Virginie Girod nous raconte l'amour courtois au Moyen-Âge.
Retrouvez "Mes aïeux quelle époque !" sur : http://www.europe1.fr/emissions/mes-aieux-quelle-epoque
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00:00 - Oh mes aïeux, quelle époque ! Une époque et même plusieurs qu'on vous raconte chaque jour pendant deux heures
00:07 toujours avec Jean-Luc Lemoyne, David Casse-Lopez qu'on retrouve tout de suite et maintenant avec vous Virginie Giraud, notre historienne des mœurs.
00:14 Ça s'est passé dans le passé, on remonte très haut dans le temps, dans les années
00:18 1170 au moment où l'amour courtois est à la mode à la cour d'Aliénor d'Aquitaine.
00:24 - Oui, aujourd'hui je vous emmène en Aquitaine à la cour de la duchesse Aliénor et de sa fille Marie de Champagne à la fin des années
00:31 1170. A ce moment-là Aliénor d'Aquitaine entretient plusieurs auteurs dont
00:37 Chrétien de Troyes qui a écrit "Le chevalier de la charrette". C'est l'histoire de Lancelot qui est amoureux de la reine Guenièvre,
00:43 la femme du roi Arthur, mais il ne se passera rien parce que c'est un roman d'amour courtois.
00:49 - Si, je comprends bien, l'amour courtois c'est l'art de jamais pécho.
00:52 - Voilà, vous avez tout compris Jean-Luc. D'ailleurs l'expression d'amour courtois ne date pas du Moyen-Âge.
00:58 C'est l'historien du Collège de France Gaston Paris qui emploie cette expression pour la première fois en
01:04 1883. Au Moyen-Âge on parle de finamore, de l'amour pur.
01:10 C'est un style littéraire inventé par les troubadours et les troubadouresses qui se développent à partir du
01:16 XIe siècle, d'abord en Aquitaine et en Provence, puis qui se diffuse vers le nord jusqu'en Allemagne actuelle.
01:23 - Un style qui met toujours en scène le même genre d'histoire comme Lancelot et Guenièvre.
01:27 - Exactement Stéphane. Le motif du finamore est le suivant. Un jeune chevalier soupira d'amour pour sa dame,
01:33 une femme mariée à un seigneur plus haut placé que lui dans la hiérarchie sociale.
01:37 Cet amour peut être d'ailleurs partagé par la dame. Les deux amants peuvent se tourner autour,
01:44 soupirer, faire des crises, s'envoyer des lettres
01:47 enflammées comme celle qu'écrivait la comtesse Béatrice de Dix, épouse de Guillaume de Poitiers. Mais je résiste pas à l'envie de vous en lire un extrait.
01:54 "Je voudrais bien tenir nu mon chevalier un soir entre mes bras, bel ami, agréable et charmant.
02:02 Quand vous tiendrai-je en mon pouvoir ?
02:05 Quel soir coucherai-je avec vous et vous donnerai-je un baiser d'amour ?
02:10 Sachez-le, j'aurais grand désir de vous tenir à la place du mari."
02:13 Eh bien la dame...
02:16 - Ah bah dis donc, quand même...
02:18 - Vas-y...
02:20 - C'est du rêve, David. Elle rêve, ouais.
02:22 - Eh bien figurez-vous que la dame peut tout à fait écrire ce genre de lettres puisque tant que le désir n'est pas consommé, ce n'est
02:29 absolument pas grave. Le plus loin où on puisse aller c'est se cacher dans un coin du château pour dévoiler un bout de cheville
02:36 au chevalier et ça c'est jamais suffisant pour être accusé d'adultère. - Mais c'est très frustrant l'amour courtois.
02:42 - Précisément, c'est fait pour. Le fin amour est une érotique de la maîtrise du désir.
02:47 Il glorifie la mesure et le contentement amoureux, pas la luxure. Et puis il y a une dimension sociale qu'il ne faut pas négliger.
02:55 En fait, la dame elle sert pas à grand chose dans l'histoire. Le fin amour parle aussi du désir d'ascension sociale du chevalier
03:02 qui vise une femme hors de sa portée. Il honore ainsi son suzerain et montre qu'il rêverait d'être à sa place.
03:09 Mais il y a autre chose. La maîtrise des codes de l'amour courtois prouve que vous appartenez à l'élite.
03:17 - Oui, bon, aujourd'hui c'est dur la femme d'un autre, sans pécho, c'est plutôt un truc de loseur qui n'a rien de chevaleresque.
03:23 - Eh oui, mais au Moyen-Âge, la maîtrise du désir qui trouve un débouché dans l'expression théâtrale
03:28 des sentiments est le propre d'une certaine aristocratie. Il n'est pas question de conclure dans le foin.
03:33 Je reprends l'expression de l'historien Michel Zinc, "Qui n'est pas courtois est vilain". Et un vilain au Moyen-Âge, c'est un paysan.
03:41 Les histoires de fin amour font fureur à la cour d'Aliénor d'Aquitaine et, évidemment,
03:46 les mauvaises langues lui reprochent d'avoir des relations adultères avec les troubadours qu'elle finance.
03:51 On lui prête notamment une relation avec le poète Bernard de Ventadour.
03:55 C'est certainement faux et l'objectif de ces ragots était de salir sa réputation.
04:00 C'est une constante dans l'histoire des femmes, quand on veut nuire à une femme, on lui prête des amants.
04:05 Mais il faut bien comprendre qu'Aliénor d'Aquitaine est une femme de son époque et, si elle s'est adonnée elle-même au fin amour,
04:11 elle pouvait trouver son plaisir dans le sentiment amoureux en lui-même et dans l'attente d'un désir jamais assouvi.
04:19 D'ailleurs, ce principe est partagé à d'autres époques par tous les amateurs d'érotisme.
04:24 Vous connaissez certainement cet aphorisme qu'on prête à Georges Clemenceau.
04:30 Le meilleur moment dans l'amour, c'est quand on monte l'escalier.
04:33 - Absolument, merci beaucoup Virginie. Mais aïeux, quelle époque !
04:36 À défaut de vous écrire des lettres d'amour courtois, Virginie, on peut écouter votre podcast sur Aliénor d'Aquitaine.
04:42 - Bien sûr, et on ne se limitera pas à sa cour. On la suivra en croisade auprès de ses deux maris, le roi de France Louis VII,
04:49 puis le roi d'Angleterre Henri II Plantagenet. Vous allez voir comment cette femme, qui n'était pas une grande romantique d'ailleurs,
04:55 a participé à la politique européenne en plein coeur du Moyen-Âge.
04:59 - Parfait, on va écouter ça. C'est donc à retrouver dans "Au coeur de l'histoire" sur l'appli Europe 1, le site europe1.fr ou votre application de podcast préférée.
05:07 Merci beaucoup Virginie.