurs.
01:29 Donc il y a des actions sur la société.
01:31 Et puis business, parce qu'on est convaincu que c'est bien la symétrie des attentions qui va faire que nous allons aider, collaborer à ce que l'ensemble de notre écosystème, Christine en parlait, va s'épanouir et va performer aussi économiquement parlant.
01:46 Luc, vous quand vous avez fondé The Good Company, vous avez décidé que l'entreprise serait responsable de A à Z.
01:52 Est-ce que c'est plus simple d'intégrer tous ces enjeux-là quand on part from scratch ou, parce que je sais que vous accompagnez aussi des entreprises, d'engager des transformations ?
02:01 Je ne sais pas si c'est de A à Z. Je pense qu'au début on était peut-être de A à F et après de F à Z on apprend en marchant.
02:07 Je pense que ça c'est hyper important.
02:09 C'est-à-dire que personne n'est parfait et c'est l'apprentissage.
02:12 On apprend des choses en marchant et une des raisons pour lesquelles on a créé The Good Company c'est aussi pour apprendre.
02:16 On était des communicants qui s'intéressaient au monde autour de nous, l'environnement, la société et on a envie de mieux faire.
02:23 Alors du coup on s'est mis en marche.
02:25 Est-ce que c'est plus facile ou plus difficile ?
02:27 Au début je me disais c'est plus difficile pour nous parce que je me disais, contrairement à des grandes entreprises, je n'ai pas une équipe RSE qui a fait ça à longueur de journée.
02:35 Donc je vais forcément prendre du retard par rapport à mes concurrents, par rapport à d'autres parce que je n'ai pas le temps nécessaire, le temps personne nécessaire pour faire ça.
02:44 Et en fait on se rend compte que quand même quand on fait ça à la base, même si on n'a jamais eu de pôle RSE puisque tout le monde est RSE, on va plus vite quand même.
02:54 Parce que toute l'entreprise est engagée dans cette démarche.
02:57 On s'appelle The Good Company donc si les gens viennent chez nous c'est pas complètement un hasard.
03:01 Ils ont déjà une appétence pour ça et je me rends compte que oui c'est plus facile.
03:06 Au début je me faisais un peu des complexes en me disant je suis quand même face à des grandes entreprises qui ont des dizaines voire des centaines de personnes qui ne s'occupent que des sujets RSE.
03:16 Et puis je me suis rendu compte que oui, des grandes entreprises ont des départements RSE mais souvent ils sont peu à la marge.
03:22 Ça c'est en train de changer mais c'est quelque chose en plus.
03:24 Alors que si on met le RSE au cœur, c'est vrai que tout le monde est embarqué et toutes les décisions d'entreprise sont basées là dedans.
03:31 Donc au tout début c'était dur et je me suis dit franchement non mais avec le temps je me dis que oui c'est plus facile de partir d'une feuille blanche ou verte ou peu importe d'ailleurs.
03:40 Christine, vous observez une différence entre les grandes entreprises et les ETI, PME ? Est-ce qu'il y en a pour qui c'est plus simple que d'autres ?
03:47 Alors plusieurs choses. Alors oui il y a des différences. Déjà c'est vrai que quand on démarre avec l'Impact ou le CSR au cœur, c'est effectivement plus facile parce qu'on n'a pas de transformation à faire.
04:00 Quand on a un héritage, moi je fais tout le temps, à une époque on parlait beaucoup des digitales natifs. Aujourd'hui on est Impact natif ou pas.
04:07 Pour les Impact natifs c'est juste plus facile de venir à Impact Raven.
04:11 Pour les autres, typiquement c'est difficile pour les ETI ou surtout les PME parce que c'est vrai qu'elles sont très lean, elles n'ont pas d'équipe.
04:20 Il y a d'ailleurs plein d'initiatives qui les aident aujourd'hui. La BPI fait plein d'initiatives etc.
04:25 Pour les grosses c'est très variable selon deux choses, leur secteur d'activité.
04:30 Il y en a pour qui naturellement aller vers l'Impact ou le CSR, ça va être immédiatement un facteur de performance ou de développement.
04:39 Celle pour qui c'est plus marginal, c'est un peu compliqué, ça va être un peu une question de gouvernance.
04:44 C'est-à-dire qu'est-ce qu'il y a à la tête des gens qui sont convaincus qu'il faut aller vers là ou pas.
04:48 Je pense que c'est peut-être pour elles que c'est le plus compliqué.
04:51 J'ai une ETI à ma gauche, alors je me tourne vers vous Antoine.
04:55 Par quoi est-ce qu'on attaque un chantier comme celui-là ?
04:59 Parce qu'effectivement quand on n'est pas CSR natif, pour reprendre les termes de Christine, il faut bien engager le chantier mais par quoi on commence ?
05:07 Effectivement Manutan est une ETI, 2200 personnes partout en Europe.
05:12 Je pense que déjà ça doit être porté, et c'est le cas chez Manutan, au plus haut niveau de l'entreprise, comme étant vraiment la mission que l'entreprise se donne.
05:21 S'équiper aussi de ressources et notamment d'une directrice de l'ARSE directement rattachée au patron de l'entreprise, c'est un marqueur.
05:31 Après j'ai envie de dire, ce qu'on regarde c'est comment est-ce qu'on peut contribuer à notre écosystème.
05:37 On regarde rapidement nos clients, nos fournisseurs et nos collaborateurs, et c'est par là qu'on démarre.
05:43 Quand les clients eux-mêmes, qui sont toute typologie d'entreprise, nous sollicitent et ont des niveaux d'exigence sur ces sujets-là qui sont de plus en plus élevés,
05:52 on les accompagne. Ça nous oblige par exemple, nos très grandes entreprises travaillent généralement par des appels d'offres et choisissent leurs fournisseurs par des appels d'offres.
06:02 Ils doivent s'assurer du respect des chartes éthiques, être rassurés sur la gestion de leurs risques.
06:07 Et donc dans ces appels d'offres, on constate de plus en plus que les critères en lien avec l'ARSE et la stratégie de chacun des fournisseurs qui vont répondre à ces appels d'offres,
06:17 ces critères-là sont de plus en plus importants dans la note finale. Preuve en est que nos clients attendent de plus en plus que leurs partenaires inscrivent dans leur stratégie
06:27 quelque chose qui correspond à leurs obligations. Il y a une réglementation qui flèche quand même beaucoup une belle trajectoire d'impact sur l'environnement.
06:35 Ça se traduit par des appels d'offres. Donc ça signifie que si vous voulez avoir le droit de citer et on l'espère, on se bat pour remporter ces appels d'offres,
06:43 il faut que vous soyez en mesure d'accompagner ces exigences. Je pense que c'est par là qu'on peut commencer. On le fait aussi en accompagnant nos fournisseurs,
06:50 parce que c'est sur l'ensemble des écosystèmes, on partage avec eux les exigences de nos clients. Donc on les aide aussi, on les accompagne et on se challenge mutuellement.
06:57 Et puis il y a évidemment un impact sur nos collaborateurs. Vous le disiez tout à l'heure Christine, qui participent aussi à la vie de l'entreprise,
07:03 qui ont besoin de se sentir impliqués, d'avoir leurs propres impacts. Nos collaborateurs sont aussi des impacts négatifs.
07:10 Donc c'est sur ces trois items-là, je pense, par lesquels on doit démarrer et puis en accompagnant notre marché. Je pense que c'est le plus important.
07:17 Sur le choix des fournisseurs, Luc, c'est quelque chose que vous regardez. Par exemple, aujourd'hui, comment est-ce que vous faites un choix ?
07:23 Il y a certains secteurs que vous les éliminez d'office ou des gens avec qui vous n'allez pas travailler parce qu'ils ne sont pas CSR compatibles ?
07:29 Il y a les clients et puis il y a les fournisseurs. Il y a les deux. Alors nous, on a une liste d'exclusion de ces secteurs.
07:34 Oui, pour les clients, parce que quand on s'appelle The Good Company, il me semble important de "walk the talk".
07:40 Donc il y a six secteurs pour lesquels on s'est engagé dès notre démarrage de ne pas travailler avec des annonceurs issus de ces secteurs-là.
07:49 C'est les énergies fossiles, c'est la pornographie, c'est tout ce qui produit phytosanitaire. Donc voilà, ça c'est une liste d'exclusion.
07:56 Alors après, chacun fait comme il veut, mais nous, notre positionnement est celui-là. Et après, en réalité, il y a quelques acteurs faux goods, on va dire,
08:04 qui sont assez évidemment faux goods. Et encore que, parfois, quand on gratte un peu, on se rend compte que les choses sont peut-être un peu moins belles et parfaites
08:12 qu'elles peuvent avoir l'air dans les relations presses. C'est l'image qu'on se donne, la vitrine. Et puis je pense que les marques et les entreprises, c'est comme les personnes.
08:18 Et d'ailleurs, les entreprises sont constituées de personnes et souvent, il y a beaucoup de nuances. Les personnes et parfaits, il y a un peu de tout.
08:25 Et là, en fonction du brief qui nous est présenté, s'il nous semble sincère, s'il s'inscrit dans une trajectoire de mieux, de progression, même si tout n'est pas parfait,
08:35 si on sent qu'il y a envie de l'annonceur, du client de faire un petit bout de chemin avec nous dans la bonne direction, on va plutôt accepter de travailler avec ce client-là.
08:46 Et puis parfois, on n'est pas d'accord entre nous, si ça arrive, parce qu'aujourd'hui, on a une trentaine. Donc j'essaie aussi de faire rentrer la démocratie dans l'entreprise.
08:54 On est une coopérative. Donc tout le monde est actionnaire de Good Company. Et donc parfois, il se pose des questions. On a des clients du secteur, par exemple, des mobilités, l'automobile, la grande distribution.
09:05 Ou c'est pas noir ou blanc, parce que les gens ont besoin de la grande distribution. Aujourd'hui, ils ont besoin des voitures. Ils ont besoin d'une solution de mobilité.
09:12 Donc c'est facile de jeter l'anathème sur ces gens-là. Mais en même temps, en général, on les utilise. Donc on est parfois un peu schizophrène.
09:20 Et donc parfois, on a des débats. Et parfois, on le met au vote. On décide au vote si on a envie de travailler avec ce client ou pas.
09:27 En revanche, je ne divulgue jamais le nom d'un client, parce que je trouve ça, c'est pas élégant. Et puis chacun fait ce qu'il souhaite.
09:33 Mais en revanche, oui, on dit non pas mal à des annonceurs qui nous sollicitent.
09:39 — Je me posais la question de la mesure, Christine. J'ai lisé. Il y a beaucoup de chiffres sur notamment la mesure de l'impact carbone ou de l'empreinte carbone.
09:48 Il y a 72% des dirigeants qui affirment avoir réduit leurs émissions. Mais en même temps, il n'y en a que 35% qui ont évalué leur empreinte carbone.
09:58 Alors à un moment, il faut bien qu'on s'appuie sur de la data, quand même. Cette data, aujourd'hui, elle doit être au service des objectifs RSE.
10:05 — Oui. Pour le coup, il va y avoir... Là, aujourd'hui, c'est vraiment en train d'être mis en place. Il y a une question de... Il y a les fameux 3 scopes.
10:11 Il y a ce que je mentionnais, justement, que ce soit l'ISSB... Aujourd'hui, les financiers commencent à prendre ça, commencent à mesurer. C'est en cours. Il y a un décalage.
10:22 Moi, je suis quelqu'un de fondamentalement optimiste. On est encore en chemin. Donc je pense que les activités... Là, c'est vraiment... On est très vite à soupçonner.
10:32 En fait, pour moi, le soupçon sur l'intention est un problème. Je pense que fondamentalement, les entreprises ne sont pas ou plus vraiment cyniques.
10:40 Les cyniques, aujourd'hui, sont montrés du doigt. Quand vous regardez... Je crois qu'il y a 2 semaines, The Economist qui est quand même... Disait même aujourd'hui...
10:48 En fait, s'ils voulaient être non-CSR-friendly en termes de fonds, y compris aux États-Unis, vous vous mettez... En fait, vous allez être plombés, parce que la société va dans ce sens-là.
10:58 Donc je pense aujourd'hui, par rapport à ça, il y a de la mesure. C'est encore en chemin. Il y a des décalages entre les déclarations et l'action.
11:06 Mais on est sur un bon chemin, parce que de toute façon, la société va là-dessus. En tout cas, dans les sociétés occidentales. En tout cas.
11:14 — Antoine, vous mesurez vos émissions carbone ? — Alors je rejoins complètement Christine. La mesure va arriver, va se standardiser. Et j'ai envie de dire que c'est presque...
11:24 Sans avoir la mesure, c'est pas pour ça qu'on ne peut pas agir. Donc il y a des actions qui sont déjà menées. Et puis au fur et à mesure, on voit,
11:31 notamment dans les 3 scopes d'émissions d'empreintes carbone dont parlait Christine, il y a ce fameux scope 3, qui représente quand même 80% de l'ensemble.
11:39 Donc c'est pas anodin. Et qui correspond aux émissions indirectes. Et il se trouve que, Manu Tan, en tant que distributeur de matériel aux entreprises,
11:46 nous rentrons typiquement dans les 80% d'émissions de carbone de nos clients entreprises. Donc il y a tout intérêt à améliorer sa copie, si on veut effectivement
11:56 pouvoir présenter une déclaration extra-financière qui va s'améliorer. Puisque l'idée n'est pas tant d'avoir la mesure, c'est une première étape, mais surtout
12:03 d'aller l'améliorer par des actions. Donc ce que l'on propose aujourd'hui à nos clients, c'est notamment au travers de 2 choses dont j'ai parlé aujourd'hui.
12:11 C'est la première des produits écoresponsables. Donc ce que nous souhaitons, c'est proposer à nos clients des produits dont ils vont savoir qu'ils ont un impact positif
12:19 sur leur empreinte carbone et leur environnement. Ce sont des produits qu'ils vont acheter. Donc c'est traduit par un petit logo que vous avez sur le site avec une main verte
12:28 et une petite feuille. Et ces produits-là sont soit des produits qui sont écolabilisés, soit des produits qui comportent au moins 25% de matières recyclées, soit des produits
12:36 de seconde main. Donc au travers de ces produits-là, en choisissant ces produits-là, vous savez que vous contribuez positivement à votre empreinte environnementale.
12:46 - On appelle les achats responsables ? - Ça fait partie d'achats responsables quand on se dirige vers des achats qui vont favoriser l'environnement.
12:53 Et puis la deuxième chose dont j'ai envie de vous parler, c'est l'économie circulaire, qui est un petit peu en contraction avec l'économie linéaire que tout le monde connaissait.
13:02 Je fais une extraction de matières premières, j'industrialise un produit, je le transporte et je l'utilise. Et puis une fois qu'il est utilisé, potentiellement je le jette,
13:09 au mieux je le recycle. L'économie circulaire va chercher d'abord à rendre des produits éco-conçus. Éco-conçus pourquoi ? Parce qu'ils vont pouvoir être mieux gérés
13:17 dans leur seconde vie et vont pouvoir être réutilisés, recyclés, revendus. Donc ce que l'on propose à nos clients aujourd'hui, puisque nous l'avons appliqué à nous-mêmes,
13:26 c'est de collecter du matériel, notamment du matériel informatique. C'est un service que l'on propose à nos clients. 130 tonnes de matériel informatique collectées par Manutan
13:34 en 2022 l'année dernière, c'est colossal. Et 11 000 tonnes de CO2 sauvées par cette collecte. Et ces produits collectés sont encore une fois soit réutilisés, revendus,
13:44 soit recyclés, soit donnés potentiellement. Donc il y a encore une fois un cercle très vertueux qui compte, parce qu'à la fin on vous remet une certification
13:53 sur la tonne de CO2 que vous aurez sauvée. Ça compte pour les entreprises, ça compte pour l'écosystème. Je pense que c'est extrêmement vertueux d'aller sur ce type de produit-là
14:03 c'est effectivement ce qu'on appelle les achats responsables.
14:06 Sur les achats responsables, vous estimez que c'est un levier aujourd'hui, Luc ?
14:10 Complètement, je pense que tout est un levier. Et tout doit être un levier. Aujourd'hui on achète de manière responsable tout ce qui est papeterie par exemple.
14:17 On conçoit de manière responsable aussi. Il y a quelque chose que nous aussi dans le métier qui est la communication, c'est le scope 3 qui pose question.
14:25 D'ailleurs nous on fait notre pile en carbone tous les ans. 99% c'est le scope 3. Et c'est surtout les productions, et notamment les productions audiovisuelles qu'on fait pour nos clients.
14:36 C'est les grandes productions audiovisuelles. Et donc un de nos engagements en termes d'achat, c'est d'acheter de la production qu'en Europe et qu'accessible par train.
14:44 Donc concrètement, historiquement, l'industrie publicitaire délocalisait les tournages en Afrique du Sud, en Argentine, en Australie,
14:52 parce qu'il y avait beaucoup de soleil déjà. On est garanti d'avoir du soleil contrairement à la pluie qu'il y a aujourd'hui.
14:58 J'ai vu le parapluie d'Antoine. Mais aussi pour avoir une main d'oeuvre pas chère.
15:03 Et nous on s'est engagé à faire des choses vraiment dans les pays limitrophes de la France.
15:08 J'apprends. La première grande production qu'on a fait c'était pour CNP Assurance. Au début la boîte de production souhaitait le faire en Estonie.
15:17 Parce qu'il avait le réflexe de proposer le meilleur rapport qualité-prix et rapport aussi prix-travail.
15:23 C'est-à-dire que les gens en Estonie peuvent travailler des journées plus longues qu'en France ou en Belgique par exemple.
15:27 Et je me suis battu pour que le producteur, il nous a suivi, fasse ce film publicitaire pour CNP Assurance au même prix et en Belgique.
15:36 Et on a réduit par 4 le bilan carbone. Donc plutôt que se faire un tournage à 24 tonnes, c'est un tournage à 6 tonnes.
15:44 Et donc ça m'a permis moi, un peu néophyte, je pense que dans ces métiers il faut avoir beaucoup d'humilité en apprenant en marchant.
15:52 Et j'ai compris, ok 24 tonnes c'est un tournage en Estonie, mais si je le fais en Belgique ou en France c'est 6 tonnes, donc c'est 4 fois moins.
15:59 Donc déjà j'ai diminué mon impact par 4. Et si je fais ça systématiquement, ça peut avoir un impact.
16:04 Alors c'est mon colibri à moi. Mais c'est important et je trouve qu'il y a un truc hyper important, et vous le disiez les uns les autres,
16:11 c'est que là par exemple, moi je baigne un peu dedans depuis quelques années maintenant, je suis président de Good Company,
16:17 mais quand on m'invite c'est très gentiment, ESG, je me dis qu'un des problèmes qu'on a tous c'est aussi de sortir, vous posiez la question tout à l'heure Aurélie,
16:26 de comment commencer. Et je pense qu'un des trucs c'est de sortir un peu de la novlangue aussi, de la RSE, de l'ESG, de l'ISR.
16:34 En plus ISR, ISF, RSE, RSA, il n'y a qu'un pas, tout ça ce n'est pas des vocabulaires qui donnent très envie.
16:41 Et je pense qu'il faut aussi dire aux entreprises, aux entrepreneurs que c'est simple, que finalement mesurer sa performance extra financière,
16:48 oui on peut le faire à l'Emmanuel Faber, K40, mais aussi on peut le faire à son modeste niveau.
16:54 On peut se dire que, pour moi l'entreprise responsable c'est une entreprise qui se pose la question de c'est quoi la réussite.
17:00 Et si la réussite c'est qu'une réussite financière, vous n'êtes pas une entreprise responsable.
17:05 Si vous dites la réussite d'une entreprise c'est bien sûr l'argent, l'économique, mais aussi c'est les gens avec qui je travaille,
17:12 en interne, mes prestataires, mes clients, et c'est aussi l'environnement, mon environnement de travail, mon environnement plus large,
17:17 alors vous êtes une entreprise responsable. Et finalement les mesures ESG, c'est juste des critères pour mesurer finalement une performance
17:26 qui n'est pas une performance purement économique. Donc ça peut être des choses très simples.
17:30 Aujourd'hui un bilan carbone, on en parlait, ça coûte quelques milliers d'euros, il y a des prestataires très reconnus qui ont pignon sur rue,
17:37 nous ça nous coûte 2000 euros par an pour mesurer notre bilan carbone. C'est un exemple écologique.
17:42 Un exemple social, comme j'ai une entreprise qui marche plutôt bien, on me demande, la première question qu'on me pose toujours c'est
17:47 "Ah ça marche bien, vous êtes combien ?" C'est gentil quand on me pose la question de "Vous êtes combien ?"
17:51 Mais c'est quantitatif, j'aimerais bien qu'on me pose la question de "Est-ce que les gens sont heureux chez toi ? Est-ce qu'ils trouvent du sens dans leur travail ?
17:57 Est-ce qu'ils sont bien rémunérés ?" Et pour ça c'est assez facile à mesurer aussi, sans faire des choses très compliquées.
18:02 On peut faire un sondage, on peut faire un sondage "Best Place to Work" pour comprendre si les gens sont heureux dans leur travail.
18:07 Ça c'est un critère extra-financier, c'est notre mesure. Si je sais que 98% de mes équipes sont heureux au travail,
18:14 c'est une mesure extra-financière qui est très simple et que tous les PME, tous les bénéficiaires de ces pays peuvent mettre en place.
18:21 Et donc je pense qu'il faut qu'on arrive aussi à vulgariser tout ça pour que les salariés, les entrepreneurs, les chefs d'entreprise, les patrons, les patronnes,
18:29 se disent "Ah bah oui, c'est pas si compliqué que ça, c'est pas qu'un débat d'initiés". Et on met beaucoup d'acronymes, "C'est très compliqué"
18:35 mais en réalité, une fois que vous avez compris que oui, en plus d'avoir la performance du PNL, il peut y avoir une performance qui est
18:41 "Je mesure mon bilan carbone et j'essaie de le réduire et ça me coûte 2000 euros par an". C'est pas la fin du monde.
18:47 C'est pas si compliqué que ça Antoine ?
18:48 Oui, c'est pas si compliqué que ça.
18:50 En tout cas, ce qui n'est pas compliqué, c'est de porter le sujet et d'en avoir les intentions. Ça c'est une première chose.
18:56 Quand Manutan dit "Objectif 2050 net zéro", quand on dit "On s'engage en signant proactivement FRED21 pour réduire de 7% l'empreinte carbone liée à ces transports".
19:07 Encore une fois, en tant que distributeur, on utilise aussi beaucoup de supply chain. Ça ce sont des intentions.
19:13 Ce qui est très important, c'est que vos intentions aient toute transparence, soient suivies d'actions.
19:17 Sinon, vous faites beaucoup de déclarations mais qui ne sont pas suivies par des faits.
19:21 Donc bien évidemment, on doit mettre l'ensemble de la société, notre société, nos collaborateurs à disposition de ces critères-là qui nous semblent
19:29 être importants parce qu'on les porte et parce que ce sont les convictions de l'entreprise.
19:33 Et ce qui est important aussi, et ce n'est pas compliqué, à partir du moment où on a vraiment la volonté, on doit s'enturer des bons partenaires.
19:40 Nous expliquons à nos fournisseurs là où nous allons, nos intentions, nos objectifs.
19:45 Nous expliquons à nos clients ce que nous faisons et nous faisons en sorte que ce triptyque collaborateur de l'entreprise Manutan,
19:51 à qui on propose une enquête "Green Place to Work" tous les ans pour s'assurer de leur épanouissement,
19:55 nos fournisseurs que l'on interroge régulièrement pour savoir si eux également sont satisfaits de la relation que nous avons avec eux
20:02 et nos clients pour savoir si la qualité de la prestation que l'on délivre correspond à leurs attentes.
20:06 On fait en sorte de rassembler ces trois piliers d'acteurs pour faire en sorte que nos objectifs et nos intentions soient atteints.
20:14 Donc non, ce n'est pas compliqué. À partir du moment où c'est porté, à partir du moment où il y a un engagement, on sait que nous devons tous aller dans cette direction.
20:22 La difficulté je pense est plus dans la volonté que dans la technicité.
20:27 "Where there is a will, there is a way". Et je pense qu'un truc qu'on doit faire tous, c'est de vulgariser un peu ça pour que tous les patrons et patronnes d'entreprise...
20:35 Moi il y a un truc qui m'a frappé, et j'étais très déprimé quand j'ai lu ça, il y avait une étude je crois qui est faite par l'Observatoire des entreprises à mission l'année dernière
20:43 qui montrait qu'une très petite partie des entrepreneurs et entrepreneurs en France comprenait, savait ce que c'était le colmo RSE.
20:52 Encore moins la loi Pacte. 20%, 10% enfin. Et sur le coup ça m'a déprimé.
20:58 Et après je me suis dit non, en fait c'est pas grave, c'est pas important qu'ils connaissent la loi Pacte ou qu'ils savent ce que veut dire RSE techniquement.
21:05 Ce qui est important c'est qu'ils se disent humainement, mon entreprise elle sert à autre chose qu'à juste faire de l'argent.
21:11 Oui je veux faire de l'argent, mais je veux aussi mesurer et faire en sorte que les gens avec qui je travaille, mes collaborateurs, mes partenaires, mes clients
21:20 et aussi l'environnement soit bien traité aussi et que je conjugue ces deux formes de performances là.
21:25 Et ça je pense que ça peut parler à tout le monde. Je pense que la plupart des entrepreneurs en France quand ils se réveillent le matin ou les salariés
21:31 ne se disent pas je vais aller au boulot juste pour faire du pognon. Ils se disent je vais faire du pognon mais je veux aussi trouver un sens,
21:36 être bien avec les gens avec qui je bosse, faire un peu gaffe à mes déchets. Et c'est ça qu'il faut qu'on arrive je pense à faire.
21:42 Je crois que ça s'inscrit complètement dans la recherche de sens aussi qui aujourd'hui touche l'ensemble des collaborateurs Christine.
21:48 Oui absolument. J'ai écouté Luke parler de la question de la réussite et Antoine parler de ce qu'il fait chez Manutan.
21:56 En fait j'étais en train de penser, encore une fois entreprise et progrès, il y a la question du progrès. Le progrès c'est quoi ?
22:02 Le progrès c'est pas toujours produire plus, gagner plus d'argent. La question c'est une entreprise, c'est un objet social, ce sont des gens qui se mettent ensemble
22:09 pour faire progresser l'humanité. Donc en fait il faut peut-être revenir à ça tout simplement.
22:14 Et donc ce qu'on veut faire par toutes ces normes, qui je suis d'accord il faudrait simplifier un petit peu, c'est juste que l'entreprise,
22:21 les gens qui se mettent ensemble pour entreprendre, ils s'inscrivent dans une démarche de progrès qui est évidemment en construction.
22:28 Merci beaucoup à tous les trois pour vos éclairages. Christine Duroux, vice-présidente du Think Tank Entreprise et Progrès et senior partner
22:34 au sein du cabinet Ziar Khan, Luke Wise, fondateur de The Good Company et Antoine Compin, directeur général de Manutan France.
22:40 France. On se retrouve bien sûr le mois prochain pour un nouveau numéro de Smart at Work.
22:43 -OK.

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